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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 7 octobre 2025, n° 25/00713

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/00713

7 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DC

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00713 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W7WO

AFFAIRE :

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

C/

S.A.S. BLUE EYES OPTICAL

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Janvier 2025 par le Juge commissaire de [Localité 8]

N° RG : 2024M06309

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Elisa GUEILHERS

Me Asma MZE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SELEURL ELISA GUEILHERS AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129 - N° du dossier 498/2409

****************

INTIMES :

S.A.S. BLUE EYES OPTICAL

Ayant son siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576161 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS mission conduite par Maître [M] [X], en qualité de Mandataire judiciaire de la société BLUE EYES OPTICAL, désignée en cette qualité par Jugement du Tribunal de commerce de VERSAILLES du 14 novembre 2023

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576161 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES mission conduite par Maître [O] [W], en qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la société BLUE EYES OPTICAL, désignée en cette qualité par Jugement du Tribunal de commerce de VERSAILLES du 10 décembre 2024

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2576161 -

Plaidant : Me Baptiste DE FRESSE DE MONVAL de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

Plaidant : Me Marie-valentine GERONIMI de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : K 0170

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par un contrat du 18 juin 2020, modifié par avenant du 7 juin 2021, le Crédit Industriel et Commercial (la banque, ou le CIC) a consenti à la société Blue Eyes Optical un prêt garanti par l'Etat (PGE) de 500 000 euros.

Par un contrat du 7 juin 2021, modifié par avenant du 24 juin 2022, la banque lui a consenti un second prêt garanti par l'Etat de 812 000 euros.

Le 14 novembre 2023, le tribunal de commerce de Versailles a placé la société sous sauvegarde de justice et désigné les sociétés ML Conseils et AJ Associés en qualité de mandataire judiciaire et respectivement de commissaire à l'exécution du plan.

Le 13 janvier 2025, le juge-commissaire a admis définitivement les créances de la banque au passif à hauteur de :

- 340 506,35 euros au titre du prêt garanti par l'Etat de 500 000 euros (ordonnance n° RG 2024M06309), rejetant la demande présentée au titre de l'indemnité de résiliation ;

- 746 067,42 euros au titre du prêt garanti par l'Etat de 812 000 euros (ordonnance n° RG 2024M06311), rejetant la demande présentée au titre de l'indemnité de résiliation.

Le 24 janvier 2025, la banque a interjeté appel de ces deux ordonnances, leur reprochant d'avoir rejeté ses demandes au titre des indemnités de résiliation et ses demandes au titre des intérêts contractuels.

Le 24 mars 2025, ces affaires, enregistrées sous les numéros RG 25/00720 et 25/00712, ont été jointes.

Par dernières conclusions du 17 juin 2025, la banque demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 13 janvier 2025 portant sur le PGE d'un montant de 812 000 euros, en ce qu'elle a admis la somme de 746 067,42 euros à titre chirographaire ;

- confirmer l'ordonnance du 13 janvier 2025 portant sur le PGE d'un montant de 500 000 euros, en ce qu'elle a admis la somme de 340 506,35 euros à titre chirographaire ;

- infirmer l'ordonnance du 13 janvier 2025 portant sur le PGE d'un montant de 812 000 euros :

en ce qu'elle a rejeté l'indemnité d'exigibilité déclarée à hauteur de 51 024,64 euros ;

en ce qu'elle n'a pas admis les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 1 % l'an à compter du jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû d'un montant de 728 923,49 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 812 000 euros du 7 juin 2021 et avenant du 24 juin 2022 ;

- infirmer l'ordonnance du 13 janvier 2025 portant sur le PGE d'un montant de 500 000 euros :

en ce qu'elle a rejeté l'indemnité d'exigibilité déclarée à hauteur de 23 442,02 euros :

en ce qu'elle n'a pas admis les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 0,70 % l'an à compter du jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû d'un montant de 334 885,97 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 500 000 euros du 18 juin 2020 et avenant du 7 juin 2021 ;

Statuant à nouveau,

- admettre sa créance conformément à sa déclaration de créance à titre chirographaire pour le PGE d'un montant de 500 000 euros pour la somme de 364 797,02 euros, en ce compris l'indemnité d'exigibilité déclarée à hauteur de 23 442,02 euros, outre les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 0,70 % l'an à compter du jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû d'un montant de 334 885,97 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 500 000 euros du 18 juin 2020 et avenant du 7 juin 2021 ;

- admettre sa créance conformément à sa déclaration de créance à titre chirographaire pour le PGE d'un montant de 812 000 euros pour la somme de 797 811,00 euros, en ce compris l'indemnité d'exigibilité déclarée à hauteur de 51 024,64 euros, outre les intérêts postérieurs à la procédure de sauvegarde au taux contractuel de 1 % l'an à compter du jugement du 14 novembre 2023 sur le capital restant dû d'un montant de 728 923,49 euros jusqu'à parfait paiement au titre du prêt garanti par l'Etat d'un montant de 812 000 euros du 7 juin 2021 et avenant du 24 juin 2022.

Par dernières conclusions du 4 juin 2025, les sociétés Blue Eyes Optical, ML Conseils et AJAssociés demandent à la cour de confirmer les décisions du juge-commissaire et de rejeter toutes les prétentions du Crédit Industriel et Commercial.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 juin 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur les créances de la banque au titre des indemnités de résiliation

Pour écarter les demandes de la banque au titre des indemnités de résiliation contractuellement prévues, le juge-commissaire a retenu qu'elle ne justifiait pas d'une déchéance du terme, de sorte que ces indemnités aggravaient la situation du débiteur du seul fait de l'ouverture de la procédure collective.

La banque soutient que les clauses d'exigibilité anticipée dont il s'agit n'aggravent pas la situation du débiteur ; qu'elles résultent du contrat et non de l'ouverture de la procédure collective ; qu'elle était tenue de les déclarer alors même que l'exigibilité des prêts n'avait pas été prononcée.

Les intimées font valoir qu'en application de l'article L. 622-13 du code de commerce, aucune résiliation d'un contrat en cours ne peut résulter de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, si bien que ne sont pas valables les clauses prévoyant une majoration des obligations du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective.

Réponse de la cour

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture doivent la déclarer, sur la base d'une évaluation si elles ne sont pas établies par un titre.

Mais aux termes de l'article L. 622-13, I, 1er alinéa de ce code, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Les créances éventuelles doivent être déclarées (Com., 24 octobre 1995, n° 93-21.211 ; Com 30 juin 2004 n°02-15.345, publié ; Civ. 3ème 23 mai 2007, n°06-14.988, publié).

La créance au titre de l'indemnité de résiliation d'un prêt naît le jour où il a été contracté, de sorte qu'elle doit être déclarée à la procédure collective bien que son montant ne puisse pas être précisément déterminé faute de déchéance du terme (Com, 27 juin 2006, n°05-12.306). Une indemnité de résiliation éventuelle peut être déclarée (Com., 24 octobre 1995, précité ; Com., 5 novembre 2013, n° 12-20.263, publié).

Au chapitre " Exigibilité anticipée ", les deux contrats de prêt en cause, rédigés en termes identiques, prévoient la déchéance du terme en cas de liquidation judiciaire ; cette clause est inopposable au débiteur.

Mais il n'est stipulé aucune déchéance du terme en cas de sauvegarde ; les déclarations de créance de la banque ne font au reste état d'aucune exigibilité anticipée.

La banque était donc en droit de déclarer ses créances éventuelles au titre de la totalité du capital restant dû comme au titre des indemnités de résiliation, contractuellement nées avant le jugement d'ouverture.

La société débitrice ne formule aucune prétention quant à leur montant.

Ces créances doivent dont être admises pour les montants déclarés, soit pour 23 442,02 euros et respectivement pour 51 024,64 euros.

Sur les créances de la banque au titre des intérêts conventionnels

Le juge-commissaire n'a pas statué sur les créances déclarées par la banque au titre des intérêts conventionnels.

La banque fait valoir qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, s'agissant de prêts d'une durée supérieure à un an, elle était bien fondée à déclarer les intérêts postérieurs au jugement d'ouverture.

Les intimées soutiennent que les déclarations de créance de la banque ne contenaient aucun élément permettant leur évaluation, en contravention avec les dispositions de l'article R. 622-23 du code de commerce.

Réponse de la cour

L'article R. 622-23, 2°, du code de commerce dispose que la déclaration de créance contient la déclaration des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté.

La déclaration d'une créance d'intérêts " pour mémoire ", sans que soient mentionnés la base de calcul et le taux applicable, ne satisfait pas à cette exigence (Com, 9 juillet 2002, n°98-23.044 ; Com., 15 mars 2005, n° 03-18.607, publié) ; mais y satisfait la déclaration d'une créance " pour mémoire " complétée par l'indication du taux d'intérêt applicable et des modalités de son calcul (Com, 25 février 2004, n°02-18.314).

En l'occurrence, les déclarations de créance de la banque portent sur des intérêts "pour mémoire', mais mentionnent aussi leur taux, soit 0,70 % et respectivement 1 %, l'an leur point de départ, savoir le 14 novembre 2023 ; à chacune de ces déclarations étaient joints le contrat de prêt correspondant et son avenant.

Si ces créances d'intérêts, dont l'assiette est le capital restant dû de chacun des prêts, n'est qu'éventuelle faute de déchéance du terme, elles pouvaient néanmoins être déclarées.

Il convient donc de compléter les ordonnances entreprises de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant contradictoirement,

Infirme les ordonnances entreprises en ce qu'elles ont écarté les créances du CIC au titre des indemnités conventionnelles de résiliation ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Admet au passif de la société Blue Eyes Optical les créances éventuelles suivantes du CIC :

- au titre du prêt de 500 000 euros :

o 23 442,02 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

o Les intérêts conventionnels sur le capital restant dû au taux de 0,70% l'an à compter du 14 novembre 2023 ;

- au titre du prêt de 812 000 euros :

o 51 024,64 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

o Les intérêts conventionnels sur le capital restant dû au taux de 1% l'an à compter du 14 novembre 2023 ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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