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Décisions

CA Metz, 1re ch., 7 octobre 2025, n° 23/00668

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 23/00668

7 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/00668 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F5YO

Minute n° 25/00133

S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, S.A.S. LLOYD'S FRANCE

C/

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT NORD EST

Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de [Localité 7], décision attaquée en date du 07 Février 2023, enregistrée sous le n° 20/00708

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025

APPELANTES :

S.A.S. BUREAU VERITAS CONSTRUCTION, représentée par son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me François RIGO, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Emma FAVIER, avocat plaidant du barreau de PARIS

S.A.S. LLOYD'S FRANCE, représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me François RIGO, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Emma FAVIER, avocat plaidant du barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT NORD EST, représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Flora KESSLER, avoat plaidant du barreau de STRASBOURG

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Juin 2025 tenue par M. Christian DONNADIEU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 07 Octobre 2025.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : M. DONNADIEU, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

M. BARRE, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M.Christian DONNADIEU, Président de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Lidl a confié à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS (aussi désignée Bouygues Batiment) la construction d'une plateforme logistique à [Localité 8]. Le maître d'ouvrage Lidl, a consenti à la société Bureau Veritas S.A (aussi désignée Bureau Veritas), assurée en responsabilité auprès de la compagnie QBE Europe (aussi désignée QBE), une mission de contrôle technique définie par une convention datée du 7 novembre 2013 et deux avenants approuvés par Bureau Veritas respectivement le 22 janvier 2014 et le 23 janvier 2014.

La réception de la construction est intervenue le 19 juin 2015.

En date du 2 juin 2017, la société Lidl a dénoncé à l'entreprise Bouygues Bâtiment des infiltrations importantes sous toiture.

La société Allianz, assureur en responsabilité de la société Bouygues Bâtiment a organisé une expertise amiable et désigné pour y procéder le cabinet IXI. Le cabinet d'expertise Cerec, est intervenu à ces opérations pour la société QBE France, assureur en responsabilité de la société Bureau Veritas.

Dans le rapport final déposé le 14 septembre 2018, l'expert a fait valoir que les infiltrations sous toiture étaient imputables à des non-conformités de mise en 'uvre du collage partiel de la membrane MO et il a retenu la responsabilité de la société Bureau Veritas, en sa qualité de contrôleur technique, à hauteur de 10 % des dommages après avoir chiffré le montant total des réparations à un montant de 440 000 euros (hors taxes).

Par courrier du 7 janvier 2020 la société Bouygues Bâtiment, en qualité d'entreprise principale titulaire du marché, a présenté son recours à la société QBE à hauteur de la somme de 44 000 euros.

Par correspondance dématérialisée du 6 mars 2020, la société QBE, assureur de la société Bureau Veritas S.A a refusé de faire droit au recours présenté indiquant que l'assuré n'acceptait pas une part de responsabilité supérieure à 5 %.

La société Bouygues Bâtiment, par courriel du 14 mai 2020, a rejeté la limitation de responsabilité proposée par QBE France et maintenu la quote-part de responsabilité de la société Bureau Veritas à hauteur de 10 % en se prévalant des manquements constatés lors de l'expertise, lesquels n'auraient pas dû être ignorés par le contrôleur technique qui avait pour mission de veiller à la mise en 'uvre conforme de la membrane MO avec le dossier technique.

La société Bouygues Bâtiment a adressé à la société QBE, par courrier daté du 15 juin 2020 une mise en demeure de payer à la société QBE la somme de 44 000 euros.

Par acte d'huissier en date du 24 novembre 2020, la société Bouygues Bâtiment a assigné la société Bureau Veritas devant le tribunal judiciaire de Metz sollicitant notamment et au visa des articles 1231-1 et 1240, 1792 et suivants du code civil, la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 44 000 euros.

Dans le cadre de cette procédure, sont intervenues volontairement, la société Bureau Veritas Construction S.A.S, venant aux droits de la société Bureau Veritas S.A, et la compagnie Lloyd's France S.A.S, en sa qualité de filiale de la société QBE Europe SA/NV (ci-après dénommée QBE Europe).

Aux termes des dernières conclusions déposées, la société Bouygues Bâtiment a demandé, sous le bénéfice de l'assignation, être déclarée recevable et bien fondée et obtenir la condamnation de la défenderesse à payer solidairement avec la société Bureau Veritas Construction S.A.S. et la Compagnie Lloyd's France S.A.S la somme de 44 000 euros, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 juin 2020.

Aux termes des dernières écritures déposées Bureau Veritas et la société QBE Europe ont conclu à l'irrecevabilité des demandes formées contre elles et leur mise hors de cause de cette dernière, tant sur le fondement des dispositions de l'article 32 du code de procédure civile que des articles 1231-1, 1240 et 1792 du code civil et à titre subsidiaire limiter la responsabilité de Bureau Veritas à hauteur de 5% du coût des travaux retenus par le cabinet IXI soit la somme de 22 000 euros HT.

Par jugement contradictoire prononcé le 7 février 2023, le tribunal judiciaire de Metz a :

Déclaré irrecevables les demandes dirigées contre Bureau Veritas SA et contre QBE Europe SA/NV,

Déclaré recevable les interventions volontaires de Bureau Veritas Construction et de Lloyd's France,

Débouté Bureau Veritas Construction et Lloyd's France de leurs demandes,

Condamné solidairement la société Bureau Veritas Construction SAS et la compagnie Lloyd's France SAS à payer à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS, la somme de 44 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure alu 15 juin 2020,

Condamné solidairement la société Bureau Veritas Construction SAS et Ia compagnie Lloyd's France SAS aux dépens de l'instance,

Condamné solidairement la société Bureau Veritas Construction SAS et la compagnie Lloyd's France SAS à payer à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a déclaré le rapport d'expertise amiable opposable à la société Bureau Veritas après avoir relevé que cette dernière avait été convoquée aux réunions organisées par l'expert malgré l'absence d'accusé de réception. Le premier juge a retenu, d'une part, que le pré-rapport du 14 mai 2018 avait fait mention d'un contact entre l'expert et la société Bureau Veritas aux termes duquel cette dernière avait fait savoir que le dossier avait bien été pris en compte par leur service contentieux, d'autre part que le rapport du 14 septembre 2018 porte mention de l'intervention de M. [T] représentant le cabinet Cerec intervenant pour le compte de la société QBE France sur site le 10 juillet 2018.

En outre a été relevée la proposition d'imputation de 5 %, les échanges de courriels entre QBE et Bouygues Bâtiment sur les causes des responsabilités et les montants engagés. La juridiction a indiqué que l'expertise contestée avait été versée aux débats et soumise au contradictoire.

S'agissant des demandes de Bouygues Bâtiment le tribunal après avoir rappelé que le contrôleur technique est ainsi tenu non seulement de la responsabilité de droit commun, mais également de la responsabilité civile décennale, à l'égard du maître d'ouvrage, il est soumis, dans les limites de la mission confiée par le maître d'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil et cette responsabilité sans faute du contrôleur technique ne s'apprécie toutefois qu'au regard de sa mission. Le tribunal a indiqué que le manquement par un contractant à une obligation contractuelle constitue un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage, dès lors que le tiers établit un lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage qu'il subit, sans avoir à démontrer une faute délictuelle distincte de ce manquement. Ainsi, le contrôleur technique qui n'a de relation contractuelle qu'avec le maître de l'ouvrage, ne peut se voir appliquer la présomption de responsabilité de l'article 1792 que pour une mission de contrôle spécifique qui lui aurait été confiée par le maître de l'ouvrage.A cet égard, le tribunal a jugé que la responsabilité de Bureau Veritas à l'égard de Bouygues Bâtiment est de nature délictuelle et a admis que la convention de contrôle technique et des avenants unissant Lidl à Bureau Véritas, comprenait une mission relative à la vérification de la solidité des ouvrages et éléments d'équipements dissociables et indissociables, incluant les ouvrages d'ossature, les ouvrages de clos et de couvert offrant une protection au moins partielle contre les agressions des éléments naturels extérieurs, pour les bâtiments, les éléments d'équipement indissociablement liés (à ces) ouvrages.

Il a été retenu par le premier juge que Veritas était également missionnée STI (sécurité des personnes), incluant notamment sur les ouvrages et éléments d'équipement concourant à la prévention des incendies. Au titre de la mission STI, la solidité n'était pas contrôlée. Le jugement reprenant le rapport d'expertise établi par le cabinet IXI a retenu pour cause des infiltrations le défaut d'étanchéité d'une membrane (TPO) fixée par des bandes complémentaires (MO) présentant des défauts de collage et de fixations dont la vérification entrait dans la mission (SEI) du contrôleur technique dès lors que ces éléments concernaient des murs coupe-feu entre cellules.

Il a par ailleurs été retenu que le cabinet Cerec, expert de QBE assureur de Véritas, ne contestait pas.la responsabilité de Bureau Véritas, mais entendait la limiter à 5 %, estimant que si Bureau Veritas se devait en effet de visualiser la non-conformité de la fixation de la membrane MO dès lors qu'elle générait une perforation de la membrane TPO, la mission du contrôleur technique imposait une vérification des normes imposées par le fabricant, exigeant de s'assurer de la conformité du collage validant ainsi l'indemnisation du préjudice invoqué par la société Bouygues sans qu'il y ait lieu à réduction.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz du 20 mars 2023, les sociétés Bureau Veritas Construction S.A.S. et Lloyd's France S.A.S. ont interjeté appel de cette décision en sollicitant son infirmation en ce qu'elle a :

débouté Bureau Veritas Construction et Lloyd's France de leurs demandes,

condamné solidairement la Société Bureau Veritas Construction SAS et la compagnie Lloyd's France SAS à payer à la Société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS la somme de 44 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2020,

condamné solidairement la Société Bureau Veritas Construction SAS et la compagnie Lloyd's France SAS aux dépens de l'instance,

condamné solidairement la Société Bureau Veritas Construction SAS et la compagnie Lloyd's France SAS à payer à la Société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal et ordonné l'exécution provisoire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes des dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 3 octobre 2023, les appelantes sollicitent que sous le visa des articles 1231-1, 1240 et 1792 du code civil, le jugement dont appel soit infirmé en ce qu'il a condamné solidairement la société Bureau Veritas Construction et son assureur, Lloyd's France à payer à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS la somme de 44 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2022, les dépens de l'instance, outre le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Qu'il soit statué à nouveau et :

prononcer l'irrecevabilité à agir de Bouygues Bâtiment Nord Est sur le fondement de la responsabilité décennale/contractuelle à l'encontre de Bureau Veritas Construction et son assureur, Lloyd's France ;

rejeter toute demande contre Bureau Veritas Construction et son assureur, Lloyd's France comme étant mal fondée ;

A titre subsidiaire,

limiter la responsabilité de Bureau Veritas Construction à une quotepart résiduelle des sommes réclamées par Bouygues Bâtiment Nord-Est ;

En tout état de cause,

condamner Bouygues Bâtiment Nord Est à payer à Bureau Veritas Construction et Lloyd's France une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés appelantes font valoir que le jugement déféré a rappelé que le contrôleur technique est tenu non seulement de la responsabilité de droit commun, mais également de la responsabilité civile décennale, à l'égard du maître d'ouvrage, puisqu'il est soumis, dans les limites de la mission confiée par le maître d'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil et que cette responsabilité sans faute du contrôleur technique ne s'apprécie toutefois qu'au regard de sa mission. Elles confirment que le jugement a pu considérer que le manquement par un contractant à une obligation contractuelle constitue un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage, dès lors que le tiers établit un lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage qu'il subit, sans avoir à démontrer une faute délictuelle distincte de ce manquement.

Elles affirment qu'en application de ces principes, le contrôleur technique qui n'a de relation contractuelle qu'avec le maître de l'ouvrage, ne peut se voir appliquer la présomption de responsabilité de l'article 1792 que pour une mission de contrôle spécifique que lui aurait confiée ce maître de l'ouvrage et qu'en l'espèce, la société Lidl, maître d'ouvrage, était liée à la société Veritas par une convention du 20 novembre 2013, avec avenants des 22 et 23 janvier 2014, de sorte que la responsabilité de Veritas à l'égard de Bouygues ne peut être que de nature délictuelle. Elles exposent que le raisonnement du tribunal est conforme à la jurisprudence qui refuse toute subrogation dans le cadre du recours entre coobligés condamnés sur le fondement de l'article 1792 du code civil, le premier payeur devant fonder son recours sur le fondement du droit commun (délictuel ou contractuel) et non pas sur l'article 1792 du code civil, car les personnes responsables de plein droit des désordres de nature décennale, ne peuvent agir en garantie ou à titre récursoire contre les autres responsables tenus avec elles au même titre, que sur le fondement de la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports. Elles exposent que le Tribunal a condamné Bureau Veritas et son assureur, sur le fondement de l'article 1792 du code civil alors que Bouygues Bâtiment Nord-Est n'est pas le maître de l'ouvrage en contradiction des principes rappelés et Bureau Veritas, dont la condamnation n'a pas été sollicitée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, ne saurait être condamnée sur le fondement des articles 1231-1 et 1792 du code civil à l'égard de Bouygues.

Elles soutiennent que la faute contractuelle ne peut servir de fondement à la condamnation, car, selon l'expertise amiable mandatée par l'assureur de Bouygues le cabinet IXI, si le sinistre est situé au niveau de la couverture de la plate-forme logistique de Lidl à [Localité 9] qui a été réalisée en étanchéité par membrane TPO, avec des bandes complémentaires MO en tissu, mises en 'uvre sur ladite membrane, le dommage se serait manifesté par des infiltrations récurrentes et importantes dans les cellules de l'entrepôt au droit des bandes en tissu MO. Il est rappelé que cette expertise amiable a mis en évidence d'une part que des fixations mécaniques avaient été posées, traversant le tissu MO, et d'autre part que le tissu MO avait été collé par bandes rapportées, elles-mêmes collées sur la membrane TPO, sans fixations mécaniques et que suite à des intempéries en décembre 2017 et janvier 2018, le tissu MO a été arraché et l'eau s'est infiltrée notamment dans les zones de pose collée du tissu.

Elles font valoir que si le cabinet IXI a donc retenu la responsabilité de Bureau Veritas à hauteur de 10 %, estimant que le collage en plein de la membrane était une condition nécessaire à la tenue de la membrane MO, et cette condition entrait dans sa mission STI relative à la sécurité des personnes dans les bâtiments, le jugement entrepris, a, afin de retenir la responsabilité de Bureau Veritas au titre de l'article 1792 du code civil, soulevé des manquements contractuels commis par le contrôleur technique dans le cadre de l'exercice de la mission, ce qui est contraire aux principes évoqués et justifie d'écarter le raisonnement opéré par le Tribunal.

Elles opposent que le rôle exact et l'étendue des obligations de Bureau Veritas Construction, en sa qualité de contrôleur technique, excluent toute intervention de sa part à l'acte de construire et impliquent une mission de conseil auprès du maître de l'ouvrage pour des avis de conformité technique, dans le dessein de contribuer à prévenir des aléas techniques générateurs des dommages envisagés et décrits dans chacune des missions. Elles indiquent que le contrôleur technique est soumis à la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil que par renvoi de l'article L.111-24 du code de la construction car cette activité, qui relève d'une profession réglementée soumise à agrément ministériel, est strictement encadrée par la norme NF P 03-100, relative aux critères généraux pour la contribution du professionnel à la prévention des aléas techniques dans le domaine de la construction aux termes desquelles le contrôleur technique ne peut en aucun cas, se substituer aux différents constructeurs qui procèdent, chacun pour ce qui le concerne, à l'élaboration des documents techniques, des calculs justificatifs, à la direction, l'exécution, la surveillance, et la réception des travaux.

Elles expliquent que dans le même sens, l'article L 111-25 du code de la construction et de l'habitation dispose quant à lui, afin de bien marquer la distinction avec les autres participants au chantier, que l'activité de contrôle technique est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage. Elles concluent qu'en application de ces normes, les interventions de Bureau Veritas Construction se sont exercées par un examen visuel, ne comportant ni essais, ni analyses en laboratoire, ni visites en usines, ni investigations systématiques et ne pouvaient de ce fait, présenter un caractère exhaustif. Elles affirment que l'examen des ouvrages et éléments d'équipement ne porte que sur les parties visibles ou accessibles au moment de l'intervention de Bureau Veritas Construction, qui ne procède à aucun démontage ou sondage destructif et que les visites de chantier sont effectuées de manière intermittente car Bureau Veritas Construction n'est pas tenu d'assister aux réunions de chantier ni de s'assurer de la bonne exécution des travaux.

Elles ajoutent que la norme française NF P 03-100 a valeur contractuelle et donc la loi entre les parties, par application de l'article 1 des CGI annexées à la convention de contrôle technique. Elles soutiennent que cet encadrement législatif et réglementaire limite la mission du contrôleur technique à une contribution à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages, dans les limites de la mission confiée par le maître d'ouvrage exclusive de toute capacité de conception, direction, exécution ou encore suivi et réception des travaux, incombant aux architectes, entreprises et maîtres d''uvre.

Elles exposent que le contrôleur technique n'est tenu d'aucune obligation de résultat, ainsi que le rappelle l'article 5 des conditions générales de la convention qui limite son intervention à une obligation de moyens mettant à sa charge l'exigence de rendre compte de sa mission par l'émission des avis destinés au maître de l'ouvrage lui-même qui, ensuite, décide de la suite éventuelle à y donner.

Elles exposent que dans la convention régularisée avec la société Lidl, Bureau Veritas Construction s'est vu confier une mission de contrôle technique ainsi réglementée et aucune faute ne peut lui être reprochée car le rapport amiable du cabinet IXI, dont Bouygues Bâtiment Nord-Est entend se prévaloir, ne lui est pas opposable en ce que d'une part, elle n'avait été ni convoquée ou appelée ni représentée pendant les opérations d'expertise, le simple courrier produit par Bouygues Bâtiment Nord Est n'est pas suffisante pour démontrer que Bureau Veritas a effectivement pris connaissance de son contenu, d'autre part, il n'est pas versé aux débats les accusés de réception de la prétendue lettre de convocation.

A défaut d'un rapport d'expertise judiciaire, aucune condamnation ne peut prospérer à l'encontre de Bureau Veritas ce d'autant qu'il existe une suspicion légitime de conflit d'intérêts qui oblige le juge à rechercher des éléments de preuve supplémentaires pour rendre sa décision dès lors que le cabinet IXI a été rémunéré par l'assureur de Bouygues Bâtiment Nord-Est, le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur ce seul rapport de l'expert technique de l'une des parties.

Elles font valoir qu'aucun autre élément permettant d'aborder les aspects techniques de l'affaire n'est versé aux débats et estiment que ce rapport vise à distribuer les responsabilités des différents intervenants afin d'alléger la facture de son mandant, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est car le cabinet IXI a proposé une responsabilité de 10 % à chacun des intervenants (sans compter l'étancheur, Aspecta) comme s'ils étaient intervenus pour le même type de prestation alors que l'intimée était tenue d'un devoir de surveillance de ses sous-traitants. Elles soutiennent qu'un accord aurait été signé entre les parties car ce sinistre n'a pas été garanti par Allianz, l'assureur de Bouygues Bâtiment Nord-Est dans la mesure où le coût des réparations s'est avéré inférieur à la franchise contractuelle, justifiant que l'intimée a dû se retourner contre les intervenants, dont Bureau Veritas.

Elles retiennent que la société Aspecta, principal responsable des désordres, n'a vu sa responsabilité retenue qu'à hauteur de 50 % puisqu'elle est en liquidation, ceci démontrant l'intention du Cabinet IXI de diminuer sa quote-part de responsabilité afin qu'au moins la moitié du coût du sinistre puisse être remboursée à son mandant. Pour les appelantes, seule une expertise judiciaire aurait dû être diligentée par Bouygues Bâtiment Nord-Est pour déterminer l'origine des désordres, comme cela a pu être effectué dans un dossier similaire.

Sur les désordres allégués, les appelantes opposent que s'agissant des infiltrations résultant de défauts de soudures ponctuels, elles trouvent leurs origines dans un défaut d'exécution ponctuel des soudures constitutif d'un défaut isolé d'exécution imputable à l'entreprise, non décelable par Bureau Veritas lors de ses visites ponctuelles, par sondage et non exhaustives lesquelles en application de l'article 4.2.4.2 de la norme NF P 03-100 s'exercent par examen visuel et ne comportent ni essais, ni analyses en laboratoire, ni visites en usines, ni investigations systématiques et ne peuvent de ce fait, présenter un caractère exhaustif ne portant que sur les parties visibles ou accessibles au moment de l'intervention et ce sans démontage ou sondage destructif. Elles rappellent que les visites de chantier sont effectuées de manière intermittente sans obligation d'assister aux réunions de chantier ni de s'assurer de la bonne exécution des travaux et que le contrôleur technique ne peut être tenu responsable du défaut d'exécution des soudures imputable aux entreprises ou se voir substitué au maître d''uvre, seul en charge de la direction et du contrôle de l'exécution des travaux dès lors que les désordres procèdent exclusivement d'un grave défaut d'exécution qui aurait dû être relevé par le maître d''uvre d'exécution.

S'agissant des infiltrations au droit et désolidarisation de la membrane M0, elles font valoir qu'en raison de la longueur du bâtiment, les murs coupe-feu en refend disposent d'un acrotère en surface avec adjonction de part et d'autre de bande tissu M0 de type Pibat, fabriquée par Porcher Industries et ce, afin de se conformer à la réglementation incendie. Elles affirment que cette bande M0 doit faire l'objet, au regard de la fiche technique, d'une mise en 'uvre « collée en plein », c'est-à-dire sur toute sa surface et l'insuffisance de collage entraîne progressivement le décollement de la membrane qui finit par se désolidariser et s'envoler, celle-ci n'assure donc plus sa fonction coupe-feu. Elles expliquent que l'une ou l'autre des fixations (avec fixation mécanique ou sans fixation mécanique) est mise en 'uvre sur 50% de la surface posée, or les infiltrations dont Lidl se plaint, sont occasionnées par la mise en 'uvre, par les entreprises, de fixations mécaniques, afin de maintenir la membrane M0 alors que celle-ci devait faire l'objet d'un collage en plein comme indiqué dans la fiche technique, ainsi la désolidarisation de la membrane a résulté d'un défaut de mise en 'uvre du fait d'un collage par cordons et non d'un collage en plein et cette désolidarisation a fait perdre le degré coupe-feu M0 entraînant le non-respect de la réglementation incendie.

A cet égard, elles exposent que l'intervention de Bureau Veritas Construction conformément à l'article 4.2.4.2 de la norme NF P 03-100, a consisté en l'examen des ouvrages et éléments d'équipement sur les parties visibles ou accessibles au moment de l'intervention sans démontage ou sondage destructif et la méthode de collage de la membrane employée par l'entreprise est impossible à vérifier par le contrôleur sans procéder à son démontage. Dès lors, cette partie de l'ouvrage n'étant pas accessible à l'analyse visuelle opérée par Bureau Veritas lors de ses interventions ponctuelles et non exhaustives, aucun manquement contractuel ne peut lui être reproché car la mission STI supposait que soit vérifiée la présence de la membrane afin de prévenir les aléas générateurs d'accidents corporels exclusive de tout contrôle de l'exécution des travaux ou toute mission relative à la solidité des éléments contrôlés. Elles rappellent qu'au titre de la mission STI, Bureau Veritas analyse, notamment la conformité des accès pour les secours, de la stabilité au feu, des garde-corps, ainsi le collage en plein ou partiel n'avait pas vocation à faire l'objet d'une analyse par Bureau Veritas, cette analyse incombant au seul maître d''uvre et aux entreprises chargées du lot en question et il n'appartenait pas à Bureau Veritas de s'assurer que les entreprises respectent la fiche technique de la membrane lors de l'exécution des travaux car elle n'avait aucune obligation de visiter et contrôler le chantier et elle n'avait aucun pouvoir d'arrêter les travaux, soulignant que le contrôleur technique procède à l'évaluation « papier » du projet afin de déterminer si la réglementation en vigueur est respectée. Elles soutiennent que le cabinet IXI n'a pas compris la mission de Bureau Veritas car il a indiqué que le collage en plein de la membrane était une condition nécessaire à la tenue de la membrane M0, et cette condition rentre bien dans la mission STI de Veritas alors que si le collage en plein de la membrane était une condition nécessaire à la tenue de la membrane M0, ni l'exécution de cette prestation ni le suivi de la bonne exécution de celle-ci n'incombe au contrôleur technique. Elles ajoutent que le tribunal a finalement retenu la responsabilité de Bureau Veritas au titre de sa mission L alors que Bouygues avait uniquement évoqué un manquement du contrôleur technique au titre de la mission STI, sans expliquer en quoi Bureau Veritas aurait manqué à sa mission L relative à la solidité de l'ouvrage, alors que la solidité de l'ouvrage n'a pas été atteinte en l'espèce. Elles font valoir que selon les articles 2 et 3 des conditions spéciales d'intervention de la mission L, ne comporte pas l'analyse de la méthode de collage d'une membrane dont la fonction ne concerne nullement la solidité de l'ouvrage.

A titre subsidiaire, sur la quote-part de responsabilité mise à la charge de Bureau Veritas Construction, elles expliquent que le cabinet Cerec (expert mandaté par QBE à la fin de l'expertise amiable) avait proposé d'attribuer à Bureau Veritas une responsabilité à hauteur de 5 % dans le cadre d'une recherche de solution amiable et qu'au cours de la procédure de premier instance, Bouygues Bâtiment Nord-Est a tenté de créer une confusion en soutenant que le cabinet Cerec reconnaissait d'ailleurs lui-même expressément une part de responsabilité imputable à la société Bureau Veritas Construction S.A.S., la limitant toutefois à 5 % alors qu'il ne s'agissait que d'une proposition amiable afin de clore le dossier sans les dépenses liées à une procédure judiciaire qui ne peut ni valoir acceptation de responsabilité de la part de Bureau Veritas ni avoir pour effet de rendre opposable à cette dernière le rapport amiable du cabinet IXI. Elles indiquent que si Cerec avait reconnu la responsabilité de Bureau Veritas, le contrôleur technique aurait participé au protocole signé par l'ensemble des constructeurs, ce qui n'a pas été le cas, car à aucun moment Cerec ne reconnait la responsabilité de Bureau Veritas.

Elles font état de ce que s'il devait être considéré que le rapport amiable du cabinet IXI est opposable à Bureau Veritas et que ce dernier aurait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, il est sollicité de réduire à des plus justes proportions la quotepart de responsabilité mise à la charge de Bureau Veritas par le Cabinet IXI, exposant que le partage de responsabilité à parts égales entre Bouygues Bâtiment Nord-Est et les appelantes est inéquitable car, d'une part, Bureau Veritas n'avait pas pour mission de vérifier la bonne exécution des travaux contrairement au maître d''uvre, d'autre part, il est établi qu'une partie des désordres imputables aux soudures ne concerne pas la mission de Bureau Veritas justifiant que la responsabilité du maître d''uvre soit supérieure à celle de Bureau Veritas avec une limitation de la condamnation du contrôleur technique à une quotepart résiduelle de la somme de sollicitée par Bouygues tout en laissant à cette dernière une quotepart de responsabilité supérieure à 10%, telle que proposée par l'expert, dans la mesure où il appartient à l'entreprise générale de surveiller ses sous-traitants.

Aux termes des dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 7 février 2024, l'intimé sollicite voir :

rejeter l'appel des sociétés Bureau Veritas Construction S.A.S. et Lloyd's France S.A.S. et le dire mal fondé ;

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz en date du 7 février 2023 en toutes ses dispositions ;

débouter les sociétés Bureau Veritas Construction S.A.S. et Lloyd's France S.A.S. de l'ensemble de leurs demandes.

condamner solidairement les sociétés Bureau Veritas Construction S.A.S. et Lloyd's France S.A.S. à verser à la société Bouygues Bâtiment Nord- Est S.A.S., la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses demandes, l'intimée fait valoir qu'ayant procédé au règlement des frais d'investigations, mesures conservatoires et travaux de reprise engendrés par le sinistre en qualité d'entreprise principale, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est S.A.S, est bien fondée à réclamer le remboursement de l'intégralité des montants exposés, soit la somme totale de 44 000 euros, auprès du responsable des dommages, à savoir la société Bureau Veritas Construction S.A.S. et son assureur la société Lloyds France S.A.S en application des dispositions de l'article 1240 du code Civil. Elle oppose que si la société Bureau Veritas Construction S.A.S. prétend que sa responsabilité ne pourrait être retenue en l'absence de faute de sa part, l'intimée relève qu'en sa qualité de contrôleur technique, elle est, dans la limite de sa mission, soumise à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code Civil soumise à une obligation générale de conseil qui permet d'aller la rechercher même en l'absence de faute de sa part. Cependant, elle explique que le dommage subi fait présumer que le bureau de contrôle a failli à sa mission et a commis une faute car le contrôleur technique est, de par sa fonction, garant de la conformité de l'ouvrage aux normes et notamment il lui appartenait de vérifier lui-même matériellement, sur le chantier, que les travaux sont exécutés selon les plans prévus et conformément aux règles de l'art. Elle rappelle qu'une faute contractuelle engage la responsabilité contractuelle de l'entreprise à l'égard du tiers subissant le préjudice qui en découle.

Elle conteste le caractère inopposable du rapport d'expertise à la société Bureau Veritas Construction S.A.S qui prétend que cette expertise amiable a été diligentée à l'initiative de l'intimée et alors que la société Bureau Veritas Construction S.A.S. n'a pas assisté aux réunions. Elle expose que ce rapport a été réalisé de manière contradictoire par le Cabinet IXI, à la suite de plusieurs réunions auxquelles les appelantes étaient régulièrement convoquées notamment pour les réunions des 24 avril 2018 et 19 juin 2018 ou encore en présence de la société Cerec, mandatée par l'assureur des appelants lequel était excusé lors de la réunion du 19 juin 2018 mais présent lors de la réunion du 10 juillet 2018, en présence du cabinet IXI et du maître de l'ouvrage, pour procéder au constat des désordres affectant la membrane « MO » mise en 'uvre sur la toiture terrasse.

Elle fait valoir que, lors de cette réunion, le cabinet Cerec a reconnu une responsabilité du contrôleur technique, ainsi l'absence aux opérations d'expertise amiable de la société Bureau Veritas Construction S.A.S ne peut être reproché à l'intimée. Cette dernière fait observer que les appelantes ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations à l'expert, par l'intermédiaire du cabinet Cerec, expert mandaté par la compagnie QBE Europe SA/ NV (annexes 7 et 8) qui par un courrier du 27 juillet 2018, a reconnu une part de responsabilité imputable à la société Bureau Veritas Construction S.A.S., la limitant toutefois à 5 %. Elle ajoute que, sur la base de ces observations, le cabinet IXI retenait finalement une responsabilité du contrôleur technique, qu'il estimait à 10 % et que suite au recours formé par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est S.A.S., la compagnie d'assurance QBE Europe SA/ NV reconnaissait elle aussi une responsabilité de son assuré, qu'elle limitait également à 5 %.

Sur la valeur probante du rapport d'expertise amiable, l'intimée retient qu'un rapport d'expertise amiable produit lors d'un procès constitue un élément de preuve dont les juges doivent tenir compte, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire des parties à l'instance et corroboré par d'autres éléments de preuve que l'intimée entend faire prévaloir s'agissant notamment de l'avis du cabinet Cerec, mandaté par l'assureur de la société Bureau Veritas Construction S.A.S. mais aussi des nombreux d'échanges entre les parties permettant d'établir la responsabilité des appelantes.

Elle soutient que c'est à bon droit que le premier juge relevait qu'il n'existe aucun doute quant à la convocation de la société Bureau Veritas Construction S.A.S. au regard des pièces transmises qui permettent d'établir des constats contradictoires et des échanges relatifs aux responsabilités démontrant que les demandes ne sont pas fondées exclusivement sur le rapport d'expertise produit mais également sur les échanges entre les parties et les constatations de l'expert mandaté par les appelantes établissant le dommage, la responsabilité des appelantes et le montant des réparations.

Elle rappelle que la société Bureau Veritas Construction S.A.S. avait une mission spécifique ENV + LP + PS + PV + STI + TH + RT2012 + Consuel, incluant sous le sigle LP le contrôle de solidité des ouvrages indissociables et dissociables et indique que l'expert mandaté par l'assureur, a retenu que cette mission emportait la charge de visualiser la non-conformité de la fixation de la membrane MO dès lors qu'elle génère une perforation de la membrane TPO seul élément constitutif de l'étanchéité du bâtiment. Elle fait valoir que cette expertise a confirmé que l'origine du désordre était un défaut de fixation de la membrane d'étanchéité qui présentait un collage par cordons et non un collage en plein tel qu'imposé par le fabricant. Elle expose que si la société Bureau Veritas Construction S.A.S. prétend n'avoir eu pour mission que de vérifier l'existence d'une telle membrane et non la solidité des éléments contrôlés et donc l'analyse du collage plein ou partiel, l'inclusion à la mission définie sous le sigle LP (Solidité des Ouvrages) supposait le contrôle du collage en plein de la membrane, condition nécessaire à sa tenue, conformément au dossier technique, établissant que le contrôleur technique avait une mission de contrôle et d'examen des ouvrages réalisés. L'intimée explique que l'ampleur des dommages affectant les ouvrages d'étanchéité de la toiture du pôle logistique Lidl était conséquente et ne pouvait être ignorée malgré l'absence de démontage ou de sondage destructif par le contrôleur technique car ce dernier a pu observer la méthode de mise en 'uvre et il lui appartenait d'être attentif et de procéder aux contrôles qui lui appartenaient sans que puisse être opposé le fait de ne pas avoir été en mesure de vérifier la méthode de collage de la membrane. Elle indique que la surface affectée par les désordres représente 7 500 m2 et soutient que l'absence de contrôle a laissé perdurer ce défaut de mise en 'uvre qui ne pouvait échapper à un spécialiste du contrôle des règles de construction dès lors que, dans le cadre de sa mission SEI, le collage en plein de la membrane était une condition nécessaire à sa tenue.

Pour l'intimée, le contrôleur technique avait pour mission de vérifier, outre la présence de cette membrane, les modalités de pose conformes aux règles de l'art. Elle affirme que le cabinet Cerec, expert mandaté par les appelantes, a reconnu une défaillance de la société Bureau Vertias Construction S.A.S pour asseoir la responsabilité de cette dernière à hauteur de 10%, de manière contradictoire fondant une demande indemnitaire correspondant aux frais engendrés par les mesures d'investigations et conservatoires prises, ainsi que les travaux de reprises à hauteur de sa responsabilité, soit la somme totale de 44 000 euros comme retenu par le premier juge.

Elle rappelle que les autres sociétés responsables ont réglé, ou fait régler par leur assureur, leur part à hauteur de leur responsabilité déterminée par le rapport et qu'elle-même a accepté un partage de responsabilité. Elle conteste que le cabinet IXI ait cherché à arranger les parts de responsabilité des intervenants au profit de la société Bouygues Bâtiment Nord-Est SAS et souligne que les partages de responsabilités des intervenants sont conformes au barème préconisé par la Convention de Règlement de l'Assurance Construction (CRAC) utilisé dans la gestion des sinistres dommage ouvrage entre assureurs pour améliorer l'efficacité de l'assurance construction et la gestion des sinistres relevant des articles 1792 et suivants du code Civil.

L'assureur dommages-ouvrage saisi, par le maître d'ouvrage, a pour rôle d'instruire l'affaire pour le compte de l'ensemble des autres assureurs, de désigner un expert et les taux de responsabilité seront alors attribués aux constructeurs selon le barème prévu.

Elle conteste l'utilité d'une expertise judiciaire qui aurait engendré des frais importants et du temps pour tous les intervenants, dès lors que l'existence du désordre, les dommages en résultant outre son imputabilité, bien que contestés par les appelantes, ont été confirmés par les constatations du cabinet Cerec et la compagnie QBE Europe SA/NV mandatés par les appelantes pour intervenir aux opérations d'expertise amiable au même titre que le lien de causalité entre la faute du contrôleur technique et le dommage constaté, là encore, ce lien ne saurait être contesté. Elle retient que le premier juge doit être confirmé en ce qu'il a admis que le préjudice de l'intimée trouvant sa source dans la faute contractuelle de la société Bureau Veritas Construction S.A.S., sa demande est fondée. Le sinistre relevant des garanties instaurées par les dispositions des articles 1792 et suivants du code Civil, la compagnie Lloyd's France S.A.S. ne saurait se défaire de ses obligations en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale justifiant la condamnation solidaire de l'assuré et son assureur à payer à la société Bouygues Bâtiment Nord-Est S.A.S., la somme de 44 000 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 juin 2020.

Par ordonnance du conseiller de la mise en l'état du 12 décembre 2024, l'instruction du dossier a été clôturée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour relève que selon les écritures des parties l'action en recherche de responsabilité contre le contrôleur technique doit prendre en considération les missions qui lui ont été confiées.

La cour observe que le rapport d'expertise amiable rédigé par le cabinet IXI a intégré l'intervention du cabinet Cerec mandaté par l'assureur en responsabilité de Bureau Veritas. Tant l'expert amiable que le représentant de l'assureur en responsabilité de Bureau Veritas s'accordent sur la reconnaissance d'un manquement du contrôleur technique au titre de la mission SEI. Cependant, dans les écritures et pièces produites par les parties tant en première instance qu'à hauteur d'appel, parmi les missions confiées à Bureau Veritas par le maître d'ouvrage n'est répertoriée qu'une mission STI et non une mission SEI relevant d'un champ d'application spécifique.

Les parties n'ont pas contesté ce contenu de l'expertise susceptible d'affecter la solution du litige.

Avant dire droit, il convient d'inviter les parties à conclure sur la désignation exacte des missions confiées par le maître d'ouvrage à la société Bureau Veritas et justifier au besoin de toutes pièces y afférentes.

A l'effet de permettre aux parties de se déterminer et éventuellement conclure sur les conséquences de ces éléments, il y a lieu, avant dire droit, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

La cour, avant dire droit,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats ;

Invite les parties à se déterminer et conclure sur la nature ainsi que la désignation exacte des missions confiées par le maître d'ouvrage à la société Bureau Veritas et justifier au besoin de toutes pièces y afférentes ;

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 12 février 2026 à 15h00.

La Greffière Le Président de chambre

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