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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 7 octobre 2025, n° 22/02412

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/02412

7 octobre 2025

N° RG 22/02412 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGY6

Décision du

Tribunal Judiciaire de ROANNE

Au fond

du 15 février 2022

RG : 21/00208

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 07 Octobre 2025

APPELANTE :

La société PAULA

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Corinne MENICHELLI de la SELARL BDMV AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 763

INTIMEE :

La société TRANSPORTS MASSICOT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-josèphe LAURENT de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 768

ayant pour avocats plaidants Me Georges FLOCHLAY et Me Alexandre GARREC de la SELARL LCE AVOCATS NOTAIRES, avocats au barreau de QUIMPER

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Juin 2025

Date de mise à disposition : 07 Octobre 2025

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 avril 2018, la SCI Paula (la bailleresse) a consenti à la société Transports Massicot, exerçant son activité sous le nom commercial Beway-Massicot (la locataire), un bail d'une durée de 24 mois portant sur un local situé à Roanne (Loire), moyennant notamment le versement d'un dépôt de garantie d'un montant de 24 900 euros.

Le 27 avril 2018, un état des lieux d'entrée a été réalisé contradictoirement.

Par courrier du 20 mars 2020, la locataire a fait savoir à la bailleresse qu'elle quitterait les lieux le 9 avril 2020.

Le 9 avril 2020, un état des lieux de sortie a été dressé entre les parties.

Un litige étant survenu sur la restitution du dépôt de garantie, la locataire a assigné la bailleresse devant le tribunal judiciaire de Roanne afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à lui verser la somme de 24 900 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020.

Par jugement du 15 février 2022, le tribunal a :

- déclaré recevable et partiellement fondée l'action de la locataire,
- condamné le la bailleresse à payer à la locataire la somme de 22 549,70 euros au titre du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020,

- débouté la locataire de sa demande tendant à voir assortir la condamnation de la bailleresse d'une astreinte,
- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la bailleresse aux entiers dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement,

- rappelé que les frais d'exécution forcée et de recouvrement par application de l'article A444-32 du code de commerce modifiant le décret du 12 décembre 1996, dans l'hypothèse d'un défaut de règlement spontané de la part du débiteur, sont à la charge de ce dernier,
- rejeté toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 30 mars 2022, la bailleresse a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 juin 2022, elle demande à la cour de :

- recevoir ses conclusions,

- les déclarer recevables et bien fondées,

Y faisant droit,

- réformer le jugement rendu en ce qu'il :

- la condamne à payer à la locataire la somme de 22 549,70 euros au titre du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020,

- déboute la locataire de sa demande tendant à assortir la condamnation d'une astreinte,

- déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamne aux entiers dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement,

- rappelle que les frais d'exécution forcée et de recouvrement par application de l'article A.444-32 du code de commerce modifiant le décret du 12 décembre 1996, dans l'hypothèse d'un défaut de règlement spontané de la part du débiteur, sont à la charge de ce dernier,

- rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau,

- condamner la locataire à lui verser la somme de 9005,26 euros au titre des frais de remplacement des matériels et équipements enlevés,

- condamner la locataire lui verser la somme de 5480,38 euros au titre de la quote-part de taxe foncière dont elle est redevable,

- ordonner la compensation des créances dues entre les parties.

- débouter la locataire de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la locataire à lui payer la somme de 5000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance et de ses suites.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2022, la locataire demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté la bailleresse de sa demande au titre de la taxe foncière compte tenu de la production en cause d'appel de justificatifs,

En conséquence,

- débouter la bailleresse de l'intégralité de ses prétentions, sauf s'agissant de la refacturation d'une quote-part de taxe foncière à concurrence de 5480,38 euros, sous condition qu'elle transmette, en original, une facture conforme d'un montant TTC de 5480,34 euros faisant apparaitre, notamment, la TVA pour 913,39 euros,

Addittant au jugement,

- condamner la bailleresse à transmettre en original, une facture de 1021,56 euros TTC mentionnant un montant HT de 861,80 euros et une TVA récupérable de 170,26 euros, au titre de la refacturation du contrôle des extincteurs et RIA.

Statuant à nouveau,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la bailleresse à payer la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel,

- condamner la bailleresse aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la restitution du dépôt de garantie

La bailleresse fait valoir essentiellement que :

- compte tenu de l'état de crise sanitaire, le départ de la locataire s'est réalisé de façon précipitée et l'état des lieux de sortie a été succinct ; il ne comporte aucun descriptif des lieux restitués ou des équipements accessoires ;

- quelques jours après la reprise du bâtiment, elle s'est aperçue que la locataire avait vidé le local de l'ensemble des meubles et équipements lui appartenant ;

- la locataire n'a jamais contesté être partie avec ces équipements ;

- la locataire est en outre redevable de la quote-part de taxe foncière correspondant à sa période d'occupation des locaux au cours du premier trimestre 2020 ;

- il y a lieu de compenser les créances dues entre les parties et de limiter le montant des sommes qu'elle doit à la locataire à la somme de 10'414,36 euros.

La locataire réplique que :

- l'état des lieux de sortie établi contradictoirement n'indique aucune réserve, aucun enlèvement, aucune dégradation ni aucuns travaux à réaliser à sa charge ;

- la restitution du dépôt de garantie devait intervenir au plus tard le 9 mai 2020 ;

- le « pillage » de l'ensemble des meubles et équipements du local loué étant parfaitement visible, à défaut de dénonciation de ce problème dans l'état des lieux de sortie, il y a purge;

- la bailleresse a dénoncé la disparition des meubles un mois après l'état des lieux, ce qui est long pour un problème parfaitement visible ;

- les indications figurant sur l'état des lieux de sortie établi contradictoirement font foi ;

- elle ne conteste pas la demande au titre de l'entretien des extincteurs et RIA, sauf à obtenir une facture conforme en original ;

- les quatre chaises et bureaux qu'elle reconnaît avoir emportés n'avaient plus de valeur et elle propose d'imputer à ce titre la somme de 500 euros sur le dépôt de garantie ;

- pour les autres enlèvements ou détériorations alléguées, la bailleresse ne rapporte pas la preuve que ces dégradations ou pertes se sont produites à l'occasion de son occupation des lieux ;

- elle n'est pas opposée au paiement de la taxe foncière 2020 pour sa période d'occupation, sauf à disposer de justificatifs probants en original pour passer la dépense en comptabilité.

Réponse de la cour

L'article 14 du bail commercial de courte durée conclu entre les parties le 6 avril 2018 stipule qu'« A l'expiration du bail, le présent dépôt de garantie sera restitué au preneur après le paiement de tous loyers, charges et accessoires, ainsi que de toutes indemnités dont il pourrait être débiteur envers le bailleur, notamment à l'occasion des travaux qui pourraient être nécessaires à la remise en parfait état locatif des locaux loués ».

Par conséquent, pour trancher la question de la restitution du dépôt de garantie, il convient d'examiner les demandes en paiement formées par la bailleresse.

En premier lieu, la cour observe qu'alors qu'en première instance, la bailleresse demandait au tribunal de la juger bien fondée à déduire du dépôt de garantie les sommes de 8318,45 euros au titre du coût de remplacement des matériels et équipements et 5000 euros au titre de la quote-part de taxes foncières correspondant au premier trimestre 2020, elle sollicite en cause d'appel la condamnation de la locataire au paiement de :

* la somme de 9005,26 euros au titre des frais de remplacement des matériels et équipements enlevés, ainsi décomposée :

* 5150,46 euros HT au titre du remplacement des bureaux et des caissons de rangement

* 400 euros HT au titre du remplacement des fauteuils de bureau

* 654,50 euros HT au titre des panneaux d'affichage

* 210 euros HT au titre des chaises de la salle de chauffeur

* 1000 euros HT au titre des rampes aluminium réhausse petit véhicule

* 233 euros HT au titre du câblage réseau sous plafond

* 851,30 euros HT au titre de l'entretien des extincteurs

* 506 euros HT au titre du remplacement de l'enregistreur caméra,

* celle de 5480,38 euros au titre de la quote-part de taxes foncières.

En deuxième lieu, c'est par des motifs détaillés et pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que le premier juge, après avoir rappelé les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, 145-5 du code de commerce et 9 du code de procédure civile, a retenu :

- s'agissant des éléments mobiliers et des équipements sollicités par la bailleresse : qu'il résulte de la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie qu'aucune mention relative aux tableaux d'affichage, rayonnages du magasin, chaises de la salle de chauffeur et câble informatique sous plafond n'y est portée, et partant, que la bailleresse ne démontre pas que la locataire s'est appropriée ces éléments ;

- s'agissant des chaises et bureaux : que la bailleresse ne justifie pas que la locataire aurait conservé cinq chaises et cinq bureaux mais qu'il ressort d'un échange de courriels entre les parties que le sort de quatre bureaux a fait l'objet d'une proposition de la bailleresse qui en déduirait la valeur du dépôt de garantie si la locataire consentait à les conserver et que cette dernière a également reconnu avoir conservé quatre chaises de bureau ; que la bailleresse produit des fiches de catalogues de mobilier de bureau, sans pour autant justifier de ce que les chaises et bureaux litigieux correspondent aux prix mentionnés sur ces fiches, pas plus qu'elle n'informe sur la date d'achat de ces éléments dont la valeur à neuf ne peut être retenue ; que le prix de ces mobiliers doit donc être fixé à la somme de 1500 euros ;

- s'agissant de l'enregistreur caméra, que la bailleresse ne justifie nullement de ce que cet équipement a été dégradé par la locataire, la présence de cet équipement et sa dégradation ne ressortant pas des états des lieux d'entrée et de sortie.

Pour confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la bailleresse au titre des éléments mobiliers et des équipements, la cour ajoute que la bailleresse n'est pas fondée à arguer du caractère succinct et précipité de l'état des lieux de sortie pour justifier de l'absence de toute mention relative à ces éléments dans le constat, alors, d'une part, que la disparition de l'ensemble des éléments réclamés ne pouvait passer inaperçue et aurait nécessairement fait l'objet d'une mention si elle était avérée, d'autre part, qu'à supposer que cette disparition n'ait pas immédiatement été constatée par la bailleresse, elle l'aurait nécessairement été dans les jours suivants le départ de la locataire, alors que l'appelante n'a interpellé pour la première fois la locataire sur la disparition des meubles qu'un mois après la restitution des locaux.

En troisième lieu, la locataire reconnaissant devoir rembourser à la bailleresse le coût de l'entretien des extincteurs et cette dernière versant aux débats la facture du 30 avril 2020 de la société Allo contrôle maintenance d'un montant total HT de 851,30 euros, il y a lieu de déduire cette somme du montant du dépôt de garantie.

En dernier lieu, l'article 6 du bail commercial de courte durée, intitulé « conditions générales », stipule que « le preneur accepte expressément de rembourser au bailleur la quote-part des impôts et taxes relatifs aux biens loués, et en particulier la quote-part de l'impôt foncier y afférent » et l'article 12, alinéa 2, ajoute qu'« il acquittera directement ou remboursera au bailleur sur simple demande de sa part toutes dépenses afférentes aux locaux loués, notamment celles visées aux 'conditions générales' ».

La locataire reconnaît être redevable de la quote-part de la taxe foncière correspondant au premier trimestre 2020 et la bailleresse verse aux débats l'avis d'impôts 2019 relatif aux taxes foncières, ainsi qu'une copie d'une facture établie le 17 septembre 2018 au nom de la locataire d'un montant de 4566,99 euros HT, soit 5480,38 euros TTC après application de la TVA à 20 %, correspondant à sa quote-part de la taxe foncière 2020.

La taxe foncière étant due sur simple demande de la part de la bailleresse, ainsi qu'il résulte de l'article 12, alinéa 2, précité, sans qu'il y ait lieu de conditionner son paiement à la remise d'une facture originale, il convient de déduire la somme de 5480,38 euros du montant du dépôt de garantie.

Au vu de ce qui précède, la bailleresse est condamnée à payer à la locataire la somme de 24'900 - (851,30 + 5480,38) = 18'568,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020, date limite de remboursement du dépôt de garantie telle que fixée par les parties dans l'état des lieux de sortie.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il condamne la bailleresse à payer à la locataire la somme de 22'549,70 euros au titre du dépôt de garantie.

2. Sur les demandes de transmission d'une facture d'entretien des extincteurs en original

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce, l'article 12 du bail commercial de courte durée stipule que « le preneur s'engage à assumer l'intégralité de la consommation d'eau, d'électricité, gaz et autres services afférents aux locaux et, plus généralement, à assumer en plus des travaux d'entretiens et de réparations l'intégralité des charges dites locatives concernant l'immeuble loué qui ne serait pas incluse dans l'énumération qui précède.

Il acquittera directement ou remboursera au bailleur sur simple demande de sa part toutes dépenses afférentes aux locaux loués, notamment celles visées aux 'conditions générales' ».

Les charges locatives étant dues sur simple demande de la part de la bailleresse, sans qu'il y ait lieu de conditionner leur paiement à la remise d'une facture en original, il convient de débouter la locataire de sa demande de transmission d'une facture d'entretien des extincteurs en original.

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En appel, la bailleresse qui succombe au principal, est condamnée aux dépens et à payer à la locataire la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il condamne la SCI Paula à payer à la société Transports Massicot la somme de 22'549,70 euros au titre du dépôt de garantie,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la SCI Paula à payer à la société Transports Massicot la somme de 18'568,32 euros au titre du dépôt de garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020,

Déboute la société Transports Massicot de sa demande de transmission d'une facture d'entretien des extincteurs en original,

Condamne la SCI Paula à payer à la société Transports Massicot la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Paula aux dépens d'appel.

La greffière, La Présidente,

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