CA Montpellier, ch. com., 30 septembre 2025, n° 24/00781
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/00781 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QEBZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 JANVIER 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BÉZIERS
N° RG 22/003847
APPELANTE :
S.A.S.U. SODEV
Prise en la personne de son directeur de succursale:
TPL PREMIUM 20
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée sur l'audience par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES et par Me Thibault GANDILLON, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [D] [O] [E] ès qualités de liquidateur de la SARL CJL EVASION 1.
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée sur l'audience par Me Nadine PONTIER substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocats au barreau de BEZIERS
INTERVENANTS :
Monsieur [K] [R]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté sur l'audience par Me Romain BOULET de la SARL SAINT CÔME AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [S] [J]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté sur l'audience par Me Romain BOULET de la SARL SAINT CÔME AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 18 Juin 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JUILLET 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
lors de la mise à disposition : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS et PROCEDURE
Par jugement du 11 juillet 2018, le tribunal de commerce de Béziers a placé la SARL CJL Evasion 1 en procédure de sauvegarde.
Par jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de commerce de Béziers a arrêté un plan de redressement au 24 juillet 2019 avec une clause d'inaliénabilité et désigné M. [F] [E] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 7 novembre 2019, M. [K] [R] a commandé auprès de la société CJL Evasion 1 un camping-car et a versé à ce titre un acompte de 10 000 euros.
Le 20 décembre 2019, M. [S] [J] a commandé auprès de la société CJL Evasion 1 un véhicule de marque Carado et a versé à ce titre un acompte de 10 000 euros.
Le 23 septembre 2020, la société CJL Evasion 1 a conclu une promesse de vente de son fonds de commerce avec la SASU Sodev, sous conditions suspensives.
Par jugement du 20 octobre 2020, faisant suite à la requête de la société CJL Evasion 1, le tribunal de commerce de Béziers l'a autorisée à céder son fonds de commerce dans les conditions prévues à la promesse de vente, en donnant acte à la cessionnaire de ce qu'elle s'engageait à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion, soit une somme totale de 88 557 euros sans lui réclamer ledit acompte et sans solliciter un double paiement par les clients.
Le 10 décembre 2020, l'acte de vente définitif a été signé entre les sociétés CJL Evasion 1 et Sodev.
Par jugement du 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Béziers a converti la procédure en liquidation judiciaire, et désigné la société [F] [E] en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1.
Par exploit du 8 novembre 2022, la Selarl [F] [E], ès qualités, a assigné la société Sodev aux fins de notamment restituer à plusieurs clients les acomptes versés.
De nombreux échanges sont intervenus entre le liquidateur et le cessionnaire afin de tenter de faire respecter les engagements pris par la SASU Sodev envers les clients de la société quant au sort de leurs commandes de véhicules pour lesquelles des acomptes importants avaient été versés et qui ont été produits à la procédure.
Par exploit du 8 novembre 2022, le liquidateur a assigné la société Sodev aux fins de la voir condamner sous astreinte à restituer :
- à Mme [Y] la somme de 10 000 €
- à M. [J] la somme de 10 000 € ;
- à M. [Z] la somme de 7000 € ;
- aux époux [T] la somme de 10 000 € ;
- aux époux [H] la somme de 10 000 € ;
- à Mme [N] la somme de 10 000 €
- à M. [W] la somme de 11 000 € ;
- aux époux [G] la somme de 10 473 € ;
tous clients de la société CJL Evasion 1 ayant versé au total 88 557 euros pour l'achat de camping- cars,
et voir condamner la Sodev à payer à la liquidation la somme de 12 480,70 euros au titre du prix de vente avec intérêts à compter de l'acte de vente.
Par jugement contradictoire du 29 janvier 2024 (le jugement déféré), le tribunal de commerce de Béziers a :
débouté la société Sodev de son exception de compétence ;
jugé que le tribunal de commerce de Béziers est compétent ;
déclaré recevable l'action de la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1 ;
condamné la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion 1 et sans solliciter le double paiement par les clients ;
condamné la société Sodev à verser à la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1, la somme de 12 480,70 euros avec intérêts à compter de l'acte de vente ;
déclaré que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
rejeté la demande reconventionnelle de fixation au passif ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile ;
condamné la société Sodev à payer à la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1, la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Sodev aux entiers dépens ;
et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.
Par déclaration du 14 février 2024, la SASU Sodev a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 9 juillet 2024, elle a demandé à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1199, 1203, 1204 du code civil, des articles 4, 5, 30, 31, 48, 72, 75, 88, 90, 122, 123, 124 du code de procédure civile et des articles L. 641-4 et L. 812-1 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement entrepris ;
In limine litis,
- déclarer le tribunal de commerce de Béziers incompétent au profit du tribunal de commerce de Montpellier par application de la clause attributive de compétence insérée au contrat de cession du fonds de commerce ;
Au principal,
- juger la société [F] [E], ès qualités, irrecevable en son action et en toutes ses demandes et l'en débouter ;
Au subsidiaire,
- juger la société [F] [E], ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;
Reconventionnellement,
- fixer la somme de 71 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société CJL Evasion 1, correspond aux éléments carentiels dans la consistance du fonds de commerce cédé ;
Et en tout état de cause,
- condamner la société [F] [E], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 13 novembre 2024, statuant sur requête de la société Sodev, le délégataire du premier président de la cour d'appel de céans a ordonné la suspension de l'exécution provisoire du jugement attaqué.
Par conclusions du 11 février 2025, la SELARL [F] [E], en la personne de M. [F] [E] agissant en sa qualité de liquidateur de la SARL CJL Evasion 1, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner la société Sodev à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2025.
Le 28 février 2025 M. [K] [R] et M. [S] [J] sont intervenus volontairement à la procédure d'appel
Par arrêt en date du 8 avril 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire et des demandes de MM. [R] et [J], formées après clôture.
Par conclusions du 18 juin 2025, la SASU Sodev demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 30 et suivants, 48, 72, 75, 88 et 90, 122 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1199, 1203 et 1204 du code civil, et des articles L. 641-4 et L. 812 du code du commerce :
d'infirmer le jugement déféré ;
in limine litis,
de juger le tribunal de commerce de Béziers incompétent au profit du tribunal de commerce de Montpellier par application de la clause attributive de compétence insérée au contrat de cession du fonds de commerce ;
À titre principal
de juger irrecevables les interventions volontaires principales et accessoires, les actions, et l'ensemble des demandes de MM.[R] et [J] ;
de juger irrecevable en son action et en toutes ses demandes la société [F] [E], ès qualités ;
À titre subsidiaire :
- de juger la société [F] [E], ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes de toutes natures, et l'en débouter ;
de juger MM. [R] et M. [J] mal fondés en toutes leurs demandes de toutes natures, et les en débouter ;
À titre conventionnel
de fixer la somme de 71 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société CJL Evasion 1 à titre de créance de la société Sodev correspondant aux éléments carentiels dans la consistance du fonds de commerce cédé ;
et en tout état de cause, de rejeter les demandes de M. [E], ès qualités, de MM. [R] et [J], et de condamner tous succombants à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par conclusions du 11 juin 2025, M. [R] et M. [J], intervenants volontaires, demandent à la cour, au visa des articles 1205 et suivants du code civil, des articles R. 662-3 et L. 642-6 du code de commerce, des articles 329, 330 et 914-3 du code de procédure civile et de l'article L. 131-1 du code de procédure civile d'exécution :
de juger que leur intervention volontaire est recevable, qu'elle soit formée à titre principale ou accessoire ;
sur la demande formée par M. [E] ès qualités
de faire droit à sa demande visant à obtenir la confirmation de la décision déférée, et notamment en ce qu'il a condamné Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion I sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion I, et sans solliciter le double paiement par les clients ;
sur leur demande formée dans le cadre de leur intervention volontaire
à titre principal
de juger que si Sodev est dans l'incapacité de fournir le véhicule spécifié dans leurs bons de commande, quelle qu'en soit la raison, elle devra livrer un véhicule neuf, au prix fixé dans les bons de commande, présentant un niveau de finition et des options identiques à celui initialement commandé ;
de condamner la société Sodev au paiement d'une astreinte de 500 euros par jour, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à verser pour moitié à chacun ;
à titre subsidiaire
de condamner la société Sodev à la restitution de leurs acomptes versés ;
de la condamner au paiement de 5 000 euros chacun, au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral ;
et en tout état de cause, de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 11 février 2025, la société [F] [E] ès qualités, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise, et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 18 juin 2025.
MOTIFS :
Sur l'exception d'incompétence
La société Sodev soulève à nouveau en cause d'appel, in limine litis, le moyen tiré de l'incompétence du tribunal de commerce de Béziers au profit du tribunal de commerce de Montpellier, mentionné dans la clause attributive de compétence insérée à l'acte définitif de cession.
Le tribunal de commerce de Béziers, pour se déclarer compétent, avait retenu que l'article R.662-3 du code du commerce dispose que « le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connait de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire » ; que l'acte de cession entre la société CJL Evasion 1 et la société SODEV n'a pu être conclu que suite au jugement autorisant la cession du fonds de commerce de la société CJL Evasion 1 à la société SODEV ; et que le jugement de mainlevée de l'inaliénabilité prononcé par le tribunal de commerce de Béziers est le fondement de l'action menée par le liquidateur de la société CJL Evasion 1 contre la société SODEV.
Mais cette discussion est désormais sans emport, la cour d'appel de ce siège étant la juridiction d'appel à la fois du tribunal de commerce de Béziers et du tribunal de commerce de Montpellier, de sorte qu'en application de l'article 90 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour est saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'où il suit le rejet de l'exception soulevée.
Sur la recevabilité de l'action du liquidateur
Le tribunal de commerce a suivi l'argumentation du liquidateur, demandeur à l'action, en retenant les motifs suivants :
' L'article 1205 du code civil dispose que l'on peut stipuler pour autrui ; dès lors « L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse » ;
' Lors de sa cession de fonds de commerce, il a été clairement stipulé par les deux parties que la société SODEV exécuterait la livraison des biens commandés auprès de clients dûment identifiés en laissant à la procédure collective de la cédante le bénéfice des acomptes encaissés et sans demander un double paiement de ces acomptes aux clients ;
' Confronté à l'inexécution des obligations contractuelles et en application de l'article 1209 du code civil, le stipulant peut exiger du promettant l'exécution de son engagement ;
' Le liquidateur de la société CJL Evasion 1 stipulant a qualité à agir contre la société Sodev pour obtenir d'elle l'exécution de ses engagements pris lors de la promesse de vente signée le 23 septembre 2020, dont les termes sont repris par le jugement du tribunal de commerce dans l'acte de levée de l'inaliénabilité ;
' La société SODEV s'est engagée à « honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL EVASION 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL EVASION 1 et sans solliciter le double paiement par les clients » ; la levée de l'inaliénabilité étant le prérequis à la réalisation de la cession du fond de la société CJL Evasion 1 à la société Sodev, cette dernière en a donc accepté les termes et conditions du compromis précité tel que repris dans le jugement, de sorte que les actes passés ultérieurement et venant amoindrir les engagements de la société Sodev au détriment des clients ne peuvent pas être retenus ;
' Malgré ses engagements et les demandes répétées des clients concernés, à ce jour, la société Sodev n'a toujours pas exécuté ses obligations de livraison des commandes visées.
La SASU Sodev appelante reproche au tribunal d'avoir retenu la recevabilité de la totalité de l'action du mandataire liquidateur en disant qu'il aurait la qualité de stipulant pour autrui qui serait en droit d'exiger du promettant l'exécution de son engagement à l'égard des tiers, à supposer que la créance de ces derniers soit de surcroît établie, alors que :
' d'une part il est mandataire liquidateur de la société et excède le cadre de sa mission légale judiciaire en agissant au nom et pour le compte des personnes physiques tierces à la société placée en liquidation ;
'la stipulation pour autrui ou la promesse de porte-fort, le fondement de l'action du liquidateur n'étant pas clairement exposé par le liquidateur, nécessite l'acceptation par le bénéficiaire de la stipulation, ce qui n'est pas le cas d'espèce, de sorte que le stipulant est libre de revenir sur la stipulation et de la révoquer en application de l'article 204 du code civil ;
' il n'existe aucun contrat par lequel la société Sodev se serait engagée à livrer les biens commandés envers les clients énumérés ;
' la société Sodev s'est jamais engagée auprès des consommateurs finaux de manière ferme et définitive et avec une obligation de résultat, ce qui aurait eu pour sanction une obligation de remboursement des acomptes ;
' par lettre recommandée du 30 juin 2020 le constructeur HYMER a résilié les contrats de distribution avec la société CJL Evasion 1, vidant de toute substance quasiment le fonds de commerce de la société Sodev, laquelle est alors fondée à solliciter reconventionnellement la fixation au passif de la société CJL Evasion 1 de la somme de 71 000 € correspondant au remboursement du prix du fonds pour 20 000 € et le remboursement de la somme de 51 000 € qui a été versée en complément de prix à des tiers.
SUR CE, LA COUR
L'acte de cession du fonds de commerce liant les parties mentionne :
« Sort des acomptes versés par les clients sur des véhicules de loisirs neufs vendus à des clients finaux et non présents sur parc.
Il s'agit des véhicules de loisirs neufs non présents sur le parc au jour de l'inventaire ou en commande constructeur est vendu avant la date de réalisation à des clients finaux pour une date de livraison postérieure à la date de réalisation.
Il est dûment convenu entre les parties que ces camping-cars seront livrés, facturés et garantis aux clients finaux par le Cessionnaire (liste des clients en annexe 13) sous réserve de l'accord du constructeur.
Dans le cadre de la vente de véhicules en commande auprès du constructeur et par conséquent non réglés au Constructeur, le Cessionnaire effectuera, également, la livraison et la facturation aux clients et traitera en direct avec le constructeur des éventuels problèmes de garantie.
Le Cessionnaire fera donc son affaire des livraisons liées aux acomptes déjà versés par les clients dans la limite de la somme déclarée par le cédant, soit celle de 81 557,30 €
Le Cédant garantit au Cessionnaire la conformité du bien commandé par le constructeur au regard de la commande passée par le client final auprès du Cédant.
Pour sa part le Cessionnaire fait son affaire personnelle de l'acompte versé au cédant par les clients concernés et renonce à toute action contre CJL Evasion 1 à ce titre.
Il est rappelé que la présente clause est soumise à deux réserves pour chaque contrat :
' l'accord du client pour exécuter son contrat d'acquisition d'un camping-car sans remise en question de la validité juridique du contrat et prendre livraison du camping-car ;
' l'accord du constructeur pour livrer ledit camping-car au cessionnaire »
Le liquidateur n'a toutefois pas qualité pour solliciter en leur nom des condamnations pécuniaires au bénéfice de personnes physiques qui ne sont pas parties à la procédure, et ce en lieu et place de l'action que ces dernières pourraient, le cas échéant, engager directement contre la société Sodev, sur un fondement délictuel pour les manquements contractuels de la société Sodev aux engagements qu'elle souscrit lors de la cession à son profit du fonds de commerce de CJL Evasion 1.
Le jugement qui a fait droit aux demandes de liquidateur formulées pour autrui, alors que nul ne peut plaider par procureur, et qui a statué ultra petita en condamnant la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL EVASION 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL EVASION 1 et sans solliciter le double paiement par les clients, ne peut donc qu'être réformé.
Sur les autres demandes
Sur les interventions volontaires de MM. [R] et [J], ces derniers sont irrecevables à intervenir directement en cause d'appel, tant au soutien des prétentions irrecevables du liquidateur, qu'à titre principal pour former des demandes nouvelles.
L'article 802 du code de procédure civile ne permet une intervention volontaire après clôture que lorsque les circonstances le justifient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, notamment pour substituer une partie décédée en cours d'instance, et non pour permettre à des parties qui n'étaient pas présentes en première instance d'éluder sans motif légitime le premier degré de juridiction, au mépris de surcroit des règles de la procédure collective.
S'agissant de la demande du liquidateur tendant au paiement du solde du prix de la cession, et les parties se bornant à reprendre leurs prétentions et moyens de première instance, le tribunal de commerce de Béziers l'a exactement admise en répondant par des motifs développés pertinents méritant adoption, et condamné la société Sodev à verser au liquidateur de la société CJL Evasion 1 la somme de 12 480, 70€ avec intérêts à compter de l'acte de vente et anatocisme.
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne le rejet de la demande reconventionnelle présentée par la société Sodev tendant à la fixation au passif de la société CJL Evasion 1 de la somme de 71 000€, alors que d'une part ce cessionnaire était informé de l'aléa portant sur la cession et la poursuite des contrats avec les constructeurs dont il a fait son affaire ; et que d'autre part, et en réalité, en premier lieu, la société Sodev aurait dû produire au passif, ce dont elle s'est abstenue.
En définitive le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a :
- débouté la société Sodev de son exception d'incompétence ;
- condamné la société Sodev à verser à la société [F] [E], ès qualités, la somme de 12 480,70 euros avec intérêts à compter de l'acte de vente ;
- déclaré que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la Sodev tendant à la fixation au passif ;
- et condamné la société Sodev à verser à la société [F] [E], ès qualités, la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Ledit jugement attaqué sera réformé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré entièrement recevable l'action de la société [F] [E] ès qualités et condamné la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion 1 et sans solliciter le double paiement par les clients ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant
Déclare irrecevable l'action de la société [F] [E] ès qualités visant à la condamnation de la société Sodev sous astreinte à restituer :
- à Mme [Y] la somme de 10 000 €
- à M. [J] la somme de 10 000 € ;
- à M. [Z] la somme de 7000 € ;
- aux époux [T] la somme de 10 000 € ;
- aux époux [H] la somme de 10 000 € ;
- à Mme [N] la somme de 10 000 €
- à M. [W] la somme de 11 000 € ;
- aux époux [G] la somme de 10 473 € ;
Déclare irrecevables les interventions volontaires de MM. [K] [R] et [S] [J] ;
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/00781 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QEBZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 JANVIER 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BÉZIERS
N° RG 22/003847
APPELANTE :
S.A.S.U. SODEV
Prise en la personne de son directeur de succursale:
TPL PREMIUM 20
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée sur l'audience par Me Jacques-Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES et par Me Thibault GANDILLON, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [D] [O] [E] ès qualités de liquidateur de la SARL CJL EVASION 1.
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée sur l'audience par Me Nadine PONTIER substituant Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocats au barreau de BEZIERS
INTERVENANTS :
Monsieur [K] [R]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté sur l'audience par Me Romain BOULET de la SARL SAINT CÔME AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [S] [J]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Clément BERMOND de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté sur l'audience par Me Romain BOULET de la SARL SAINT CÔME AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 18 Juin 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 JUILLET 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
lors de la mise à disposition : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS et PROCEDURE
Par jugement du 11 juillet 2018, le tribunal de commerce de Béziers a placé la SARL CJL Evasion 1 en procédure de sauvegarde.
Par jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de commerce de Béziers a arrêté un plan de redressement au 24 juillet 2019 avec une clause d'inaliénabilité et désigné M. [F] [E] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 7 novembre 2019, M. [K] [R] a commandé auprès de la société CJL Evasion 1 un camping-car et a versé à ce titre un acompte de 10 000 euros.
Le 20 décembre 2019, M. [S] [J] a commandé auprès de la société CJL Evasion 1 un véhicule de marque Carado et a versé à ce titre un acompte de 10 000 euros.
Le 23 septembre 2020, la société CJL Evasion 1 a conclu une promesse de vente de son fonds de commerce avec la SASU Sodev, sous conditions suspensives.
Par jugement du 20 octobre 2020, faisant suite à la requête de la société CJL Evasion 1, le tribunal de commerce de Béziers l'a autorisée à céder son fonds de commerce dans les conditions prévues à la promesse de vente, en donnant acte à la cessionnaire de ce qu'elle s'engageait à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion, soit une somme totale de 88 557 euros sans lui réclamer ledit acompte et sans solliciter un double paiement par les clients.
Le 10 décembre 2020, l'acte de vente définitif a été signé entre les sociétés CJL Evasion 1 et Sodev.
Par jugement du 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Béziers a converti la procédure en liquidation judiciaire, et désigné la société [F] [E] en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1.
Par exploit du 8 novembre 2022, la Selarl [F] [E], ès qualités, a assigné la société Sodev aux fins de notamment restituer à plusieurs clients les acomptes versés.
De nombreux échanges sont intervenus entre le liquidateur et le cessionnaire afin de tenter de faire respecter les engagements pris par la SASU Sodev envers les clients de la société quant au sort de leurs commandes de véhicules pour lesquelles des acomptes importants avaient été versés et qui ont été produits à la procédure.
Par exploit du 8 novembre 2022, le liquidateur a assigné la société Sodev aux fins de la voir condamner sous astreinte à restituer :
- à Mme [Y] la somme de 10 000 €
- à M. [J] la somme de 10 000 € ;
- à M. [Z] la somme de 7000 € ;
- aux époux [T] la somme de 10 000 € ;
- aux époux [H] la somme de 10 000 € ;
- à Mme [N] la somme de 10 000 €
- à M. [W] la somme de 11 000 € ;
- aux époux [G] la somme de 10 473 € ;
tous clients de la société CJL Evasion 1 ayant versé au total 88 557 euros pour l'achat de camping- cars,
et voir condamner la Sodev à payer à la liquidation la somme de 12 480,70 euros au titre du prix de vente avec intérêts à compter de l'acte de vente.
Par jugement contradictoire du 29 janvier 2024 (le jugement déféré), le tribunal de commerce de Béziers a :
débouté la société Sodev de son exception de compétence ;
jugé que le tribunal de commerce de Béziers est compétent ;
déclaré recevable l'action de la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1 ;
condamné la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion 1 et sans solliciter le double paiement par les clients ;
condamné la société Sodev à verser à la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1, la somme de 12 480,70 euros avec intérêts à compter de l'acte de vente ;
déclaré que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
rejeté la demande reconventionnelle de fixation au passif ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile ;
condamné la société Sodev à payer à la Selarl [F] [E], en qualité de liquidateur de la société CJL Evasion 1, la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Sodev aux entiers dépens ;
et rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.
Par déclaration du 14 février 2024, la SASU Sodev a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 9 juillet 2024, elle a demandé à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1199, 1203, 1204 du code civil, des articles 4, 5, 30, 31, 48, 72, 75, 88, 90, 122, 123, 124 du code de procédure civile et des articles L. 641-4 et L. 812-1 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement entrepris ;
In limine litis,
- déclarer le tribunal de commerce de Béziers incompétent au profit du tribunal de commerce de Montpellier par application de la clause attributive de compétence insérée au contrat de cession du fonds de commerce ;
Au principal,
- juger la société [F] [E], ès qualités, irrecevable en son action et en toutes ses demandes et l'en débouter ;
Au subsidiaire,
- juger la société [F] [E], ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;
Reconventionnellement,
- fixer la somme de 71 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société CJL Evasion 1, correspond aux éléments carentiels dans la consistance du fonds de commerce cédé ;
Et en tout état de cause,
- condamner la société [F] [E], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 13 novembre 2024, statuant sur requête de la société Sodev, le délégataire du premier président de la cour d'appel de céans a ordonné la suspension de l'exécution provisoire du jugement attaqué.
Par conclusions du 11 février 2025, la SELARL [F] [E], en la personne de M. [F] [E] agissant en sa qualité de liquidateur de la SARL CJL Evasion 1, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner la société Sodev à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2025.
Le 28 février 2025 M. [K] [R] et M. [S] [J] sont intervenus volontairement à la procédure d'appel
Par arrêt en date du 8 avril 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire et des demandes de MM. [R] et [J], formées après clôture.
Par conclusions du 18 juin 2025, la SASU Sodev demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 30 et suivants, 48, 72, 75, 88 et 90, 122 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103, 1104, 1199, 1203 et 1204 du code civil, et des articles L. 641-4 et L. 812 du code du commerce :
d'infirmer le jugement déféré ;
in limine litis,
de juger le tribunal de commerce de Béziers incompétent au profit du tribunal de commerce de Montpellier par application de la clause attributive de compétence insérée au contrat de cession du fonds de commerce ;
À titre principal
de juger irrecevables les interventions volontaires principales et accessoires, les actions, et l'ensemble des demandes de MM.[R] et [J] ;
de juger irrecevable en son action et en toutes ses demandes la société [F] [E], ès qualités ;
À titre subsidiaire :
- de juger la société [F] [E], ès qualités, mal fondée en toutes ses demandes de toutes natures, et l'en débouter ;
de juger MM. [R] et M. [J] mal fondés en toutes leurs demandes de toutes natures, et les en débouter ;
À titre conventionnel
de fixer la somme de 71 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société CJL Evasion 1 à titre de créance de la société Sodev correspondant aux éléments carentiels dans la consistance du fonds de commerce cédé ;
et en tout état de cause, de rejeter les demandes de M. [E], ès qualités, de MM. [R] et [J], et de condamner tous succombants à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Par conclusions du 11 juin 2025, M. [R] et M. [J], intervenants volontaires, demandent à la cour, au visa des articles 1205 et suivants du code civil, des articles R. 662-3 et L. 642-6 du code de commerce, des articles 329, 330 et 914-3 du code de procédure civile et de l'article L. 131-1 du code de procédure civile d'exécution :
de juger que leur intervention volontaire est recevable, qu'elle soit formée à titre principale ou accessoire ;
sur la demande formée par M. [E] ès qualités
de faire droit à sa demande visant à obtenir la confirmation de la décision déférée, et notamment en ce qu'il a condamné Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion I sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion I, et sans solliciter le double paiement par les clients ;
sur leur demande formée dans le cadre de leur intervention volontaire
à titre principal
de juger que si Sodev est dans l'incapacité de fournir le véhicule spécifié dans leurs bons de commande, quelle qu'en soit la raison, elle devra livrer un véhicule neuf, au prix fixé dans les bons de commande, présentant un niveau de finition et des options identiques à celui initialement commandé ;
de condamner la société Sodev au paiement d'une astreinte de 500 euros par jour, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à verser pour moitié à chacun ;
à titre subsidiaire
de condamner la société Sodev à la restitution de leurs acomptes versés ;
de la condamner au paiement de 5 000 euros chacun, au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral ;
et en tout état de cause, de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 11 février 2025, la société [F] [E] ès qualités, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise, et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 18 juin 2025.
MOTIFS :
Sur l'exception d'incompétence
La société Sodev soulève à nouveau en cause d'appel, in limine litis, le moyen tiré de l'incompétence du tribunal de commerce de Béziers au profit du tribunal de commerce de Montpellier, mentionné dans la clause attributive de compétence insérée à l'acte définitif de cession.
Le tribunal de commerce de Béziers, pour se déclarer compétent, avait retenu que l'article R.662-3 du code du commerce dispose que « le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connait de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire » ; que l'acte de cession entre la société CJL Evasion 1 et la société SODEV n'a pu être conclu que suite au jugement autorisant la cession du fonds de commerce de la société CJL Evasion 1 à la société SODEV ; et que le jugement de mainlevée de l'inaliénabilité prononcé par le tribunal de commerce de Béziers est le fondement de l'action menée par le liquidateur de la société CJL Evasion 1 contre la société SODEV.
Mais cette discussion est désormais sans emport, la cour d'appel de ce siège étant la juridiction d'appel à la fois du tribunal de commerce de Béziers et du tribunal de commerce de Montpellier, de sorte qu'en application de l'article 90 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour est saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'où il suit le rejet de l'exception soulevée.
Sur la recevabilité de l'action du liquidateur
Le tribunal de commerce a suivi l'argumentation du liquidateur, demandeur à l'action, en retenant les motifs suivants :
' L'article 1205 du code civil dispose que l'on peut stipuler pour autrui ; dès lors « L'un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l'autre, le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire. Ce dernier peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse » ;
' Lors de sa cession de fonds de commerce, il a été clairement stipulé par les deux parties que la société SODEV exécuterait la livraison des biens commandés auprès de clients dûment identifiés en laissant à la procédure collective de la cédante le bénéfice des acomptes encaissés et sans demander un double paiement de ces acomptes aux clients ;
' Confronté à l'inexécution des obligations contractuelles et en application de l'article 1209 du code civil, le stipulant peut exiger du promettant l'exécution de son engagement ;
' Le liquidateur de la société CJL Evasion 1 stipulant a qualité à agir contre la société Sodev pour obtenir d'elle l'exécution de ses engagements pris lors de la promesse de vente signée le 23 septembre 2020, dont les termes sont repris par le jugement du tribunal de commerce dans l'acte de levée de l'inaliénabilité ;
' La société SODEV s'est engagée à « honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL EVASION 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL EVASION 1 et sans solliciter le double paiement par les clients » ; la levée de l'inaliénabilité étant le prérequis à la réalisation de la cession du fond de la société CJL Evasion 1 à la société Sodev, cette dernière en a donc accepté les termes et conditions du compromis précité tel que repris dans le jugement, de sorte que les actes passés ultérieurement et venant amoindrir les engagements de la société Sodev au détriment des clients ne peuvent pas être retenus ;
' Malgré ses engagements et les demandes répétées des clients concernés, à ce jour, la société Sodev n'a toujours pas exécuté ses obligations de livraison des commandes visées.
La SASU Sodev appelante reproche au tribunal d'avoir retenu la recevabilité de la totalité de l'action du mandataire liquidateur en disant qu'il aurait la qualité de stipulant pour autrui qui serait en droit d'exiger du promettant l'exécution de son engagement à l'égard des tiers, à supposer que la créance de ces derniers soit de surcroît établie, alors que :
' d'une part il est mandataire liquidateur de la société et excède le cadre de sa mission légale judiciaire en agissant au nom et pour le compte des personnes physiques tierces à la société placée en liquidation ;
'la stipulation pour autrui ou la promesse de porte-fort, le fondement de l'action du liquidateur n'étant pas clairement exposé par le liquidateur, nécessite l'acceptation par le bénéficiaire de la stipulation, ce qui n'est pas le cas d'espèce, de sorte que le stipulant est libre de revenir sur la stipulation et de la révoquer en application de l'article 204 du code civil ;
' il n'existe aucun contrat par lequel la société Sodev se serait engagée à livrer les biens commandés envers les clients énumérés ;
' la société Sodev s'est jamais engagée auprès des consommateurs finaux de manière ferme et définitive et avec une obligation de résultat, ce qui aurait eu pour sanction une obligation de remboursement des acomptes ;
' par lettre recommandée du 30 juin 2020 le constructeur HYMER a résilié les contrats de distribution avec la société CJL Evasion 1, vidant de toute substance quasiment le fonds de commerce de la société Sodev, laquelle est alors fondée à solliciter reconventionnellement la fixation au passif de la société CJL Evasion 1 de la somme de 71 000 € correspondant au remboursement du prix du fonds pour 20 000 € et le remboursement de la somme de 51 000 € qui a été versée en complément de prix à des tiers.
SUR CE, LA COUR
L'acte de cession du fonds de commerce liant les parties mentionne :
« Sort des acomptes versés par les clients sur des véhicules de loisirs neufs vendus à des clients finaux et non présents sur parc.
Il s'agit des véhicules de loisirs neufs non présents sur le parc au jour de l'inventaire ou en commande constructeur est vendu avant la date de réalisation à des clients finaux pour une date de livraison postérieure à la date de réalisation.
Il est dûment convenu entre les parties que ces camping-cars seront livrés, facturés et garantis aux clients finaux par le Cessionnaire (liste des clients en annexe 13) sous réserve de l'accord du constructeur.
Dans le cadre de la vente de véhicules en commande auprès du constructeur et par conséquent non réglés au Constructeur, le Cessionnaire effectuera, également, la livraison et la facturation aux clients et traitera en direct avec le constructeur des éventuels problèmes de garantie.
Le Cessionnaire fera donc son affaire des livraisons liées aux acomptes déjà versés par les clients dans la limite de la somme déclarée par le cédant, soit celle de 81 557,30 €
Le Cédant garantit au Cessionnaire la conformité du bien commandé par le constructeur au regard de la commande passée par le client final auprès du Cédant.
Pour sa part le Cessionnaire fait son affaire personnelle de l'acompte versé au cédant par les clients concernés et renonce à toute action contre CJL Evasion 1 à ce titre.
Il est rappelé que la présente clause est soumise à deux réserves pour chaque contrat :
' l'accord du client pour exécuter son contrat d'acquisition d'un camping-car sans remise en question de la validité juridique du contrat et prendre livraison du camping-car ;
' l'accord du constructeur pour livrer ledit camping-car au cessionnaire »
Le liquidateur n'a toutefois pas qualité pour solliciter en leur nom des condamnations pécuniaires au bénéfice de personnes physiques qui ne sont pas parties à la procédure, et ce en lieu et place de l'action que ces dernières pourraient, le cas échéant, engager directement contre la société Sodev, sur un fondement délictuel pour les manquements contractuels de la société Sodev aux engagements qu'elle souscrit lors de la cession à son profit du fonds de commerce de CJL Evasion 1.
Le jugement qui a fait droit aux demandes de liquidateur formulées pour autrui, alors que nul ne peut plaider par procureur, et qui a statué ultra petita en condamnant la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL EVASION 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL EVASION 1 et sans solliciter le double paiement par les clients, ne peut donc qu'être réformé.
Sur les autres demandes
Sur les interventions volontaires de MM. [R] et [J], ces derniers sont irrecevables à intervenir directement en cause d'appel, tant au soutien des prétentions irrecevables du liquidateur, qu'à titre principal pour former des demandes nouvelles.
L'article 802 du code de procédure civile ne permet une intervention volontaire après clôture que lorsque les circonstances le justifient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, notamment pour substituer une partie décédée en cours d'instance, et non pour permettre à des parties qui n'étaient pas présentes en première instance d'éluder sans motif légitime le premier degré de juridiction, au mépris de surcroit des règles de la procédure collective.
S'agissant de la demande du liquidateur tendant au paiement du solde du prix de la cession, et les parties se bornant à reprendre leurs prétentions et moyens de première instance, le tribunal de commerce de Béziers l'a exactement admise en répondant par des motifs développés pertinents méritant adoption, et condamné la société Sodev à verser au liquidateur de la société CJL Evasion 1 la somme de 12 480, 70€ avec intérêts à compter de l'acte de vente et anatocisme.
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne le rejet de la demande reconventionnelle présentée par la société Sodev tendant à la fixation au passif de la société CJL Evasion 1 de la somme de 71 000€, alors que d'une part ce cessionnaire était informé de l'aléa portant sur la cession et la poursuite des contrats avec les constructeurs dont il a fait son affaire ; et que d'autre part, et en réalité, en premier lieu, la société Sodev aurait dû produire au passif, ce dont elle s'est abstenue.
En définitive le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a :
- débouté la société Sodev de son exception d'incompétence ;
- condamné la société Sodev à verser à la société [F] [E], ès qualités, la somme de 12 480,70 euros avec intérêts à compter de l'acte de vente ;
- déclaré que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
- rejeté la demande reconventionnelle de la Sodev tendant à la fixation au passif ;
- et condamné la société Sodev à verser à la société [F] [E], ès qualités, la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Ledit jugement attaqué sera réformé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré entièrement recevable l'action de la société [F] [E] ès qualités et condamné la société Sodev à honorer les commandes reçues avec acomptes clients encaissés par la société CJL Evasion 1 sans réclamer ledit acompte à la société CJL Evasion 1 et sans solliciter le double paiement par les clients ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant
Déclare irrecevable l'action de la société [F] [E] ès qualités visant à la condamnation de la société Sodev sous astreinte à restituer :
- à Mme [Y] la somme de 10 000 €
- à M. [J] la somme de 10 000 € ;
- à M. [Z] la somme de 7000 € ;
- aux époux [T] la somme de 10 000 € ;
- aux époux [H] la somme de 10 000 € ;
- à Mme [N] la somme de 10 000 €
- à M. [W] la somme de 11 000 € ;
- aux époux [G] la somme de 10 473 € ;
Déclare irrecevables les interventions volontaires de MM. [K] [R] et [S] [J] ;
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente