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Décisions

Cass. crim., 8 octobre 2025, n° 24-83.261

COUR DE CASSATION

Autre

Irrecevabilité

Cass. crim. n° 24-83.261

7 octobre 2025

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. Par jugement en date du 15 mars 2023, le tribunal correctionnel a déclaré M. [T] [P] coupable des délits d'escroquerie et de recel, aggravés, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, cinq ans d'inéligibilité, cinq ans d'interdiction de détenir ou de porter une arme, et a prononcé sur les intérêts civils.

3. M. [P] et le procureur de la République ont relevé appel du jugement.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 8 avril 2024

4. M. [P] ayant épuisé, par l'exercice qu'il en a fait le 4 avril 2024, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau le 8 avril suivant contre la même décision.

5. En conséquence, seul est recevable le pourvoi formé le 4 avril 2024.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à aménagement de peine ab initio, alors « que la peine d'emprisonnement ferme supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an au sens de l'article D.48-1-1 du Code de procédure pénale doit être aménagée par principe ; qu'en conséquence, le juge ne peut refuser d'aménager une telle peine que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel d'Orléans a condamné l'exposant à une peine principale d'un an d'emprisonnement ferme ; qu'en disant n'y avoir lieu d'aménager cette peine ab initio, sans justifier des raisons pour lesquelles un tel aménagement était impossible, au regard de la situation ou de la personnalité de l'exposant ou de circonstances matérielles, la Cour d'appel d'Orléans n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-2, 132-25, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour dire n'y avoir lieu à aménagement ab initio de la peine d'emprisonnement d'un an prononcée à l'encontre de M. [P], l'arrêt attaqué décrit sa situation familiale et sociale, rappelle ses antécédents judiciaires, et relève qu'il est placé en détention provisoire à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et qu'il purge une peine de trente mois d'emprisonnement prononcée le 31 janvier 2023 par la cour d'appel.

9. En se déterminant ainsi, et dès lors que la situation pénale de M. [P], placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de sa peine, la cour d'appel a justifié sa décision.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement et a reçu les constitutions de partie civile de MM. [J] [U], [L] [O], [V] [X] [H], Mmes [A] [N] et [C] [D], déclaré les prévenus solidairement responsables de leurs préjudices et sur les sommes de allouées au titre des dommages et intérêts et des frais irrépétibles de première instance ; y ajoutant, a condamné conjointement les trois prévenus à verser la somme de 800 euros à M. [J] et à M. [O] chacun en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel, alors « que Monsieur [P] ayant été déclaré coupable dans les termes de la prévention qui portait sur des faits d'escroquerie en bande organisée commis au préjudice du groupe [1] et de recel en bande organisée au préjudice de deux personnes limitativement énumérées (Madame [A] [N] et Monsieur [F] [W]) ainsi que de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales, sans qu'une victime n'ait été identifiée, viole les articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale la Cour d'appel qui condamne solidairement Monsieur [P] à indemniser des tierces personnes : Messieurs [J] [U], [L] [O], [V] [X] [H] et Madame [C] [D], au titre de leurs préjudices, sans s'expliquer sur la nature de ces préjudices et alors qu'elles ne sont pas visées comme victimes au sein dans la prévention. »

Réponse de la Cour

11. Le demandeur n'a pas contesté dans ses conclusions d'appel la condamnation solidaire prononcée sur l'action civile.

12. Le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable.

Mais sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité de M. [P] pour l'ensemble des faits sauf à requalifier l'infraction de recel en bande organisée au préjudice de M. [W] en complicité de recel en bande organisée, alors que :

« 2°/ que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de ne rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans la poursuite ; qu'au cas d'espèce, l'exposant a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroquerie et de recel ; qu'en première instance, il a été reconnu coupable de l'ensemble de ces infractions mais également du délit de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales ; qu'en confirmant le jugement entrepris sur ce point, quand les faits de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales n'étaient pas visés au sein de la prévention et que Monsieur [P] n'avait pas expressément accepté d'être jugé de ce chef, la Cour d'appel a violé les articles 388, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, l'exposant a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroquerie et de recel ; qu'en première instance, il a été reconnu coupable de l'ensemble de ces infractions mais également du délit de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales ; qu'en confirmant le jugement entrepris sur ce point et partant, en retenant au sein de son dispositif que Monsieur [P] s'était rendu coupable de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales, quand au sein de ses motifs elle s'était seulement prononcée sur la commission des infractions d'escroquerie et de recel, la Cour d'appel a procédé par contradiction de motifs en violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 388 du code de procédure pénale :

14. Il résulte de ce texte que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis par la citation ou par l'ordonnance de renvoi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention.

15. Les juges ont déclaré M. [P] coupable du délit de prise du nom d'un tiers pour lequel il avait bénéficié d'un non-lieu dans l'ordonnance de règlement du juge d'instruction.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation ne porte que sur la déclaration de culpabilité qui concerne le délit de prise du nom d'un tiers. Les autres déclarations de culpabilité sont maintenues, de même que les peines prononcées qui s'y attachent, dès lors que le délit de prise du nom d'un tiers doit faire l'objet d'une peine distincte en application de l'article 434-23 du code pénal.

19. La cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé le 8 avril 2024 :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé le 4 avril 2024 :

CASSE et ANNULE par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 2 avril 2024, mais en sa seule disposition ayant déclaré M. [P] coupable du délit de prise du nom d'un tiers, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

RAPPELLE que du, fait de la présente décision, le jugement de première instance perd toute force exécutoire en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de M. [P] du chef de prise du nom d'un tiers ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

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