CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 7 octobre 2025, n° 25/04142
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Generale Immobiliere (SAS)
Défendeur :
CPE5Evry (SARL), FHBX (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hébert-Pageot
Conseillers :
Mme Lacheze, Mme Rohart
Avocats :
Me Ohana, Me Cohen-Trumer, Me Bollani
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée CPE5Evry fait partie d'un groupe de sociétés, le groupe CPE5, exploitant sous franchise huit restaurants de restauration rapide en Ile-de-France.
Par acte sous seing privé du 30 juillet 2021, la société par actions simplifiées Générale Immobilière LGSI a consenti à la société CPE5Evry un bail commercial pour une durée de dix années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2020 sur un local à usage commercial dépendant du centre commercial Evry2 situé à [Localité 8] (91) à destination de restauration rapide.
Faisant état de difficultés rencontrées pour assurer leur pérennité, les sociétés du groupe CPE5, dont la société CPE5Evry ont sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation afin de procéder à une restructuration globale de leur endettement bancaire et financier pour l'adapter aux capacités actuelles et prévisibles. Par ordonnance du 24 juillet 2024, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SELARL FHBX, prise en la personne de Me [M], en qualité de conciliateur des sociétés du groupe CPE5, dont la société CPE5Evry. La procédure de conciliation a été prorogée d'un mois par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 26 novembre, soit jusqu'au 24 décembre 2024.
Sur assignation du 19 décembre 2024, par jugement réputé contradictoire du 7 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a dit la société CPE5Evry recevable en ses demandes de report du paiement des sommes dues au bailleur, ordonné le report du paiement de la créance échue de 66 812,57 euros au 1er novembre 2024, ordonné que ce report ne puisse dépasser 24 mois au-delà de la date de mise à disposition du jugement, dit que les sommes reportées produiront intérêts au taux légal et que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital, dit que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront pas encourues pendant la période de report, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rappelé en tant que de besoin que les parties à la présente instance sont tenues à l'obligation de confidentialité de l'article L. 611-15 du code de commerce, condamné la Société Générale Immobilière LGSI aux dépens et dit que la décision est de droit par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Le 24 février 2025, la Société Générale Immobilière LGSI a relevé appel, intimant la société CPE5Evry et la SELARL FHBX, ès qualités.
Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er septembre 2025, la Société Générale Immobilière LGSI demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a « dit la société CPE5Evry recevable en ses demandes de report du paiement des sommes dues, ordonné le report du paiement de la créance échue de 66 812,57 euros au 1er novembre 2024, ordonné que ce report ne puisse dépasser 24 mois au-delà de la date de mise à disposition du jugement, dit que les sommes reportées produiront intérêts au taux légal et que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital, dit que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront pas encourues pendant la période de report », et statuant à nouveau, à titre principal, débouter la société CPE5Evry de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à titre subsidiaire, et si par impossible des délais devaient être octroyés à la société CPE5Evry, juger que cet échéancier ne pourra être supérieur à six mois à compter de la décision à intervenir, et que, faute pour la société CPE5Evry de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants, l'intégralité des sommes dues redeviendra immédiatement exigible, en tout état de cause, condamner la société CPE5Evry à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la société CPE5Evry en tous les dépens, en ce compris les frais de délivrance de la présente assignation et de la signification de l'ordonnance à intervenir.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juillet 2025, la société CPE5Evry demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, y ajoutant, condamner la Société Générale Immobilière LGSI aux dépens ainsi qu'au paiement à son profit d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel a été signifiée le 1er avril 2025 à la SELARL FHBX, ès qualités, qui n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée le 9 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Société Générale Immobilière LGSI reproche au tribunal d'avoir accordé des délais de paiement la société CPE5Evry à une date où le conciliateur n'était plus en fonction en violation de l'article L.611-7 du code de commerce, précisant n'avoir adressé aucune mise en demeure à la société CPE5Evry.
Elle sollicite à titre principal, que la cour infirme la décision en ce qu'elle a octroyé un report de 24 mois à la société CPE5Evry, et statuant à nouveau, la déboute de sa demande.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour que ces délais soient limités à un échéancier de 6 mois en ce que la société CPE5Evry ne verse aux débats aucun élément comptable de nature à justifier l'opportunité de sa demande.
La société CPE5Evry répond que l'article L.611-7 du code de commerce permet au juge qui a ouvert la conciliation de faire application de l'article 1343-5 du code civil et donc d'octroyer des délais de 24 mois, que c'est ce qu'il a fait et que sa décision n'est pas critiquable.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce : « Au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l'article 1343-5 du code civil à l'égard d'un créancier qui l'a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance.
Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée du conciliateur (') ».
Ainsi le législateur a prévu 2 hypothèses différentes permettant au débiteur de solliciter l'octroi de délais : soit le débiteur est mis en demeure ou assigné par le créancier et le juge peut octroyer des délais dans la limite de 24 mois, soit, en l'absence d'initiative du créancier, le débiteur peut prendre les devants et demander le report d'exigibilité d'une créance non échue pour une durée limitée à celle de la conciliation.
En l'espèce, il n'est démontré l'existence d'aucune mise en demeure, ni d'aucune assignation émanant du créancier, et, au contraire, la société CPE5Evry indique dans son assignation qu'elle reproche à la société Générale Immobilière de ne pas avoir répondu au conciliateur qui sollicitait qu'il soit sursis à l'exigibilité de la créance.
Dans cette hypothèse, la suspension de l'exigibilité de la créance ne peut être ordonnée que pendant la durée de la procédure de conciliation, en application de l'article L.611-7 du code de commerce
Or, la procédure de conciliation a pris fin le 24 décembre 2024 et le tribunal ne pouvait donc plus octroyer des délais par une décision postérieure à cette date. Le jugement du 7 février 2025 qui a octroyé des délais sera donc infirmé et la société CPE5Evry déboutée de ses demandes.
La société CPE5Evry sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Générale Immobilière une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant après débats en chambre du conseil,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute la société CPE5Evry de ses demandes,
Condamne la société CPE5Evry aux dépens ainsi qu'à payer à la société Générale Immobilière une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,