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Cass. crim., 8 octobre 2025, n° 24-81.077

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Chafaï

Avocat général :

M. Bougy

Avocat :

SCP Foussard et Froger

Bordeaux, ch. corr., du 4 mai 2023

4 mai 2023

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. A l'issue d'une information, M. [G] [Z] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir commis entre le 6 décembre 2017 et le 11 décembre 2019 le délit de blanchiment en bande organisée, d'escroqueries en bande organisée, consistant en achat de biens immobiliers et de véhicules, financement de travaux immobiliers, et transfèrement du prix de revente des biens immobiliers sur des comptes bancaires américains aux noms des sociétés [2] et [3].

3. Le tribunal correctionnel l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, quinze ans d'interdiction de gérer et une confiscation.

4. Il a relevé appel de la décision, le ministère public formant appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Z] coupable de blanchiment en bande organisée et, en répression l'a condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans avec sursis, outre à la peine complémentaire d'interdiction commerciale et industrielle pour une durée de quinze ans et confiscation des biens saisis, alors :

« 3°/ que, troisièmement, la circonstance aggravante de bande organisée suppose la préméditation de l'infraction et une organisation structurée de ses auteurs, ainsi qu'un élément intentionnel spécifique ; qu'en déclarant M. [Z] coupable de blanchiment commis en bande organisée sans constater ni une quelconque organisation structurée spécifique au blanchiment, ni le caractère prémédité de cette infraction, pas plus que l'élément intentionnel spécifique requis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 132-71 du code pénal et 593 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment avec la circonstance aggravante de bande organisée, l'arrêt attaqué énonce qu'il a laissé, en toute connaissance de cause, son demi-frère, M. [J] [V], utiliser la société [1], dont il était gérant de paille, pour investir des fonds provenant de ses activités délictuelles, et qu'il a directement envoyé des fonds vers un compte aux Etats-Unis.

8. En se déterminant ainsi, et dès lors qu'elle avait préalablement relevé que M. [J] [V] se reconnaissait comme le chef de la bande organisée, à l'issue de constatations selon lesquelles c'est lui qui blanchissait l'argent, via notamment des sociétés américaines et des sociétés gérées par sa mère, Mme [D] [N], et son demi-frère, M. [G] [Z], ce dont il résulte qu'elle a caractérisé la préméditation de l'infraction et une organisation structurée entre ses membres, la cour d'appel a justifié sa décision.

9. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmant partiellement le jugement entrepris, condamné M. [Z] à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, à la peine complémentaire d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise ou une société pour une durée de quinze ans, alors « que toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, la personnalité de leur auteur et sa situation personnelle, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une peine obligatoire ; pour condamner M. [Z] à trois ans d'emprisonnement avec sursis et à une interdiction de gérer pour une durée de quinze ans, peine complémentaire facultative à l'encontre des personnes déclarées coupables de blanchiment, la cour d'appel s'est bornée, soulignant seulement que le casier judiciaire de M. [Z] fait état de deux condamnations, à affirmer en toute généralité que « compte tenu de la gravité des faits, de sa personnalité, de sa situation familiale, sociale et professionnelle, une peine d'emprisonnement est parfaitement justifiée, de préférence à toute sanction de nature différente, inadéquate et inadaptée en l'espèce », sans s'expliquer suffisamment ni spécifiquement au regard des circonstances de l'espèce, de la personnalité de M. [Z] et de situation personnelle ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié au regard des articles 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 485 -1 et 593 du code de procédure pénale :

11. Selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

12. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

13. Pour prononcer une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis et quinze ans d'interdiction de gérer, l'arrêt retient que le casier judiciaire du prévenu fait état de deux condamnations.

14. Les juges ajoutent que compte tenu de la gravité des faits, de sa personnalité, de sa situation familiale, sociale et professionnelle, une peine d'emprisonnement est parfaitement justifiée, de préférence à toute sanction de nature différente, inadéquate et inadaptée en l'espèce.

15. Ils concluent que pour autant, le jugement déféré sera infirmé partiellement et le prévenu sera condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise ou une société pour une durée de quinze ans.

16. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur les circonstances de l'infraction et la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur, qu'elle devait prendre en considération pour prononcer les peines, la cour d'appel a insuffisamment justifié sa décision.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. [Z]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 4 mai 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [Z], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

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