CA Rennes, 2e ch., 7 octobre 2025, n° 23/00634
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Terra Nova (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseillers :
M. Pothier, Mme Picot-Postic
Avocats :
Me Pelce, Me Preneux, Me Le Bris-Voinot
EXPOSE DU LITIGE
Suivant bon de commande du 11 mars 2021, M. [Z] [H] a contracté avec la société Terra Nova aux fins de réalisation de travaux de décoration d'intérieur de son logement et de mise aux normes de deux tableaux électriques pour un montant total de 27 709 euros TTC.
Le 21 juin 2021, M. [Z] [S] s'est rétracté.
La société Terra Nova a édité le 15 octobre 2021, une facture d'un montant de 6 000 euros TTC relative à la mise aux normes des tableaux électriques qui avait été réalisée.
Suivant acte extrajudiciaire du 18 janvier 2022, la société Terra Nova a assigné M. [Z] [H] devant le tribunal judiciaire de Nantes.
Suivant jugement du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- Condamné M. [Z] [H] à payer à la société Terra Nova la somme de 6 000 euros TTC au titre de la facture du 15 octobre 2021,
- Débouté la société Terra Nova de sa demande au titre des pénalités,
- Condamné M. [Z] [H] à payer à la société Terra Nova la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté M. [Z] [H] de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et l'article R.631-4 du code de la consommation,
- Condamné M. [Z] [H] aux dépens.
Suivant déclaration du 27 janvier 2023, M. [Z] [H] a interjeté appel.
Par dernières conclusions du 3 mars 2025, M. [Z] [H] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Terra Nova de sa demande au titre des pénalités.
- Infirmer le jugement en ce qu'il :
- L'a condamné à payer à la société Terra Nova la somme de 6 000 euros TTC au titre de la facture du 15 octobre 2021,
- L'a condamné à payer à la société Terra Nova la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- L'a débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et l'article R.631-4 du code de la consommation,
- L'a condamné aux dépens.
Statuant à nouveau,
Sur le contrat,
A titre principal,
- Prononcer la nullité du contrat qu'il a passé avec la société Terra Nova le 11 mars 2021.
A titre subsidiaire,
- Constater qu'il a valablement exercé son droit de rétractation par son courrier du 21 juin 2021.
A titre infiniment subsidiaire,
- Prononcer la caducité du contrat qu'il a passé avec la société Terra Nova le 11 mars 2021.
Sur la nature des condamnations,
- Condamner la société Terra Nova à lui rembourser la somme versée au titre de la facture du 15 octobre 2021,
- Condamner la société Terra Nova au démontage, à la reprise du matériel et à la remise en état de l'habitation, à ses frais, dans les deux mois suivant la signification du jugement et après avoir prévenu le demandeur au moins quinze jours à l'avance,
- Condamner la société Terra Nova à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Terra Nova aux dépens de la présente procédure dont l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
Par dernières conclusions du 13 septembre 2023, la société Terra Nova demande à la cour :
- La recevoir en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de versement par M. [Z] [H] de l'indemnité prévue au contrat s'élevant à 35% de la somme totale afférente aux travaux de décoration minorée à 4 000 euros,
- Condamner M. [Z] [H] à lui payer l'indemnité prévue au contrat s'élevant à 35% de la somme totale afférente aux travaux de décoration minorée à 4 000 euros,
- Confirmer la décision entreprise pour le surplus,
- Condamner M. [Z] [H] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [Z] [H] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
A l'appui de sa demande en annulation du contrat, M. [H] fait valoir que les conditions générales du contrat n'énoncent pas le droit de rétractation dont dispose le consommateur.
Il n'est pas discuté que le contrat du 11 mars 2021 a été conclu hors établissement au domicile de M. [H].
Aux termes des articles L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et qui doit notamment comporter, à peine de nullité, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.
Il sera constaté que les informations relatives au droit de rétractation sont, en ce qui concerne le point de départ de ce délai, erronées.
En effet, le contrat litigieux, qui portait notamment sur la livraison d'un parquet ainsi que sur une prestation de service de pose doit être assimilé à un contrat de vente en application de l'article L. 221-1, II, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, de sorte que le droit de rétractation du consommateur courrait à compter de la réception du bien par le consommateur ou le tiers désigné par lui, et non du jour de la signature du bon de commande comme il était indiqué à tort dans le bordereau de rétractation.
Au surplus, les conditions générales du contrat ne comportent aucune autre information sur les modalités d'exercice du droit de rétractation, et notamment sur le point de départ du délai, hormis le fait qu'il n'existe pas de droit de rétractation en cas de vente conclue dans le cadre de foires et salons alors que le bon de commande n'a pas été conclu dans un tel contexte.
Il en résulte que, si M. [H] pouvait en l'espèce exercer son droit de rétractation dès la conclusion du contrat conclu à son domicile à la suite d'une opération de démarchage, le délai de quatorze jours ne commençait néanmoins à courir qu'à compter de la livraison du parquet et non à compter du jour de la commande.
Il résulte de l'article L. 242-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées à l'article L. 221-5 7° dudit code ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue, de sorte qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévu par l'article L. 221-20 du même code, dans sa rédaction applicable à la cause.
La société Terra Nova soutient que ces irrégularités ne sont sanctionnées que par une nullité relative que M. [B] aurait renoncé à invoquer.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, M. [H] ait eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation, étant constaté que non seulement les dispositions légales visées plus haut n'étaient pas rappelés dans les conditions générales du contrat mais que de surcroît le bordereau de rétractation comportait des indications erronées sur le point de départ du délai.
Dès lors, rien ne démontre que M. [H] avait connaissance de ce vice du bon de commande lorsqu'il a laissé la société Terra Nova intervenir à son domicile et il ne saurait être considéré que le consommateur a, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et qu'il aurait de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et de prononcer la nullité du contrat conclu le 11 mars 2021 et la société Terra Nova.
L'annulation du contrat implique que les parties soient remises dans leur situation antérieure.
M. [H] est en conséquence fondé à obtenir restitution des sommes versées en exécution du contrat annulé.
Il appartient en contrepartie à la société Terra Nova de procéder à ses frais à la reprise du matériel installé et à la remise en état des locaux appartenant à M. [H] dans leur état antérieur. Si la société Terra Nova soutient être dans l'impossibilité de procéder à la réinstallation du matériel déposé qui a été mis au rebut, elle n'établit pas se trouver dans l'impossibilité de procéder à la remise en état des locaux par des éléments équivalents.
La société Terra Nova sera condamnée à la reprise du matériel et à la remise en état des lieux dans les conditions précisées au dispositif.
Succombant en appel, la société Terra Nova, supportera les dépens de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu de la condamner au paiement des éventuels frais d'exécution, le juge de l'exécution pouvant seul, en application de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, trancher toutes contestations liées aux frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de M. [H] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de la procédure, et la société Terra Nova sera condamnée à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes,
Prononce l'annulation du contrat conclu le 11 mars 2021 entre M. [Z] [H], d'une part et la société Terra Nova d'autre part,
Dit que la société Terra Nova devra à ses frais reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile de M. [H] et procéder à la remise en état de l'habitation dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt, après en avoir prévenu ce dernier au moins quinze jours à l'avance,
Condamne la société Terra Nova à restituer à M. [Z] [H] l'ensemble des sommes versées en exécution du contrat annulé au titre de la restitution du prix,
Condamne la société Terra Nova à payer à M. [Z] [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Terra Nova aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.