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Décisions

CA Metz, 6e ch., 7 octobre 2025, n° 23/01446

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 23/01446

7 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/01446 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F725

Minute n° 25/00141

[W], [M]

C/

Association CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 5]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 6], décision attaquée en date du 13 Avril 2023, enregistrée sous le n° 20/00479

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025

APPELANTS :

Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Madame [U] [M] épouse [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 5]

représentrée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mai 2025 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Octobre 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Nathalie DOBREMER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

M. MICHEL, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Catherine DEVIGNOT Conseillère pour la Présidente de Chambre empêchée et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 octobre 2013, l'association la Caisse de Crédit Mutuel de Maizières-Lès-Metz (ci-après «la CCM ») a consenti à la SCI Rosas un prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305 d'un montant de 354.460 euros, moyennant un taux conventionnel fixe de 3,480% l'an, remboursable en 228 mensualités de 2.424,79 euros. Ce prêt a été conclu afin de racheter un prêt précédemment consenti par la CCM et destiné au financement de l'acquisition d'un immeuble comprenant trois logements à [Localité 7].

Dans cet acte, Mme [E] [Z] ainsi que M. [O] [W] et Mme [U] [M] épouse [W] se sont portés chacun caution solidaire de la SCI Rosas dans la limite de 425 352 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 264 mois.

La SCI Rosas a rencontré des difficultés de paiement. Par lettre recommandée du 10 octobre 2016, la CCM a mis en demeure la débitrice principale de payer sous huit jours la somme de 10.139,58 euros correspondant aux échéances impayées. Parallèlement, la CCM a informé les cautions du retard de paiement accusé par la SCI Rosas et les a invitées à se substituer à cette dernière.

Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 2 novembre 2016, la CCM a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure les cautions de payer la somme de 370 386,79 euros le 16 novembre 2016 au plus tard.

M. et Mme [W] et le service contentieux de la CCM se sont rapprochés. Un arrangement a été trouvé et formalisé par courrier du 8 novembre 2017. Les engagements de caution solidaire de M. et Mme [W] ont été limités à 290.000 euros pour solde de tout compte, ce montant devant être payé pour le 31 janvier 2018 sous peine de caducité et de reprise des poursuites. Ce délai a été prorogé jusqu'au 29 juin 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 juin 2018, la CCM a mis en demeure M. et Mme [W] de payer la somme de 290.000 euros au plus tard le 29 juin 2018, faute de quoi l'accord de cantonnement de leur cautionnement serait caduc et les procédures de poursuites pourraient être reprises pour recouvrer la totalité de la dette.

Par acte d'huissier signifié le 13 février 2020 à Mme [Z] et le 14 février 2020 aux époux [W], la CCM les a assignés devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de le voir, selon ses dernières conclusions récapitulatives :

débouter M. et Mme [W] de toutes leurs demandes

la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes

Y faisant droit,

condamner M. [W] à lui payer la somme de 352.201,43 euros, compte arrêté au 4 mars 2021, avec les intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2021 jusqu'à complet paiement au titre de son engagement de caution solidaire en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305 conclu le 29 octobre 2013

condamner Mme [W] née [M] à lui payer la somme de 352.201,43 euros, compte arrêté au 4 mars 2021, avec les intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2021 jusqu'à complet paiement au titre de son engagement de caution solidaire en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305 conclu le 29 octobre 2013

condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 352.201,43 euros, compte arrêté au 4 mars 2021, avec les intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2021 jusqu'à complet paiement au titre de son engagement de caution solidaire en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305 conclu le 29 octobre 2013

ordonner que les intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil

débouter M. et Mme [W] de leur demande tendant à la voir condamnée à leur payer le montant de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner solidairement sinon in solidum M. et Mme [W] et Mme [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

débouter M. et Mme [W] de leur demande de sa condamnation aux entiers frais et dépens

condamner solidairement sinon in solidum M. et Mme [W] et Mme [Z] aux entiers frais et dépens de la présente procédure sur base de l'article 696 du code de procédure civile

dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir compte tenu de la nature du litige, de l'attitude des parties défenderesses, de l'ancienneté de la dette, du montant conséquent de la dette, de l'absence totale de règlement malgré une déchéance du terme ancienne remontant à presque quatre ans et de la nature incontestable de la créance.

En l'état de leurs dernières conclusions du 12 décembre 2021, M. et Mme [W] ont demandé au tribunal de :

débouter la CCM de l'ensemble ses demandes

A titre subsidiaire,

condamner la CCM, compte tenu de l'accord transactionnel et des versements opérés, d'avoir à libérer les fonds issus du prêt à hauteur de 58.343 euros

leur réserver la faculté de chiffrer des dommages et intérêts

condamner la CCM d'avoir à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

la condamner en tous les frais et dépens.

Bien que régulièrement assignée par acte déposé en l'étude de l'huissier de justice Mme [Z] n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 13 avril 2023, le tribunal judiciaire de Metz a:

déclaré la CCM recevable en ses demandes

débouté M. et Mme [W] de l'exception de nullité de leurs engagements de cautionnement souscrits par eux par actes du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

condamné M. [W] à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de cautionnement solidaire souscrit par acte du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

condamné Mme [M] épouse [W] à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de cautionnement solidaire souscrit par acte du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

condamné Mme [Z] à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de cautionnement solidaire souscrit par acte du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

dit et jugé que les intérêts échus des capitaux pourront produire des intérêts pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil

condamné la CCM à libérer les fonds, objets du contrat de prêt d'un montant de 240.000 euros réitéré par acte authentique en date du 9 juillet 2018 dressé par Me [K], notaire associé, à due concurrence de la somme de 201.505 euros, entre les mains des époux [W], emprunteurs

débouté M. et Mme [W] de leur demande subsidiaire en injonction de production d'un nouveau décompte sur la base du prêt consenti

condamné in solidum M. et Mme [W] et Mme [Z] à payer à la CCM la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

rejeté la demande des époux [W] formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamné in solidum M. et Mme [W] et Mme [Z] aux dépens

rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision était de droit.

Par déclaration du 10 juillet 2023, déposée a greffe de la cour d'appel de Metz le 13 juillet 2023, M. et Mme [W] ont interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation, de ce jugement en ce qu'il :

les a déboutés de l'exception de nullité de leurs engagements de cautionnement souscrits par actes du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

les a condamnés chacun à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de leurs engagements de cautionnements solidaires souscrits par actes du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305

a dit et jugé que les intérêts échus des capitaux pourraient produire des intérêts pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière

les a déboutés de leur demande subsidiaire en injonction de production d'un nouveau décompte sur la base du prêt consenti

les a condamnés in solidum avec Mme [Z] à payer à la CCM la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens

a rejeté leur demande à l'encontre de la CCM d'avoir à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

a rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision était de droit.

La CCM a formé appel incident.

Par leurs dernières conclusions récapitulatives du 5 février 2025, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. et Mme [W] demandent à la cour de :

les recevoir en leur appel et le dire bien fondé

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

les a condamnés chacun à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de leurs engagements de cautionnement solidaire souscrits par actes du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305,

a condamné Mme [Z] à payer à la CCM la somme de 201.505,87 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022 et jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de cautionnement solidaire souscrit par acte du 29 octobre 2013 en garantie du prêt immobilier Modulimmo n°10278 05016 00020094305,

a dit et jugé que les intérêts échus des capitaux pourront produire des intérêts pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière

a condamné la CCM à libérer les fonds, objets du contrat de prêt d'un montant de 240.000 euros réitéré par acte authentique en date du 9 juillet 2018 dressé par Me [K], notaire associé, à due concurrence de la somme de 201.505,87 euros, entre leurs mains

a déboutés de leurs demandes subsidiaires en injonction de production d'un nouveau décompte sur la base du prêt consenti,

les a condamnés in solidum avec Mme [Z] à payer à la CCM, la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens,

a rejeté au contraire leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Et statuant à nouveau de ces chefs,

A titre principal,

juger que leurs cautionnements sont nuls pour erreur sur l'existence de la caution de Mme [Z] et subsidiairement en raison de la réticence dolosive de la banque

partant, débouter la CCM de l'ensemble de ses demandes

En conséquence,

juger n'y avoir lieu à libération des fonds, objets du contrat de prêt d'un montant de 240.000 euros, à due concurrence de la somme de 201.505,87 euros entre leurs mains

Subsidiairement, pour le cas où, par impossible, leurs cautionnements ne seraient pas annulés par la cour,

rejeter l'appel incident de la CCM et le dire mal fondé

constater que la CCM a réduit le montant de sa demande à la somme de 201.505,87 euros

juger que la créance de la CCM était ainsi inférieure au montant du prêt qu'elle leur a consenti mais qu'elle s'est abstenue de libérer

juger en conséquence que la CCM ne peut prétendre au paiement d'intérêts sur la somme de 201.505,87 euros

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la CCM à libérer les fonds, objets du contrat de prêt d'un montant de 240.000 euros, à due concurrence de la somme de 201.505,87 euros

ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties

En conséquence,

constater l'extinction de leur dette vis-à-vis de la CCM

condamner la CCM à leur payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts

En tout état de cause,

condamner la CCM à leur payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens.

Au soutien de leurs prétentions, M. et Mme [W] font valoir que leur cautionnement est nul pour erreur sur l'existence de la caution de Mme [Z], condition déterminante de leur engagement. Ils soutiennent que la banque a délibérément choisi de ne pas les informer de son insolvabilité dont ils ne pouvaient avoir connaissance. Ils estiment que la banque a implicitement reconnu avoir commis une faute en offrant un accord de cantonnement. Subsidiairement, ils soutiennent que leur consentement a été vicié par la réticence dolosive commise par la banque.

Ils soutiennent ne pas avoir disposé d'un délai raisonnable pour s'acquitter du paiement et, qu'en tout état de cause, la banque est revenue sur la date de caducité qu'elle avait fixée au 29 juin 2018 en signant l'acte de prêt notarié le 9 juillet 2018. Ils ajoutent qu'à défaut d'avoir libéré les fonds qui auraient permis son désintéressement, il n'y avait pas lieu de prononcer la caducité de l'accord de cantonnement et la banque ne peut prétendre à des intérêts de retard. Ainsi, ils affirment que la créance de la banque est à recalculer, d'autant plus que cette dernière a perçu le prix de vente de deux appartements appartenant à la SCI Rosas.

Par ailleurs, ils soutiennent que l'inexécution de ses obligations par la banque et son acharnement procédural justifient sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, cette demande pouvant être formulée pour la première fois en cause d'appel en application de l'article 567 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 7 mars 2025, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la CCM demande à la cour de:

rejeter l'appel principal

débouter M. et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes comme irrecevables, subsidiairement infondées

accueillir le seul appel incident

Et infirmant le jugement dans cette seule limite,

débouter M. et Mme [W] de leur demande de libération des fonds objets du contrat de prêt de 240.000 euros

confirmer le jugement entrepris pour le surplus

Y ajoutant,

condamner M. et Mme [W] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

En défense, la CCM fait valoir que M. et Mme [W] ne peuvent solliciter la nullité de leur engagement en raison d'un élément extrinsèque à leur propre acte. Elle affirme, d'une part, que seule la caution dispose d'un droit propre à se prévaloir d'une éventuelle inopposabilité de son engagement et que la solidarité lui permet d'appeler au choix et à discrétion l'une des trois cautions pour le tout. D'autre part, que l'inscription au FICP n'est vérifiée que lors de l'octroi d'un prêt et, qu'en tout état de cause, cette inscription, valable 5 ans, aurait pu être relevée au jour où la caution était appelée. Enfin, elle soutient qu'il ne ressort pas explicitement de la rédaction du cautionnement que la solvabilité d'un cofidéjusseur est une cause déterminante de leur propre engagement, étant précisé que la caution ne fait pas de l'existence et du maintien d'autres cautions une condition déterminante de son cautionnement au sein du prêt immobilier.

Sur la caducité de l'accord transactionnel, la banque fait valoir que l'octroi du prêt de 240 000 euros était subordonné au versement simultané d'un apport de 50 000 euros. Elle soutient que le retard pris à la réalisation de la transaction ne lui est pas imputable mais relève de l'absence de versement de l'apport personnel des cautions et de la tardiveté de la rédaction de l'acte notarié. Elle affirme que le notaire ne pouvait valablement recevoir l'acte postérieurement à la date de validité de la proposition étant précisé que la caducité de la transaction a été prononcée en février 2017. Elle considère que l'absence de versement de l'apport atteste de la mauvaise foi des défendeurs, à tout le moins de leur mauvaise volonté à s'affranchir de leur obligation. Par ailleurs, elle soutient que la demande de dommages et intérêts est irrecevable comme nouvelle devant la cour et, en tout état de cause, infondée faute pour les cautions d'apporter la preuve d'une faute de la banque.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [W]

Il résulte des dispositions de l'article 567 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont recevables même si elles ont été formées pour la première fois en appel.

La demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [W] contre la CCM est une demande reconventionnelle.

Dès lors, elle sera déclarée recevable.

Si la CCM demande dans le dispositif de ses conclusions que les prétentions formées par M. et Mme [W] soient déclarées dans leur intégralité irrecevables, elle n'invoque aucun moyen en ce sens, à l'exception de celui examiné ci-dessus.

Les prétentions formées par M. et Mme [W] seront donc déclarées recevables.

II- Sur la demande en nullité des cautionnements de M. et Mme [W]

L'article 1110 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable en l'espèce dispose que « l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».

Il appartient donc aux appelants de démontrer que la solvabilité de Mme [E] [Z], troisième caution, était un élément déterminant de leur consentement à leurs engagements de cautions.

Or, l'acte de prêt immobilier paraphé par M. et Mme [W] en leurs qualités de cautions stipule page 5 du contrat que «la caution ne fait pas de la situation du cautionné ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnement ».

Dès lors, et en l'absence de tout autre élément, notamment dans leur engagement de caution, permettant d'établir que leur engagement de caution était subordonné au fait que Mme [Z] soit solvable, il y a lieu de débouter M. et Mme [W] de leur demandes en nullité de leur engagement de caution sur ce fondement.

Par ailleurs, il résulte de l'ancien article 1116 du code civil que le dol n'est « une cause de nullité de la convention que lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».

Ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment, aucun élément ne permet d'établir que la solvabilité de Mme [Z] était un élément déterminant pour que les appelants s'engagent en qualités de cautions de la SCI Rosas, ni que la CCM en avait connaissance. Dès lors, le moyen tiré de l'existence de man'uvres commises par la CCM pour leur masquer l'éventuel état d'insolvabilité de Mme [Z] et ce afin de les déterminer à consentir à se porter cautions n'est pas opérant et doit être également rejeté.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [W] de leur demande en nullité de leurs engagements de cautions.

III- Sur la demande en paiement formée par la CCM

Il est constant que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 novembre 2016, la CCM a prononcé la déchéance du terme du prêt consenti à la SCI Rosas et a mis M. et Mme [W] en demeure de régler chacun au titre de leur engagement de caution la somme de 370 386,79 euros.

L'exigibilité de la créance née de la déchéance du terme n'a pas été contestée.

Il résulte du courrier de la CCM adressé à M. et Mme [W] le 8 novembre 2017 et d'échanges de mails entre la CCM et M. [W] en février 2017, qu'un accord a été conclu entre les parties. La CCM déclare en effet : « Nous avons bien enregistré l'accord convenu avec [le directeur de la CCM de [Localité 5]] pour limiter vos engagements de cautions solidaires à 290.000 euros pour solde de tous comptes.

Nous attirons cependant votre attention sur le fait que ce montant devra nous avoir été payé pour le 31.01.2018 dernier délai. Passée cette date, l'accord de limitation forfaitaire à 290.000 euros deviendra caduc et la procédure judiciaire suspendue sera automatiquement reprise pour recouvrer l'intégralité des sommes dues ».

Les parties s'accordent pour indiquer que les 290 000 euros visés par cet accord devaient être réglés par le versement d'un apport personnel de M. et Mme [W] de 50.000 euros et par la souscription d'un nouveau prêt de 240.000 euros auprès de la CCM permettant de régler le solde.

Il est également constant que, tel que le rappelle la lettre du 20 juin 2018 de la CCM, cette dernière a « accepté de reporter tacitement la date butoir du 31 janvier 2018 à mi-février, fin mars ». Puis, arguant du fait que les offres de prêt avaient été depuis signées et adressées au notaire des appelants depuis plusieurs semaines, la CCM a mis en demeure M. et Mme [W], dans son courrier du 20 juin 2018, de régler la somme de 290 000 euros pour le 29 juin 2018 et qu'à défaut, elle considérerait leur accord de cantonnement caduc et reprendrait les poursuites pour recouvrer l'intégralité de la dette, soit la somme de 389 493,33 euros à cette date.

Les appelants justifient que le prêt de 240 000 euros a été conclu par acte authentique du 9 juillet 2018. Cet acte rappelle que le prêteur avait remis le 14 février 2018, l'offre de prêt aux emprunteurs.

Toutefois, l'acte ne porte aucune mention de l'accord conclu entre les parties. Il n'indique notamment pas qu'il est destiné à rembourser la somme de 290 000 euros déterminée dans le cadre d'un accord entre les parties, ni qu'un apport personnel de 50 000 euros doit le compléter. Il n'est donc pas établi avec certitude que la CCM a consenti ce prêt afin de poursuivre les termes de l'accord et qu'en signant ce prêt elle entendait renoncer à se prévaloir de la caducité de l'accord, celui-ci étant venu à terme le 29 juin 2018. De plus, la CCM était représentée par le clerc de notaire en vertu d'une procuration qui avait été consentie le 14 février 2018, donc antérieurement au terme du délai.

A supposer même, comme le soulèvent M. et Mme [W], que le délai de 8 jours qui leur était laissé pour souscrire le prêt par acte authentique n'était pas raisonnable et qu'il était insuffisant pour débloquer les fonds, les appelants ne produisent aucun élément permettant d'établir qu'ils avaient en revanche respecté l'autre condition de l'accord qui était le versement de la somme de 50 000 euros.

De même, à supposer qu'en signant le prêt le 9 juillet 2018 la CCM ait renoncé à se prévaloir de la caducité de l'accord, M. et Mme [W] ne justifient pas non plus avoir réglé la somme de 50 000 euros en exécution de cet accord.

En conséquence, la CCM était en droit de se prévaloir de la caducité de l'accord, tel qu'elle l'a fait par courrier du 8 novembre 2018 et d'exiger le paiement de sa créance telle que retenue à la suite de la déchéance du terme outre les intérêts à compter du 4 novembre 2016, date de réception par M. et Mme [W] de la lettre de mise en demeure qui leur avait été adressée. Les moyens invoqués par les appelants au titre de l'application des intérêts et à la nécessité de produire un nouveau décompte seront donc rejetés.

Il résulte du dernier décompte produit par la CCM daté du 19 juillet 2022 que la somme restante due au titre du prêt consenti à la SCI Rosas s'élève à la somme de 201.505,87 euros.

C'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que le tribunal a estimé que ce montant était justifié au regard de leurs engagements et a retenu cette somme à l'encontre des cautions après en avoir détaillé la composition, étant observé que ce montant tient compte des versements effectués.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [W] à payer chacun à la CCM la somme de 201 505,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2022.

Par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des capitaux dus pour une année entière au moins produiront eux-mêmes des intérêts. Le jugement sera confirmé à ce titre.

IV- Sur la demande formée par M. et Mme [W] tendant à la libération des fonds

Par acte authentique précité du 9 juillet 2018, la CCM a consenti un prêt de 240 000 euros à M. et Mme [W].

Ainsi que l'indique le tribunal, la caducité de l'accord ne suffit pas à entraîner la caducité du prêt et la CCM ne produit aucune pièce permettant d'établir que le prêt consenti par acte authentique a été annulé.

Dès lors, la CCM doit exécuter ses obligations contractuelles et libérer les fonds prêtés. Or elle ne justifie pas l'avoir fait.

Dans leurs écritures, M. et Mme [W] ne sollicitent la libération des fonds qu'à hauteur de la somme de 201.505,87 euros.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la CCM à libérer les fonds objets du contrat de prêt d'un montant de 240 000 euros réitéré par acte authentique du 9 juillet 2018 à due concurrence de la somme de 201.505,87 euros entre les mains de M. et Mme [W].

V- Sur la demande de compensation entre les créances

En application des dispositions des articles 1348 et suivants du code civil, la compensation ne peut être ordonnée qu'entre des créances respectives des parties.

Si la CCM détient bien une créance à l'encontre de M. et Mme [W], en revanche ces derniers ne détiennent aucune créance contre la CCM. En effet, celle-ci n'a été condamnée qu'à libérer des fonds au profit de M. et Mme [W], conformément à ses obligations nées de la conclusion du contrat de prêt. La somme libérée n'est pas une créance que M. et Mme [W] détenaient contre la CCM mais correspond à l'exécution d'une obligation contractuelle de la banque.

La demande de compensation sera donc rejetée.

VI- Sur la demande de dommages et intérêts formée contre la CCM

L'ancien article 1147 du code civil applicable en l'espèce dispose que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Aucune disposition légale impose au prêteur d'informer une caution sur la situation financière et la solvabilité d'une autre caution, la seule obligation pesant sur le prêteur étant celle d'exécuter le contrat de bonne foi, par application des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil applicable au litige.

Or, aucun élément ne permet d'établir qu'à la date de souscription des engagements de caution de M. et Mme [W], le 29 octobre 2013, la CCM connaissait l'insolvabilité de Mme [Z], à supposer celle-ci établie. En effet le courrier évoqué par les appelants à ce titre est un courrier du 26 mars 2013 adressé, non par la CCM, mais par la BNP Paribas à Mme [Z] l'informant de son inscription au FICP. En outre, cette inscription ne démontre que l'existence d'un incident de paiement et n'est pas suffisante à établir un état d'insolvabilité du débiteur concerné.

Il n'est donc pas rapporté la preuve que la CCM a commis une faute à ce titre.

Il est établi par les motifs susvisés que la CCM n'a pas respecté ses obligations contractuelles en ne libérant pas les fonds faisant l'objet du prêt consenti par l'intimée par acte authentique du 9 juillet 2018.

M. et Mme [W] n'invoquent dans leurs écritures, pour caractériser leur préjudice subi à ce titre, que des saisies conservatoires opérées abusivement par la CCM. Toutefois, seule la preuve d'une saisie effectuée le 8 février 2019 est rapportée.

Or, dans son jugement du 24 janvier 2020 ayant prononcé la caducité de cette saisie, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Metz a débouté M. et Mme [W] de leur demande de dommages et intérêts qu'ils avaient formée en raison du caractère abusif de la saisie.

Les appelants, qui n'invoquent et ne justifie d'aucun élément nouveau depuis cette décision dont le caractère définitif n'est pas remis en cause, seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

VII- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [W], qui succombent principalement en appel, seront condamnés aux dépens.

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais engagés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevables les prétentions formées par M. [O] [W] et Mme [U] [M] épouse [W] ;

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 13 avril 2023 dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [O] [W] et Mme [U] [M] épouse [W] de leur demande tendant à voir ordonner la compensation des créances ;

Déboute M. [O] [W] et Mme [U] [M] épouse [W] de leur demande de dommages et intérêts ;

Condamne M. [O] [W] et Mme [U] [M] épouse [W] aux dépens ;

Laisse à chacune des parties la charge des frais qu'elle a engagés devant la cour et non compris dans les dépens.

La Greffière La Conseillère pour la présidente de chambre empêchée

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