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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 7 octobre 2025, n° 23/01957

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01957

7 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2025

(n° / 2025 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01957 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHAPR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2022 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2021061725

APPELANT

Monsieur [W] [K]

Né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 6] (ALGERIE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285,

Assisté de Me Mylène GARROUSTE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉE

S.A.R.L. [7] Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 784 252 249,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515,

Assistée de Me Arnaud GRASSET de la SELARL MAESTRIA SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R065,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, devant la cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée [7] exploite un fonds de commerce d'hôtel trois étoiles dans un immeuble situé à [Localité 8].

Lors de l'assemblée générale du 2 novembre 2015, M. [K] a été désigné en qualité de co-gérant non associé, aux côtés de Mme [N], co-gérante associée, en contrepartie d'une rémunération brute mensuelle de 8.000 euros.

Lors de l'assemblée générale du 28 décembre 2020, les associés ont révoqué Mme [N] de ses fonctions, M. [K] demeurant en conséquence le seul gérant de la société.

Lors de l'assemblée générale du 28 juin 2021, les associés ont décidé de ne pas ratifier la rémunération de M. [K] pour les exercices 2019 et 2020 et de fixer sa rémunération annuelle à la somme de 12.000 euros pour l'année 2021, les charges sociales étant supportées par l'entreprise. En outre, M. [F] a été nommé en qualité de co-gérant non associé en contrepartie d'une rémunération fixée à 12.000 euros brut par an, les charges sociales étant également supportées par l'entreprise.

Le 20 octobre 2021, M. [F] a convoqué une assemblée générale pour le 5 novembre 2021 aux fins de délibérer sur un ordre du jour prévoyant, notamment, la 'révocation ou maintien d'un cogérant'. Lors de cette assemblée générale, lors de laquelle M. [K] n'était pas présent, ce dernier a été révoqué de ses fonctions de gérant en considération des griefs formulés à son encontre dans le rapport de gérance établi par M. [F].

Faisant valoir qu'il avait été révoqué sans juste motif et de façon abusive, M. [K] a fait assigner société [7] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation à l'indemniser de son préjudice.

Par jugement du 2 décembre 2022, le tribunal a:

- débouté M. [K] de toutes ses demandes;

- débouté la société [7] de sa demande de prononcé d'une amende civile;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

- condamné M. [K] aux dépens.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré, d'une part, que la révocation était bien motivée, d'autre part, que celle-ci n'était ni brutale, ni vexatoire.

Le 18 janvier 2023, M. [K] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, M. [K] demande à la cour de:

'- INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 décembre 2022 en ce qu'il a:

' Débouté M. [W] [K] de toutes ses demandes,

' Rejeté les demandes des parties autres plus amples ou contraires

' Condamné M. [W] [K] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,

liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

Et, statuant à nouveau :

- CONDAMNER la société [7] à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa révocation intervenue sans juste motif ;

- CONDAMNER la société [7] à payer à Monsieur [W] [K] la somme complémentaire de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des circonstances brutales et vexatoires de sa révocation ;

En tout état de cause :

- CONDAMNER la société [7] à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNER la société [7] aux entiers dépens.'

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023, la société [7] demande à la cour de:

'- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 2 décembre 2022 en ce qu'il a:

- débouté Monsieur [W] [K] de toutes ses demandes,

- dit que la révocation est bien motivée ;

- dit que la révocation n'est ni brutale, ni vexatoire ;

Y Ajoutant,

- Condamner Monsieur [W] [K] à payer à la société [7] la somme de 7.209,78 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile'.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 3 juin 2025.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 juin 2025, M. [K] a saisi la cour d'appel d'une demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de fixation de nouvelles dates de clôture et de plaidoirie. La société [7] s'est opposée à cette demande par des conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juin 2025.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits de l'espèce et des moyens invoqués à l'appui de leurs prétentions.

SUR CE,

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

A l'appui de sa demande, M. [K] fait valoir que son conseil n'a jamais reçu l'avis de fixation du 12 décembre 2024 de sorte qu'il ignorait les dates prévues de clôture et de plaidoiries; que par voie de conséquence, il n'a pas pu parachever ses moyens de défense dans le respect du principe du contradictoire, ce qui constitue une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture du 3 juin 2025.

La société [7] réplique qu'elle est surprise par la demande de M. [K] car son conseil a pour sa part été informé de la fixation des dates de clôture et plaidoiries; que le fait que le conseil de l'appelant ne retrouve pas le message du greffe ne signifie pas qu'il ne l'a pas reçu mais simplement qu'il est dans l'impossibilité de le produire, sans doute en raison d'une mauvaise manipulation de sa boite de réception.

Il résulte de l'application combinée de l'article 907 du code de procédure civile, dans rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, et de l'article 803 dudit code, que le conseiller de la mise en état peut révoquer l'ordonnance de clôture s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, il résulte de la consultation de l'application [13] que le bulletin comportant fixation des dates de clôture et de plaidoiries a été adressé par le greffe aux avocats des deux parties le 12 décembre 2024 à 15h35 et reçu par le conseil de M. [K] le même jour à 15h42. Ce dernier n'invoque et ne démontre aucun dysfonctionnement informatique qui l'aurait empêché de prendre connaissance de cet avis.

L'existence d'une cause grave n'étant pas établie, M. [K] sera débouté de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sur la demande de condamnation de la société [7] au paiement de dommages et intérêts pour révocation sans juste motif

A l'appui de sa demande, M. [K] fait valoir:

- que la décision de l'assemblée générale du 28 juin 2021 qui a réduit de façon substantielle sa rémunération s'analyse en une révocation déguisée de ses fonctions de gérant; que cette décision, qui n'était pas inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée, a été prise de manière inattendue car il n'avait jamais fait l'objet de critiques et les associés lui avaient assuré, au mois de janvier 2021, que sa rémunération serait maintenue lors de la prochaine assemblée générale; qu'il n'a pas eu la possibilité de se défendre contre cette décision injustifiée, qui visait en fait à le sanctionner pour avoir précédemment évoqué auprès des associés la possible ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société [7] compte tenu des difficultés auxquelles l'entreprise était alors confrontée;

- qu'après cette assemblée générale du 28 juin 2021, il a fait l'objet de pressions psychologiques du co-gérant M. [F] et des associés majoritaires, qui ont brutalement critiqué l'ensemble de ses décisions et ont constitué de toutes pièces un dossier pour justifier a posteriori sa révocation déguisée; que le 29 octobre 2021, il a été rendu destinataire d'un rapport accablant du cogérant, M. [F], qu'il a contesté par un courriel du 3 novembre 2021;

- que le 5 novembre 2021 s'est tenue une assemblée générale, à laquelle il n'a pas été convoqué, qui a décidé de le révoquer de ses fonctions de gérant, donnant ainsi une apparence légale à la révocation déguisée précédemment intervenue le 28 juin 2021;

- que du fait de cette révocation, il n'a pas pu déférer à la convocation du juge d'instruction qu'il avait reçue dans le cadre d'une information ouverte à son initiative pour des faits d'abus de biens sociaux commis par des associés, et qui a finalement été classée sans suite;

- qu'aujourd'hui âgé de 58 ans, il ne retrouvera que très difficilement un poste de gérant; qu'il est fondé à solliciter la condamnation de la société [7] à lui payer la somme de 300.000 euros de dommages et intérêts correspondant à trois années de sa rémunération de gérant avant sa réduction par l'assemblée générale du 28 juin 2021.

La société [7] réplique:

- que la décision adoptée le 28 juin 2021 de réduire la rémunération de M. [K] pour l'année 2021 ne constitue pas une révocation déguisée de ce dernier; qu'en effet, cette décision, que l'intéressé n'a jamais contestée en justice, a été appliquée aux deux co-gérants et était justifiée par les difficultés économiques auxquelles l'entreprise était alors confrontée du fait de la pandémie de Covid-19; qu'au demeurant, pour cette année 2021, M. [K] a perçu 46.000 euros sur une période de gérance de 11 mois, soit une moyenne de 4.181,81 euros par mois;

- que la révocation de M. [K] est intervenue ultérieurement, lors de l'assemblée générale du 5 novembre 2021, à laquelle l'intéressé a bien été convoqué par une lettre recommandée avec accusé de réception qu'il a retirée le 29 octobre 2021; que M. [K] a donc bien eu connaissance du rapport de M. [F] joint à ce courrier comportant les griefs formulés à son encontre;

- que la révocation à laquelle les associés ont décidé de procéder était pleinement justifiée par les fautes de gestion suivantes de M. [K]: manquements aux obligations relatives à l'hygiène; manquements aux obligations relatives à la sécurité; absence de suivi et de suspension de différents contrats commerciaux pendant la fermeture de l'hôtel à laquelle M. [K] avait procédé pendant la pandémie de Covid-19 bien que celle-ci ne soit pas obligatoire; manquements au regard de la gestion des salariés; absence d'actions commerciales; absence de suivi des contentieux en cours;

- qu'en outre, la révocation de M. [K] est justifiée par la mésentente existante entre ce dernier et les associés et le co-gérant M. [F];

- que le préjudice allégué par M. [K] est injustifié.

Aux termes de l'article L. 223-25 alinéa 1er du code de commerce relatif aux sociétés à responsabilité limitée, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Le juste motif, dont l'existence est appréciée souverainement par les juges du fond, peut résulter d'une faute de gestion du dirigeant ou d'un comportement de ce dernier de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.

En l'espèce, l'article 19 des statuts de la société [7] datés du 28 juin 2001 stipule que 'Le où les gérants sont révocables par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Toute clause contraire est réputée non écrite. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts'.

Il est constant que lors de l'assemblée générale le 28 juin 2021, les associés ont décidé de réduire la rémunération de M. [K] à la somme de 12.000 euros par an pour l'année 2021. Ce dernier ne démontre pas que cette décision constitue une révocation déguisée alors que la réduction de sa rémunération peut s'expliquer par les importantes difficultés financières de l'entreprise, évoquées dans le procès-verbal, dans une période où l'activité de l'hôtel avait été affectée par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, le fait que certains associés, dans un courriel du 25 janvier 2021, aient assuré à M. [K] que sa rémunération demeurerait inchangée ne saurait conduire à considérer que la décision finalement adoptée le 28 juin de réduire ladite rémunération avait pour objet de l'évincer de la direction de la société [7]. En outre, contrairement à ce que soutient l'appelant, une telle intention ne peut se déduire des termes du courriel que Mme [X] [L] a adressé à son avocat le 6 octobre 2021, cette correspondance se bornant à relater le contexte dans lequel M. [K] s'est vu adjoindre un co-gérant en la personne de M. [F]. Enfin, la cour relève qu'aux termes d'une résolution adoptée lors de la même assemblée générale du 28 juin 2021, les associés ont décidé de fixer la rémunération du nouveau co-gérant au même montant de 12.000 euros par an, de sorte que M. [K] n'a fait l'objet à cet égard d'aucun traitement discriminatoire.

Ainsi, il convient de dire que la révocation de M. [K] est intervenue à l'occasion de l'assemblée générale du 5 novembre 2021 et non lors de l'assemblée générale du 28 juin 2021.

Il convient désormais de déterminer si cette décision repose sur de justes motifs.

La société [7] produit le courrier de convocation qu'elle a adressé le 20 octobre 2021 à M. [K] en vue de l'assemblée du 5 novembre 2021. L'ordre du jour mentionné dans cette correspondance comporte notamment la question suivante: 'Révocation ou maintien d'un cogérant'. Il a été annexé à ce courrier plusieurs documents dont un rapport de gérance établi par M. [F] dressant une liste de griefs à l'encontre de M. [K].

La société [7] produit un accusé de réception du 29 octobre 2021 comportant une signature dont M. [K] ne conteste pas l'authenticité. Par ailleurs, par un courriel du 3 novembre 2021 ayant pour objet 'Réponse convocation', M. [K] a entendu adresser à certains associés de la société [7] ses 'réponses aux assertions faites par M. [F] dans son rapport', confirmant ainsi la réception du courrier de convocation du 20 octobre 2021 et de son annexe.

Au vu de ces éléments, il convient de juger que M. [K], contrairement à ce qu'il soutient, a bien été convoqué à l'assemblée générale ayant décidé sa révocation.

La résolution adoptée par les associés est libellée comme suit dans le procès-verbal versé aux débats:

'L'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance et entendu la lecture du rapport du cogérant contenant l'exposé des motifs d'une éventuelle révocation du mandat de gérant de Monsieur [W] [K], et après avoir entendu les observations de ce dernier sur les faits évoqués et sur son éventuelle révocation, décide de mettre fin au mandat de gérant de Monsieur [W] [K], sans indemnité, et se réserve de statuer, lors de la prochaine assemblée générale annuelle d'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2021, sur le quitus à lui consentir.'

Il convient donc, pour apprécier les motifs de la révocation de M. [K], de se référer au rapport de M. [F] sur lequel les associés se sont fondés pour prendre leur décision.

Ce document de 10 pages évoque différents faits regroupés sous deux chapitres: 'situation de l'hôtel' et 'gestion et situation commerciale de la société'.

M. [F] y expose notamment qu'après sa prise de fonction en juin 2021, il a été informé de la prochaine visite des agents de la Préfecture de Police de [Localité 8] dans le cadre du contrôle du respect des prescriptions relatives à la sécurité et à l'hygiène des établissements hôteliers; que les rapports et contrôles périodiques n'ayant pas été effectués, il lui a fallu les faire réaliser dans l'urgence; que bien que la commission de sécurité de la Préfecture ait demandé la réalisation de neuf mesures correctrices à l'issue de sa précédente visite du 27 juin 2018, à laquelle M. [K] avait assisté, toutes n'avaient pas été réalisées, de sorte qu'il a dû y faire procéder en urgence; que pour autant, les agents de la préfecture ont constaté le 21 juillet 2021 que certaines mesures correctrices n'avaient pas été prises; que par ailleurs, le contrôle des installations électriques effectué le 20 juillet 2021 a mis en évidence le non-respect des normes de sécurité.

Dans son courriel du 3 novembre 2021 intitulé 'Réponse convocation', auquel il renvoie dans ses conclusions, M. [K] fait valoir, sur ce grief, que la commission de contrôle a autorisé l'hôtel à exploiter son activité.

La société [7] verse aux débats le rapport de vérification périodique des installations électriques de l'hôtel que la société [10] a établi le 27 février 2020, alors que M. [K], dont le nom est mentionné dans le document, était le gérant de la société. Le technicien y recense 18 non-conformités, notamment l'absence de raccordement à la terre de plusieurs prises de courant et matériels, une protection contre les surintensités d'une canalisation non assurée, la présence de parties actives sous tension accessibles et l'absence de pictogramme de présence de danger électrique sur le placard électrique. Parmi ces 18 non-conformités, 13 concernaient des désordres relevés lors des vérifications précédentes (lettre 'A' dans le tableau récapitulatif), 5 des désordres nouveaux (lettre 'N').

La société [7] produit également le rapport que la société [10] a établi le 19 juillet 2021, cette fois à la demande de M. [F], entre-temps désigné en qualité de co-gérant. Le technicien y recense 21 non-conformités, 16 constatées lors des vérifications précédentes (mentionnées dans le rapport précité du 27 février 2020), et 5 non-conformités nouvellement apparues. Il conclut que 'l'installation électrique peut entraîner des risques d'incendie et d'explosion'. Par ailleurs, le technicien a émis de surcroît plusieurs avis 'non satisfaisant' portant sur l'ascenseur de l'hôtel, pour cause de défaut de remise de rapports techniques des années précédentes, défaut de réalisation d'un contrôle technique [12] (sécurité des ascenseurs existants) depuis plus de cinq ans, dysfonctionnement de dispositifs de sécurité et défaut de nettoyage des équipements en gaine.

Par ailleurs, la société [7] produit le procès-verbal de visite que la Préfecture de Police de [Localité 8], sous-direction de la sécurité et du public, bureau des hôtels et foyers, lui a adressé le 9 août 2021 à la suite de sa visite du 21 juillet précédent. Il en ressort que la Préfecture, si elle a estimé que l'établissement pouvait poursuivre son exploitation, a néanmoins pointé que trois des mesures de sécurité prescrites lors de sa précédente visite du 27 juin 2018 n'avaient toujours pas été réalisées. En outre, elle a relevé qu'elle n'était pas en mesure de réceptionner les travaux de mise en accessibilité des deux chambres du rez-de-chaussée, en l'absence de [11] (rapport de vérifications réglementaires après travaux) et de l'attestation d'accessibilité. Enfin, elle a demandé à la société [7] de réaliser neuf mesures de sécurité énoncées dans le procès-verbal, dont 'remédier aux observations contenues dans les rapports de vérification précités'.

Il incombait à M. [K], en sa qualité de gérant de la société [7], de veiller scrupuleusement au respect des normes relatives à la sécurité, dans l'intérêt du public et du personnel présents dans l'établissement mais également dans celui de la société exploitant l'hôtel, à laquelle la responsabilité d'un éventuel d'incident était susceptible d'être imputée. Or, il ressort des documents précités que l'intéressé, alors qu'il exerce les fonctions de gérant depuis le mois de novembre 2015, n'a pas exécuté l'ensemble des mesures prescrites par la Préfecture de Police lors de sa visite du 27 juin 2018. Par ailleurs, il n'a manifestement pris aucune mesure pour remédier aux non-conformités électriques qu'il a pourtant lui-même fait constater le 27 février 2020, et dont le nombre s'est accru au vu du rapport de la société [9] du 20 juillet 2021. En outre, il n'a pas fait procéder au contrôle quinquennal de sécurité de l'ascenseur. Enfin, il ne démontre pas avoir informé les associés de la nécessité d'entreprendre des travaux de mise aux normes.

Sa carence sur ce point a nécessairement altéré la confiance que la société [7] plaçait en lui et constitue à elle seule un juste motif de révocation, sans qu'il y ait lieu par conséquent d'examiner les autres griefs évoqués dans le rapport de M. [F].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande indemnitaire pour révocation sans juste motif.

Sur la demande de condamnation de la société [7] au paiement de dommages et intérêts pour révocation abusive

A l'appui de sa demande, M. [K] fait valoir:

- que sa révocation est intervenue le 28 juin 2021 dans des conditions brutales et vexatoires;

- qu'en effet, rien ne laissait présager cette décision inattendue et injustifiée;

- qu'après cette assemblée générale, il a fait l'objet de pressions psychologiques de son co-gérant et des associés, qui ont brutalement critiqué l'ensemble de ses décisions;

- que le jour même de l'assemblée générale du 5 novembre 2021 qui l'a révoqué et à laquelle il n'avait pas été convoqué, le gérant M. [F] l'a sommé de lui remettre les clefs et moyens de paiement de la société en sa possession.

La société [7] réplique:

- que M. [K] ne rapporte pas la preuve d'une faute de sa part dès lors qu'il a été convoqué en temps utile à l'assemblée générale du 5 novembre 2021 et qu'il a lui-même décidé de ne pas y prendre part pour se défendre;

- qu'elle a par ailleurs pris soin de ne déposer au registre du commerce et des sociétés qu'un extrait du procès-verbal de l'assemblée générale afin que la publicité de sa révocation ne comporte aucun caractère vexatoire;

- que le préjudice allégué par M. [K] est injustifié.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, M. [K] a été convoqué à l'assemblée générale du 5 novembre 2011 par une convocation datée du 20 octobre 2021 qu'il a reçue, qui mentionnait à l'ordre du jour la question de la révocation du gérant et qui comportait en annexe un rapport du co-gérant dressant une liste de griefs dont il a pu prendre connaissance puisqu'il y a répondu par un courriel du 3 novembre 2021.

Il s'ensuit que M. [K], informé en temps utile du projet et des motifs de sa révocation, a disposé de la possibilité de faire valoir sa défense. Il ne tient qu'à lui d'avoir choisi de ne pas se présenter à l'assemblée générale du 5 novembre 2021 pour présenter oralement ses arguments aux associés.

Par ailleurs, il ressort des mentions du procès-verbal de l'assemblée générale que M. [F], préalablement à la mise aux voix de la résolution concernant la révocation de M. [K], a donné lecture à tous les associés présents du courriel de ce dernier du 3 novembre 2021. Ainsi, les associés ont été informés des arguments que M. [K] faisait valoir pour contester les griefs formulés à son encontre.

En outre, M. [K] se prévaut du courrier daté du 5 novembre 2021 par lequel M. [F], après l'avoir avisé de sa révocation, lui a demandé de restituer 'l'ensemble des documents, matériels, clefs, identifiants et codes d'accès, cartes bancaires et chéquiers et plus généralement tout élément que vous auriez en votre possession au titre des fonctions de gérance, dans les plus délais'. Toutefois, la restitution par M. [K] des moyens d'accès à l'hôtel et des moyens de paiement de la société s'inscrit dans la suite logique de sa révocation et il n'est pas établi, au vu du seul courrier précité, qu'elle ait été sollicitée dans des conditions vexatoires pour l'intéressé, qui n'articule aucune explication concrète sur le préjudice qu'elle lui aurait causé.

Enfin, M. [K] ne rapporte pas la preuve des pressions psychologiques qu'il prétend avoir subies de la part du co-gérant et des associés majoritaires.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour révocation abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [K], dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'appelant sera en conséquence débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande de condamner M. [K] à payer à la société [7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute M. [K] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, y ajoutant,

Condamne M. [K] à payer à la société [7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [K] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. [K] aux dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de Me Bouzidi-Fabre conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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