CA Montpellier, ch. civ. 02, 14 janvier 2021, n° 20/01317
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
H...
Défendeur :
X..., C..., Coopérative banque Pop. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme BEBON
Conseillers :
Mme GREGORI, M. JOUVE
Avocats :
Me Philippe CODERCH HERRE, Me Gean, Me Jean Paul BERNARD
Le 23 octobre 2006, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée a consenti à la société FC Transactions une ouverture de crédit à hauteur de 300 000 €. Il était indiqué dans l'acte notarié établi à cette fin que Madame A X I C se portait caution solidaire et hypothécaire.
A la suite d'impayés et de mises en demeure infructueuses, la banque en exécution de ce titre, a engagé une procédure de saisie immobilière.
Madame A X I C ayant fait donation, le 27 mai 2014, à ses deux filles, Madame Y X épouse Z et Madame B C de la nue propriété du bien, objet de la sûreté conventionnelle, des commandements de payer aux fins de saisie immobilière la somme totale de 311 555,99 € arrêtée au 29 mai 2015, ont été délivrés le 16 octobre 2015 à l'usufruitière et le 2 décembre 2015 aux nues propriétaires.
Ces actes qui portent sur une maison d'habitation bâtie sur parcelle située [Adresse] à Perpignan (66000) et cadastrée section BE n° 814, ont été publiés au service de la publicité foncière de Perpignan le 18 janvier 2016 sous les références suivantes : volume 2016 S n° 6 et n° 7, avec bordereau rectificatif en date du 25 janvier 2016, volume 2016 S n° 8.
Par exploit en date du 11 mars 2016, la banque a fait assigner les intéressées devant le juge de l'exécution de Perpignan à l'audience d'orientation du 13 mai 2016.
Par jugement d'orientation contradictoire rendu le 24 janvier 2020, cette juridiction a notamment :
- débouté Madame A X I C, Madame Y X épouse Z et Madame B C de leur demande aux fins de nullité de la procédure de saisie immobilière,
- débouté Madame A X I C de sa demande de délais de paiement,
- constaté que la créancière poursuivante, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire,
- constaté que la saisie porte sur des droits réels saisissables,
- fixé le montant de la créance du poursuivant, en principal et accessoires, à la somme de 293 658,81 € arrêtée au 30 juillet 2019 après déduction du versement de Maître SANTODOMINGO de 26 250,36 € outre intérêts au taux de 5,50 % l'an dont le détail est donné dans le décompte annexé au jugement,
- ordonné la vente forcée selon les modalités prévues au cahier des conditions de la vente à l'audience du 15 mai 2020,
- condamné Madame A X I C à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,
- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
APPEL :
Madame A X I C a interjeté appel du jugement d'orientation le 27 février 2019.
Par ordonnance en date du 12 mars 2019, elle a été autorisée à assigner, à jour fixe, à l'audience du 26 mai 2020.Cette formalité a été accomplie le 29 avril 2020 pour la partie poursuivante et le 24 avril 2020 pour Mesdames Z et B C.
Madame A X I C a notifié ses conclusions par voie électronique le 29 octobre 2020.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée a notifié ses conclusions par voie électronique le 30 avril 2020.
Madame Y X épouse Z et Madame B C ont notifié leurs conclusions par voie électronique le 7 mai 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame A X I C qui conclut à l'infirmation du jugement déféré, sollicite :
* à titre principal,
- qu'il soit dit et jugé que l'affectation hypothécaire du bien saisi est accessoire à l'engagement de caution,
- qu'il soit dit et jugé que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel n'est pas fondée à poursuivre la vente forcée de l'immeuble,
- que soit ordonnée en toute hypothèse la nullité du commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 2 décembre 2015,
- que soit ordonnée, par voie de conséquence la mainlevée des commandements délivrés aux appelantes,
- qu'il soit dit et jugé que l'engagement de caution est manifestement disproportionné au regard des biens et revenus de la caution au jour de son engagement,
- qu'il soit dit et jugé que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel est défaillante à démontrer que la situation de la caution lui permet de faire face à son engagement,
- qu'il soit dit et jugé que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel ne peut s'en prévaloir,
* à titre subsidiaire,
- l'octroi d'un délais de paiement de 24 mois,
- qu'il soit dit et jugé que les paiements s'imputeront sur le principal des sommes dues par le débiteur principal,
- que soit ordonnée la réduction du taux d'intérêt conventionnel à 0,87 %,
- qu'il soit dit et jugé que l'engagement au titre de la seule affectation hypothécaire est limité à 300'000 € et que la créance de la banque au jour où la cour va statuer est de 182 960,87 €,
- l'octroi d'un délai pour autoriser une vente amiable,
- la condamnation de la banque à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnation de la banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame Y X épouse Z et Madame B C qui concluent à l'infirmation du jugement, sollicitent :
- qu'il soit fait droit aux prétentions de l'appelante,
- que soit ordonnée la main levée des commandements qui leur ont été délivrés,
- qu'il soit dit et jugé que l'engagement au titre de la seule affectation hypothécaire est limité à 300'000 € et que la créance de la banque au jour où la cour va statuer est de 182 960,87 €,
- l'octroi d'un délai à l'appelante pour lui permettre de vendre soit par la vente de l'usufruit qu'elles proposent de racheter, soit par la vente du la nue propriété qu'elles détiennent,
- la condamnation de la banque à leur payer la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnation de la banque aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel qui conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, sollicite :
- le rejet de l'ensemble des contestations adverses,
- la confirmation de la fixation de la créance recouvrée à la somme de 293 658,81 € arrêtée au 30 juillet 2019 outre intérêts au taux de 5,50 % l'an ,
- le rejet de la demande de délais,
- le constat de l'irrecevabilité de la demande de vente de gré à gré,
- la condamnation de l'appelante à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnation de l'appelante aux dépens.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.
Sur la validité de la saisie immobilière:
Dans des conclusions auxquelles la cour renvoie pour un exposé complet des moyens et prétentions, Madame A X I C conteste à nouveau en appel le principe de la créance dont le recouvrement forcé est recherché en s'appuyant sur la même argumentation que celle développée en première instance.
Elle soutient ainsi que l'engagement hypothécaire pris dans le même acte que l'acte de cautionnement solidaire n'est que l'accessoire de celui ci et suit donc le même régime. Dès lors, sachant que par l'effet d'une décision de la cour d'appel en date du 20 septembre 2018, le cautionnement solidaire a été requalifié en cautionnement, elle fait valoir qu'il y a lieu de considérer d'une part, le caractère manifestement disproportionné des engagements qu'elle a pris à hauteur de 753'588,72 € et d'autre part, l'absence de défaillance du débiteur principal désormais admis, dans le cadre d'une procédure collective, à un plan de continuation.
Dans des écritures auxquelles la cour renvoie également, la banque s'oppose à ces moyens au motif que la saisie est pratiquée au titre de l'affectation hypothécaire du bien concerné, que la mise en place d'une telle sûreté n'est pas incompatible avec l'engagement de caution concomitamment souscrit et que les régimes des deux garanties sont totalement indépendants.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a considéré que le créancier poursuivant justifiait d'une procédure de saisie immobilière mise en 'uvre sur le seul fondement de la garantie hypothécaire accordée par la débitrice, que sa nature et le régime juridique applicable divergent de ceux du cautionnement et qu'il est de jurisprudence constante qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui, n'est pas un cautionnement.
Il était rappelé que dans l'acte notarié, le cautionnement et l'affectation hypothécaire figurent dans deux titres séparés et que par ailleurs, dans le sous titre dénommé Affectation hypothécaire, il est stipulé : à la garantie du paiement de toutes sommes dont la société dénommée FC TRANSACTIONS pourrait être débiteur envers D en principal, intérêts, frais, primes, indemnités et accessoires quelconques et d'une manière plus générale à la garantie de toutes les obligations résultant des présentes.
Il était ajouté qu'il résultait de ces dispositions claires et précises que l'hypothèque litigieuse doit être considérée comme un engagement distinct de l 'acte de cautionnement venant directement en premier lieu garantir la dette du tiers et non pas l'acte de cautionnement .
Le droit du cautionnement n'ayant pas vocation à s'appliquer, l' incidence de l'éventuel caractère manifestement disproportionné des engagements pris et l'absence de défaillance du débiteur principal n'a pas à être examinée.
Dans l 'optique ci dessus retenue, l 'appelante invoque alors la nulli té du commandement de payer qui, fondé donc sur l'affectation hypothécaire, a pourtant été délivré en prévoyant un délai de paiement de huit jours alors qu'un tel avis ne peut s'adresser qu'au débiteur principal ou à la caution et non au garant qui a donné une sûreté réelle, pour lequel le délai réglementaire est porté à un mois.
En réplique, l'établissement financier fait valoir qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle qui ne saurait entraîner la nullité de l'acte à défaut de la démonstration de l'existence d'un grief.
La saisie immobilière étant incontestablement poursuivie sur le fondement d'une affectation hypothécaire, l'erreur de délai n'est pas en soi seule de nature à modifier cette considération. Elle constitue un simple vice de forme insusceptible d'entraîner la nullité de l'acte en l'absence d'un grief.
En effet, et contrairement à ce qui est soutenu, cette mention faussée n'a tout d'abord, nullement empêché Madame X I C par l'intermédiaire de son conseil qui, lui, n'est pas un profane, d'aborder dans le cadre judiciaire de sa contestation, très largement tous les aspects juridiques de la question.
Ensuite, en ce qui concerne le délai en lui même, l'indication d'une durée erronée n'a entraîné concrètement aucune conséquence dommageable pour la débitrice qui n'a jamais manifesté l'intention de régler les causes du commandement pas plus dans le mois que dans les huit jours.
Le jugement qui a rejeté les demandes de nullité et de mainlevée sera donc confirmé sur ces points.
Sur le montant de la créance recouvrée :
En préalable, la cour rappelle que la fixation de la créance au stade du jugement d'orientation est nécessairement provisoire, sa détermination définitive s'effectuant utilement après imputation des intérêts courus et éventuellement des versements effectués, en fin de procédure, au stade de la distribution du prix et toujours sous le contrôle du juge de l'exécution qui peut être alors saisi de toute contestation sur ce point.
La banque sollicite la confirmation du jugement déféré qui a fixé le montant de la créance recouvrée par la banque à la somme de 293'658,81 €, arrêtée au 30 juillet 2019 après déduc t ion du ve r sement opéré 29 ju i l l e t 2018 pa r Maî t r e SANTODOMINGO de 26'050,36 € au titre du premier dividende réglé par la société FC TRANSACTIONS dans le cadre du plan d'apurement de son passif.
L'appelante qui conteste ce montant, fait état, à tort, de diverses sommes devant venir en déduction :
- la somme de 68'208,22 € correspondant au règlement effectué par la société FC TRANSACTIONS par lettre recommandée du 5 mars 2019 et celle de 26'050,36 € correspondant au premier dividende de juillet 2019, car déjà incluses dans le décompte produit par la banque et validé par le premier juge,
- la somme de 26'050,36 € correspondant au second et même au troisième dividende de 2020 et 2021, car postérieurs à la date retenue pour la fixation provisoire de la créance et dont il sera, comme il a été dit, tenu compte ultérieurement,
- la somme de 24'730,19 € appréhendée dans le cadre de la saisie attribution opérée le 5 octobre 2016 au détriment de Monsieur C, caution solidaire, car l'effectivité du déblocage par l'huissier des fonds saisis ainsi que leur montant exact, obligatoirement amputé des frais d'exécution forcée, ne sont pas établis, sachant une fois encore, qu'il pourra ultérieurement en être tenu compte.
Quant à l'affectation des diverses sommes versées par la société FC TRANSACTIONS en priorité au règlement du principal et non des intérêts échus, il s'agit d'une demande d'aménagement de la dette du débiteur principal que seul celui ci peut présenter dans le cadre d'une instance différente de celle ci.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de délai
En considération du déroulement du plan de continuation accordée au débiteur principal avec l'accord de la banque et en vertu des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, l'appelante sollicite :
- l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois avec imputation des paiements sur le principal des sommes dues le débiteur principal,
- la réduction du taux d'intérêt conventionnel ramené à 0,87 %, taux légal des créances entre professionnels.
Comme il a été dit, la demande de modification de l'affectation des règlements et celle du taux d'intérêt conventionnel relèvent de l'initiative du créancier principal.
Concernant l'échelonnement d'une dette confirmée pour un montant de plus de 293'000 € et même réduite à 220 00 € environ après imputation du montant des deux dividendes 2020 et 2021, et de celui éventuel des fonds saisis, il convient d'adopter à nouveau la motivation du premier juge.
À savoir qu'alors que l'intéressée avec des revenus mensuels de l'ordre de 1000 €, n'a personnellement rien versé au cours des quatre ans écoulés depuis le début de la procédure de saisie, la requérante ne convainc nullement qu'elle soit en mesure d'honorer son obligation à l'échéance du report d'exigibilité qu'elle sollicite.
Le jugement qui a rejeté cette demande sera également confirmé sur ce point.
Sur la demande d'orientation en vente amiable
En application de l'article R 322'15 du code des procédures civiles d'exécution l'appelante sollicite vu le concours proposé par ses filles, un délai l'autorisant à vendre de gré à gré le bien, objet de la saisie.
Il s'agit d'une demande subsidiaire en orientation en vente forcée également soutenue par Mesdames Y X épouse Z et B C, parties intimées . Ainsi que l'indique expressément le premier juge dans les motifs de sa décision, une telle prétention n'a pas été formulée devant lui.
Il s'agit donc d'une demande nouvelle dont aucun élément de l'espèce ne justifie la formulation tardive et qui, comme le soutient à bon droit la banque, est irrecevable en cause d'appel.
Il sera statué en ce sens.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il ne paraît pas inéquitable de condamner l'appelante dont les contestations sont rejetées, de payer à son adversaire, en cause d'appel, la somme de 1 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De même, elle supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- reçoit l'appel formé par Madame A X I C,
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- déclare irrecevable la demande d'orientation en vente amiable formée pour la première fois en cause d'appel,
- renvoie l'affaire et les parties devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Perpignan auquel il appartient de suivre la procédure de vente forcée et de procéder à la taxation des frais,
- condamne Madame A X I C à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel la somme de 1 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,
- condamne Madame A X I C aux dépens d'appel.