Cass. com., 23 mai 1989, n° 87-18.939
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
BANQUE NATIONALE DE PARIS (SA)
Défendeur :
F..., B...
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BAUDOIN
Sur le pourvoi formé par la BANQUE NATIONALE DE PARIS, société anonyme, dont le siège social est à Paris (9e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 juillet 1987 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre A), au profit de :
1°) Monsieur Jean-Baptiste F..., demeurant à Cholet (Maine-et-Loire), ...,
2°) Monsieur Gérard BOISSINOT, demeurant à Cholet (Maine-et-Loire), ...,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 25 avril 1989, où étaient présents :
M. Baudoin, président, M. Nicot, rapporteur, MM. Z..., D..., E..., Y..., G..., B... C..., MM. Vigneron, Edin, conseillers, Mme A..., M. Lacan, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de la SCP Jean-Marie Defrenois et Marc Levis, avocat de la Banque nationale de Paris, de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat de MM. F... et X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Angers, 30 juillet 1987), MM. Boissinot, président, et F..., directeur adjoint de la Société anonyme Choletaise de constructions mécaniques (la société) se sont portés cautions, le 29 octobre 1966, des engagements de la société envers la Banque nationale de Paris (la banque) ; que l'acte de cautionnement et un acte de confirmation ultérieur, portaient respectivement les mentions manuscrites :
"bon pour cautionnement solidaire et indivisible à concurrence de tous engagements en principal plus intérêts commissions et accessoires" et "lu et approuvé" ; qu'après la mise en liquidation des biens de la société, la banque a assigné les cautions en paiement du solde débiteur des comptes ouverts dans ses livres ; Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande contre M. F... alors, selon le pourvoi, que, d'une part, un cautionnement a un caractère commercial dès lors que la caution a un intérêt personnel à l'octroi des crédits consentis au débiteur principal, de sorte qu'en décidant que la caution devait avoir un intérêt commercial personnel et non un simple intérêt personnel, la cour d'appel a violé l'article 109 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juillet 1980 applicable en la cause ; alors que, d'autre part, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les faits que M. F..., outre sa qualité de co-associé puis d'actionnaire de la société, détenait le tiers du capital social, avait été administrateur et directeur général jusqu'au 25 décembre 1973 et était titulaire d'un compte courant d'associé qu'il avait conservé après cette dernière date, n'impliquaient pas qu'il eût un intérêt personnel à cautionner les dettes de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du même texte ; alors qu'en outre, à supposer que le cautionnement litigieux ait un caractère civil, s'agissant d'un engagement indéterminé, l'acte juridique le constatant doit porter, écrite de la main de la caution, une mention exprimant sous une forme quelconque, mais de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée ; que, pour l'appréciation de ce caractère explicite et non équivoque, il doit être tenu compte, non seulement des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l'obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué n'a pas eu égard aux faits que M. F..., outre sa qualité de co-associé puis d'actionnaire de la société, détenait un tiers de son capital, en avait été administrateur et directeur général jusqu'au 15 décembre 1973 et était titulaire d'un compte courant d'associé qu'il avait conservé après cette dernière date, lesquels impliquaient pourtant qu'il était parfaitement au courant de la situation des engagements de la société envers la banque, et que la formule qu'il avait écrite et signée était pour lui sans équivoque, de sorte que la cour d'appel a violé ensemble les articles 1326, pris dans son ancienne rédaction, et 2015 du Code civil ; et alors, enfin, que, de la même manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ; Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que les responsabilités de M. F... ne portaient que sur des questions techniques, la cour d'appel, retenant dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'il n'était pas établi que ce dirigeant social avait un intérêt personnel à se porter caution, a pu statuer comme elle l'a fait ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu qu'en raison de la généralité des termes employés et de l'absence de toute précision sur la nature des obligations garanties, l'engagement de M. F... n'était pas conforme aux exigences de l'article 1326 dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juillet 1980 applicable en la cause et de l'article 2015 du Code civil, desquels il résultait que, dans le cas d'un cautionnement exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution avait de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir condamné M. Boissinot au paiement des intérêts à compter de la date de l'assignation, alors, selon le pourvoi, que s'agissant du cautionnement du solde débiteur d'un compte bancaire, la caution doit les intérêts au taux légal à compter de la clôture du compte ; qu'en l'espèce, comme l'a constaté la cour d'appel, les comptes débiteurs de la société débitrice avaient été clôturés le 12 janvier 1983, de sorte que c'est à compter de cette date et non à compter de celle de l'assignation que les intérêts légaux ont couru ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu qu'à défaut de convention particulière entre la banque et le titulaire du compte, les intérêts moratoires ne sont dus sur le solde débiteur, qu'à partir de la mise en demeure ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les comptes litigieux étaient des comptes courants, a décidé que les intérêts au taux légal avaient pour point de départ le 8 novembre 1983, date de l'assignation ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;