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Cass. crim., 8 octobre 2025, n° 24-82.716

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 24-82.716

7 octobre 2025

N° E 24-82.716 F-D

N° 01264

SB4
8 OCTOBRE 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 OCTOBRE 2025

M. [B] [V] et M. [L] [U] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 11 mars 2024, qui a condamné le premier, pour corruption passive et tentative d'escroquerie en bande organisée, à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 35 000 euros d'amende, l'interdiction d'exercer une fonction publique et cinq ans d'inéligibilité, le second, pour complicité d'abus de biens sociaux, complicité de passation d'écritures inexactes, complicité de fraude fiscale et tentative d'escroquerie en bande organisée, à deux ans d'emprisonnement, 50 000 euros d'amende et une confiscation, a ordonné l'affichage de la décision et une restitution, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [L] [U], et de M. [B] [V], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de la direction générale des finances publiques, de la direction régionale des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. En octobre 2013, Tracfin a porté à la connaissance du procureur de la République des anomalies financières affectant les comptes bancaires de la société [1] (la société).

3. Une information a été ouverte à l'issue de laquelle M. [L] [U], chargé de la comptabilité de la société, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de tentative d'escroquerie en bande organisée et complicité des infractions de fraude fiscale par dissimulation de sommes, de passation d'écritures inexactes ou fictives dans un document comptable et d'abus de biens sociaux, commises à titre principal par le dirigeant de la société.

4. M. [B] [V], inspecteur des finances publiques, a été renvoyé devant la même juridiction des chefs de corruption passive et tentative d'escroquerie en bande organisée.

5. Les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, sauf, s'agissant de M. [V], de la tentative d'escroquerie en bande organisée, et, s'agissant de M. [U], de la circonstance de bande organisée aggravant la tentative d'escroquerie. Ils ont également prononcé sur les intérêts civils.

6. Les prévenus, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen proposés pour M. [V] et les premier et deuxième moyens et le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposés pour M. [U]

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [V], et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [U]

Enoncé des moyens

8. Le moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement de relaxe entrepris et l'a déclaré coupable de tentative d'escroquerie au préjudice de l'administration fiscale en bande organisée, alors :

« 2°/ que, constitue une bande organisée tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ; que la circonstance de bande organisée suppose donc à la fois la préméditation des infractions par ses membres et une organisation structurée ; qu'en se bornant à relever, pour retenir cette circonstance aggravante, que le prévenu « a été contacté à plusieurs reprises et a participé à plusieurs réunions avec l'avocat [M] [W], avec [H] [A] et [L] [U] pour discuter de la stratégie, stratégie nécessitant l'intervention concertée de plusieurs personnes à des stades différents » (arrêt, p. 22), la cour d'appel qui n'a pas caractérisé un « groupement formé » ou une « entente établie », en violation de l'article 132-71 du code pénal, ensemble les articles 121-4, 121-5, 313-1, 313-2, 313-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

9. Le moyen proposé pour M. [U] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de tentative d'escroquerie au préjudice de l'administration fiscale en bande organisée, alors :

« 3°/ que, constitue une bande organisée tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ; que la circonstance de bande organisée suppose donc à la fois la préméditation des infractions par ses membres et une organisation structurée ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la circonstance de bande organisée, que le prévenu et Monsieur [A] auraient été « en contact à de nombreuses reprises depuis le début du mois de janvier 2014 » et qu'ils auraient « participé à deux réunions chez l'avocat [M] [W] » (arrêt, p. 20), sans constater aucun fait matériel préparatoire à la commission des infractions reprochées caractérisant une entente préalable, concertée et structurée entre les intervenants, la cour d'appel a méconnu l'article 132-71 du code pénal, ensemble les articles 121-4, 121-5, 313-1, 313-2, 313-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

11. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

12. Pour retenir à l'encontre de MM. [V] et [U] la circonstance de bande organisée, aggravant la tentative d'escroquerie dont il les déclare par ailleurs coupables, l'arrêt attaqué énonce que MM. [A] et [U] ont été en contact à de nombreuses reprises depuis le mois de janvier 2014 afin d'élaborer une stratégie pour obvier au contrôle fiscal en cours dans la société.

13. Les juges ajoutent que, pour construire intellectuellement un stratagème à cette fin, ils ont participé à deux réunions chez un avocat au cours desquelles il a été décidé collégialement de faire constater la présence physique de 450 000 euros dans le coffre de la société lors de la venue des inspecteurs des impôts, qu'il a été fait appel à un prêteur disposant de la somme nécessaire et à M. [V], inspecteur des finances publiques, qui a lui-même participé à plusieurs réunions pour discuter de cette stratégie nécessitant l'intervention concertée de plusieurs personnes à des stades différents.

14. En se déterminant ainsi, sans mieux caractériser la circonstance aggravante de bande organisée qui suppose notamment une organisation structurée entre ses membres, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la tentative d'escroquerie en bande organisée et aux peines prononcées contre MM. [U] et [V]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

17. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés pour M. [V] et M. [U].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 mars 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la tentative d'escroquerie en bande organisée et aux peines prononcées contre MM. [U] et [V], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt-cinq.

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