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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 7 octobre 2025, n° 25/05932

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/05932

7 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2025

(n° / 2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/05932 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLC4M

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mars 2025 -Tribunal des activités économiques de Paris - RG n° 2024068868

APPELANTE

S.A.R.L. LIPPI, exerçant sous le nom commercial MERCIER [Localité 7] ET FILS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 823 091 707,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocate au barreau de PARIS, toque : D1878,

INTIMÉES

Le comptable public, responsable du PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ (PRS) PARISIEN 1, comptable chargé du recouvrement,

Situé [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Philippe MARION de la SELEURL AD LEGEM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E2181,

S.E.L.A.R.L. ASTEREN, prise en la personne de Maître [D] [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LIPPI,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DIJON sous le numéro 808 344 071,

Dont l'étude est située [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Valérie DUTREUILH, avocate au barreau de PARIS, toque : C0479,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 septembre 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Isabelle ROHART dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La société à responsabilité limitée à associé unique Lippi exerce une activité de dépannage, rénovation, tout corps d'état, gestion, marketing, call center, conseil en communication.

Invoquant une créance de 106 418,19 euros, le PRS a fait assigner la société Lippi par acte du 17 février 2022 devant le tribunal des activités économiques de Paris afin qu'il ouvre une procédure de liquidation judiciaire à son égard.

L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois après des versements et moratoire accordé et respecté. En chambre du conseil le 26 mars 2024, le PRS a sollicité le retrait du rôle. Par courrier du 21 octobre 2024, il a demandé le rétablissement de l'instance et par application de l'article 383 du code de procédure civile, celle-ci a été réintroduite.

Par jugement du 12 mars 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Lippi, désigné la SELARL Asteren, en la personne de Me [H], liquidateur judiciaire, fixé au 12 septembre 2023 la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté du redressement fiscal et dit que les dépens seront portés en frais privilégiés de procédure collective.

Le 21 mars 2025, la société Lippi a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 septembre 2025, la société Lippi demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel, y faisant droit, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, à titre principal, juger que le comptable public ne prouve pas qu'elle est en état de cessation des paiements et qu'elle ne présente aucune perspective de redressement, en conséquence, débouter le comptable public de sa demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, déclarer n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective, condamner le comptable public à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard, et réserver les frais et dépens de la procédure.

A l'audience, l'avocat de la société Lippi précise qu'il demande à titre subsidiaire l'ouverture d'un redressement judiciaire.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 juillet 2025, la SELARL Asteren, ès qualités, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, et réserver les dépens en frais de procédure.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 août 2025, le PRS demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel, débouter la société Lippu de son appel, confirmer le jugement, et dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le dossier a fait l'objet d'une communication au ministère public le 22 avril 2025

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

Le PRS souligne qu'il appartient à la cour de statuer sur la recevabilité de l'appel, notamment au regard du fait que les conclusions de l'appelante ont été signifiées avec retard, le 16 juin 2025, l'avis de fixation en circuit-court étant daté du 14 avril 2025. Cependant cette demande ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions et, à l'audience, il indique renoncer à cette demande. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur l'état de cessation des paiements

La société Lippi conteste être en état de cessation des paiements.

Elle rappelle qu'elle n'était pas présente ou représentée à l'audience du 12 mars 2025 ayant donné lieu à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son égard, et expose que le créancier poursuivant n'a pas démontré de manière effective son état de cessation des paiements, que le jugement se limite à relater que : « l'Etat de cessation des paiements est caractérisé par des tentatives de recouvrement infructueuses », sans aucun détail supplémentaire.

Elle souligne que la procédure collective a été ouverte sur assignation du 17 février 2022, qu'elle a fait l'objet de plusieurs renvois après que des moratoires lui ont été accordés, et qu'elle a respectés. Elle précise qu'elle a ainsi procédé au remboursement de ses dettes de TVA depuis le mois de novembre 2021 pour un montant total de 83 263,81 euros, que cet état de fait a justifié le retrait de l'affaire du rôle.

Elle reproche au tribunal de ne pas avoir caractérisé son état de cessation des paiements et fait valoir que le PRS lui réclame un solde de dette fiscale alors qu'il n'est versé à la procédure aucune mise en demeure ou dénonciation de l'accord qu'ils avaient conclu et qu'il ne justifie d'aucune mesure de recouvrement de nature à prouver qu'elle se trouve en état de cessation des paiements.

La SELARL Asteren, ès qualités, expose que le passif déclaré dans le cadre de la liquidation judiciaire s'élève à la somme de 469 144 euros, dont 357 460 euros à titre privilégié, (dont 141 426 euros à titre provisionnel), et 111 684 euros à titre chirographaire. Elle précise que le PRS a déclaré des créances à hauteur de 189 953 euros, à titre définitif, et au titre de l'impôt sur les sociétés des années 2020 à 2022, outre de la TVA sur 2021 à 2023.

Elle fait valoir que le bordereau de situation fiscale communiqué par la société appelante fait apparaître une dette de 191 521 euros du 15 avril 2025, ce que la société ne semble pas contester.

Le PRS soutient que l'absence de représentation de la société Lippi lors des audiences devant le tribunal des activités économiques n'est due qu'à sa propre carence et révèle un désintérêt manifeste pour sa propre défense. S'agissant de l'état de cessation des paiements, il est argué que ce dernier est caractérisé et le PRS reprend les chiffres avancés par le liquidateur, tout en soulignant que le passif fiscal n'est pas contesté par la société, et que les avis de mis en recouvrement émis ne peuvent être regardés que comme établissant des créances fiscales certaines, liquides et exigibles. Il expose que le plan de règlement qu'il avait accepté n'a pas été respecté par la société Lippi, en déduit qu'elle se trouve bien en état de cessation des paiements, et que face à l'échec des mesures de recouvrement diligentées, démontrant l'absence de tout actif saisissable, il est dès lors nécessaire qu'elle soit placée en procédure collective.

Aux termes de l'article L.631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L.631-2 ou L.631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements et le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

En l'espèce, la société Lippi est débitrice d'un passif exigible non contesté de 189.953 euros et il n'est fait état d'aucun actif disponible.

Il s'ensuit qu'étant dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, elle se trouve en état de cessation des paiements.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les perspectives de redressement

La société Lippi sollicite à titre subsidiaire l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et expose s'être récemment vue approuvée dans les supports publicitaires de la plateforme Google Local Services, collaboration qui serait le préalable à son rebond d'activité et lui permettra de se voir attribuer un nombre important de prospects qu'elle revendra aux entreprises de dépannage à domicile. Elle fait valoir qu'elle travaille actuellement sur un prévisionnel d'activité réaliste et raisonnable qui sera produit prochainement, lequel serait difficile à élaborer eu égard aux conséquences de la liquidation judiciaire.

La SELARL Asteren, ès qualités, réplique qu'aucune des perspectives évoquées par la société appelante n'est corroborée par des pièces, que les comptes annuels des exercices 2023 et 2024 ne sont pas produits, qu'aucune pièce n'est produite quant au solde de trésorerie, et budget de trésorerie. Il en est déduit que dans ce contexte, il est impossible d'avoir une réelle visibilité sur la situation financière de la société, et qu'en l'état, au vu du montant du passif, et de la faiblesse des bénéfices réalisés historiquement, elle ne peut que solliciter la confirmation de la liquidation judiciaire.

Le PRS souligne que la société Lippi ne démontre pas qu'elle dispose de perspectives de redressement et relève que les résultats d'exercice n'ont cessé de chuter année après année, que le dernier paiement de TVA versé auprès de la Banque de France remonte au 13 février 2024, qu'elle a sciemment choisi de ne pas reverser la TVA perçue pour le compte du Trésor public, révélateur d'une pratique délibérée et installée. Il lui apparait donc à ce jour que la situation est immédiatement compromise et que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne peut être que confirmée.

Selon l'article L.640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

En l'espèce, la société Lippi, qui invoque des perspectives d'apurement du passif, ne verse au débat aucune pièce de nature à en démontrer l'existence.

Par ailleurs, elle ne fournit ni les comptes annuels des exercices 2023 et 2024, ni aucun prévisionnel d'activité, alors qu'elle a pourtant bénéficié de délais importants, l'assignation du PRS remontant au 17 février 2022

Il s'ensuit que son redressement apparaît manifestement impossible.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la date de cessation des paiements

Les premiers juges ont fixé la date de cessation des paiements au 12 septembre 2023 et la société Lippi ne critique pas cette date.

Il convient de relever que la société Lippi était débitrice depuis le 17 février 2022, date de l'assignation, d'une dette fiscale d'un montant en principal de 94.022,41 euros, qui n'a été que partiellement apurée et qu'elle ne fait état d'aucun actif disponible, de sorte que c'est à juste titre que la date de cessation des paiements a été fixée au 12 septembre 2023, c'est-à-dire 18 mois antérieurement au jugement d'ouverture.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La société Lippi sera déboutée de sa demande euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Rejette la demande de la société Lippi au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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