Cass. crim., 8 octobre 2025, n° 25-81.660
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
N° C 25-81.660 F-D
N° 01260
SB4
8 OCTOBRE 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 OCTOBRE 2025
M. [B] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui pour infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes et blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.
Par ordonnance du 28 avril 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [B] [Z], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. M. [B] [Z] a été mis en examen des chefs susvisés le 31 octobre 2022.
3. Par ordonnance du 29 décembre 2023, une saisie pénale immobilière d'un immeuble sis à [Localité 2] appartenant en indivision à M. [Z] et à Mme [N] a été ordonnée par le juge d'instruction.
4. M. [Z] a relevé appel de l'ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la saisie pénale du bien immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 2] dont est propriétaire M. [Z], alors « que hormis le cas où la saisie, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété du propriétaire du bien saisi, au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité concrète des faits, lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une saisie de patrimoine ; qu'en se bornant à retenir que la saisie de patrimoine apparaissait proportionnée au regard de la gravité des faits et de la participation aux faits du mis en examen, sans apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit au respect des biens de monsieur [Z] au regard de sa situation personnelle, la chambre de l'instruction a violé les articles 131-21, alinéa 6, 706-148 et 706-150 du code de procédure pénale, et 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, alinéa 6, 324-7 du code pénal, 706-148, 706-150 du code de procédure pénale :
7. Il se déduit de ces textes que, hormis le cas où la saisie, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété du propriétaire du bien saisi, au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité concrète des faits, lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une saisie de patrimoine.
8. Pour confirmer la saisie, après avoir relevé que l'immeuble concerné était susceptible de confiscation dès lors que M. [Z], mis en examen notamment pour blanchiment aggravé, encourt la confiscation de son entier patrimoine, l'arrêt attaqué énonce que les faits sont graves tant par leur nature qu'au regard du montant exorbitant des sommes sur lesquelles porte le trafic et que, même en y ajoutant la saisie pratiquée sur un autre immeuble, le train de vie de l'intéressé étant sans rapport avec ses revenus déclarés, la saisie de l'immeuble n'est pas disproportionnée à la gravité des faits et à la participation de la personne mise en examen qui pourrait être l'un des bénéficiaires des infractions constatées.
9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit au respect des biens de M. [Z] au regard de sa situation personnelle, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 décembre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt-cinq.