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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. 02, 7 avril 2009, n° 08/01071

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

M...

Défendeur :

INBEV FRANCE (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme FEVRE

Conseillers :

M. CHARLON, M. DU ROSTU

Avocats :

SCP MUSEREAU MAZAUDON-PROVOST-CUIF, SCP GALLET-ALLERIT, SCP CLAIRAND-ROUGIER

CA Poitiers n° 08/01071

6 avril 2009

Exposé des faits

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à la disposition des parties au greffe le 24 Février 2009, date prorogée au 07 Avril 2009,

Ce jour, a été rendu, Contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :

Vu le jugement rendu le 15 février 2008 par lequel le tribunal de commerce de La Rochelle a condamné Sébastien M. à payer à la société Inbev France :

- avec exécution provisoire, la somme de 12.788,24 € avec intérêts au taux contractuel de 5,55% à compter du 12 avril 2007, en paiement d'une somme due en vertu d'un acte de cautionnement solidaire du 14 octobre 2005 garantissant les engagements d'une société Le Milwakee à l'égard de la société Inbev France,

- la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par Sébastien M. le 11 mars 2008 contre cette décision ;

Vu les conclusions en date du 17 octobre 2008 par laquelle Sébastien M. demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de juger que le cautionnement consenti le 14 octobre 2005 était en réalité une opération de crédit prohibée,

- de constater que le cautionnement est manifestement disproportionné au sens de l'article L.341-4 du Code de la consommation et qu'elle ne justifie pas du caractère irrécouvrable de sa créance,

- de débouter en conséquence la société Inbev France de ses demandes en paiement ;

- subsidiairement, de dire que la société Inbev France ne peut exercer de recours contre la caution que pour la fraction de dette incombant à Sébastien M., soit 58,5%,

- de condamner la société Inbev France à payer lui la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Inbev France en date du 22 août 2008 par lesquelles elle demande :

- la confirmation du jugement du tribunal de commerce,

- la condamnation de Sébastien M. à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu la clôture prononcée le 20 janvier 2009 ;

Motifs

SUR QUOI LA COUR

Attendu que la SARL le Milwakee, qui exploitait un fonds de commerce de bar et de restauration, avait conclu le 14 octobre 2005 un contrat selon lequel cette société s'engageait à se fournir en bières auprès de la société Inbev France, en contrepartie de quoi la société Inbev France se constituait caution d'un prêt de 13.460 € souscrit par la société le Milwakee auprès de la banque Société Générale pour les besoin de son activité ;

Que de même Sébastien M., gérant de la société le Milwakee, s'était porté caution solidaire de ce prêt à concurrence de la somme de 17.498 € , en s'engageant notamment à rembourser à la Société Générale et/ou à la société Inbev France les sommes dues si la société le Milwakee était défaillante ;

Attendu que la société le Milwakee n'ayant pas payé des échéances du prêt aux dates prévues, la Société Générale avait prononcé la déchéance du terme conformément aux stipulations contractuelles et la société Inbev France lui avait alors versé, contre remise d'une quittance subrogative, la somme de 12.422,53 € en exécution de son engagement de caution ;

#1 procédure de liquidation judiciaire

Attendu que la société le Milwakee a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 27 février 2007, que la société Inbev France a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire ;

#2 quittance subrogative

Attendu qu'en vertu sa quittance subrogative, la société Inbev France a obtenu du tribunal de commerce de La Rochelle la condamnation de Sébastien M. à lui payer la somme de 12.788,24 € en principal et intérêts ;

Attendu que Sébastien M. conteste en premier lieu la créance de la société Inbev France en faisant valoir que le cautionnement par celle-ci de l'engagement de la société le Milwakee en contrepartie d'un contrat d'approvisionnement exclusif de bières s'analysait comme une opération de crédit réservée aux seuls établissements de crédit dont la société Inbev France ne faisait pas partie ;

#3 personne autre qu un établissement de crédit

Mais attendu que si l'article L.511-5 du Code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, l'article L.511-7 du même Code prévoit toutefois que cette interdiction ne fait obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse, dans l'exercice de son activité professionnelle, consentir à ses contractants des délais et avances de paiement ;

Qu'ainsi une entreprise qui n'est pas un établissement de crédit peut réaliser licitement une opération de crédit dès lors que celle-ci est, comme en l'espèce, étroitement liée à une opération commerciale entre les parties, ce dont il résulte que le cautionnement souscrit par la société Inbev France est valable au regard des règles édictées par le Code monétaire et financier;

Attendu qu'en second lieu Sébastien M. prétend que le cautionnement qu'il avait lui-même souscrit au profit de la Société Générale était disproportionné au sens de l'article L.341-4 du Code de la consommation et que la société Inbev France, subrogée dans les droits de la banque, ne pouvait lui réclamer le paiement des sommes dues en vertu de cet engagement ;

#4 personne physique

Attendu que l'article L.341-4 du Code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que par sa généralité, cette disposition légale s'applique à toute personne physique caution, qu'elle ait ou non contracté en qualité de dirigeant de société, et que Sébastien M. peut, en vertu des règles relatives à la subrogation, opposer à la société Inbev France une disposition légale qu'il eût pu opposer à la Société Générale ;

Attendu que qu'il ressort des pièces versées aux débats que le compte prévisionnel de la société le

Milwakee prévoyait un résultat net de 21.856 € en 2005 et de 31.563 € en 2006 de sorte que le concours financier de la Société Générale apparaissait ajusté aux capacités de remboursement et adapté aux besoins de l'entreprise ainsi qu'à ses perspectives de croissance, étant précisé que les échéances mensuelles de remboursement du prêt, des intérêts et des accessoires ne s'élevaient qu'à la somme de 198,10 € ;

Que de plus Sébastien M. exerçait, parallèlement à son activité commerciale, une activité salariée qui lui procurait un revenu mensuel moyen de 1.350 € selon ses avis d'imposition sur les revenus des années 2005 et 2006, et que ce seul salaire était amplement suffisant pour que le gérant de le Milwakee puisse, en cas de besoin, se substituer à celle-ci afin d'honorer le paiement des échéances mensuelles dues à la banque ;

Attendu que Sébastien M. avait obtenu de la Caisse d'Epargne et du Crédit Agricole deux crédits à la consommation en janvier et février 2005, mais qu'il ne justifie pas avoir porté à la connaissance de la Société Générale ces emprunts contractés auprès d'autres établissements ;

Attendu qu'en conséquence il n'est pas avéré le montant cautionné par Sébastien M. excédait ses facultés contributives et qu'il convient de le débouter de sa demande tendant à être dégagé de ses obligations ;

#5 inscription du nantissement

Attendu que Sébastien M. prétend par ailleurs que la demande de société Inbev France ne saurait être satisfaite tant qu'elle n'aura pas justifié du caractère irrécouvrable de sa créance, dans la mesure où elle est subrogée à la Société Générale dans l'inscription du nantissement pris par cette dernière sur le fonds de commerce de la société le Milwakee ;

#6 obligation solidaire

Mais attendu que dans l'acte du 14 octobre 2005 Sébastien M. avait expressément renoncé au bénéfice de discussion et accepté de payer la Société Générale sans pouvoir exiger que celle-ci, ou son subrogé, poursuive préalablement le cautionné ;

Qu'au surplus le cautionnement avait été stipulé solidaire si bien que la société Inbev France était en droit d'agir directement à l'encontre de Sébastien M., le créancier d'une obligation solidaire pouvant s'adresser à son choix à l'une ou l'autre des personnes obligée à son égard ;

Attendu que qu'en dernier lieu Sébastien M. invoque les dispositions de l'article 2310 du Code civil pour réclamer un limitation du recours à 58,5% de la dette, correspondant à sa part de l'engagement initial à l'égard de la Société Générale ;

#7 caution solidaire

Attendu cependant que, dans l'acte du 14 octobre 2005, Sébastien M. s'était constitué caution solidaire envers la société Inbev France dans les mêmes termes que pour la Société Générale et que dès lors la société Inbev France est fondée à lui réclamer la totalité du montant de sa créance;

Attendu qu'en définitive il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

#8 situation financière

Attendu que la situation financière actuelle de Sébastien M. justifie que lui soient accordés des délais de paiement ;

#9 exposés et non compris dans les dépens

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des

parties les frais exposés et non compris dans les dépens ;

*****************

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 février 2008 par le tribunal de commerce de La Rochelle ;

Y ajoutant, accorde à Sébastien M. un délai de deux années à compter de la signification du présent arrêt pour payer les sommes dues à la société Inbev France en principal frais et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Sébastien M. aux dépens et accorde à la SCP Gallet Allerit le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile ;

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