Cass. com., 24 mars 2004, n° 01-02.722
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Epoux X...
Défendeur :
Abbey National France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. TRICOT
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 14 décembre 2000) que par acte notarié du 5 mars 1991, la société Ficofrance aux droits de laquelle se trouve la société Abbey national France (l'établissement de crédit) a consenti à la société JMG (la société) un prêt d'un montant de 1 894 000 francs en garantie duquel M. X..., gérant de la société et son épouse (les cautions) se sont portés distinctement cautions solidaires de toutes sommes pouvant être dues au titre de ce prêt et cautions solidaires et hypothécaires pour un montant de 1 000 000 francs ; que la société a été mise en redressement judiciaire ; que l'établissement de crédit a fait délivrer aux cautions un commandement valant saisie immobilière ; que celles-ci se sont opposées aux poursuites et ont assigné l'établissement de crédit en soutenant n'être tenues qu'en exécution du cautionnement hypothécaire et ont recherché sa responsabilité ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt du rejet de leurs prétentions, alors, selon le moyen :
1 / que le cautionnement ne se présume point et ne peut être étendu au delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; que le cautionnement hypothécaire consenti pour un montant déterminé implique la volonté pour la caution de limiter son engagement à hauteur de cette somme, et sur le seul bien désigné, et est dès lors nécessairement exclusif de toute obligation personnelle de payer ; qu'en énonçant que le cautionnement hypothécaire consenti par les époux X... était seul limité à la somme de 1 000 000 francs et qu'ils ne pouvaient contester l'existence de leur engagement en tant que caution personnelle pour toutes les sommes dues par le cautionné, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2015 du Code civil ;
2 / que la convention de crédit formée entre la société Ficofrance et la société JMG stipulant que l'établissement de crédit bénéficiera "2 cautionnement solidaire et hypothécaire à hauteur d'un million de francs de M. et Mme X... sur un immeuble sis à Chatou, 112 rue du Maréchal Leclerc ci-après désigné" et le même acte stipulant, page 15, que les époux X... s'engagent sur tous leurs biens à se substituer pour le paiement ou le remboursement de toutes sommes dues par le cautionné à l'établissement de crédit, le caractère contradictoire de ces deux clauses insérées dans le même acte authentique imposait à la cour d'appel de procéder à leur interprétation après avoir constaté l'impossibilité d'exécuter l'une et l'autre clauses ; qu'en énonçant qu'il n'y avait pas lieu à interprétation et que seul le cautionnement hypothécaire des époux X... était limité à la somme d'un million de francs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que l'acte du 5 mars 1991 énonçant en sa page 2 intitulée convention de crédit, qu'à titre de garantie, est donné "le cautionnement solidaire et hypothécaire à hauteur d'un million de francs de M. et Mme X... ..."ce n'est qu'en dénaturant cette clause que la cour d'appel a affirmé que les époux X... n'avaient pas limité tant leur cautionnement solidaire que leur cautionnement hypothécaire à la somme de un million de francs ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
4 / que des conclusions restées sans réponse, les époux X... ont fait valoir que, par courrier recommandé avec accusé réception, la société Abbey national France avait déclaré aux époux X...: "vous êtes intervenus à l'acte pour vous porter caution solidaire et hypothécaire à hauteur de un million de francs ; notre société inscrit une hypothèque conventionnelle sur le bien désigné" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen d'où il résultait que la société Abbey national France avait elle-même eu la certitude de ce que le cautionnement des époux X... était limité à la somme d'un million de francs, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'acte du 5 mars 1991 contient d'un côté, le cautionnement solidaire et hypothécaire à concurrence de 1 000 000 francs portant sur un bien appartenant aux cautions, de l'autre, le cautionnement solidaire par lequel chacune d'elles s'est obligée envers l'établissement de crédit "au paiement ou au remboursement de toutes sommes que le cautionné peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'obligation définie" ainsi qu'une clause précisant l'autonomie de ce dernier engagement par rapport "à tout autre engagement présent ou à venir auquel il s'ajoute ou s'ajoutera", l'arrêt retient exactement, sans dénaturation des clauses claires et précises de cet acte, que l'engagement personnel s'ajoutait au cautionnement hypothécaire, lequel était seul limité dans son montant ;
que la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes alors, selon le moyen :
1 / que la responsabilité d'un établissement financier prêteur est engagée à l'égard de l'emprunteur lorsque, s'abstenant d'exécuter son obligation de prudence et de conseil, il consent un crédit dont la charge est trop élevée au regard des risques inhérents à l'opération projetée comme, en l'espèce, la création d'un fonds de commerce ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la responsabilité de la société Abbey national France, que la société JMG avait remboursé les échéances mensuelles pendant plus de trois ans sans rechercher si, à la date de souscription de l'emprunt, la société Abbey national France avait exécuté à l'égard de M. X..., gérant de la société JMG en formation et à l'égard des époux X..., cautions, son obligation de prudence et de discernement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2 / que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit apporter la preuve de l'exécution de celle-ci ; qu'en énonçant qu'il appartenait aux époux X... de justifier d'un manquement de la banque à son devoir de conseil et de prudence mais à celle-ci d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que dans leurs écritures les cautions ont seulement prétendu que l'établissement de crédit avait manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard de l'emprunteur en accordant un prêt manifestement excessif par rapport à ses capacités de remboursement ; que dès lors qu'il n'a pas été allégué ni démontré que l'établissement de crédit aurait eu des informations sur les capacités de remboursement de l'emprunteur ou sur les risques de l'opération financée que, par suite de circonstances exceptionnelles, celui-ci aurait pu lui-même ignorer, cet établissement de crédit, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client, n'était redevable envers ce dernier d'aucun devoir d'information ou de conseil ; que les cautions ne peuvent faire grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait ; que le moyen, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les époux X... à payer à la société Abbey National France la somme de 1 200 euros ;