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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 03 ch. 02, 25 juin 2000, n° 18/01318

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ETUDES ET DEVELOPPEMENT IMMOBILIERS (SARL)

Défendeur :

DEXIA BANQUE INTERNATIONALE (Sté), Y..., B..., DEXIA BANQUE INTERNATIONALE (Sté), XAVIER HUERTAS & ASSOCIES (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme LIS SCHAAL

Conseillers :

Mme FOURNIER, Mme VASSAIL

Avocats :

Me Isabelle FICI, Me Paul GUEDJ, Me Sébastien BADIE

CA Aix-en-Provence n° 18/01318

24 juin 2000

Faits et procédure:

Par acte authentique du 30 janvier 2007, la banque Dexia Bil a consenti à C A une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 5.000.000 euros. Pour garantir le remboursement de ce prêt, la société EDIM, dont C A était le gérant, s'est portée caution hypothécaire de l'emprunteur jusqu'à concurrence de la somme de 2.100.000 euros.

Par jugement du 11 janvier 2009, le tribunal de commerce de Cannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société EDIM et arrêté le plan de redressement par jugement du 4 mai 2010.

La banque Dexia Bil a déclaré sa créance par lettre recommandée du 28 septembre 2009 pour un montant de 3.798.793,15 euros au passif de la société EDIM.

Sur contestation de Maître Y, mandataire judiciaire, le juge commissaire, par ordonnance du 16 juillet 2013, a admis la créance au passif de la société EDIM à titre hypothécaire échu et à hauteur de la somme de 2.100.000 euros.

La société EDIM a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 24 juillet 2013.

Par arrêt du 25 février 2016, la cour a ordonné la radiation de l'affaire, laquelle a été réenrôlée le 19 janvier 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées le 24 février 2020, la société Edim demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise, à titre principal de dire que la créance de la société Dexia ne peut pas être admise au passif, subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimerait régulière la déclaration de créance, de la déclarer forclose, de constater la nullité des engagements de la société EDIM et la caducité des inscriptions hyothécaires, à titre plus subsidiaire de dire que la créance n'est ni certaine ni exigible, en toute hypothèse de rejeter la créance et de condamner la banque Dexia au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient en effet que la déclaration de créance est irrecevable au motif que la banque Dexia Bil n'a pas la qualité de créancier dans le cadre de la procédure collective de la société EDIM car elle ne dispose que d'un droit réel sur certains des biens appartenant à ladite société laquelle n'a souscrit aucun engagement personnel à son égard. Elle fait valoir par ailleurs que le jugement d'ouverture a été publié au Bodacc le 3 février 2009 de sorte que la banque luxembourgeoise était hors délai quand elle a déclaré sa créance le 28 septembre 2009.

Elle conteste enfin le bien fondé de la créance, l'acte notarié étant nul d'après elle pour avoir été signé par une personne dénuée de pouvoir de représentation, d'une part, et l'engagement de la société ayant pris fin à la date de caducité de l'inscription hypothécaire, d'autre part. Elle fait par ailleurs observer à la cour que la banque ne produit aucun décompte régulier et actualisé des sommes qu'elle a encaissées en règlement de sa dette.

La société Banque Internationale Luxembourg ( BIL), anciennement dénommée Dexia Bil, conclut dans ses dernières écritures déposées et signifiées par RPVA le 26 février 2020 à la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions. Elle sollicite en outre la somme de 6500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BIL prétend qu'aux termes de l'acte notarié du 20 mars 2007, la société EDIM ne s'est pas seulement constituée garant réel mais a consenti aussi une caution solidaire à hauteur d'un montant déterminé, ce qui implique une obligation à la dette personnelle et pas seulement réelle.

L'intimée estime qu'en tout état de cause, le caractère personnel ou réel de la dette est indifférent et que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement réel ou personnel dispose à l'égard de la caution d'un droit de créance limité aux biens affectés à la garantie et, partant, a l'obligation de déclarer sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la caution.

Motifs

Elle estime par ailleurs que la sanction de la forclusion ne lui est pas applicable car le mandataire judiciaire ne lui a pas adressé l'avis prévu par l'article L 622-24 du code de commerce. Après avoir fait observer à la cour que l'exception de nullité de l'acte notarié du 20 mars 2007 ne ressortait pas de son pouvoir juridictionnel, l'intimée relève que cette demande est prescrite:le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil a commencé à courir depuis le début d'exécution de la convention et se trouve largement expiré.

Elle réfute enfin la caducité de la garantie hypothécaire et soutient que la caution bénéficie d'un droit de subrogation dans les garanties du créancier.

Maître Y, liquidateur, n'a pas constitué avocat.

La selarl Xavier Huertas et associés, prise en la personne de D B, assignée en intervention forcée, aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par RPVA le 26 novembre 2019, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, de rejeter la créance de la banque Dexia et de lui allouer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire à l'exécution du plan estime en effet que la banque, certes titulaire d'une sûreté réelle, ne peut toutefois se prétendre créancière du tiers ayant donné son bien en garantie.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2020.

Motifs;

Il sera statué par arrêt de défaut, Maître Z X n'ayant pas été personnellement assigné par l'acte déposé par l'huissier le 5 janvier 2016 à son domicile.

L'article 8 de la convention notariée du 30 janvier 2007 par laquelle la banque Dexia Bil a prêté des fonds à C A est rédigée en ces termes: « Cautionnement hypothécaire: le représentant de la sarl EDIM '.déclare se rendre et se constituer volontairement et solidairement entre eux caution hypothécaire de l'emprunteur envers le prêteur pour le remboursement du montant du prêt....Pour garantir à la banque....le remboursement total de tout ce qui sera dû...., le représentant de la sarl EDIM affecte et hypothéque spécialement et solidairement au profit du prêteur jusqu'à concurrence de la somme de 2.100.000 euros les biens immobiliers ci après désignés, .... ».

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir admis la créance de la société BIL ( anciennement Banque Dexia Bil) au passif de la procédure collective alors même que la banque ne détenait aucun droit de créance à son égard.

Simple détentrice de biens hypothéqués, la société EDIM ne serait personnellement redevable d'aucune somme à l'égard de la banque, laquelle, dénuée de la qualité de créancière, ne pourrait pas déclarer sa créance au passif de la société EDIM qui n'est pas sa débitrice. Elle souligne l'incidence pratique déterminante de l'admission éventuelle de la créance de la banque BIL: si elle était admise, la société EDIM serait en effet tenue de régler la somme de 2.100.000 euros selon les échéances du plan de redressement alors qu'elle n'a jamais pris l'engagement personnel de régler la dette de C A.

De fait, la sarl EDIM n'a contracté aucune obligation personnelle de rembourser le prêt à l'égard de la banque, laquelle n'a d'action que sur les biens affectés en garantie. Une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique en effet aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, ainsi que l'a tranché la Chambre Mixte de la cour de cassation dans son arrêt du 2 décembre 2005.

La société BIL ne peut que saisir les biens affectés à la garantie de la dette mais ne dispose d'aucun droit de créance à l'encontre de la sarl EDIM qui a constitué la sûreté pour garantir la dette.

Pour solliciter la confirmation de l'ordonnance entreprise qui a admis sa créance au passif de la société EDIM à hauteur de la somme de 2.100.000 euros, la banque BIL fait valoir que la société EDIM lui a consenti non seulement une garantie hypothécaire mais aussi une caution personnelle solidaire pour un montant déterminé.

A l'inverse, la société EDIM plaide qu'elle n'a pris aucun engagement personnel, mais seulement un engagement réel, celui d'affecter certains de ses biens en garantie de remboursement du prêt, de sorte que la banque ne détiendrait aucun droit de créance à son égard mais seulement un droit réel sur les biens concernés.

Le cautionnement est défini par l'article 2287-1 du code civil dans sa version applicable aux faits de la présente espèce comme une sûreté personnelle. Contrat par lequel une personne s'engage à l'égard d'un créancier à exécuter l'obligation de son débiteur au cas où ce dernier n'y satisferait pas lui même, le cautionnement ne se présume pas et doit être exprès. Comme la caution est engagée personnellement à rembourser la dette au lieu et place du débiteur principal, le créancier peut poursuivre le règlement de sa créance sur l'ensemble du patrimoine de la caution, même si cette dernière a limité son engagement à un montant déterminé.

La cour ne peut pas déduire des termes de l'article 8 de la convention notariée du 30 janvier 2007 que la sarl EDIM s'est engagée sans équivoque à l'égard de la banque à rembourser personnellement sur la totalité de ses biens le prêt souscrit par C A. Elle s'est bornée à affecter à la garantie de la banque une partie de ses biens, précisément désignés par la convention, et non l'intégralité de son patrimoine. Ce cautionnement hypothécaire stipulé par l'article 8 de la convention s'analyse donc en une simple sûreté réelle qui a eu pour effet de conférer au créancier un droit réel sur les seuls biens spécifiés par la convention.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la sarl EDIM n'a donc pas consenti, en plus de cette sûreté réelle, un cautionnement personnel. L'emploi du terme « solidaire » et « caution hypothécaire » dans la clause intitulée: « cautionnement hypothécaire » ne suffit pas à prouver que la sarl EDIM a eu la volonté de s'engager à rembourser personnellement la dette en cas de défaillance de C A.

La banque Dexia ne détenant aucun droit de créance à l'encontre de la société EDIM, c'est à tort que le juge commissaire a admis au passif de la procédure de cette dernière une créance à hauteur de 2.100.000 euros.

L'ordonnance sera donc infirmée en toutes ses dispositions, et la créance déclarée par la société BIL rejetée.

Il est équitable d'allouer à Maître Huertas es qualités et à la sarl EDIM la somme de 3.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Par arrêt de défaut rendu publiquement,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, rejette la créance déclarée par la société Banque Internationale à Luxembourg ( BIL), anciennement DEXIA BIL, à hauteur de la somme de 2.100.000 euros.

condamne la société BIL à payer à Maître Huertas es qualités et à la sarl EDIM la somme de 3.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne aux dépens.

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