CA Angers, ch. civ. A, 7 octobre 2025, n° 23/01772
ANGERS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Sanofi Winthrop Industrie (SA), Janssen Cilag (SAS), Caisse de Mutualité Sociale Agricole de Loire Atlantique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Muller
Conseillers :
Mme Gandais, Mme Reuflet
Avocats :
Me Dufourgburg, Me Lechelon, Me Rubinel, Me Aviges, Me de Mascureau, Me Poisvert
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 14 avril 1991, Mme [I] [Y] épouse [J], à la suite d'un accouchement, a souffert d'une mycose vaginale ainsi que d'une infection urinaire pour le traitement desquelles il lui a été prescrit notamment du Pipram et du Daktarin.
Le 7 juin 1991, elle a présenté une dermatose bulleuse puis, le 9 juin 1991, un 'dème facial ainsi qu'une dyspnée laryngée qui ont entraîné son hospitalisation au CHU de [Localité 18] dans un service de dermatologie.
Le 11 juin 1991, il a été diagnostiqué qu'elle souffrait du syndrome de Lyell (nécrolise épidermique toxique) et compte tenu des atteintes cutanées mais également respiratoires et digestives, elle a été transférée dans le service des grands brûlés du CHU le 13 juin 1991 où elle est restée jusqu'au 5 juillet 1991.
Mme [J] a gardé des séquelles cicatricielles ainsi que des troubles oculaires conduisant à une quasi-cécité.
Suspectant que ce syndrome de Lyell avait une origine médicamenteuse, Mme [J] a assigné en référé expertise la société Rhône-Poullenc-Roger-Bellon commercialisant le Pipram, aux droits de laquelle est intervenue la SA Sanofi-Aventis France, la SAS Janssen-Cilag, commercialisant le Daktarin et la Caisse de mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique.
Par ordonnance du 20 juillet 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes a fait droit à cette demande et a commis un collège d'experts qui a déposé son rapport définitif le 4 mai 2007.
Par actes d'huissier des 8 et 9 décembre 2010, Mme [J] et son époux, M. [L] [J], agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [F] [J] ainsi que leur fille majeure, Mme [M] [J], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nantes, la SA Sanofi-Aventis France en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices et ont mis en cause la Mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique en qualité de tiers payeur.
Par ordonnance du 16 mai 2013, le juge de la mise en état, faisant droit à la demande de la SA Sanofi-Aventis France, a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée à un collège d'experts.
Par acte d'huissier du 5 août 2013, la SA Sanofi-Aventis France a fait assigner en intervention forcée la SAS Janssen-Cilag.
Les experts ont déposé leur rapport définitif le 28 juin 2014.
Par jugement en date du 6 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Nantes a :
- déclaré recevable l'action engagée par les consorts [J],
- dit n'y avoir lieu à saisir la cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle,
- débouté les consorts [J] de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté la société Sanofi Aventis France et le laboratoire Janssen-Cilag de leurs autres demandes,
- débouté la société Sanofi Aventis France et le laboratoire Janssen-Cilag de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts [J] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise, et qui pourront être recouvrés par la SCP Cadoret-Toussaint-Denis et associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal, en premier lieu sur la recevabilité de l'action, a relevé que les consorts [J] entendent rechercher la responsabilité des sociétés Sanofi-Aventis France et Janssen-Cilag principalement sur le fondement contractuel de l'article 1147 du code civil (dans sa version applicable au litige) et subsidiairement sur le fondement extra contractuel des articles 1382 et 1383 du code civil (dans leur version applicable au litige) en raison du préjudice corporel résultant de la prise des deux médicaments commercialisés par ces deux laboratoires. Il a encore souligné que dès lors qu'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive européenne du 25 juillet 1985 mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant cette directive, l'article 2270-1 du code civil doit être interprété à la lumière de la directive et que le délai de prescription de l'article 10 de la directive court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. Le tribunal a dès lors considéré que la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de l'article 2270-1, interprété à la lumière de la directive, doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci. Relevant que les experts ont conclu que l'état de Mme [J] peut être considéré comme consolidé le 18 septembre 2010, le tribunal a considéré que l'action engagée les 8 et 9 décembre 2010 n'était pas prescrite. Le tribunal a encore jugé qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des articles 10 et 11 de la directive du 25 juillet 1985 et compte tenu de la jurisprudence réaffirmée de la Cour de cassation sur ce point, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle.
Sur le fond, le tribunal a rejeté les demandes formées à la fois à l'encontre de la SA Sanofi-Aventis France et à l'encontre de la SA Janssen-Cilag, retenant que même si la patiente ne présentait pas d'antécédents et si le syndrome dont elle a été atteinte est survenu peu de temps après la prise des médicaments Pipram et Daktarin, les conclusions des experts judiciaires qui sont loin d'être formelles, qui reposent sur des éléments incomplets et erronés pour certains ainsi que sur une méthode discutable, ne peuvent constituer des présomptions graves, précises et concordantes de ce que la prise de ces médicaments est en lien avec les troubles présentés par la patiente d'autant qu'il n'existe aucune association statistique significative entre la prise des molécules correspondant à ces médicaments et le symptôme de Lyell /Stevens-Johnson. Ainsi, sur l'absence d'imputabilité démontrée du Pipram dans la survenance du syndrome, le tribunal a relevé que :
- si les scientifiques s'accordent pour dire que le syndrome de Stevens-Johnson est dans environ 90% des cas d'origine médicamenteuse, il peut avoir une origine infectieuse dans 5% des cas (infection à mycoplasme exclusivement) et aucune cause n'est retrouvée dans 5% des cas ; or, au cas d'espèce, les sérologies herpès, mycoplasme... n'ont pas été réalisées, les experts se contentant d'indiquer, de façon lapidaire, qu'ils n'ont pas trouvé d'argument pour cette étiologie dans le dossier médical ; cette cause ne peut toutefois pas être écartée de manière certaine ;
- en cas de polymédication, ce qui était le cas de Mme [J], il est particulièrement difficile de déterminer lequel des médicaments peut être à l'origine de l'atteinte ;
- comme relevé par l'expert mandaté par la SA Sanofi-Aventis France, la chronologie donnée par les experts judiciaires diffère dans leurs deux rapports et des erreurs sont commises dans certaines dates, pourtant objectivées par des éléments certains ; or, comme I'indique le Protocole National de Diagnostic et de Soins en matière de syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell mis au point par le Centre de référence des dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves de l'hôpital Henri Mondor de [Localité 16] et dont on ne peut venir contester l'autorité qu'il représente en la matière, 'il est essentiel de recueillir précisément la chronologie des événements successifs conduisant à la maladie et la chronologie des prises médicamenteuses préalables dans le mois précédant l'hospitalisation, en confrontant toutes les sources possibles (patient, entourage, médecin traitant, pharmacie) (...) En cas de doute sur la causalité, il est recommandé de contacter d'urgence un centre de compétence ou le centre de référence. L'algorithme d'imputabilité ALDEN pourra aider à déterminer le ou les médicaments responsables.' ; le collège d'experts n'a pas utilisé l'algorithme ALDEN, pourtant recommandé, n'a pas recherché la demi-vie sérique du médicament et s'est contenté d'une démonstration très rapide s'appuyant en outre sur des données erronées ;
- l'expert mandaté par la SA Sanofi-Aventis France qui a utilisé la méthode recommandée, parvient à la conclusion que l'imputabilité du Pipram est improbable ou au mieux possible et alors que deux autres médicaments ont été prescrits à la patiente dont le principe actif est le même que celui du Daktarin et dont l'imputabilité n'a pas été recherchée par le collège d'experts, pas davantage que pour d'autres médicaments, eux aussi administrés à la patiente dans la même période ;
- concernant les éléments bibliographiques sur lesquels s'appuient les experts judiciaires, sur les deux observations réalisées dans la revue [Localité 17] Médical de 1984, si la responsabilité du Pipram semble formelle dans l'apparition du syndrome de Lyell pour le premier cas, elle est seulement probable dans le second cas ; en tout état de cause, il y est noté que le Pipram est commercialisé depuis 1975, sa consommation s'élève à plusieurs millions de gélules par mois et les deux cas cités demeurent marginaux ;
- aucun syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson n'est signalé dans les déclarations obligatoires d'effets inattendus ou toxiques des médicaments envoyées chaque année à la Commission Nationale de Pharmacovigilance ;
- le Pipram ne fait pas partie des 10 produits qui sont à l'origine de près de la moitié des cas de syndrome de Lyell/Stevens-Johnson en Europe d'après la Haute Autorité de Santé ;
Sur l'absence d'imputabilité démontrée du Daktarin dans la survenance du syndrome, le tribunal a relevé que :
- le Daktarin n'est pas mentionné de cas de toxidermie de type Stevens-Johnson ou Lyell dans Ies rapports de pharmacovigilance du laboratoire fabricant ou dans la banque de pharmacovigilance nationale ; aucune publication détaillée des cas n'a été retrouvée par Ies experts et cet effet secondaire est noté comme très rare ;
- le collège d'experts a encore commis une erreur manifeste, le traitement n'ayant pas pu débuter le 28 mai 1991 alors que Ies médicaments n'ont été délivrés par la pharmacie que le lendemain ; il apparaît par ailleurs contradictoire d'affirmer que deux cas sont cités dans la revue New England Journal of Medecine de décembre 1995, et qu'aucune publication des cas n'a été retrouvée ;
- de la même manière que pour le Pipram, Ies expertises judiciaires ne s'appuient pas sur la méthode pourtant recommandée par le Centre de référence des dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves ;
- si l'expert mandaté par la SA Sanofi-Aventis France, après avoir utilisé l'algorithme ALDEN, arrive à la conclusion que la relation de causalité est probable pour le Daktarin, l'expert mandaté par la SAS Janssen-Cilag, estime pour sa part qu'il n'y a pas de rapport entre la rémanence du médicament dans l'organisme et le développement d'un syndrome de Lyell et par ailleurs souligne que d'autres médicaments qui ont été pris par la patiente, ont été passés sous silence ;
- dans Ies déclarations obligatoires annuelles envoyées à la Commission Nationale de Pharmacovigilance, aucun syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson n'est signalé, même si un cas de toxidermie a été noté au cours du deuxième semestre 1988, mais évalué à 1, ce qui correspond à 'douteux" ;
- tout comme le Pipram, le Daktarin ne fait pas partie des 10 produits qui sont à l'origine de près de la moitié des cas de syndrome de Lyell/Stevens-Johnson en Europe d'après la Haute Autorité de Santé.
Les consorts [J] ont interjeté appel de cette décision le 5 octobre 2018.
Suivant arrêt rendu le 2 mars 2022, la cour d'appel de Rennes a :
- débouté Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] de leurs demandes tendant au rejet des conclusions de la société Sanofi Aventis France du 10 novembre 2021 et de la société Laboratoire Janssen-Cilag du 17 novembre 2021, ainsi qu'à la révocation de l'ordonnance de clôture ;
- infirmé le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Statuant à nouveau,
- jugé irrecevable l'action engagée par Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J].
Y additant,
- débouté la SA Sanofi Aventis France et la SAS Le laboratoire Janssen-Cilag de leur demande en frais irrépétibles ;
- condamné Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] aux dépens.
Pour déclarer prescrite l'action des consorts [D] tendant à voir engager la responsabilité des sociétés Sanofi-Aventis France et Janssen-Cilag, la cour, rappelant que le juge français est tenu d'interpréter le droit national à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 et à sa finalité pour les produits mis en circulation entre le 30 juillet 1988 et le 19 mai 1998, comme en l'espèce, a retenu que :
- les consorts [D] ne caractérisent aucune faute du producteur autre qu'un défaut de produit, soit une obligation de sécurité ; le défaut de surveillance de l'efficacité du produit, le manquement à l'obligation de vigilance ou au devoir d'information ne sont pas distincts du manquement à l'obligation de sécurité, de sorte que la responsabilité du fait des produits défectueux issue du droit européen est seule applicable à l'exclusion d'autres fondements juridiques ;
- la directive du 25 juillet 1985 prévoit deux délais, un délai de prescription de 3 années en son article 10 et un délai d'extinction de 10 années en son article 11 ; au regard de la mise en circulation des produits (le 21 mai 1991 pour le Pipram et le 29 mai 1991 pour le Daktarin), les consorts [D] avaient jusqu'au 21 et 29 mai 2001 pour agir judiciairement ; en assignant en référé les sociétés Sanofi Aventis France et Janssen-Cilag par actes des 18, 21 et 25 avril 2006 puis au fond par acte du 9 décembre 2010, soit nettement postérieurs au délai de 10 ans, ils voient leur action éteinte en application de l'article 11.
Le 21 juin 2022, les consorts [D] ont formé un pourvoi en cassation.
Suivant arrêt rendu le 5 juillet 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il juge irrecevable l'action engagée par Mme [Y], épouse [J], M. [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J], l'arrêt rendu le 2 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
- remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers ;
- condamné la société Sanofi-Aventis France et la société Janssen-Cilag aux dépens ;
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Sanofi-Aventis France et a condamné celle-ci avec la société Janssen-Cilag à payer à Mme [Y] épouse [J], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] la somme globale de 3.500 euros.
Pour statuer ainsi, elle a considéré que la cour d'appel a violé l'article 2270-1 du code civil car dès lors qu'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive mais, avant la date de l'entrée en vigueur de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l'article 2270-1 du code civil, en ce qu'il prévoit un délai de prescription et non un délai-butoir, doit être interprété à la lumière de l'article 10 de la directive quant à son point de départ et non à celle de l'article 11 selon lequel les droits conférés à la victime s'éteignent à l'expiration d'un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit, dès lors que ce texte instaure un délai butoir enserrant le délai de prescription de l'article 10. La Cour de cassation a jugé ainsi que la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation au sens de l'article 2270-1, doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celle-ci.
Suivant déclaration reçue le 6 novembre 2023, les consorts [D] ont saisi la cour d'appel de renvoi, intimant les sociétés Sanofi-Aventis France et Janssen-Cilag ainsi que la Caisse mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique.
Suivant écritures signifiées le 4 mars 2024, la SA Sanofi Winthrop Industrie est intervenue volontairement à la procédure comme venant aux droits de la SA Sanofi-Aventis France.
Le 17 juillet 2024, la SA Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de la SA Sanofi-Aventis France a saisi le président de la chambre d'une demande de sursis à statuer (dans l'attente d'un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne dans une procédure initiée à la suite du renvoi par la cour d'appel de Rouen aux fins de questions préjudicielles par arrêt du 25 avril 2024).
Suivant ordonnance rendue le 20 novembre 2024, la présidente de chambre a déclaré la SA Sanofi Winthrop industrie intervenante volontaire et venant aux droits de la SA Sanofi-Aventis France et la SAS Janssen-Cilag irrecevables en leur demande de sursis à statuer en ce qu'elle est présentée devant la présidente de la chambre alors qu'elle relève de la compétence de la cour d'appel.
La MSA de Loire-Atlantique qui n'a pas constitué avocat, a reçu signification :
- de la déclaration de saisine et des conclusions des consorts [D] ainsi que du dernier avis de fixation du 29 novembre 2024 par acte d'huissier remis à personne habilitée le 5 décembre 2024,
- des conclusions de la SA Sanofi-Aventis France et de la SA Sanofi Winthrop industrie, intervenante volontaire, par acte d'huissier du 11 mars 2024 remis à personne habilitée.
L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2025 puis, reportée au 23 avril 2025, et l'audience de plaidoirie fixée au 6 mai de la même année conformément aux prévisions d'un avis du 29 novembre 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de leurs dernières écritures n°2 déposées le 5 septembre 2024, les consorts [D] demandent à la cour de :
- les dire recevables et bien fondés en leur appel ;
In limine litis,
- rejeter la demande de sursis à statuer présentée par la société Sanofi Winthrop industrie;
- confirmer la décision rendue le 6 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'elle a :
'déclaré recevable l'action engagée par Mme [Y] divorcée [J], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J],'
'dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle,'
'débouté la société Sanofi-Aventis France et le laboratoire Janssen-Cilag de leurs autres demandes,'
'débouté la société Sanofi-Aventis France et le Laboratoire Janssen-Cilag de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,'
- infirmer la décision rendue le 6 septembre 2018, par le tribunal de grande instance de Nantes en qu'elle a :
'débouté Mme [Y] divorcée [J], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] de l'ensemble de leurs demandes,'
'condamné Mme [Y] divorcée [J], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais d'expertise, et qui pourront être recouvrés par la SCP Cadoret-Toussaint-Deniset associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.'
Statuant de nouveau,
sur le fondement juridique,
à titre principal,
- constater qu'ils agissent sur le fondement de la responsabilité délictuelle et démontrent un manquement au devoir de vigilance et à l'obligation de sécurité ;
A titre subsidiaire, si la cour devait ne pas retenir le fondement de la responsabilité délictuelle,
- constater qu'ils agissent sur le fondement de la responsabilité contractuelle et démontrent un manquement à l'obligation de sécurité et au devoir d'information ;
Sur la responsabilité et la liquidation du préjudice,
à titre principal,
- déclarer la Sanofi Winthrop industrie responsable des préjudices subis par Mme [Y] divorcée [J] ;
En conséquence,
- condamner la Société Sanofi Winthrop industrie à verser les sommes suivantes :
- à Mme [Y] divorcée [J] :
1 - au titre des préjudices patrimoniaux
temporaires :
a) dépenses de santé : mémoire,
b) frais de tierce personne : 241.490 euros,
c) perte de gains professionnels actuelles : 347.266 euros,
permanents :
a) dépenses de santé futures : mémoire,
b) frais de logement adapté : 119.570 euros HT,
c) frais de tierce personne : 422.725,68 euros,
d) perte de gains professionnels futurs et préjudice de retraite : 755.269,77 euros,
e) incidence professionnelle : 75.000 euros,
f) préjudice scolaire, universitaire et de formation : 14.000 euros,
soit au total de 1.975.321,45 euros ;
2 - au titre des préjudices extrapatrimoniaux
temporaires :
a) déficit fonctionnel temporaire : 145.671,63 euros,
b) souffrances endurées : 60.000 euros,
c) préjudice esthétique temporaire : 40.000 euros,
permanents :
a) déficit fonctionnel permanent : 262.500 euros,
b) préjudice esthétique définitif : 60.000 euros,
c) préjudice d'agrément : 40.000 euros,
d) préjudice sexuel : 20.000 euros,
e) préjudice permanent exceptionnel : 100.000 euros,
soit un total de 728.171,63 euros.
- à M. [L] [J] :
- préjudice d'affection 30.000 euros,
- préjudice extrapatrimonial exceptionnel 30.000 euros.
- à M. [F] [J] :
- préjudice d'affection : 20.000 euros,
- préjudice extrapatrimonial exceptionnel : 30.000 euros.
- à Mme [M] [J] :
- préjudice d'affection : 20.000 euros,
- préjudice extrapatrimonial exceptionnel : 30.000 euros ;
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Nantes et ordonner la capitalisation par année entière,
- condamner la Société Sanofi Winthrop industrie à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sanofi Winthrop industrie aux entiers dépens de la procédure ;
- débouter la Société Janssen-Cilag et Sanofi Winthrop industrie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, condamner la Sanofi Winthrop industrie solidairement avec la société Janssen-Cilag à payer l'intégralité des sommes détaillée ci-dessus détaillées dans le dispositif.
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la Sanofi Winthrop industrie solidairement avec la société Le laboratoire Janssen-Cilag dans une proportion de 90 % pour Sanofi WInthrop industrie et 10 % pour Le laboratoire Janssen-Cilag ou toute autre proportion qu'il appartiendra à la juridiction de fixer, à payer l'intégralité des sommes détaillées ci-dessus dans le dispositif ;
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Nantes et ordonner la capitalisation par année entière ;
- condamner solidairement la société Sanofi Winthrop industrie et la société Janssen-Cilag à leur verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes aux entiers dépens de la procédure.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 27 mars 2025, la SA Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de la SA Sanofi-Aventis France demande à la cour de :
in limine litis,
- ordonner le sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de l'arrêt qui sera prononcé par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans la procédure C338/24 initiée à la suite du renvoi par la cour d'appel de Rouen aux fins de questions préjudicielles par arrêt du 25 avril 2024 (RG 23/03137),
- déclarer recevable l'intervention volontaire de Sanofi Winthrop industrie qui vient aux droits de Sanofi-Aventis France à la suite d'un apport partiel d'actif puis d'une fusion absorption,
A titre principal,
- étant donné que les actions de [I] [Y], M. [L] [J], [F] [J] et [M] [J] sont irrecevables, notamment en raison de l'extinction de la responsabilité du laboratoire Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de Sanofi-Aventis France et de la prescription de leurs actions :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a déclaré les actions engagées par [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] recevables.
Statuant à nouveau,
- déclarer les actions engagées et les demandes formées par Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] irrecevables,
- rejeter les demandes formées par Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J],
- débouter Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] de l'ensemble de leurs demandes,
Et pour le cas où la cour estimerait que les actions et demandes des consorts [J] ne seraient pas éteintes ou prescrites, infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle,
Statuant à nouveau,
- surseoir à statuer et renvoyer à la Cour de Justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :
1/ L'article 11 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, selon lequel les droits conférés à la victime en application de la directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le produit à l'origine du dommage a été mis en circulation, s'oppose-t-il, notamment dans le cadre de l'obligation d'interpréter le droit national à la lumière du droit de l'Union européenne, et en l'absence de toute disposition contraire en droit interne, à ce que le juge national permette à la victime d'un préjudice corporel causé par un produit défectueux de rechercher la responsabilité du producteur quand plus de dix ans se sont écoulés depuis la mise en circulation du produit à l'origine du dommage,
2/ L'article 10 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, selon lequel l'action en réparation doit être engagée dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant 'a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage', s'oppose-t-il, notamment dans le cadre de l'obligation d'interpréter le droit national à la lumière du droit de l'Union européenne, dans la seule limite de l'interprétation contra legem, à ce que le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation d'un préjudice corporel du fait d'un produit défectueux soit fixé par le juge national, sur la base d'une jurisprudence postérieure aux faits, à la date de consolidation du dommage alors que les dispositions légales applicables à l'époque des faits dans l'Etat membre faisaient courir le délai de prescription à compter 'de la manifestation du dommage ou de son aggravation',
3/ En cas de réponse négative à la question n°2, l'article 10 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, selon lequel l'action en réparation doit être engagée dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant 'a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage' s'oppose-t-il, notamment dans le cadre de l'obligation d'interpréter le droit national à la lumière du droit de l'Union européenne, dans la seule limite de l'interprétation contra legem, à ce que le délai de prescription de l'action en réparation d'un préjudice corporel du fait d'un produit défectueux soit fixé par le juge national à une durée de 10 ans,
A titre subsidiaire, et pour le cas où la cour confirmerait le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [J] recevables et dit qu'il n'y avait pas lieu à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté Mme [I] [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] de leurs demandes,
A titre plus subsidiaire, et pour le cas où la cour infirmerait le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté les consorts [J] de leurs demandes, désigner un nouveau collège d'experts avec la même mission que celle précédemment ordonnée le 16 mai 2013 en y ajoutant les missions précises suivantes :
- analyser l'ensemble des documents qui ont été communiqués par Sanofi-Aventis France aux droits de laquelle vient Sanofi Winthrop industrie et qui ont conduit le juge de la mise en état à ordonner une nouvelle expertise, et indiquer les constatations que ces documents permettent de faire concernant le Daktarin et la survenance de syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell ;
- solliciter auprès de tout tiers et notamment des personnes en charge de RegiScar, la communication des éléments d'archives qui concerneraient le cas de Mme [Y] ;
- procéder à l'analyse de ces éléments et préciser, sur la base de ces éléments si l'un des médicaments en cause peut être à l'origine des troubles dont a souffert Mme [Y] et, si possible, indiquer lequel, notamment à l'aide des dernières connaissances scientifiques relatives à l'imputabilité de ces syndromes (Lyell et Stevens-Johnson) à la prise d'un médicament en cas de poly-médication ;
- retenir les données relatives à la durée de demi-vie des médicaments telles qu'elles figurent dans les résumés des caractéristiques des produits publiés notamment dans le dictionnaire Vidal.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer que la responsabilité des laboratoires Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de Sanofi-Aventis France et Janssen Cilag devait être retenue et que la cour décidait de condamner in solidum les laboratoires Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de Sanofi-Aventis France et Janssen Cilag :
- procéder à la fixation de la répartition à l'obligation de réparer entre les deux laboratoires Sanofi Winthrop industrie venant aux droits de Sanofi-Aventis France et Janssen Cilag par parts viriles,
- ramener l'évaluation des différents postes de préjudice faite au titre des demandes indemnitaires de Mme [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] à une plus juste mesure en suivant le détail poste de préjudice par poste de préjudice tel que décrit dans le corps des conclusions du Laboratoire Janssen-Cilag et ne pouvant être supérieure aux montants précisés ci-après :
- pour Mme [Y] :
1 - au titre des préjudices patrimoniaux
temporaires :
a) frais divers et dépenses de santé actuelle : 0 euro,
b) frais de tierce personne : irrecevabilité de la demande car prise en charge par allocation compensatoire, à défaut, 22.201 euros,
c) perte de gains professionnels actuelle : 33.661,80 euros,
permanents :
a) dépenses de santé futures : 0 euro,
b) frais de logement adapté : 0 euro,
c) frais de tierce personne irrecevabilité de la demande (prise en charge par allocation compensatoire), à défaut : 43.222,13 euros,
d) perte de gains professionnels futurs : 69.005,26 euros,
e) incidence professionnelle : 0 euro,
f) préjudice scolaire, universitaire et de formation : 0 euro,
2 - au titre des préjudices extrapatrimoniaux
temporaires :
a) déficit fonctionnel temporaire : 72.835,82 euros,
b) souffrances endurées : 16.000 euros,
c) préjudice esthétique temporaire : 8.000 euros,
permanents :
a) déficit fonctionnel permanent : 262.500 euros,
b) préjudice esthétique définitif : 22.000 euros,
c) préjudice d'agrément : 5.000 euros,
d) préjudice sexuel : 2.000 euros,
e) préjudice permanent exceptionnel : 0 euro,
soit un total de 556.426,01 euros.
- pour M. [L] [J] :
- préjudice d'affection : 10.000 euros,
- préjudice exceptionnel : 5.000 euros,
- pour M. [F] [J] :
- préjudice d'affection : 5.000 euros,
- préjudice exceptionnel : 5.000 euros,
- pour Mme [M] [J] :
- préjudice d'affection : 5.000 euros,
- préjudice exceptionnel : 5.000 euros,
auxquels la cour devra appliquer la perte de chance qui ne saurait excéder 20%.
En tout état de cause,
- débouter Mme [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] de l'ensemble de leurs demandes,
- rejeter les demandes formées par Mme [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J],
- rejeter les demandes formées par toute partie à son encontre,
- condamner in solidum Mme [Y], M. [L] [J], M. [F] [J] et Mme [M] [J] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Aux termes de ses dernières écritures n°3 déposées le 5 septembre 2024, la SAS Janssen-Cilag demande à la cour de :
in limine litis,
- constater que les questions préjudicielles transmises à la CJUE sont déterminantes pour l'issue du litige ;
- constater que le Daktarin prescrit à Mme [Y] a été mis en circulation en mai 1991 ;
- constater que le droit commun de la responsabilité délictuelle, applicable en l'espèce, doit être interprété à la lumière de la directive de 1985,
En conséquence,
- ordonner le sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de l'arrêt qui sera prononcé par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans la procédure C338/24 initiée à la suite du renvoi par la cour d'appel de Rouen aux fins de questions préjudicielles par arrêt du 25 avril 2024 (RG 23/03137),
- infirmer/annuler sur ce point le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018,
Statuant à nouveau,
- surseoir à statuer et renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à toutes questions préjudicielles soulevées par toute partie à la présente procédure.
A défaut de transmission de toute question préjudicielle,
- dire que l'action de Mme [Y] est irrecevable car prescrite,
- débouter Mme [Y] et consorts de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
Sur le fond, à titre principal,
- constater que le Daktarin prescrit à Mme [Y] a été mis en circulation en mai 1991,
- constater que le droit commun de la responsabilité délictuelle, applicable en l'espèce, doit être interprété à la lumière de la directive de 1985,
- constater que l'origine médicamenteuse des troubles rencontrés par Mme [Y] n'est pas certaine,
- constater que le Daktarin présente la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre,
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté Mme [Y] et consorts de l'ensemble de leurs demandes,
- débouter Mme [Y] et consorts de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions à son encontre,
A titre subsidiaire,
- constater que le Daktarin prescrit à Mme [Y] a été mis en circulation en mai 1991,
- constater que le droit commun de la responsabilité délictuelle, applicable en l'espèce, doit être interprété à la lumière de la directive de 1985,
- constater que l'imputabilité du Daktarin dans la survenue des troubles rencontrés par Mme [Y] est douteuse,
- dire que le Daktarin présente la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre,
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 6 septembre 2018 en ce qu'il a débouté Mme [Y] et consorts de l'ensemble de leurs demandes,
- débouter Mme [Y] et consorts de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions à son encontre,
A titre très subsidiaire,
- constater que le Daktarin prescrit à Mme [Y] a été mis en circulation en mai 1991,
- constater que le droit commun de la responsabilité délictuelle, applicable en l'espèce, doit être interprété à la lumière de la directive de 1985,
- constater que l'imputabilité du Daktarin dans les troubles rencontrés par Mme [Y] est douteuse alors que celle du Pipram est probable,
En conséquence,
- procéder à un partage de responsabilité entre elle et Sanofi Winthrop industrie ;
- rejeter la demande de répartition de Sanofi Winthrop industrie par parts viriles ;
- fixer la part de responsabilité qui lui incombe à un taux inférieur à 5 %,
- ramener les demandes indemnitaires de Mme [Y] à une plus juste mesure, en suivant le détail poste de préjudice par poste de préjudice tel que décrit dans le corps des présentes écritures,
- débouter Mme [Y] et consorts de toutes autres demandes, fins et prétentions, contraires au dispositif des présentes,
En tout état de cause,
- condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- débouter les autres parties de toutes leurs demandes, appels incidents, fins et prétentions contraires au dispositif des présentes.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la SA Sanofi Winthrop industrie qui vient aux droits de la SA Sanofi-Aventis France par suite d'une fusion-absorption publiée au Bodacc le 10 mai 2024 et approuvée le 1er juillet 2024.
Sur la demande de sursis à statuer
La SA Sanofi Winthrop industrie fait valoir qu'au regard de l'objet du présent litige, des positions adoptées tant par le tribunal judiciaire de Nantes que par la Cour de cassation, des demandes formées par la famille [J] et des moyens de défense qu'elle entend elle-même opposer, les réponses qui pourraient être apportées par la CJUE concernant l'application du régime de la directive, intéressent directement l'objet de l'instance et sont manifestement nécessaires à la solution du litige. Elle expose que :
- la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 26 mai 2010 que les demandeurs qui ne caractérisent aucune faute du producteur autre qu'un défaut du produit (obligation de sécurité) ne saurait fonder leur action en responsabilité sur l'article 1382 (ancien) du code civil ; elle a ajouté, dans un arrêt rendu en chambre mixte le 7 juillet 2017, que les règles applicables issues de la transposition de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux étaient d'ordre public ; toutefois, par une série d'arrêts du 15 novembre 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a adopté, dans une situation d'espèce bien particulière, une position, dont les contours ne sont pas déterminés, et qui consisterait à permettre à un demandeur d'invoquer le régime général de la faute afin de solliciter la réparation d'un dommage imputé à un produit défectueux en opposant notamment 'une faute de vigilance' commise par le producteur dans le cadre de la commercialisation du produit ; la portée de ces derniers arrêts est loin d'être acquise, plongeant les praticiens et les juridictions du fond dans la perplexité eu égard au risque de non-conformité à la jurisprudence de la CJUE ; c'est dans ce contexte que la cour d'appel de Rouen, dans son arrêt du 25 avril 2024, a décidé de saisir la CJUE de trois questions préjudicielles concernant les articles 13, 10 et 11 de la directive et ce notamment afin que la Cour puisse se prononcer d'une part sur la possibilité ou non d'agir à l'encontre d'un producteur en invoquant le régime général de la faute afin de solliciter la réparation de préjudices qui seraient consécutifs à un produit qui ne présenterait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et d'autre part sur les délais d'action propre au régime de la responsabilité des produits ;
- elle avait, avant le renvoi préjudiciel décidé par la cour d'appel de Rouen et compte tenu des positions adoptées par le tribunal judiciaire de Nantes et par la Cour de cassation, décidé de soulever dans le cadre de cette instance, trois questions préjudicielles relatives aux conditions d'application des délais prévus aux articles 10 et 11 de la directive par les juridictions françaises ; si ces questions ne sont pas identiques à celles posées par la cour d'appel de Rouen à la CJUE, elles tendent aux mêmes fins, à savoir obtenir la position de la CJUE sur le caractère impératif du régime de la directive et l'application des dispositions des articles 10 et 11 et, notamment, le point de départ du délai de prescription de l'article 10;
- plusieurs juridictions ont d'ores et déjà prononcé des sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la CJUE lorsque le demandeur soutenait que son action était susceptible d'être menée sur plusieurs fondements ;
- l'arrêt rendu par la chambre mixte le 21 juillet 2023 est venu préciser la nature du délai de l'article L 110-4 du code de commerce et les modalités de son application pour des faits antérieurs à la réforme de la prescription instituée par la loi du 17 juin 2008 en indiquant que le délai butoir de l'article L 110-4 du code de commerce est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date ; ainsi, le droit national concernant les situations intervenues avant la loi du 17 juin 2008, comme c'est le cas en l'espèce, prévoyait bien un délai butoir de 10 ans conforme à l'article 11 de la directive ;
- si elle a soulevé pour la première fois cette demande de sursis à statuer moins d'un mois avant l'avis de fixation rendu dans la présente affaire et sans avoir conclu, depuis l'arrêt du 25 avril 2024 de la cour d'appel de Rouen, sur tout autre moyen que ce soit, c'est parce qu'elle ne souhaitait pas saisir la cour de demande de sursis à statuer qui n'aurait pas eu lieu d'être si la fixation était intervenue beaucoup plus tardivement et ce, au regard des délais envisagés pour qu'un arrêt soit rendu par la CJUE (15 à 18 mois).
La SAS Janssen-Cilag s'associe à la demande de sursis à statuer sollicitée par la SA Sanofi Winthrop industrie. Elle fait valoir que la réponse de la CJUE aux trois questions préjudicielles qui lui sont posées par la cour d'appel de Rouen, dans son arrêt du 25 avril 2024, est cruciale pour éclairer les débats dans la présente instance dès lors que :
- la décision à intervenir de la CJUE sera de nature à déterminer si Mme [Y] peut ou non maintenir ses demandes sur un double fondement ; si la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 mai 2010, a confirmé que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés, un doute sur cette position a été instauré par plusieurs arrêts qu'elle a rendus le 15 novembre 2023 ; il est dès lors primordial que la Cour de Justice puisse préciser sa position sur la possibilité d'option dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
- sur l'argumentation portant sur l'article L 110-4 du code de commerce, il importe d'attendre la position de la CJUE pour déterminer si ce délai doit être regardé comme un délai butoir conformément à l'article 11 de la directive ou s'il s'agit d'un délai de prescription au regard de l'article 10 de la directive, cela d'autant plus que les arrêts en date du 21 juillet 2023 ont éludé cette question en écartant simplement l'application de cet article L 110-4 du code de commerce pour les vices cachés, sans se prononcer sur le point de départ de ce délai.
Les consorts [D] soutiennent qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer, la réponse à la question de la recevabilité de leur action ne faisant aucun doute. Ils font valoir que :
- la SA Sanofi Winthrop industrie fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans la mesure où, à plusieurs reprises dans la procédure, ses propres demandes de questions préjudicielles ont été rejetées ; tant le tribunal de grande instance de Nantes dans sa décision du 6 septembre 2018 que la Cour de cassation, dans son arrêt du 5 juillet 2023, ont retenu, à la lumière de la directive européenne, la recevabilité de leur action fondée sur le régime de droit commun français ;
- la SA Sanofi Winthrop industrie entend remettre en question l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans la présente instance, évoquant un arrêt rendu le 25 avril 2024 par la cour d'appel de Rouen pour appuyer son argumentation, ayant attendu trois mois après que l'arrêt évoqué ait été rendu pour présenter sa demande alors même qu'elle était également partie à cette procédure et que l'ordonnance de clôture dans la présente instance devait intervenir le 25 septembre 2024 pour une fixation à l'audience de plaidoiries du 8 octobre 2024 ;
- les sociétés intimées et notamment la SA Sanofi Winthrop industrie, sont de particulière mauvaise foi et n'ont de cesse de revenir sur des points juridiques d'ores et déjà tranchés, de manière purement dilatoire.
Sur ce, la cour
Il résulte des articles 378 et 379 du code de procédure civile que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine sans dessaisir le juge, l'instance étant poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis et le juge pouvant, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
Hors des cas expressément prévus par la loi dans lesquels il est obligatoire, le sursis est facultatif et peut être prononcé dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice si l'issue d'une autre procédure est susceptible d'avoir une incidence directe sur la solution du litige. Dans ce cas, le juge est tenu d'apprécier in concreto la réalité et la nature de cette dernière, qui ne commande pas en soi le prononcé du sursis ainsi que l'opportunité de la mesure en considération de son caractère éventuellement dilatoire, tant sur la forme au regard des conditions de présentation de la demande de sursis que sur le fond à l'aune du sérieux des moyens qui la soutiennent, et de ses conséquences sur les droits des parties et sur la durée prévisible des procédures pendantes.
Par ailleurs, l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (ci-après la directive) qui régit la relation entre le régime de responsabilité sans faute instauré par la directive et les régimes nationaux de responsabilité dispose que 'La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive.'
Il importe encore de rappeler que s'agissant d'un produit défectueux qui aurait été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, soit le 30 juillet 1988 mais, avant la date de l'entrée en vigueur de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive dans notre droit national, les règles de la responsabilité de droit commun, qui demeurent applicables, doivent être interprétées à la lumière de la directive.
En l'espèce, il convient de relever que la cour d'appel de Rouen qui a saisi la CJUE dans un arrêt rendu le 25 avril 2024, a eu à examiner une action en responsabilité contre la SA Sanofi Pasteur, sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil mais également 1240 et 1241 du même code, en lien avec une vaccination qui aurait conduit à la survenance d'une maladie neurologique. En l'occurrence, la personne vaccinée, atteinte de cette maladie, reproche au producteur de n'avoir eu aucune réaction, de n'avoir effectué aucune recherche ni aucune surveillance après la commercialisation du vaccin en cause, malgré de nombreuses alertes sur les effets de son vaccin aluminique. C'est au regard de ce litige que la cour d'appel, considérant qu'une interprétation s'imposait au regard de la directive a saisi la CJUE des trois questions préjudicielles suivantes :
1°) 'L'article 13 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, dans son interprétation résultant de l'arrêt du 25 avril 2002 ([T] [O] [G] contre Medicina Asturiana SA. C-183/00) selon lequel la victime d'un dommage peut se prévaloir d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle reposant sur des fondements différents de celui instauré par la directive, doit-il être interprété en ce sens que la victime d'un produit défectueux peut demander réparation au producteur de son dommage sur le fondement du régime général de responsabilité pour faute en invoquant notamment un maintien en circulation du produit, un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit ou, d'une façon générale un défaut de sécurité de ce produit'
2°) 'L'article 11 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, selon lequel les droits conférés à la victime en application de la directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le produit à l'origine du dommage a été mis en circulation, est-il contraire aux dispositions de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne en ce qu'il priverait la victime souffrant d'un préjudice évolutif provoqué par un produit défectueux de son droit d'accès à un juge'
3°) 'L'article 10 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, qui fixe comme point de départ du délai de prescription de trois ans « la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage », peut-il être interprété comme ne pouvant courir que du jour où l'intégralité du dommage est connue, notamment par la fixation d'une date de consolidation se définissant comme l'instant à partir duquel l'état de la victime du dommage corporel n'est plus évolutif de sorte qu'en cas de pathologie évolutive, la prescription ne commence pas à courir, et non au jour où le dommage est apparu de façon certaine, en lien avec le produit défectueux, peu important son évolution ultérieure'.
Dans l'affaire intéressant la présente instance, les consorts [D] fondent leurs demandes indemnitaires dirigées contre les sociétés Sanofi Winthrop industrie et Janssen-Cilag, à titre principal sur le régime de responsabilité délictuelle et à titre subsidiaire sur le régime de responsabilité contractuelle. A ce titre, ils excipent des griefs suivants :
- à l'égard de la SA Sanofi Winthrop industrie : un défaut de vigilance, une violation de son devoir d'information et un manquement à l'obligation de sécurité du médicament
- à l'égard de la SAS Janssen-Cilag : une violation de son devoir d'information, un manquement à l'obligation de sécurité du médicament.
S'agissant des fondements choisis et pour répondre aux contestations élevées par les sociétés Sanofi Winthrop industrie et Janssen-Cilag, les consorts [D] renvoient notamment aux quatre arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 15 novembre 2023 (pourvois n° 22-21.174, 22-21.178 , 22-21.179 et 22-21.180) qui a jugé que 'la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement [de l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil], si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit'.
Il importe de rappeler que dans un arrêt rendu le 25 avril 2002 (C-183/00 [G]), la CJUE, saisie d'une question préjudicielle par un juge espagnol portant sur l'interprétation de l'article 13 de la directive a dit que ' la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive (...) n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute' (point 31), que 'la référence, audit article 13, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la directive doit être entendue (...) comme visant un régime propre, limité à un secteur déterminé de production' (pt 32). Ainsi la Cour a conclu qu' 'il y a (...) lieu de répondre' que l'article 13 de la directive doit être interprété en ce sens que les droits conférés par la législation d'un État membre aux victimes d'un dommage causé par un produit défectueux, au titre d'un régime général de responsabilité ayant le même fondement que celui mis en place par ladite directive, peuvent se trouver limités ou restreints à la suite de la transposition de celle-ci dans l'ordre juridique interne dudit État' (pt 34).
Postérieurement à cette décision, la Cour de cassation a pu préciser les contours de la faute qui pourrait être invoquée, en indiquant que si la victime optait pour le régime de la responsabilité délictuelle, la faute devait être 'distincte du défaut de sécurité du produit ' (Com., 26 mai 2010, pourvoi n°08-18.545, Civ. 1ère,10 décembre 2014, pourvoi n°13-14.314) et qu'ainsi le régime devait reposer 'sur des fondements différents de celui du défaut de sécurité du produit litigieux ' (Civ. 1ère, 17 mars 2016, pourvoi n° 13-18.876). Dans un arrêt du 7 juillet 2017 (pourvoi n°15-25.651) rendu en chambre mixte, elle a pu ajouter que les 'règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne' s'imposent aux juges du fond qui doivent en faire application même si le demandeur ne les a pas invoquées et s'est fondé sur le droit commun de la responsabilité civile pour soutenir son action. La Cour de cassation a ainsi précisé que la victime ne pourra pas se placer sur le terrain du droit commun en invoquant une faute particulière, la faute d'information sur les risques du produit.
De ce qui précède, il est constant que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1382 du code civil (devenu 1240 du code civil), si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur.
Cette faute non définie par la CJUE aux termes de l'arrêt précité du 25 avril 2002, et présentée par la Cour de cassation comme 'distincte du défaut de sécurité du produit' puis comme pouvant correspondre à 'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit' (arrêts du 15 novembre 2023), légitime un éclairage aux fins de déterminer si elle doit être nécessairement distincte du défaut de sécurité du produit ou si elle peut correspondre à un défaut - extrinsèque - du produit et ce, au regard de la directive.
Il s'agit là d'une des questions centrales qui oppose les parties au présent litige, qui a des conséquences s'agissant du délai d'action et qui est précisément l'objet de la première question préjudicielle posée par la cour d'appel de Rouen qui invite la CJUE à dire si des fautes qui ne sont pas nécessairement distinctes du défaut de sécurité du produit (un maintien en circulation du produit, un manquement au devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit ou d'une façon générale un défaut de sécurité de ce produit) sont de nature à engager valablement la responsabilité du producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil au regard de l'interprétation qu'elle donne à l'article 13 de la directive.
La réponse qui sera apportée par la CJUE à cette question est dès lors susceptible d'avoir une incidence sur la solution du présent litige, étant observé que les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle relative à l'interprétation d'une directive de l'Union européenne, s'imposent aux juridictions des Etats membres.
Il doit être précisé que l'audience devant la Cour de justice de l'Union européenne s'est tenue le 26 mars 2025 et que l'avocate générale a déposé ses conclusions le 19 juin 2025 de sorte que la suspension de la présente instance jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour européenne ne conduit pas à placer les parties dans une situation d'attente manifestement incompatible avec leur droit d'obtenir une décision de justice dans un délai raisonnable.
Par ailleurs, la cour relève que la deuxième question relative au délai butoir de dix ans prévu à l'article 11 de la directive et sa compatibilité avec le droit d'accès au tribunal, dans une situation dans laquelle la personne lésée souffre d'un état pathologique évolutif, ne concerne pas la présente affaire. De même, la troisième question relative au point de départ de la prescription triennale, prévue à l'article 10 de la directive, dans le cadre d'une pathologie évolutive, ne présente pas davantage d'intérêt pour la résolution du présent litige puisque les consorts [D] n'invoquent pas de pathologie évolutive.
Ainsi, seule la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la première question préjudicielle posée par la cour d'appel de Rouen, dans son arrêt du 25 avril 2024, justifie le sursis à statuer. Celui-ci sera donc ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Les dépens seront réservés compte tenu du sursis à statuer.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la SA Sanofi Winthrop industrie qui vient aux droits de la SA Sanofi-Aventis France,
Constate que les questions préjudicielles numérotées 2 et 3 posées par la cour d'appel de Rouen dans son arrêt du 25 avril 2024 ne justifient pas de surseoir à statuer dans l'attente des réponses qui y seront apportées par la Cour de Justice de l'Union européenne,
Ordonne le sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de l'arrêt qui sera prononcé par la Cour de Justice de l'Union européenne dans la procédure C-338/24 initiée à la suite du renvoi par la cour d'appel de Rouen aux fins de réponse à la question préjudicielle numérotée 1, par arrêt du 25 avril 2024,
Dit qu'à la survenance de l'événement auquel est subordonné le sursis à statuer, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir à nouveau la présente juridiction aux fins de poursuite de l'instance,
Réserve les dépens.