Cass. crim., 15 octobre 2025, n° 25-80.452
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Gouton
Avocat général :
Mme Viriot-Barrial
Avocat :
Me Occhipinti
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Par arrêt du 7 juillet 2023, la cour criminelle départementale a condamné M. [Y] [I], pour viols et agressions sexuelles, incestueux, sur mineur de quinze ans, par personne ayant autorité, et corruption de mineur de quinze ans, à quatorze ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, une injonction de soins, dix ans d'inéligibilité et une confiscation.
3. Par arrêt du même jour, elle a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [I], le ministère public et l'[1] ([1]), partie civile, ont relevé appel, le premier, des arrêts pénal et civil, le deuxième, de l'arrêt pénal, la troisième, de l'arrêt civil.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [I]
5. Le demandeur ayant été informé, dans les conditions prévues par l'article 370 du code de procédure pénale, de son droit de se pourvoir en cassation et du délai dans lequel il pouvait se pourvoir, lors du prononcé de l'arrêt de condamnation, le pourvoi, formé le 13 novembre 2024, plus de dix jours francs après le prononcé, contradictoirement, des arrêts pénal et civil, est irrecevable comme tardif en application de l'article 568 du code de procédure pénale.
Examen du pourvoi formé par l'[1]
Sur les premier et deuxième moyens
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen est pris de la violation des articles 2-3 et 593 du code de procédure pénale.
7. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de l'[1], alors que cette dernière, qui pouvait, au regard de l'article 2-3 susvisé, agir en justice, compte tenu de son objet statutaire, était recevable et fondée en son action, de sorte que la cour d'assises, en omettant de faire référence aux dispositions de ce texte, n'a pas justifié sa décision.
8. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1240 du code civil, 2, 2-3, 3, 10, 316, 418, 419, 420 et 591 du code de procédure pénale.
9. Le moyen critique l'arrêt civil attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de l'[1] en retenant que cette dernière ne justifie, au delà de sa présence à l'audience, d'aucune action, travail concret ou action de prévention, de formation, d'information ou de soutien aux victimes de violences sexuelles, et ne démontre donc pas le préjudice dont elle demande réparation, alors que, d'une part, les faits reprochés à M. [I] sont d'une particulière gravité et relèvent de l'objet de l'association, d'autre part, cette dernière est recevable et bien fondée à demander réparation de son préjudice moral, de troisième part, l'association a conduit de nombreuses actions relevant de son objet, enfin, le président de l'[1] a mené un travail important d'analyse de la procédure suivie contre M. [I].
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 2-3 et 593 du code de procédure pénale :
11. Il résulte du premier de ces textes que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte l'assistance ou la défense de l'enfant en danger et victime de toute forme de maltraitance peut exercer les droits reconnus à la partie civile, notamment en ce qui concerne les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
12. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
13. Pour débouter l'[1], partie civile, de sa réclamation indemnitaire, l'arrêt civil attaqué énonce que la demanderesse, qui n'a, d'une part, pas indiqué en quoi consistait son préjudice, d'autre part, justifié, dans le cadre de l'audience, d'aucune action ou travail concret, au delà de sa simple présence, ni de façon plus générale, dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles commises sur les mineurs, d'aucune action de prévention, d'information ou de soutien, n'a pas justifié du dommage dont elle demande réparation.
14. En se déterminant ainsi, alors que, compte tenu de son objet statutaire comprenant la lutte contre toutes les formes de violences familiales, en particulier celles à l'encontre des enfants, l'association partie civile pouvait obtenir réparation sans justifier d'un préjudice propre ni d'une assistance apportée à la victime des faits poursuivis, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés.
15. La cassation de l'arrêt civil est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation ne concernera que les dispositions de l'arrêt civil ayant rejeté la demande indemnitaire de l'[1], partie civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.
17. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner le troisième moyen proposé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [I] contre les arrêts pénal et civil :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par l'[1] contre l'arrêt civil :
CASSE et ANNULE l'arrêt civil susvisé de la cour d'assises des Yvelines, en date du 31 octobre 2024, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande indemnitaire de l'[1], partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Yvelines et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt civil partiellement annulé ;