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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 7 octobre 2025, n° 23/02956

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/02956

7 octobre 2025

07/10/2025

ARRÊT N°2025/353

N° RG 23/02956 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PUPV

VS AC

Décision déférée du 13 Juin 2023

TJ à compétence commerciale de TOULOUSE

( 19/03034)

Mme GAUMET

S.A.S. KJC PATRIMOINE

C/

S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME

S.E.L.A.R.L. FHBX

S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALLY MJ

S.E.L.A.F.A. ASTEREN

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

- Me Jean-paul CLERC

- Me Nathalie DUPONT-RICARD

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

S.A.S. KJC PATRIMOINE RCS de TOULOUSE

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-paul CLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME, prise en le personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représentée par Me Jérémy GENY LA ROCCA de la SELARL SELARL GENY LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de METZ et par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

PARTIES INTERVENANTES

S.E.L.A.R.L. FHBX, prise en la personne de Maître [W] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de la SASU DU PAREIL AU MEME

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Jérémy GENY LA ROCCA de la SELARL SELARL GENY LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de METZ et par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [A], en qualité d'administrateur judiciaire de la SASU DU PAREIL AU MEME

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Jérémy GENY LA ROCCA de la SELARL SELARL GENY LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de METZ et par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALLY MJ en qualité de mandataire judiciaire de la 'Société DU PAREIL AU MEME', suivant jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en date du 26 juin 2023

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représentée par Me Jérémy GENY LA ROCCA de la SELARL SELARL GENY LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de METZ et par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.F.A. ASTEREN représentée par Maître [F] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la 'Société DU PAREIL AU MEME', suivant jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en date du 26 juin 2023

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentée par Me Jérémy GENY LA ROCCA de la SELARL SELARL GENY LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de METZ et par Me Nathalie DUPONT-RICARD, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport et M.NORGUET, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

M. NORGUET, conseillère

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des des faits et procédure :

Suivant acte notarié en date du 1er octobre 1999 passé devant Me [D] [Z], notaire à [Localité 20] (31), la Sas Kjc Patrimoine a donné à bail à la Sa Comptoir Français de la Mode, aux droits de laquelle se trouve désormais la Sasu Du Pareil Au Même, dans un immeuble sis [Adresse 5] faisant angle avec la [Adresse 18] :

- le lot n°10 constitué d'un local commercial occupant l'angle en plan coupé comprenant :

* au rez-de-chaussée, une vaste pièce,

* au sous-sol, rattachée au rez-de-chaussée par un escalier privatif, une vaste pièce ainsi que deux réduits,

* à l'entresol, rattachée au rez-de-chaussée par un escalier privatif, une vaste pièce, un couloir privatif ouvrant sur l'escalier secondaire, WC,

- le lot n°5 en sous-sol, au fond d'un passage à droite à l'arrivée de l'escalier et attenante au local commun surpresseur.

Le bail a été consenti pour une durée de 9 ans ayant commencé à courir le 1er octobre 1999 et devant s'achever le 30 septembre 2008 aux fins d'y exploiter tous commerces relatifs à l'équipement de la personne.

Suivant exploit d'huissier en date du 18 mai 2010, la Sa Comptoir Français de la Mode aux droits de laquelle se trouve la Sasu Du Pareil Au Même a sollicité le renouvellement de son bail aux charges et aux conditions initiales.

Par commun accord des parties, le bail a été renouvelé à compter du 1er juin 2010 et jusqu'au 30 mai 2019.

Par exploit d'huissier du 15 janvier 2019, la société locataire a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2019, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 70.000 euros hors taxes et hors charges correspondant à la valeur locative des lieux estimée par la société Schneider International à sa demande.

Par courrier en date du 3 avril 2019, la Sas Kjc Patrimoine a notifié son accord sur le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2019 pour une durée de 9 années aux clauses et conditions du bail expiré sous réserve de la mise en conformité avec les dispositions de la loi du 18 juin 2014 tout en faisant part de son désaccord à propos du montant proposé souhaitant qu'il soit fixé à la somme de 140 577,60 euros ht et hc.

Aucun accord n'a été trouvé entre les parties.

Par exploit d'huissier en date du 23 septembre 2019, la Sasu Du Pareil Au Même a fait assigner la Sas Kjc Patrimoine devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Toulouse afin que le montant du bail soit fixé à la valeur locative.

Par jugement du 2 juin 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Toulouse a :

ordonné une expertise judiciaire, fixé le montant du loyer provisionnel selon la variation indiciaire,

réservé les demandes et les dépens,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'expert a déposé son rapport le 2 septembre 2021 dans lequel il a conclu à une valeur locative de 81 000 euros ht/hc.

Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

dit que le bail unissant les parties a une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2019,

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 71 073,45 euros par an hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2019,

dit que la Sas Kjc Patrimoine est tenue du remboursement des loyers trop-perçus à compter du 1er juillet 2019 avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation et pour chacune des échéances,

laissé les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire à la charge de la Sas Kjc Patrimoine,

dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 28 juin 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a placé en redressement judiciaire la Sas Du Pareil Au Même et a désigné :

la Selarl Fhbx, prise en la personne de Maître [W] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Meme

la Selarl Ajassocies, prise en la personne de Maître [U] [A], en qualité d'administrateur judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Meme,

la Selarl Etude Bally Mj en qualité de mandataire judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Meme

la Selafa Asteren, prise en la personne de Maître [F] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Meme.

Par déclaration en date du 9 août 2023, la Sas Kjc Patrimoine a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui ont :

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 71 073,45 euros par an hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2019,

dit que la Sas Kjc Patrimoine est tenue du remboursement des loyers trop-perçus à compter du 1er juillet 2019 avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation et pour chacune des échéances,

laissé les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire à la charge de la Sas Kjc Patrimoine,

dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sas Kjc Patrimoine a sollicité du Premier président de la Cour d'appel de Toulouse l'arrêt de l'exécution provisoire évaluée à un montant de 331 519,04 euros sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 2 février 2024, le Premier Président a donné acte aux parties de leur accord sur l'aménagement de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 13 juin 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Toulouse.

La Sas Kjc Patrimoine a alors consigné la somme de 338 108,83 euros sur le compte Carpa de son avocat.

Par jugement en date du 31 octobre 2024, un plan de redressement a été arrêté pour la Sas Du Pareil Au Même.

La clôture de l'affaire, prévue pour le 5 mai 2025, est intervenue en définitive le 26 mai 2025.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions d'appelant n°3 notifiées le 16 mai 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Kjc Patrimoine demandant de :

ordonner le report de clôture au jour de l'audience,

déclarer recevable et bien-fondé la société Kjc Patrimoine en son appel du jugement rendu le 13 juin 2023 par juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Toulouse,

y faisant droit,

confirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu'il a :

dit que le bail unissant les parties une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2019 ;

infirmer le jugement sus énoncé et daté, pour le surplus

et statuant à nouveau :

fixer le montant du loyer de base renouvelé à la somme de 147 274 euros hors taxes et hors charges annuel à compter du 1er juillet 2019,

condamner la Sasu du Pareil au Meme à verser à la Sas Kjc Patrimoine une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, et qu'en cas d'inexécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par le commissaire de justice instrumentaire en application de l'article A 444-32 du Code de Commerce, seront supportées par la partie tenue aux dépens

Vu les conclusions d'intimée notifiées le 23 mai 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sasu du Pareil Au Même, la Selarl Fhbx prise en la personne de Maître [B] [W] en qualité d'administrateur judiciaire de la Sasu Du Pareil au Même, la Selarl Ajassociés prise en la personne de Maître [A] [U] en qualité d'administrateur judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Même, la Selarl Etude Bally Mj en qualité de mandataire judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Même, la Selafa Asteren prise en la personne de Maître [F] [V] en qualité de mandataire judiciaire de la Sasu Du Pareil Au Même demandant, au visa des articles L145-33 du code de commerce, R145-23 et suivants du code de commerce, de :

confirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Toulouse, en ce qu'il a :

dit que le bail unissant les parties a une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2019,

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 71.073,45 euros par an hors taxes et hors charges,

dit que la Sas Kjc Patrimoine est tenue du remboursement des loyers trop perçus à compter du 1er juillet 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation et pour chacune des échéances,

laissé les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire à la charge de la Sas Kjc Patrimoine ;

l'infirmer pour le surplus et restatuant comme de droit :

condamner la Sas Kjc Patrimoine à régler à la société Du Pareil Au Même la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du cpc de première instance,

y ajoutant :

condamner la Sas Kjc Patrimoine à régler à la société Du Pareil Au Même la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du cpc à hauteur d'appel, outre les entiers frais et dépens de la présente instance.

Motifs de la décision :

Demeure en débats, en appel, la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2019 avec des chefs de contestation sur la surface pondérée du local, sur les références retenues dans le quartier et sur la minoration de 8% au titre de la taxe foncière.

Les parties s'entendent sur l'application d'une majoration de 5% pour la destination « tous commerces ».

La cour d'appel rappelle que la fixation du loyer renouvelé pour un bail de 9 ans dont la durée n'est pas contestée en appel doit répondre aux critères de l'article L145-33 du code de commerce qui dispose que : « Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments ».

L'article 145-3 du dit code précise : « Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire ».

Et l'article R145-5 indique que « La destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L145-47 à L145-55 ».

- sur l'établissement de la surface pondérée :

le bailleur rappelle que les locaux se composent de deux lots : le lot n°10 au rez de chaussée, sous-sol et entresol et le lot n° 5 avec uniquement un sous-sol de 303m2.

Concernant le sous-sol, il est demandé de pondérer la zone de 40m2 comme l'a fait l'expert judiciaire avec un coefficient de 1, mais en revanche, de pondérer la zone de 60m2 à 1,30 et non 1,20 comme l'a retenu l'expert judiciaire alors que le rez de chaussée bénéficie de 3 pans de murs tous dotés de vitrine donnant sur la [Adresse 14] et sur la [Adresse 16] et la [Adresse 17] soit 119m2 (= 41m2 + 78 m2).

Concernant l'entresol, il est reproché au juge des loyers de l'avoir pondéré comme s'il s'agissait d'une simple réserve alors qu'il s'agit d'un espace bénéficiant d'une luminosité naturelle et d'une importante hauteur sous plafond avec un grand escalier, zone que l'expert judiciaire avait proposé de pondérer à 0,50 pour 60 m2 de surface « effet bandeau » et à 0,40 pour la surface restante de 41 m2 soit au total 46,40m2. Le bailleur rappelle qu'il n'appartient pas au preneur, par un choix unilatéral, de réduire la surface de vente du local loué.

Concernant le sous-sol, le juge a confirmé la pondération de l'expert judiciaire à 0,25 pour 101m2 soit 25,25 m2 de surface pondérée et il est demandé de confirmer cette derniere pondération.

La société DPAM propose de fixer la surface pondérée à 147m2 et non à 185m2 comme le propose l'expert judiciaire essentiellement sur l'entresol d'une surface de 101 m2 qui, selon elle, ne peut pas être considérée comme une surface de vente mais comme une réserve et doit être pondérée au coefficient de 0,2 soit 20,20 m2 de surface pondérée. Elle insiste sur le fait que le bail ne prévoit aucune affectation de ces surfaces et qu'ainsi, les locaux doivent être valorisés en fonction de l'affectation effective des surfaces.

Les parties s'opposent sur l'interprétation de deux arrêts suivants de la chambre commerciale : Cass 3eme du 13 juin 2024 n° 2313613 et Cass 3ème du 11 mai 2022

n °20 21689, 20 21651 et 20.21 653.

En 2022, la 3ème chambre de la Cour de cassation a précisé que :
« selon l'article L. 145-33, 1°, du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est notamment déterminée d'après les caractéristiques du local considéré.

Selon l'article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux, de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée.

Prive sa décision de base légale au regard de ces textes, la cour d'appel qui fixe le loyer commercial à une certaine somme en considération de la surface de vente effectivement exploitée par le locataire compte tenu de la transformation en réserve d'une partie antérieurement utilisée en surface de vente, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'affectation à la vente d'une surface moindre que celle autorisée par le bail pour cette activité ne résultait pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur ».

En 2024, elle a rejeté le pourvoi contre l'arrêt qui avait retenu la surface pondérée en fonction de l'utilisation réelle des locaux selon l'activité en précisant « que les travaux d'aménagement réalisés par la locataire n'avaient pas modifié la structure du bâtiment et que la configuration des locaux répondait pleinement à l'activité exercée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le contrat de bail définissait spécifiquement une surface de vente, a pu se fonder sur les caractéristiques propres du local au jour du renouvellement et prendre en considération l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public et à l'exploitation suite à ces travaux ».

Par conséquent, l'arrêt de 2024 est venu préciser la portée de l'arrêt de 2022 et il ressort de cette jurisprudence qu'il convient de rechercher préalablement si le bail a précisé la surface de vente à exploiter pour déterminer le taux de pondération des surfaces louées et, à défaut d'une telle précision sur la surface de vente, la pondération doit se faire en fonction de la réalité de l'activité exploitée dans chaque partie du local.

Il convient de relever que la surface utile est de 303 m2 soit une surface qui demeure dans la catégorie des boutiques traditionnelles de maximum 300 m2 de surface de vente selon la charte des experts en évaluation immobilière ; il ne s'agit pas d'une hyperboutique avec des salles énormes pour vendre et pour stocker de la marchandise.

Par ailleurs dans le bail commercial litigieux, il n'est pas précisé la surface de vente minimale à utiliser par le preneur et la description des locaux se borne à indiquer les pièces par niveau.

Sur l'entresol, après avoir décrit l'espace utilisé comme réserve, accessible par un escalier privatif d'une hauteur sous plafond d'environ 3,14 m équipé de vitrines, l'expert judiciaire retient que l'espace vente est de 20,02 m2 et les autres espaces de 19,79 m2.

Or, la cour constate que le locataire n'avait pas réalisé des travaux d'aménagement ni modifié la structure du bâtiment ni la configuration des locaux qui répondait pleinement à l'activité exercée et que par ailleurs le contrat de bail ne définissait pas spécifiquement une surface de vente. Dès lors, en fonction des caractéristiques du local, il convient de prendre en considération l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public et à l'exploitation.

L'entresol n'était pas affecté à l'espace de vente, il n'est donc pas nécessaire de pondérer pour 20,02 m2 un espace de vente potentiel en dépit des caractéristiques favorables à la vente de cet étage. Toutefois, c'est un espace disposant de vitrines en angles avec une bonne hauteur de plafond (3,14m) et un accès par escalier large avec une luminosité naturelle ; le coefficient de pondération sera limité à 0,2 en raison de son usage en réserve du magasin.

Sur le rez de chaussée, la cour retient la description faite par l'expert judiciaire qui distingue une zone de vente 1 en angle de 60m2 avec un coefficient de pondération de 1,2 en raison de son exposition sur plusieurs rues et un surface de vente zone 2 de 41m2 avec un coefficient de pondération de 1 dès lors que la quasi totalité des surfaces se situe à moins de 8m d'une vitrine.

La cour retiendra la surface pondérée suivante :

sous-sol de 101m2 avec un coefficient de pondération de 0;25 soit surface pondérée 25,25m2

rez de chaussée : 113m2

surface de vente en angle 60m2 coefficient de 1,2

surface de vente 41m2 coefficient de 1

entresol : 20,20m2

une grande pièce, vestiaire, sanitaires 101m2 coefficient de 0,2

Soit au total une surface pondérée de 158,45m2 (= de 25,25m2+113m2+20,20m2) arrondie à 158m2

- sur la valeur locative en fonction des références retenues :

le bailleur reproche à l'expert judiciaire d'avoir écarté des références proches sur la [Adresse 14] comme l'[Adresse 14] Bar ( loyer de 798 euros /m2 et non 723 euros), les références du [Adresse 3] de 600 euros/m2 et d'avoir retenu des références de baux bancaires qui sont spécifiques ainsi que la référence Darty non encore définitivement établie. Le bailleur propose d'autres références plus classiques notamment Yoshi, SFR et Orange et Clopinette.

Et sur 8 références qui lui paraissent plus cohérentes, le bailleur aboutit à un prix moyen de 767 euros /m2.

Le preneur sollicite la confirmation de l'analyse de l'expert judiciaire, qui a retenu 8 références et écarte les deux extrêmes non significatifs et parvient à un prix moyen de 450 euros /m2, et conteste la pertinence des nouvelles références proposées par le bailleur.

En application de l'article R145-7 du code de commerce « Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.

A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation. »

Après examen des références proposées et de l'analyse de l'expert judiciaire, la cour rappelle qu'il convient de retenir des références proches et notamment quant à la surface considérée pour obtenir des unités de surface comparables. Ainsi c'est à bon droit que l'expert judiciaire a écarté les références aux surfaces extrêmes, trop petites ou beaucoup trop grandes, et que la cour écartera également les références de l'[Adresse 14] Bar, de Depil Tech, de The Kooples ou de Clopinette dont le surfaces pondérées de ces commerces ne dépassent pas 70 m2.

Les locaux Finsbury du [Adresse 1] représentent une surface pondérée de 106m2. L'expert judiciaire a retenu cette référence.

Les références bancaires ne sont pas à écarter dès lors que les surfaces pondérées sont proches et que les loyers sont représentatifs des loyers commerciaux pratiqués dans le quartier.

Sur les 8 références qu'il a étudiées, l'expert judiciaire a également rejeté L'[Adresse 14] Bar, de dimension trop petite, et la BNP Paribas à l'angle de la [Adresse 19] pour une surface pondérée de 180m2 au loyer valorisé à 333 euros/m2 qui lui a paru non représentatif du prix du marché alors que ce local est situé près de la [Adresse 14].

Le bailleur reproche à l'expert de ne pas avoir retenu la référence Orange ( 106 m2 de surface pondérée pour un loyer de 1426 euros /m2), la référence SFR (117 m2 pour un loyer de 912 euros /m2) et la référence Yoshi (132 m2 de surface pondérée pour un loyer de 631 euros /m2).

La cour retient la pertinence des explications de l'expert judiciaire qui, répondant aux dire du bailleur, a précisé que les références Orange et SFR sont trop anciennes, comme étant respectivement des loyers de 2009 et 2005, et qui a insisté sur le fait que les locaux Darty et Banque Populaire ont fait l'objet de fixation de loyer judiciaire à des prix moyens nettement inférieurs aux références Orange et SFR.

Quant à la référence Yoshi, à l'angle de la [Adresse 15] et de la [Adresse 14], elle n'a pas été soumise à l'appréciation de l'expert judiciaire et ses caractéristiques ne permettent pas de retenir cette référence comme équivalente s'agissant d'un fonds de restauration rapide / salon de thé, avec une configuration des locaux très particulière non comparable à ceux de la société DPAM.

La cour d'appel retiendra par conséquent la moyenne des 6 références proposées par l'expert judiciaire et aboutit à un prix moyen de 450 euros/m2.

La valeur globale annuelle sera donc de 71.100 euros HC/HT( = 450 euros/m2 x 158 m2).

- sur l'application d'un coefficient de minoration pour charge de la taxe foncière au preneur :

le bailleur conteste le coefficient de minoration de 8% pour charge liée à la taxe foncière alors que dans les faits, la taxe foncière réelle est de 6500 euros et ne représente que 4,4% du loyer, et ce d'autant plus que l'expert judiciaire n'a pas toujours indiqué dans les références retenues si le preneur avait à sa charge la taxe foncière. Il propose de réduire le loyer du montant réel de la taxe foncière.

Le preneur ne conteste pas le coefficient de minoration retenu par l'expert judiciaire et ne répond pas précisément à l'argumentation du bailleur.

A l'examen des pièces produites, la cour relève que le bailleur justifie du montant de la taxe foncière en 2023, soit 6481 euros ce qui représentait alors 5,5% du loyer mais ne justifie pas des années antérieures ni ultérieures.

Le montant de la taxe foncière étant évolutive et tendant à augmenter du fait des charges croissantes des collectivités territoriales, le coefficient de minoration de 8% proposé par l'expert judiciaire apparaît justifié mais le bailleur est libre, à l'avenir, de proposer de prendre à sa charge la taxe foncière des locaux en signant avec le preneur un avenant au bail commercial.

La cour confirmera le jugement qui a retenu un taux de minoration de 8% du prix du loyer renouvelé lié à la charge de la taxe foncière au preneur.

- En définitive, sur le prix du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2019 avec application des taux de majoration et de minoration :

dès lors que les parties ne remettent pas en cause le taux de majoration du loyer renouvelé lié à la destination élargie du bail, la valeur locative annuelle de 71.100 euros HC/HT arrêtée précédemment après modification de la surface pondérée doit être majorée de 5 % et minorée de 8%.

Or, comme le preneur a sollicité, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation du jugement qui a arrêté le loyer à 71.073,45 euros HC/HT, et pour ne pas juger ultra petita, la cour retient que le loyer sera fixé à ce dernier montant en dépit de la modification de la surface pondérée.

Le jugement sera confirmé sur le montant du loyer renouvelé au 1er juillet 2019 et sur l'obligation de la SAS KJC Patrimoine de rembourser les loyers trop perçus à compter du 1er juillet 2019 avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation et pour chacune des échéances.

- sur les demandes accessoires :

le preneur demande 8000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le bailleur demande 5000 euros de ce chef.

La SAS KJC Patrimoine qui succombe sera condamnée à prendre en charge les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Eu égard à l'issue du litige et aux points de contestation tranchés en appel, il convient de condamner la SAS KJC Patrimoine à verser à la SASU DPAM la somme de 2.500 euros pour les frais irrépétibles de première instance et 2500 euros pour les frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la Sasu Du Pareil au Même de sa demande de frais irrépétibles

Et statuant à nouveau de ce seul chef infirmé

- Condamne la SAS KJC Patrimoine aux dépens d'appel

- Condamne la SAS KJC Patrimoine à payer à la Sasu Du Pareil au Même la somme totale de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,

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