CA Amiens, 1re ch. civ., 7 octobre 2025, n° 24/03191
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[T]
C/
[A] épouse [P]
[P]
EDR/VB/SB/DPC
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEPT OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/03191 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JERK
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE :
Madame [K], [E] [T]
née le 19 Janvier 1975 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe GUEVENOUX GLORIAN de la SELARL GUEVENOUX GLORIAN CHRISTOPHE, avocat au barreau de COMPIEGNE
APPELANTE
ET
Madame [Z], [I] [A] épouse [P]
née le 07 Janvier 1958 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Bénédicte LEFEBVRE de la SELARL SDBM, avocat au barreau de SENLIS
Monsieur [L], [Y] [P]
né le 04 Novembre 1950 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Bénédicte LEFEBVRE de la SELARL SDBM, avocat au barreau de SENLIS
INTIMES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 17 juin 2025 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, cadre-greffier en présence de Mme [J] [M], auditrice de justice et M. [G] [S], auditeur de justice.
Sur le rapport de Mme Emilie DES ROBERT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 octobre 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 07 octobre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Sarah BOURDEAUDUCQ, greffière placée.
*
* *
DECISION :
Par acte authentique en date du 21 septembre 2020, Mme [K] [T] a acquis de M. [L] [P] et de Mme [Z] [P], son épouse, un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Adresse 6] ([Adresse 3]), moyennant le prix de 137 000 euros.
Par correspondance en date du 20 janvier 2021, le conseil de Mme [T] a dénoncé l'existence de vices cachés et a mis en demeure M. et Mme [P] de bien vouloir prendre position sur cette situation.
Le 15 février 2021, Mme [T] a de nouveau interpelé ses vendeurs par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ces derniers ont contesté l'existence de vices cachés par courrier en réponse du 5 mars 2021.
Par acte en date du 3 mai 2021, Mme [T] les a attraits devant le président du tribunal judiciaire de Compiègne statuant en référé, afin qu'une mesure d'expertise judiciaire soit ordonnée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 26 août 2021, il a été fait droit à cette demande.
L'expert judiciaire, M. [R], a déposé son rapport le 20 décembre 2022.
Par acte en date du 22 mars 2023, Mme [T] a assigné M. et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Compiègne afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 2 avril 2024, le tribunal judiciaire de Compiègne a :
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son préjudice matériel,
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son trouble de jouissance,
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son prêt immobilier,
Condamné Mme [T] aux dépens,
Débouté Mme [T] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [T] à payer à M. et Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 juin 2024, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
PRETENTION DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2024, Mme [T] demande à la cour de :
Constater que par acte en date authentique en date du 21 septembre 2020, M. et Mme [P] ont cédé à Mme [T] un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 7],
Dire et juger que le bien immobilier acquis par Mme [T] est atteint de vices cachés, antérieurs à la vente, et connus de M. et Mme [P] lesquels ont commis un dol manifeste,
Dire et juger que M. et Mme [P] ont manqué subsidiairement à leur obligation de délivrance conforme,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 15 400 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 28 266,67 euros au titre du trouble de jouissance, avec intérêts au taux légal courant à compter de l'arrêt à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 23 427,69 euros arrêtée au 30 août 2023, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [P] aux entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2024, M. et Mme [U] demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Compiègne le 2 avril 2024, sauf à y ajouter :
Condamner Mme [T] à verser à M. et Mme [P] les sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [T] en tous les dépens,
A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires et dire que le préjudice matériel ne saurait être supérieur à 6 155,67 euros.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, il ne sera pas répondu aux demandes de Mme [T] tendant à constater que par acte en date authentique en date du 21 septembre 2020, M. et Mme [P] lui ont cédé un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 7], à dire et juger que le bien immobilier acquis est atteint de vices cachés, antérieurs à la vente, et connus de M. et Mme [P] lesquels ont commis un dol manifeste, et à dire et juger que M. et Mme [P] ont manqué subsidiairement à leur obligation de délivrance conforme, dans la mesure où il s'agit de moyens au soutien des demandes pécuniaires formées par celle-ci et non de prétentions.
1.Sur les demandes pécuniaires formées par Mme [T]
Mme [T] forme ses demandes en paiement à titre principal sur le fondement des articles 1641, 1643 à 1645 et 1137 du code civil. Elle soutient que le bien est atteint de vices cachés et que les vendeurs ont commis un « dol manifeste ».
Elle fait valoir que les vendeurs avaient non seulement connaissance des vices, mais l'intention en outre de les cacher pour vendre le bien immobilier. Dès lors, elle considère que les vendeurs ne sauraient se retrancher derrière la clause exonératoire des vices cachés insérée dans l'acte notarié. Elle ajoute que l'information volontairement dissimulée par les vendeurs constitue en l'espèce un dol, dès lors que l'information aurait été déterminante dans son choix d'acheter ou non le bien.
Elle indique s'être aperçue très rapidement après la vente de l'immeuble de l'existence d'une fuite d'eau dont elle ignorait l'existence au moment de la vente, et après quelques investigations sommaires, de la présence d'humidité dans l'immense partie de l'habitation, laquelle a manifestement détérioré le sol de la salle de bains qui présente un trou. Elle ajoute qu'il en est de même dans la cuisine et que dans une pièce voisine, il existe d'importantes traces d'humidité et le parquet est noirci.
Elle rappelle la teneur du rapport d'expertise ayant relevé que la fuite d'eau n'était pas visible au moment de la vente, qu'elle a eu pour conséquence une dégradation importante des sols, qualifiée par l'expert d'ancienne compte tenu de son étendue. Elle soutient que les travaux effectués par M. et Mme [P], ayant procédé à la pose d'un linoléum et d'un parquet flottant/cloué, ne s'expliquent que par la volonté de dissimuler les fuites anciennes et connues d'eux. Elle rappelle par ailleurs s'être aperçue de l'existence de cette fuite et de ses conséquences le jour même de la vente, soit le 21 septembre 2020, ce qui ressort du rapport de sa protection juridique en date du 25 février 2022, lequel relève que les désordres affectant le parquet d'origine dans la salle de douche et les trois pièces attenantes sont causés par l'humidité et sont anciens, ajoutant qu'ils ne peuvent être la conséquence de la seule fuite sur le flexible d'alimentation.
Elle indique que cette situation délibérément cachée par M. et Mme [P] a eu pour conséquence qu'elle n'a pu habiter pendant une longue période le bien immobilier acquis.
S'agissant de l'inondation de la cave, si l'expert a considéré que celle-ci était visible au moment de la vente, elle le conteste en précisant que lorsqu'elle a visité la maison, y compris la cave, celle-ci n'était pas inondée et elle ne pouvait deviner qu'elle l'avait été et le serait à nouveau. Elle ajoute que le rapport de sa protection juridique considère qu'il est vraisemblable que l'état de la cave soit la conséquence de la présence de la nappe phréatique, ajoutant que ce phénomène est plus susceptible d'être connu des vendeurs que d'être constaté par l'acquéreur lors de deux visites au cours desquels le niveau de la nappe n'est pas nécessairement au plus haut. Elle déplore que M. et Mme [P] ne lui aient jamais transmis aucune information sur ce point préalablement à la vente, information qu'ils connaissaient nécessairement, constituant dès lors un vice caché.
Subsidiairement, Mme [T] prétend que les vendeurs n'ont pas respecté leur obligation de délivrance conforme en vertu des articles 1604 et suivants du code civil. En effet, au cours des opérations d'expertise, ils ont admis avoir procédé à la pose d'un linoléum et d'un parquet flottant/ cloué. Or, aux termes de l'acte authentique, ils ont déclaré qu'aucune construction ou rénovation n'avait été effectuée dans les dix dernières années, et qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou d'équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'avaient été réalisés dans ce délai.
Elle considère qu'en conséquence, l'immeuble vendu n'est pas conforme aux stipulations contractuelles.
M. et Mme [P] font valoir que la présente instance ne peut reposer que sur la notion de vice caché puisqu'il est de jurisprudence constante qu'un défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale est un vice prévu par les dispositions de l'article 1641 du code civil, de sorte que seul ce fondement est applicable.
Ils rappellent que la clause d'exonération de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente était classique puisque les lieux avaient été visités libres de toute occupation.
Ils soutiennent que Mme [T] doit ainsi démontrer qu'ils auraient été de mauvaise foi et qu'ils avaient pleine connaissance de l'existence d'une fuite, ou d'une humidité conséquente, qu'ils auraient, de surcroît, tentée de cacher.
Ils expliquent qu'ils sont retraités et qu'ils n'étaient nullement des professionnels de l'immobilier. Ils contestent avoir connu et caché les conséquences de la fuite sur un flexible de lavabo, en procédant au changement du revêtement de sol de la salle de bains et d'une autre pièce.
Ils indiquent avoir posé du linoléum en salle de bains longtemps avant la vente, de la même manière que pour le parquet flottant posé dans une autre pièce. Ils ajoutent qu'il ne peut leur être fait le reproche de ne pas avoir conservé les factures de l'acquisition des matériaux, datant de l'année 2012 soit dix ans avant leur déménagement, raison pour laquelle ils ont fini par demander à leurs proches de faire des attestations, ne sachant plus que faire pour rejeter les accusations sans cesse proférées à leur encontre.
Ils soutiennent ainsi que les travaux ont été réalisés de longue date et n'ont pas de lien avéré avec la fuite. Ils indiquent que Mme [T] échoue à démontrer que le linoléum et le plancher flottant étaient récents, l'expert n'ayant pu opérer aucun constat à ce sujet puisque Mme [T] n'a curieusement pas conservé le linoléum de la salle de bain qu'elle a pourtant fait totalement enlever avant de solliciter une mesure expertale.
S'agissant des autres griefs articulés par Mme [T], ils rappellent que le tribunal a considéré, en se fondant sur le rapport de l'expert qui n'est astucieusement pas versé aux débats par Mme [T], qu'ils étaient tous visibles. Ils font valoir que dans de telles conditions, et faute de démonstration de ce qu'ils ont sciemment caché des vices ainsi qu'une fuite, la décision déférée ne peut qu'être confirmée.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Par application des articles 1642 et 1643 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Il résulte de l'article 1137 du code civil que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle pour le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat (Civ. 3ème, 23 septembre 2020, n°19-18.104), sous réserve d'établir la connaissance du vice par le vendeur (Civ. 1ère, 19 février 2002, n°99-13.034).
Aux termes des dispositions de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Il est constant que la non-conformité de la chose vendue aux spécificités convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance. En revanche, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil (Civ. 1ère, 8 décembre 1993, n°91-19.627) et relève donc de la garantie des vices cachés.
Pour débouter Mme [T] de ses demandes, le tribunal a relevé qu'aux termes du rapport d'expertise :
s'agissant du défaut de fermeture de la porte du garage et de l'inconformité du conduit de cheminée résultant de son positionnement à proximité d'une poutre en bois, ces vices étaient visibles lors de la vente y compris pour un acquéreur profane,
s'agissant de la cave extérieure, les traces d'infiltrations, l'humidité et l'absence d'étanchéité de la toiture et des accès ne pouvaient pas laisser de doute dans l'esprit d'un acquéreur profane sur les risques d'infiltrations, de sorte que le vice était apparent lors de la vente,
s'agissant des désordres résultant de la fuite d'eau survenue dans la salle de bains, ces vices n'étaient pas apparents ni décelables au moment de la vente, ce qui était par ailleurs corroboré par les photographies versées aux débats ainsi que par les déclarations des parties, ce qui rendait le bien inhabitable et donc impropre à son usage normal.
Le tribunal a rappelé que l'acte de vente comportait une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être dérogé que par la preuve faite par l'acquéreur de la connaissance par les vendeurs de l'existence de tels vices. Or, le tribunal a relevé que si l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que la fuite était ancienne, ses constatations n'avaient pas permis de confirmer la connaissance des désordres par les vendeurs au moment de la vente. Par ailleurs, le changement de revêtement du sol de la salle de bains et de la pièce principale par M. et Mme [P] ainsi que l'absence de production de factures relatives à ces travaux ne permettaient pas de démontrer la mauvaise foi de ces derniers et leur connaissance du vice. Le tribunal a précisé que les travaux étaient décrits comme étant anciens pour avoir été réalisés en 2012, ce qui était corroboré par une attestation du fils de M. et Mme [P].
A hauteur d'appel, aucune des pièces communiquées ne permet de remettre en cause l'analyse du tribunal en ce que seule la fuite d'eau survenue dans la salle de bains peut être qualifiée de vice caché, comme n'ayant été ni apparente ni décelable au moment de la vente.
Ainsi, s'agissant de la présence d'eau dans la cave voutée, laquelle est enterrée dans le jardin, la cour retient comme pertinentes les constatations de l'expert aux termes desquelles il existe un regard pour mettre en place une pompe de relevage, aucune pompe n'étant installée, et que compte tenu des traces anciennes d'humidité présentes sur les parois et du type de construction, il est clair que la cave n'est pas « étanchée » d'origine, ce qui était visible avant la vente même pour un non sachant, de sorte qu'il était possible de visualiser le risque et de demander une confirmation aux propriétaires.
Aux termes de l'acte authentique de vente du 21 septembre 2020, il est expressément stipulé en ces termes :
« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents, des vices cachés. S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, sauf si l'acquéreur a également cette qualité, ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur. »
En l'espèce, aucun élément ne permet d'établir que le linoléum posé dans la salle de bains et le parquet installé en surépaisseur dans une autre pièce avaient pour objet de masquer les conséquences de la fuite affectant le flexible reliant le lavabo à la canalisation d'arrivée d'eau. Il est d'ailleurs pertinemment relevé par M. et Mme [P] que le changement d'un flexible est une opération simple et peu coûteuse, de sorte qu'ils n'auraient eu aucun intérêt à laisser perdurer un tel dysfonctionnement s'ils en avaient eu connaissance.
Dès lors, la clause d'exonération de garantie des vices cachés s'applique.
Les critères du dol précédemment rappelés n'apparaissent pas davantage remplis, dans la mesure où la connaissance par M. et Mme [P] du seul vice caché retenu n'étant pas démontrée, et les autres vices étant apparents au moment de la vente, il ne peut leur être fait grief d'avoir entrepris des man'uvres ou des mensonges, ou encore d'avoir intentionnellement dissimulé une information dont ils savaient le caractère déterminant pour l'autre partie.
Subsidiairement, Mme [T] invoque le défaut de conformité de l'immeuble vendu, non à sa destination, mais aux stipulations contractuelles de l'acte de vente, de sorte que ce moyen relève de l'application des dispositions de l'article 1603 du code civil et non de la garantie des vices cachés.
Dans l'acte de vente figurent les stipulations suivantes, dans un paragraphe plus général intitulé « Dispositions relatives à la construction » :
« Absence d'opération de construction ou de rénovation depuis dix ans
Le vendeur déclare qu'à sa connaissance :
Aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années,
Aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'a été réalisé dans ce délai. »
M. [V] [P], fils des vendeurs, atteste avoir réalisé avec son père les travaux ayant consisté en la pose du parquet flottant et du « balatom » aux environs de la période de Noël de l'année 2012.
En tout état de cause, le bien ayant été acquis en 2011 par M. et Mme [P], ces travaux ont nécessairement eu lieu moins de dix années avant la vente intervenue le 21 septembre 2020.
Néanmoins, l'absence de signalement d'un simple changement de revêtement de sol dans une salle de bains et une autre pièce est insuffisante pour caractériser un défaut de conformité à la stipulation susvisée dans la mesure où la notion « d'opération de construction ou de rénovation », sans autre précision, doit être comprise comme ne concernant que des travaux d'envergure.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts formées au titre de son préjudice matériel, de son trouble de jouissance et au titre de son prêt immobilier.
2. Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [P]
M. et Mme [P] demandent à la cour de condamner Mme [T] à leur verser des dommages-intérêts à hauteur de 1 000 euros, sans présenter de moyens au soutien de cette prétention.
Mme [T] ne répond pas à cette demande formée à son encontre.
Sur ce,
Aux termes de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, M. et Mme [P] n'ont développé aucun moyen au soutien de leur prétention visant à condamner Mme [T] à leur verser des dommages-intérêts.
Ils en seront donc déboutés.
3. Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner Mme [T] aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance, y ajoutant qu'ils comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [T] sera par ailleurs condamnée à payer à M. et Mme [P] la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 2 avril 2024 par le tribunal judiciaire de Compiègne en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [L] [P] et Mme [Z] [P] de leur demande de dommages-intérêts,
Dit que les dépens de première instance comprendront les frais d'expertise judiciaire,
Condamne Mme [K] [T] aux dépens d'appel,
Condamne Mme [K] [T] à payer la somme de 1 500 euros à M. [L] [P] et Mme [Z] [P] au titre de leurs frais irrépétibles,
Déboute Mme [K] [T] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
N°
[T]
C/
[A] épouse [P]
[P]
EDR/VB/SB/DPC
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEPT OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT CINQ
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/03191 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JERK
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE :
Madame [K], [E] [T]
née le 19 Janvier 1975 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe GUEVENOUX GLORIAN de la SELARL GUEVENOUX GLORIAN CHRISTOPHE, avocat au barreau de COMPIEGNE
APPELANTE
ET
Madame [Z], [I] [A] épouse [P]
née le 07 Janvier 1958 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Bénédicte LEFEBVRE de la SELARL SDBM, avocat au barreau de SENLIS
Monsieur [L], [Y] [P]
né le 04 Novembre 1950 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Bénédicte LEFEBVRE de la SELARL SDBM, avocat au barreau de SENLIS
INTIMES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 17 juin 2025 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, cadre-greffier en présence de Mme [J] [M], auditrice de justice et M. [G] [S], auditeur de justice.
Sur le rapport de Mme Emilie DES ROBERT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 octobre 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 07 octobre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Sarah BOURDEAUDUCQ, greffière placée.
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DECISION :
Par acte authentique en date du 21 septembre 2020, Mme [K] [T] a acquis de M. [L] [P] et de Mme [Z] [P], son épouse, un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Adresse 6] ([Adresse 3]), moyennant le prix de 137 000 euros.
Par correspondance en date du 20 janvier 2021, le conseil de Mme [T] a dénoncé l'existence de vices cachés et a mis en demeure M. et Mme [P] de bien vouloir prendre position sur cette situation.
Le 15 février 2021, Mme [T] a de nouveau interpelé ses vendeurs par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ces derniers ont contesté l'existence de vices cachés par courrier en réponse du 5 mars 2021.
Par acte en date du 3 mai 2021, Mme [T] les a attraits devant le président du tribunal judiciaire de Compiègne statuant en référé, afin qu'une mesure d'expertise judiciaire soit ordonnée, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 26 août 2021, il a été fait droit à cette demande.
L'expert judiciaire, M. [R], a déposé son rapport le 20 décembre 2022.
Par acte en date du 22 mars 2023, Mme [T] a assigné M. et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Compiègne afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 2 avril 2024, le tribunal judiciaire de Compiègne a :
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son préjudice matériel,
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son trouble de jouissance,
Débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de son prêt immobilier,
Condamné Mme [T] aux dépens,
Débouté Mme [T] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [T] à payer à M. et Mme [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 juin 2024, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
PRETENTION DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2024, Mme [T] demande à la cour de :
Constater que par acte en date authentique en date du 21 septembre 2020, M. et Mme [P] ont cédé à Mme [T] un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 7],
Dire et juger que le bien immobilier acquis par Mme [T] est atteint de vices cachés, antérieurs à la vente, et connus de M. et Mme [P] lesquels ont commis un dol manifeste,
Dire et juger que M. et Mme [P] ont manqué subsidiairement à leur obligation de délivrance conforme,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 15 400 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 28 266,67 euros au titre du trouble de jouissance, avec intérêts au taux légal courant à compter de l'arrêt à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 23 427,69 euros arrêtée au 30 août 2023, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement à intervenir,
Condamner solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [T] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [P] aux entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2024, M. et Mme [U] demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Compiègne le 2 avril 2024, sauf à y ajouter :
Condamner Mme [T] à verser à M. et Mme [P] les sommes de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [T] en tous les dépens,
A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires et dire que le préjudice matériel ne saurait être supérieur à 6 155,67 euros.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2025.
MOTIFS
A titre liminaire, il ne sera pas répondu aux demandes de Mme [T] tendant à constater que par acte en date authentique en date du 21 septembre 2020, M. et Mme [P] lui ont cédé un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 7], à dire et juger que le bien immobilier acquis est atteint de vices cachés, antérieurs à la vente, et connus de M. et Mme [P] lesquels ont commis un dol manifeste, et à dire et juger que M. et Mme [P] ont manqué subsidiairement à leur obligation de délivrance conforme, dans la mesure où il s'agit de moyens au soutien des demandes pécuniaires formées par celle-ci et non de prétentions.
1.Sur les demandes pécuniaires formées par Mme [T]
Mme [T] forme ses demandes en paiement à titre principal sur le fondement des articles 1641, 1643 à 1645 et 1137 du code civil. Elle soutient que le bien est atteint de vices cachés et que les vendeurs ont commis un « dol manifeste ».
Elle fait valoir que les vendeurs avaient non seulement connaissance des vices, mais l'intention en outre de les cacher pour vendre le bien immobilier. Dès lors, elle considère que les vendeurs ne sauraient se retrancher derrière la clause exonératoire des vices cachés insérée dans l'acte notarié. Elle ajoute que l'information volontairement dissimulée par les vendeurs constitue en l'espèce un dol, dès lors que l'information aurait été déterminante dans son choix d'acheter ou non le bien.
Elle indique s'être aperçue très rapidement après la vente de l'immeuble de l'existence d'une fuite d'eau dont elle ignorait l'existence au moment de la vente, et après quelques investigations sommaires, de la présence d'humidité dans l'immense partie de l'habitation, laquelle a manifestement détérioré le sol de la salle de bains qui présente un trou. Elle ajoute qu'il en est de même dans la cuisine et que dans une pièce voisine, il existe d'importantes traces d'humidité et le parquet est noirci.
Elle rappelle la teneur du rapport d'expertise ayant relevé que la fuite d'eau n'était pas visible au moment de la vente, qu'elle a eu pour conséquence une dégradation importante des sols, qualifiée par l'expert d'ancienne compte tenu de son étendue. Elle soutient que les travaux effectués par M. et Mme [P], ayant procédé à la pose d'un linoléum et d'un parquet flottant/cloué, ne s'expliquent que par la volonté de dissimuler les fuites anciennes et connues d'eux. Elle rappelle par ailleurs s'être aperçue de l'existence de cette fuite et de ses conséquences le jour même de la vente, soit le 21 septembre 2020, ce qui ressort du rapport de sa protection juridique en date du 25 février 2022, lequel relève que les désordres affectant le parquet d'origine dans la salle de douche et les trois pièces attenantes sont causés par l'humidité et sont anciens, ajoutant qu'ils ne peuvent être la conséquence de la seule fuite sur le flexible d'alimentation.
Elle indique que cette situation délibérément cachée par M. et Mme [P] a eu pour conséquence qu'elle n'a pu habiter pendant une longue période le bien immobilier acquis.
S'agissant de l'inondation de la cave, si l'expert a considéré que celle-ci était visible au moment de la vente, elle le conteste en précisant que lorsqu'elle a visité la maison, y compris la cave, celle-ci n'était pas inondée et elle ne pouvait deviner qu'elle l'avait été et le serait à nouveau. Elle ajoute que le rapport de sa protection juridique considère qu'il est vraisemblable que l'état de la cave soit la conséquence de la présence de la nappe phréatique, ajoutant que ce phénomène est plus susceptible d'être connu des vendeurs que d'être constaté par l'acquéreur lors de deux visites au cours desquels le niveau de la nappe n'est pas nécessairement au plus haut. Elle déplore que M. et Mme [P] ne lui aient jamais transmis aucune information sur ce point préalablement à la vente, information qu'ils connaissaient nécessairement, constituant dès lors un vice caché.
Subsidiairement, Mme [T] prétend que les vendeurs n'ont pas respecté leur obligation de délivrance conforme en vertu des articles 1604 et suivants du code civil. En effet, au cours des opérations d'expertise, ils ont admis avoir procédé à la pose d'un linoléum et d'un parquet flottant/ cloué. Or, aux termes de l'acte authentique, ils ont déclaré qu'aucune construction ou rénovation n'avait été effectuée dans les dix dernières années, et qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou d'équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'avaient été réalisés dans ce délai.
Elle considère qu'en conséquence, l'immeuble vendu n'est pas conforme aux stipulations contractuelles.
M. et Mme [P] font valoir que la présente instance ne peut reposer que sur la notion de vice caché puisqu'il est de jurisprudence constante qu'un défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale est un vice prévu par les dispositions de l'article 1641 du code civil, de sorte que seul ce fondement est applicable.
Ils rappellent que la clause d'exonération de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente était classique puisque les lieux avaient été visités libres de toute occupation.
Ils soutiennent que Mme [T] doit ainsi démontrer qu'ils auraient été de mauvaise foi et qu'ils avaient pleine connaissance de l'existence d'une fuite, ou d'une humidité conséquente, qu'ils auraient, de surcroît, tentée de cacher.
Ils expliquent qu'ils sont retraités et qu'ils n'étaient nullement des professionnels de l'immobilier. Ils contestent avoir connu et caché les conséquences de la fuite sur un flexible de lavabo, en procédant au changement du revêtement de sol de la salle de bains et d'une autre pièce.
Ils indiquent avoir posé du linoléum en salle de bains longtemps avant la vente, de la même manière que pour le parquet flottant posé dans une autre pièce. Ils ajoutent qu'il ne peut leur être fait le reproche de ne pas avoir conservé les factures de l'acquisition des matériaux, datant de l'année 2012 soit dix ans avant leur déménagement, raison pour laquelle ils ont fini par demander à leurs proches de faire des attestations, ne sachant plus que faire pour rejeter les accusations sans cesse proférées à leur encontre.
Ils soutiennent ainsi que les travaux ont été réalisés de longue date et n'ont pas de lien avéré avec la fuite. Ils indiquent que Mme [T] échoue à démontrer que le linoléum et le plancher flottant étaient récents, l'expert n'ayant pu opérer aucun constat à ce sujet puisque Mme [T] n'a curieusement pas conservé le linoléum de la salle de bain qu'elle a pourtant fait totalement enlever avant de solliciter une mesure expertale.
S'agissant des autres griefs articulés par Mme [T], ils rappellent que le tribunal a considéré, en se fondant sur le rapport de l'expert qui n'est astucieusement pas versé aux débats par Mme [T], qu'ils étaient tous visibles. Ils font valoir que dans de telles conditions, et faute de démonstration de ce qu'ils ont sciemment caché des vices ainsi qu'une fuite, la décision déférée ne peut qu'être confirmée.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Par application des articles 1642 et 1643 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Il résulte de l'article 1137 du code civil que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle pour le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat (Civ. 3ème, 23 septembre 2020, n°19-18.104), sous réserve d'établir la connaissance du vice par le vendeur (Civ. 1ère, 19 février 2002, n°99-13.034).
Aux termes des dispositions de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Il est constant que la non-conformité de la chose vendue aux spécificités convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance. En revanche, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil (Civ. 1ère, 8 décembre 1993, n°91-19.627) et relève donc de la garantie des vices cachés.
Pour débouter Mme [T] de ses demandes, le tribunal a relevé qu'aux termes du rapport d'expertise :
s'agissant du défaut de fermeture de la porte du garage et de l'inconformité du conduit de cheminée résultant de son positionnement à proximité d'une poutre en bois, ces vices étaient visibles lors de la vente y compris pour un acquéreur profane,
s'agissant de la cave extérieure, les traces d'infiltrations, l'humidité et l'absence d'étanchéité de la toiture et des accès ne pouvaient pas laisser de doute dans l'esprit d'un acquéreur profane sur les risques d'infiltrations, de sorte que le vice était apparent lors de la vente,
s'agissant des désordres résultant de la fuite d'eau survenue dans la salle de bains, ces vices n'étaient pas apparents ni décelables au moment de la vente, ce qui était par ailleurs corroboré par les photographies versées aux débats ainsi que par les déclarations des parties, ce qui rendait le bien inhabitable et donc impropre à son usage normal.
Le tribunal a rappelé que l'acte de vente comportait une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être dérogé que par la preuve faite par l'acquéreur de la connaissance par les vendeurs de l'existence de tels vices. Or, le tribunal a relevé que si l'expert judiciaire indiquait dans son rapport que la fuite était ancienne, ses constatations n'avaient pas permis de confirmer la connaissance des désordres par les vendeurs au moment de la vente. Par ailleurs, le changement de revêtement du sol de la salle de bains et de la pièce principale par M. et Mme [P] ainsi que l'absence de production de factures relatives à ces travaux ne permettaient pas de démontrer la mauvaise foi de ces derniers et leur connaissance du vice. Le tribunal a précisé que les travaux étaient décrits comme étant anciens pour avoir été réalisés en 2012, ce qui était corroboré par une attestation du fils de M. et Mme [P].
A hauteur d'appel, aucune des pièces communiquées ne permet de remettre en cause l'analyse du tribunal en ce que seule la fuite d'eau survenue dans la salle de bains peut être qualifiée de vice caché, comme n'ayant été ni apparente ni décelable au moment de la vente.
Ainsi, s'agissant de la présence d'eau dans la cave voutée, laquelle est enterrée dans le jardin, la cour retient comme pertinentes les constatations de l'expert aux termes desquelles il existe un regard pour mettre en place une pompe de relevage, aucune pompe n'étant installée, et que compte tenu des traces anciennes d'humidité présentes sur les parois et du type de construction, il est clair que la cave n'est pas « étanchée » d'origine, ce qui était visible avant la vente même pour un non sachant, de sorte qu'il était possible de visualiser le risque et de demander une confirmation aux propriétaires.
Aux termes de l'acte authentique de vente du 21 septembre 2020, il est expressément stipulé en ces termes :
« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents, des vices cachés. S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, sauf si l'acquéreur a également cette qualité, ou s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur. »
En l'espèce, aucun élément ne permet d'établir que le linoléum posé dans la salle de bains et le parquet installé en surépaisseur dans une autre pièce avaient pour objet de masquer les conséquences de la fuite affectant le flexible reliant le lavabo à la canalisation d'arrivée d'eau. Il est d'ailleurs pertinemment relevé par M. et Mme [P] que le changement d'un flexible est une opération simple et peu coûteuse, de sorte qu'ils n'auraient eu aucun intérêt à laisser perdurer un tel dysfonctionnement s'ils en avaient eu connaissance.
Dès lors, la clause d'exonération de garantie des vices cachés s'applique.
Les critères du dol précédemment rappelés n'apparaissent pas davantage remplis, dans la mesure où la connaissance par M. et Mme [P] du seul vice caché retenu n'étant pas démontrée, et les autres vices étant apparents au moment de la vente, il ne peut leur être fait grief d'avoir entrepris des man'uvres ou des mensonges, ou encore d'avoir intentionnellement dissimulé une information dont ils savaient le caractère déterminant pour l'autre partie.
Subsidiairement, Mme [T] invoque le défaut de conformité de l'immeuble vendu, non à sa destination, mais aux stipulations contractuelles de l'acte de vente, de sorte que ce moyen relève de l'application des dispositions de l'article 1603 du code civil et non de la garantie des vices cachés.
Dans l'acte de vente figurent les stipulations suivantes, dans un paragraphe plus général intitulé « Dispositions relatives à la construction » :
« Absence d'opération de construction ou de rénovation depuis dix ans
Le vendeur déclare qu'à sa connaissance :
Aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années,
Aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'a été réalisé dans ce délai. »
M. [V] [P], fils des vendeurs, atteste avoir réalisé avec son père les travaux ayant consisté en la pose du parquet flottant et du « balatom » aux environs de la période de Noël de l'année 2012.
En tout état de cause, le bien ayant été acquis en 2011 par M. et Mme [P], ces travaux ont nécessairement eu lieu moins de dix années avant la vente intervenue le 21 septembre 2020.
Néanmoins, l'absence de signalement d'un simple changement de revêtement de sol dans une salle de bains et une autre pièce est insuffisante pour caractériser un défaut de conformité à la stipulation susvisée dans la mesure où la notion « d'opération de construction ou de rénovation », sans autre précision, doit être comprise comme ne concernant que des travaux d'envergure.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts formées au titre de son préjudice matériel, de son trouble de jouissance et au titre de son prêt immobilier.
2. Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [P]
M. et Mme [P] demandent à la cour de condamner Mme [T] à leur verser des dommages-intérêts à hauteur de 1 000 euros, sans présenter de moyens au soutien de cette prétention.
Mme [T] ne répond pas à cette demande formée à son encontre.
Sur ce,
Aux termes de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, M. et Mme [P] n'ont développé aucun moyen au soutien de leur prétention visant à condamner Mme [T] à leur verser des dommages-intérêts.
Ils en seront donc déboutés.
3. Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner Mme [T] aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance, y ajoutant qu'ils comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [T] sera par ailleurs condamnée à payer à M. et Mme [P] la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 2 avril 2024 par le tribunal judiciaire de Compiègne en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [L] [P] et Mme [Z] [P] de leur demande de dommages-intérêts,
Dit que les dépens de première instance comprendront les frais d'expertise judiciaire,
Condamne Mme [K] [T] aux dépens d'appel,
Condamne Mme [K] [T] à payer la somme de 1 500 euros à M. [L] [P] et Mme [Z] [P] au titre de leurs frais irrépétibles,
Déboute Mme [K] [T] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE