CA Lyon, 6e ch., 22 octobre 2015, n° 14/01526
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M...
Défendeur :
LYONNAISE DE BANQUE (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. VIEILLARD
Conseillers :
M. GOURSAUD, Mme CLERC
Avocats :
Me Robert GALLETTI, SCP TUDELA ET ASSOCIES
FAITS , PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte régularisé le 19 septembre 2002 par maître Denieuil, notaire, la société Lyonnaise de Banque a consenti à la société M. un prêt d'un montant de 46.000 euros remboursable en 84 mensualités au taux effectif global de 6,98 % et au taux nominal de 6,50 %, avec la caution solidaire et hypothécaire des époux M. à concurrence de 46.000 euros, l'hypothèque portant sur leur maison d'habitation et son terrain, son inscription étant prévue pour une durée de 9 ans, soit jusqu'au 20 septembre 2011.
La société M. a été placée en redressement judiciaire le 23 juillet 2008 puis en liquidation judiciaire le 25 mars 2009.
Après avoir déclaré sa créance pour un montant de 10.494,69 euros auprès du mandataire judiciaire de la société M. le 20 mai 2009 , la société Lyonnaise de Banque a adressé le même jour à madame M. une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 10.944,69 euros en sa qualité de caution.
La société Lyonnaise de Banque , après lui avoir délivré en vain plusieurs autres mises en demeure les 24 août 2009, 24 et 30 septembre 2009, et le 23 juin 2011, a obtenu le 9 juillet 2012 une ordonnance d'injonction de payer la condamnant à lui payer la somme de 9.740,78 euros en principal outre intérêts conventionnels et dépens
Statuant sur l'opposition formée le 22 août 2012 par madame M. à l'encontre de cette ordonnance d'injonction de payer , le tribunal d'instance de Saint Etienne, par jugement du 17 décembre 2013, a jugé l'opposition régulière en la forme mais mal fondée, et en conséquence :
- a débouté madame M. de ses demandes tendant à voir son cautionnement déclaré nul sur le fondement de l'article L341-2 du code de la consommation et subsidiairement éteint à compter du 20 septembre 2011,
- a condamné madame M. à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 9.740,78 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,50 % à compter du 20 mai 2009,
- a débouté les parties de leurs demandes de compensation, de dommages et intérêts et de frais irrépétibles,
- a condamné madame M. aux dépens y incluant les frais de la procédure d'injonction de payer.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 26 février 2014, madame M. a relevé appel général de ce jugement .
Dans ses dernières écritures déposées électroniquement le 21 mai 2014 au visa des articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation et 2434 du code civil, madame M. conclut à l'infirmation du jugement déféré, entendant voir la cour rejeter l'intégralité des demandes de la société Lyonnaise de Banque et la condamner à lui payer la somme de 4.900 euros avec intérêts de droit à compter du 9 juillet 2008.
Subsidiairement, madame M. demande à la cour d'opérer compensation avec la somme de 4.900 euros pour le cas où elle la condamnerait à payer la somme réclamée par la société Lyonnaise de Banque, et réclame à l'encontre de cette dernière la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel.
L'appelante fait valoir :
- que son engagement de caution ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par l'article L341-2 et L341-3 du code de la consommation,
- que le délai d'inscription de l'hypothèque conventionnelle a expiré le 20 septembre 2011,
- que seuls les biens immobiliers de la caution pouvaient être engagés à l'exception de ses biens personnels, non prévus dans l'engagement de caution,
- que la banque a prélevé sans son autorisation sur son compte personnel le 9 juillet 2008 un chèque de 4.900 euros pour le transférer sur le compte de la société M. qui a été placée en redressement judiciaire le 23 juillet suivant,
- qu'elle a subi un préjudice en raison de ce prélèvement abusif et des lettres de relance adressées par la banque à son fils.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 15 juillet 2014 la société Lyonnaise de Banque s'oppose aux prétentions de l'appelante en sollicitant la confirmation du jugement querellé et réclame à l'encontre de madame M. une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens d'appel avec recouvrement par maître Tudela, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'intimée fait valoir :
- que l'engagement de caution a été formalisé par acte authentique et ne relève donc pas du formalisme des articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation lesquels sont par ailleurs inapplicables en l'espèce puisque issus de la loi du 1er août 2003 entrée en vigueur le 5 février 2004, soit après le cautionnement litigieux,
- que l'hypothèque a été renouvelée à compter du 24 juin 2011 pour une durée de 10 ans et que la durée de 9 ans stipulée dans l'acte de cautionnement ne vise qu'à limiter la garantie aux engagements contractés avant l'expiration de ce délai, la caution pouvant toujours être appelée au delà de ce terme pourvu qu'il n'y ait pas prescription
- que madame M. n'a pas contesté le virement de 4.900 euros dans le délai légal de 13 mois et se trouve en conséquence forclose à le contester ou à demander une compensation.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 septembre 2014 et l'affaire plaidée le 9 septembre 2015, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré régulier en la forme l'engagement de cautionnement de madame M. , s'agissant d'un engagement par acte notarié, les articles L341-2 et L 341-3 du code de la consommation dont excipe l'appelante pour conclure à la nullité de son cautionnement n'étant pas au demeurant applicables au jour de la régularisation de cet acte notarié , soit le 19 septembre 2002.
Attendu qu'aux termes de l'acte notarié précité « dans le but de faciliter l'ouverture de crédit consentie dans les présentes , monsieur et madame M. se constituent cautions solidaires mais uniquement hypothécaires à concurrence de 46.000 euros augmenté d'intérêts, au taux conventionnel indiqué ci avant, commissions, frais et accessoires de la bonne fin du paiement de toutes sommes que l'emprunteur peut ou pourra devoir à la Banque à l'occasion du crédit consenti (...). A la garantie des sommes dont il sera débiteur envers la Banque en capital, intérêts, frais et accessoires, du fait de son cautionnement solidaire, la caution hypothèque spécialement au profit de la Banque, ce qui est accepté par elle, les biens et droits immobiliers ci après désignés, avec toutes augmentations et tous immeubles par destination. Cette affectation hypothécaire n'apporte aucune restriction aux droits de la Banque qui pourra, si bon lui semble, poursuivre le recouvrement de sa créance sur toutes facultés mobilières et immobilières du client ou tous coobligés autres que la présente caution.
Que la spécificité d'une caution hypothécaire consiste à engager uniquement le patrimoine immobilier de la caution tel que défini à l'acte de cautionnement, à l'exclusion de ses biens et avoirs mobiliers ; qu'il en résulte que le créancier ne peut appeler la caution hypothécaire que sur ses biens immobiliers engagés à ce titre en usant de la procédure de saisie immobilière.
Qu'ainsi la société Lyonnaise de Banque n'est pas fondée à poursuivre madame M. sur ses biens mobiliers personnels en réclamant sa condamnation au paiement de la somme de 9.740,78 euros, l'acte notarié du 19 septembre 2002 ne prévoyant pas un tel recours à l'encontre de la caution solidaire et hypothécaire .
Attendu qu'en conséquence et sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les autres moyens soutenus par l'appelante, le jugement querellé doit être infirmé en ce qu'il a condamné madame M. à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 9.740,78 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,50% à compter du 20 mai 2009 ;
Que statuant à nouveau, il y a lieu de débouter la société Lyonnaise de Banque de sa demande en paiement à l'encontre de madame M., prise en sa qualité de caution solidaire et hypothécaire.
Attendu que le jugement dont appel sera toutefois confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 4.900 euros soutenue par madame M., aucune pièce ne justifiant du prélèvement ou virement prétendument effectué à son insu par la société Lyonnaise de Banque .
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de madame M. tendant à obtenir une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par le prélèvement de la somme de 4.900 euros et les lettres de relances prétendument adressées à son fils par la société Lyonnaise de Banque, ces allégations n'étant pas vérifiées à l'examen des pièces communiquées.
Attendu que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas en cause d'appel au profit de la société Lyonnaise de Banque.
Que cette dernière doit être condamnée à payer à madame M. une indemnité de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Attendu qu'il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré régulier en la forme l'engagement de caution hypothécaire de madame M. régularisé par acte notarié du 19 septembre 2002 , débouté madame M. de sa demande en paiement de la somme de 4.900 euros, et rejeté l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute la société Lyonnaise de Banque de sa demande en paiement à l'encontre de madame M., ès qualités de caution solidaire et hypothécaire,
Y ajoutant,
Condamne la société Lyonnaise de Banque à payer à madame M. la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel au profit de la société Lyonnaise de Banque ,
Dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle engagés en première instance et en appel et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Claude VIEILLARD , président, et par madame Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.