Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-19.449
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Y...
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Sur le pourvoi formé par M. Jean Y..., demeurant ...,
en cassation de l'arrêt rendu le 29 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :
1 / de la société Siremballage, dont le siège est ...,
2 / de la société Beillard, dont le siège est ...,
3 / de la société Blancomme, dont le siège est ...,
4 / de la société Bodet, dont le siège est ...,
5 / de la société Cartonneries de Gravelines, dont le siège est ...,
6 / de la société Cartonneries nouvelles de Champagne, dont le siège est ...,
7 / de la société Colin, dont le siège est ...,
8 / de la société Comaip, dont le siège est ...,
9 / de Mme Armelle X..., prise ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dix sur dix, dont le siège est ...,
10 / de la société Gazechim, dont le siège est ...,
11 / de la société Lambert Z..., dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., de Me Hemery, avocat des sociétés Siremballage, Beillard, Blancomme, Bodet, Cartonneries de Gravelines, Cartonneries nouvelles de Champagne, Colin, Comaip, de Mme X..., ès qualités, des sociétés Gazechim et Lambert Z..., les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le second moyen, réunis :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 29 mai 1998) et les productions, que, par acte du 4 octobre 1963, M. Y... s'est porté caution solidaire de la société Y... (la société), dont il était le gérant, envers "l'un quelconque des assurés de la Société française d'assurances pour favoriser le crédit SFAC" en raison de livraisons de marchandises effectuées ou à effectuer ; que, le 23 juin 1990, il a cédé ses parts dans le capital de la société et démissionné de ses fonctions de gérant ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la débitrice principale, diverses sociétés ont assigné M. Y... en paiement ;
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir dit valide et non caduc son cautionnement et de l'avoir en conséquence condamné à payer à la société Siremballage la somme de 5 085,87 francs, à la société Cartonneries nouvelles de Champagne la somme de 3 287,45 francs, à Mme X..., liquidateur judiciaire de la société Dix sur dix, la somme de 5 597,75 francs, à la société Beillard la somme de 38 971,96 francs, à la société Bodet la somme de 3 088,26 francs, à la société Colin la somme de 1 168,21 francs, à la société Lambert Z... la somme de 1 363,90 francs avec intérêts à compter du 7 juin 1994, date de mise en demeure, à la société Cartonneries de Gravelines la somme de 19 236,41 francs, à la société Blancomme la somme de 30 592,14 francs, à la société Comaip la somme de 253 036,64 francs et à la société Gazechim la somme de 455 767,46 francs avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 février 1995, alors, selon le moyen :
1 / que l'expiration du délai d'acceptation prévu dans l'offre rend celle-ci caduque ; qu'ayant relevé, d'une part, que l'acte du 4 octobre 1963 énonçait que M. Y... ne s'engageait qu'eu égard à ses intérêts commerciaux dans la société Y... et compagnie, d'autre part, qu'à compter du 23 juin 1990, date à laquelle il a démissionné de ses fonctions de gérant et cédé l'intégralité de ses parts sociales, ce dernier n'avait plus d'intérêts commerciaux dans ladite société, ce dont il résulte que la simple offre de cautionnement de M. Y..., expressément liée à l'existence d'intérêts commerciaux de ce dernier dans la société, était devenue caduque le 23 juin 1990, la cour d'appel ne pouvait retenir que les sociétés avaient valablement accepté cette offre sans préciser à
quelle date cette acceptation, contestée, était intervenue ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 2011 du Code civil ;
2 / que les décisions de justice doivent, à peine de nullité, être motivées ; que dès lors que l'existence d'une acceptation de son offre était expressément contestée par M. Y..., la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que les sociétés ont valablement accepté les termes de l'engagement de M. Y... ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation, la cour d'appel, qui ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences des articles 455 et 458, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;
que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ;
qu'en statuant comme elle a fait, sans répondre aux conclusions de M. Y... qui soutenait à titre subsidiaire, pour le cas où la cour d'appel viendrait à considérer le cautionnement valablement formé, d'une part, que figurait à l'acte de 1963 un terme extinctif pris de la disparition des intérêts commerciaux de M. Y... dans la société Y... et compagnie, d'autre part, que cette disparition était intervenue le 23 juin 1990, date à laquelle il avait à la fois démissionné de ses fonctions de gérant et cédé l'intégralité de ses parts sociales, et qu'en conséquence, les dettes des sociétés créancières, nées après cette date, n'étaient pas couvertes par le cautionnement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que les sociétés créancières ont engagé des poursuites judiciaires, faisant ainsi ressortir que celles-ci avaient accepté l'engagement de la caution ;
qu'ainsi, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que si M. Y..., gérant de la société, s'est engagé "eu égard à ses intérêts commerciaux", sa démission en juin 1990 et la cession de ses parts sociales ne signifient pas qu'il avait la volonté expresse de se dégager de son engagement de 1963, que, dans l'acte de cession de parts sociales, il n'est instauré à titre de clause suspensive que la remise d'une mainlevée des cautions personnelles délivrées par M. Y... au profit d'établissements financiers dans le cadre des crédits accordés à la société Y... tandis qu'aucune clause ne vise la dénonciation du cautionnement litigieux, étant observé que le texte de l'acte ne prévoit pas que l'engagement ne porterait que sur les dettes nées pendant l'exercice des fonctions de gérant par M. Y... ; que la cour d'appel, qui en a déduit que la caution ne saurait prétendre que sa seule démission et la cession des parts sociales l'auraient exonérée d'un engagement devenu caduc, a, par là même, répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées par la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer aux sociétés Siremballage, Beillard, Blancomme, Bodet, Cartonneries de Gravelines, Cartonneries nouvelles de Champagne, Colin, Comaip, Gazechim et Lambert Z... et à Mme X..., ès qualités, une somme globale de 1 500 euros ;