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Décisions

CA Orléans, ch. des urgences, 7 octobre 2025, n° 24/01443

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 24/01443

7 octobre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :

Me Aurélie VERGNE

Me Victoire JENNY

ARRÊT du : 07 OCTOBRE 2025

n° : N° RG 24/01443 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAGO

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Ordonnance de référé du Président du TJ d'ORLEANS en date du 29 Mars 2024

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265299689904172

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 24]

[Adresse 15]

[Localité 22]

S.C.I. [25] prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [L] [M] ,

[Adresse 12]

[Localité 13]

S.C.I. [23] prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [L] [M]

[Adresse 12]

[Localité 13]

S.C.I. [29] prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [L] [M]

[Adresse 12]

[Localité 13]

représentés par Me Aurélie VERGNE, avocat au barreau d'ORLÉANS

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265309383899872

Madame [R] [Y] épouse [M]

née le [Date naissance 10] 1976 à [Localité 27]

[Adresse 19]

[Localité 21]

représentée par Me Victoire JENNY, avocat au barreau d'ORLÉANS

' Déclaration d'appel en date du 03 Mai 2024

' Ordonnance de clôture du 07 octobre 2025

Lors des débats, à l'audience publique du 07 MAI 2025, Madame Hélène GRATADOUR, Président de Chambre, en son rapport et Monsieur Yannick GRESSOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré :

Madame Hélène GRATADOUR, président de chambre,

Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,

Monsieur Michel Louis BLANC, Magistrat exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier : Madame Fatima HAJBI, greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;

ARRÊT :

L'arrêt devait initialement être prononcé le 02 juillet 2025, à cette date le délibéré a été prorogé au13 août 2025, au 27 août 2025, au 17 septembre 2025, puis au 07 octobre 2025 à la demande de Madame la présidente de chambre,

Arrêt : prononcé le 07 OCTOBRE 2025 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

M. [L] [M] et Mme [R] [M] née [Y] se sont mariés devant l'officier d'état civil de [Localité 28] le [Date mariage 9] 2006. Deux enfants sont issus de leur union : [E], né le [Date naissance 7] 2012, et [P], né le [Date naissance 5] 2015.

Le couple est associé à parts égales dans trois sociétés civiles immobilières familiales, dont M. [M] est le gérant :

La SCI [25], propriétaire de :

une maison située [Adresse 6] ;

un local commercial situé [Adresse 8] ;

une maison située [Adresse 20] ;

une maison située [Adresse 2] ;

La SCI [23], propriétaire d'un appartement situé [Adresse 18] à [Localité 26] ;

La SCI [29], propriétaire :

D'une maison d'habitation située [Adresse 3] ;

D'une maison d'habitation située [Adresse 4].

Le capital de la SCI [25] et de celle du bon marché est détenu à 50 % par M. [M] et à 50 % par Mme [Y]. Mme [Y] détient une part sociale sur 801 dans la SCI [29].

Par ordonnance du 29 mars 2024, le juge des référés du Tribunal judiciaire d'Orléans a :

Révoqué Monsieur [L] [M] de sa qualité de gérant des sociétés dénommées « SCI [25] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 17]), « SCI [23] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 16]) et « SCI [29] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 14]) ;

Désigné Me [J] [N] [Adresse 11], en qualité d'administrateur provisoire des sociétés dénommées « SCI [25] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 17]), « SCI [23] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 16]) et « SCI [29] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 14]) avec la mission générale d'assurer la gestion et l'administration de celles-ci pour une durée d'une année ;

Fixé le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire à la somme de 2.000 euros ;

Condamné les SCI [25], SCI [23] et SCI [29] à prendre en charge les honoraires de l'administrateur provisoire ;

Dit qu'il sera adressé une copie de la présente ordonnance à Me [J] [N] ;

Condamné Monsieur [L] [M] aux entiers dépens ;

Condamné in solidum les SCI [25], SCI [23] et SCI [29] à payer la somme de 3.000 euros à Mme [R] [Y] au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte du 3 mai 2024, M. [M] a interjeté appel général cette décision.

Aux termes de ses écritures du 21 août 2024, M. [M] sollicite de voir :

INFIRMER l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions.

DIRE et JUGER Monsieur [L] [M] recevable et bien fondé en ses demandes et en conséquence,

STATUANT de nouveau,

DEBOUTER Madame [R] [Y] de ses demandes plus amples ou contraires.

MAINTENIR Monsieur [L] [M] en sa qualité de gérant des sociétés SCI [23], SCI [25], SCI [29],

NOMMER Madame [R] [Y] en qualité de co-gérante des sociétés SCI [23], SCI [25], SCI [29].

DIRE n'y avoir lieu à désignation d'un Administrateur Judiciaire.

DIRE que chacune des parties supportera le coût des frais irrépétibles et des dépens qu'il a personnellement engagé, tant en première instance qu'en cause d'appel.

Aux termes de ses conclusions du 31 octobre 2024, Mme [Y] demande à la Cour, au visa de l'article 1851 alinéa 2 du Code civil, de :

A titre liminaire,

CONSTATER l'absence d'intérêt de Monsieur [M], et des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] à interjeter appel de l'ordonnance du 29 mars 2024,

CONSATER l'absence de qualité à agir de Monsieur [M] es qualité de gérant et des SCI [25], SCI [23] et SCI [29], en raison de la désignation de l'administrateur provisoire ;

En conséquence,

JUGER l'appel de Monsieur [M], des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] irrecevable, et l'en débouter de l'ensemble des demandes,

A titre subsidiaire, si la Cour considérait l'appel de Monsieur [M] et des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] recevable et bien fondé,

CONFIRMER en l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance rendue par le Juge des Référés en date du 29 mars 2024, en ce qu'il a :

RÉVOQUER Monsieur [L] [M] de sa qualité de gérant des sociétés dénommées « SCI [25]» (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 17]), « SCI [23] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 16]) et « SCI [29] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 14]) ;

DÉSIGNER Me [J] [N] [Adresse 11], en qualité d'administrateur provisoire des sociétés dénommées « SCI [25] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 17]), « SCI [23] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 16]) et « SCI [29] » (RCS Orléans [N° SIREN/SIRET 14]) avec la mission générale d'assurer la gestion et l'administration de celles-ci pour une durée d'une année ;

FIXER le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire à la somme de 2.000 euros ;

CONDAMNE les SCI [25], SCI [23] et SCI [29] à prendre en charge les honoraires de l'administrateur provisoire ;

DIT qu'il sera adressé une copie de la présente ordonnance à Me [J] [N] ;

CONDAMNE Monsieur [L] [M] aux entiers dépens ;

CONDAMNE in solidum les SCI [25], SCI [23] et SCI [29] à payer la somme de 3.000 euros à Mme [R] [Y] au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

En toute hypothèse,

DEBOUTER les appelants en l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions plus amples et contraires

CONDAMNER Monsieur [L] [M] à payer la somme de 5.000,00 euros à Madame [R] [Y] au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'appel.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions citées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Mme [Y] soutient que M. [M] n'a pas d'intérêt à agir dès lors que dans le cadre de la procédure devant le juge des référés, il indiquait par l'intermédiaire de son conseil ne pas s'opposer à la demande de désignation d'un administrateur provisoire pour les SCI constituées entre son épouse et lui. Selon elle, M. [M] aurait acquiescé à la mesure ainsi sollicitée.

Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Selon l'article 408, alinéa 1er du Code de procédure civile, l'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action (Cass. 2ème civ. 20 oct. 1982 : Bull. civ. II, n° 128, sauf si l'acquiescement est vicié par une erreur de droit).

L'acquiescement peut être exprès il résulte parfois de conclusions, voire pour la procédure orale d'une mention au plumitif d'audience.

En l'espèce, l'ordonnance dont appel a été rendue en l'absence de M. [M] et des SCI dont il était le gérant, les défendeurs n'étant ni présents ni représentés. Aucun élément de la procédure ne fait apparaître l'accord de M. [M] pour qu'un administrateur soit désigné, ce d'autant qu'il a interjeté appel de cette décision.

Le moyen est rejeté.

Mme [Y] soutient également que M. [M] ayant été révoqué par l'ordonnance entreprise, laquelle était exécutoire à titre provisoire, il n'a plus qualité à agir dès lors qu'il ne bénéficie pas de l'autorisation d'agir de l'administrateur désigné judiciairement.

M. [M], qui était gérant des SCI [23], SCI [25], et SCI [29], a qualité à agir à l'encontre de la décision lui ayant retiré ses fonctions.

Le moyen est rejeté.

Mme [Y] doit être déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'appel de Monsieur [M], des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] irrecevable.

Sur la révocation du gérant et la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire

M. [M] sollicite l'infirmation de la décision entreprise, son maintien en qualité de gérant des SCI et la nomination de Mme [Y] en qualité de co-gérante de ces sociétés. Au soutien de ses demandes, il fait valoir que la désignation d'un administrateur judiciaire n'est pas nécessaire alors que ces trois structures peuvent être dirigées par les deux époux, lesquels sont assistés d'un expert-comptable et d'un avocat. Il ajoute que la nomination d'un administrateur va induire des frais, alors que les comptes des sociétés s'équilibrent sans excès, et la vente de biens immobiliers peu conforme à l'intérêt financier de l'ensemble des parties. Il souligne enfin que cela est de nature à effrayer tout organisme de financement alors que la situation nécessite d'être réexaminée avant tout partage éventuel.

Aux termes de l'article 1851, alinéa 2, du Code civil, « le gérant est ['] révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ».

L'article 835, alinéa 1, du Code de procédure civile prévoit que « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

En application de ces textes, la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent (Cass. com., 6 février 2007, pourvoi n°05-19.008).

Il résulte des pièces versées au débat que M. [M] a cessé de régler les échéances du crédit de la SCI [23], ce qui a contraint Mme [Y] à payer sur ses deniers personnels la somme de 86.700 euros à l'établissement bancaire afin de faire cesser les poursuites que ce dernier avait engagées. M. [M] n'ayant pas effectué de déclaration fiscale des revenus issus des SCI entre 2015 et 2018, un redressement fiscal d'un montant de 147.446,18 euros a été signifié aux associés, Mme [Y] démontrant avoir intégralement réglé cette somme.

Par ailleurs, M. [M] a souscrit seul un prêt de 210.000 euros au nom de la SCI [29] sans accord de Mme [Y] et a demandé à des locataires de la SCI [25] de régler leurs loyers sur un compte bancaire personnel, les échéances des emprunts ne pouvant donc plus être prélevées sur le compte de la SCI.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de reprendre la totalité des éléments de fait développés par Mme [Y], il est établi que le maintien des fonctions de gérant des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] à M. [M] constitue un péril imminent pour ces sociétés, lesquelles n'ont pas rempli leurs obligations fiscales, l'une d'elle n'ayant pas pu faire face à ses créances et une autre devant supporter un prêt important souscrit seul par le gérant.

En outre, M. [M] a été condamné le 5 décembre 2022 à 12 mois d'emprisonnement assorti d'un sursis probatoire par le tribunal correctionnel d'Orléans pour avoir, entre le 1er octobre 2018 et le 26 septembre 2022 commis des faits de violences habituelles sur son épouse et des violences sur ses deux enfants, [P] et [E], ainsi que pour des faits de menaces de mort sur [E]. Le sursis probatoire comprend notamment l'interdiction d'entrer en relation avec Mme [Y] pour une durée de deux ans. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel. Saisi d'une demande en divorce par Mme [Y], le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire d'Orléans a, le 6 juin 2023, rendu une ordonnance d'orientation et de mesures provisoires, l'épouse se voyant octroyer l'autorité parentale exclusive et le père, des droits de visite en lieu neutre.

M. [M] a été également été condamné le 4 mai 2023 par le tribunal correctionnel d'Orléans pour abus de confiance au préjudice d'une personne vulnérable.

Il en résulte que Mme [Y] et M. [M] ne peuvent plus coopérer et partant, faire fonctionner normalement la société.

Par conséquent, la révocation du gérant et la désignation judiciaire subséquente d'un administrateur provisoire des sociétés est justifiée et l'ordonnance entreprise, confirmée de ce chef.

Sur l'article 700 et les dépens

M. [M], qui succombe, doit être condamné à payer les entiers dépens de la présente instance.

Il n'est pas inéquitable de condamner M. [M] à payer la somme de 1.500 euros à Mme [Y] en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DEBOUTE Mme [R] [Y] de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'appel de Monsieur [M], des SCI [23], SCI [25], et SCI [29] irrecevable ;

CONFIRME la décision entreprise en ses dispositions soumises à la Cour ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [L] [M] aux entiers dépens de la présente instance.

CONDAMNE M. [L] [M] à payer la somme de 1.500 euros à Mme [R] [Y] en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Hélène GRATADOUR, président de chambre, et Madame Fatima HAJBI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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