CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 26 septembre 2025, n° 21/12902
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/267
Rôle N° 21/12902
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIBJ6
[A] [V]
C/
S.A.R.L. SHENAJ, exerçant sous l'enseigne [1]
Copie exécutoire délivrée
le : 26/09/2025
à :
- Me Tony FERRONI, avocat au barreau de TOULON
- Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 19 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00470.
APPELANT
Monsieur [A] [V], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Tony FERRONI de l'AARPI TLM & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.A.R.L. SHENAJ, exerçant sous l'enseigne [1], sise [Adresse 2]
représentée par Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] La SARL SHENAJ exploite un établissement à l'enseigne «'[1]'». Le 14 avril 2017, M.'[A] [V] et la société précitée ont conclu un compromis de vente du fonds de commerce sous condition suspensive d'obtention d'un prêt avant le 15 juin 2017. M.'[A] [V] aurait'pris l'établissement en gestion de fait du 7 avril 2017 au 9'juillet'2017 ou bien y aurait travaillé comme directeur, statut cadre, en qualité de salarié, ce point constituant l'objet principal du présent litige. Le compromis de vente est devenu caduc au 15'juin'2017 faute pour l'acquéreur d'avoir obtenu un prêt. Le 19 juillet 2017 Mme [G] [P], gérante de la SARL SHENAJ, adressait à M. [A] [V] une lettre ainsi rédigée':
«'Par un acte notarié en date du 14/04/2017, la société SARL SHENAJ vous a vendu un fonds de restauration situé [Adresse 2] à [Localité 4] sous conditions suspensives d'obtenir un prêt d'un montant de 300'000'€. Au terme de cet acte, vous étiez tenu de justifier de l'obtention de ce prêt le 15/06/2017 au plus tard. Vous m'avez indiqué oralement que ce prêt n'a pu être obtenu auprès de trois établissements bancaires (SMC, CIC et Caisse d'Épargne) car vous étiez fiché Banque de France. En conséquence, par la présente, je vous mets en demeure de bien vouloir m'indiquer, sous 48'heures, si vous entendez donner suite à cette vente ou si vous renoncez au bénéfice de ce compromis. À défaut de réponse sous le délai de 48'heures, je considérerais que ce compromis est devenu caduc et que ma société a retrouvé entière liberté par rapport aux engagements souscrits.'»
[2] Le 25 juillet 2017 M. [A] [V] écrivait à la SARL SHENAJ en ces termes':
«'Je fais suite à votre mail reçu en date du 24 juillet 2017 à 22h47, concernant la suite de la vente de la La [1] située [Adresse 2], et par conséquent son achat par moi-même. Comme prévu au terme de l'acte j'étais tenu de justifier l'obtention du prêt au 15 juin 2017. À cette date je travaillais pour vous à la [1] et nous nous étions entendus sur le fait qu'il était préférable, comme vous le souhaitiez, que vous fassiez la saison, juillet, août et que je prenne possession des lieux courant du mois de septembre, ce qui le laissait comme convenu entre nous, le temps d'obtenir mon prêt. Vous m'avez alors proposé un contrat de travail afin d'officialiser mon labeur chez vous jusqu'à l'obtention du dit prêt. Par la présente je vous confirme donc mon intention de donner suite à cette vente et continue à ce jour à m'employer à toutes les démarches. Je vous pris, Mme [P], de bien vouloir m'accorder le délai supplémentaire dont nous avons parlé et sur lequel nous étions d'accord en tout points.'»
[3] Mme [G] [P], gérante de la SARL SHENAJ, répondait ainsi par lettre non-datée':
«'Je donne suite à votre correspondance du 25 juillet dernier et tiens tout d'abord à rectifier certaines contrevérités manifestes. En vertu du compromis que nous avions signé et pour vous être agréable, j'avais eu la faiblesse d'accepter que vous commenciez à exploiter mon fonds de commerce de crêperie pour ne pas rater la saison dans la mesure où vous m'aviez assuré que l'obtention du prêt ne devait pas poser de difficulté. Or, mi-juillet, alors que la date limite pour justifier de cette condition suspensive était fixée au 15 juin, vous n'aviez toujours pas obtenu le prêt et je vous ai alors demandé de quitter les lieux car sans contrat de travail et sans être propriétaire du fonds de commerce, il était illégal que vous travailliez dans mon fonds de commerce. J'ai donc dû reprendre seule cette exploitation. Je veux bien attendre que vous continuiez vos démarches tant que je n'ai pas d'autre acheteur mais si un candidat se présente, je vous en informerai, et si vous n'avez toujours pas le financement, je serai contrainte de lui donner la préférence. Enfin, en ce qui concerne le mobilier que vous avez pris l'initiative de changer sans mon accord, je suis disposée à vous le restituer à condition que vous me rameniez celui qui existait antérieurement.'»
[4] Sollicitant la reconnaissance du statut de salarié et se plaignant dès lors notamment de travail dissimulé et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [A] [V] a saisi le 4'juillet'2018 le conseil de prud'hommes de Toulon, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 19 juillet 2021, a':
débouté le demandeur de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouté le requérant de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouté le requérant de sa demande de paiement d'indemnité pour travail dissimulé';
débouté le requérant de toutes ses autres demandes';
condamné le requérant aux entiers dépens.
[5] Cette décision a été notifiée le 26 août 2021 à M. [A] [V] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 2 septembre 2021. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23'mai'2025.
[6] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 septembre 2021 aux termes desquelles M. [A] [V] demande à la cour de':
infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, notamment en ce qu'il l'a':
débouté de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouté de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouté de sa demande de paiement d'indemnité pour travail dissimulé';
débouté de toutes ses autres demandes';
condamné aux entiers dépens';
dire qu'il a été embauché par la SARL SHENAJ en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2017 en exerçant des fonctions correspondant au poste de directeur d'établissement, statut cadre, niveau 5, échelon 2, selon la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants';
dire que malgré l'absence de contrat de travail écrit, il rapporte la preuve de l'existence d'une relation de travail salarié';
dire que la SARL SHENAJ a manqué à son obligation de lui payer les salaires, ainsi que les heures supplémentaires';
dire que la SARL SHENAJ a manqué à son obligation de lui délivrer des bulletins de paie';
dire que la SARL SHENAJ n'a jamais procédé aux formalités de déclaration d'embauche auprès de l'URSSAF concernant son emploi';
dire que la SARL SHENAJ s'est rendue coupable de travail dissimulé';
dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 9 juillet 2017 doit s'analyser en un licenciement verbal devant être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer les sommes suivantes':
''1'855,20'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois d'avril 2017';
''2'319,00'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de mai 2017';
''2'319,00'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2017';
'''''673,29'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juillet 2017';
26'426,48'€ bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires';
13'914,00'€ bruts à titre d'indemnité pour travail dissimulé';
''9'276,00'€ bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
'''''618,40'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
'''''''61,84'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent';
enjoindre la SARL SHENAJ à lui délivrer l'ensemble des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte), ainsi que l'ensemble de ses bulletins de paie, sous astreinte de 200'€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer la somme de 1'500'€ au titre des frais irrépétibles de la première instance';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer la somme de 3'000'€ au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[7] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 décembre 2021 aux termes desquelles la SARL SHENAJ demande à la cour de':
confirmer le jugement entrepris';
dire que M. [A] [V] ne rapporte pas la preuve des éléments constitutifs du contrat de travail à savoir l'existence d'un lien de subordination, une prestation de travail et une rémunération';
dire que M. [A] [V] ne peut formuler la moindre demande indemnitaire';
à titre principal,
débouter M. [A] [V] de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouter M. [A] [V] de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouter M. [A] [V] de sa demande de paiement d'indemnités pour travail dissimulé';
à titre subsidiaire,
dire que M. [A] [V] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu'il invoque, ni du travail dissimulé';
dire que son préjudice n'est pas démontré, et que ses demandes indemnitaires sont hors de toute proportion';
débouter M. [A] [V] de toutes ses demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur l'existence d'une relation salariale
[8] Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée. Il en résulte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
[9] L'appelant soutient qu'il a été embauché oralement par la SARL SHENAJ en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2017 pour exercer des fonctions correspondant au poste de directeur d'établissement, statut cadre, niveau 5, échelon 2, selon la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants et que la société l'a licencié, toujours oralement, le 9 juillet 2017 sans lui avoir jamais versé de rémunération malgré environ 12'heures de travail par jour, sept jours sur sept. Il soutient qu'il exécutait les tâches suivantes':
''ouverture du restaurant avec mise en place et dressage des tables';
''prise des commandes clients';
''service des commandes';
''gestion et commandes des stocks';
''encaissements clients';
''recrutement des salariés';
''management des équipes et des salariés';
''envoi des plannings horaires aux salariés et gestion du temps de travail';
''accueil et la satisfaction des clients';
''fermeture du restaurant, avec nettoyage et comptage de la caisse.
[10] L'appelant produit les témoignages suivants':
''Mme [U]':
«'J'atteste avoir été plusieurs fois en rendez-vous avec M. [V] en vue d'un éventuel recrutement en mai 2017 ce qui n'a pas abouti en vue que la propriétaire de la [1] ne voulait pas me déclarer. M. [V] souhaitait me voir démarrer immédiatement car en vu de sa reprise de l'établissement il souhaitait me garder dans sa nouvelle équipe de salarié. Il travaillait déjà là-bas de manière très active et cela pour fin de sympathiser avec la clientèle. Je suis passé ensuite plusieurs fois avec des amis qui étaient sur [Localité 4], et c'est toujours M. [V] qui était au service.'»
''Mme [J], s'ur de l'appelant':
«'J'atteste sur l'honneur mettre rendu à [Localité 4] pour rendre visite à mon frère au mois de mai 2017. À de nombreuses reprises durant mon séjour dans le Sud, je me suis rendue au restaurant «'La [1]'» sur le [Adresse 2]. Je peux attester que mon frère, M.'[V] [A], y était présent très tôt le matin jusqu'à la fermeture le soir. Il y était le seul dirigeant et le seul responsable, il faisait les ouvertures et les fermetures de l'établissement, 7'j sur'7, 24'h / 24. Il devait devenir propriétaire et était donc laissé seul aux commandes et à la gestion du restaurant et des employés. Les employés travaillaient sous la direction de M. [V] et celui-ci travaillait leurs côtés, afin d'assurer la bonne gestion de l'établissement.'»
''Mme [W]':
«'J'atteste sur l'honneur avoir séjourné à [Localité 4] pendant une semaine dans le cadre de vacances privées en mai 2017. J'ai pu rencontrer le propriétaire du restaurant «'La Crêperie'» située sur le [Adresse 2], car j'étais à la recherche d'un établissement susceptible de me proposer une formule avec petit déjeuners et repas du soir à un prix attractif durant la période de mon séjour. J'ai donc rencontré M. [V] [A] propriétaire du restaurant. Celui-ci était présent et m'a servi à chaque service tout le long de mon séjour. J'ai effectué mon règlement de la semaine à M. [V] qi se trouvait derrière la caisse.'»
''Mme [V], s'ur de l'appelant':
«'J'atteste sur l'honneur avoir vécue chez mon frère M. [V] [A] pendant 2'ans (Année 2016 ' 2018), celui-ci m'a reçu chez lui pour ma convalescence médicale. J'ai pu constater que mon frère a travaillé régulièrement au restaurant «'La [1]'» sur le [Adresse 2] il partait à 06h00 le matin afin de pouvoir aller faire les courses à METRO, faire l'ouverture du restaurant et travailler ainsi toute la journée. Il ne rentrait que très tard le soir. Parfois je m'y rendais pour déjeuner avec lui. J'ai été témoin des entretiens d'embauche qu'effectuait mon frère afin de recruter le personnel pour la nouvelle saison. Lui seul dirigeait l'établissement, personne d'autre n'était présent mis à part les employés. Lors des week-ends d'avril 2017, je l'ai aidé à nettoyer, à installer la nouvelle terrasse qu'il a lui-même acheté, refaire la décoration du restaurant.'»
''M. [L]':
«'J'ai été recruté par M. [V] [A] en juin 2017. J'ai passé un entretien, suite à cet entretien j'ai obtenu un contrat saisonnier qui m'a été délivré par M. [V] et signé par Mme'[P] [G] (Mme [I]-[D]). Je recevais mon emploi du temps par M.'[V] chaque semaine. Avec lui je commençais à 7'h jusqu'à 11'h puis 12h30 ' 16'h et 19'h ' fermeture. J'ai appris le métier de serveur, de plongeur et de commis cuisine grâce à l'apprentissage de M. [V]. Nous faisions les inventaires chaque jour avec M. [V] afin de pouvoir passer les commandes aux fournisseurs (cuisine et bar). Pendant le temps que M.'[V] travaillait à la [1], je recevais mes ordres uniques d'[A], ainsi que l'ensemble qui le considérait comme notre patron comme annoncé par Mme [P]. Le matériel apporté par M. [V] (terrasse et objets divers) nous a permis de travailler dans de meilleures conditions et d'apporter une nouvelle clientèle. M. [V] et moi allions régulièrement à METRO avec sa voiture personnelle pour remplir les stocks de restaurants avec la carte METRO du restaurant confiée par Mme [P].'Le jour où M. [V] s'est fait sauvagement rabaisser devant la totalité du personnel de la [1] lors d'une réunion et suite à son départ le 9 juillet, nous avons récupéré la totalité du travail du gérant du restaurant. Je tiens à préciser que M. [V] était présent et actif chaque jour (7/7) de 6h30 à la fermeture qui se terminait vers 00h00 sans rajouter le temps de faire les caisses et la fermeture complète du restaurant. Pendant 2'mois ' 3'mois environ, M. [V] a donné de sa personne sans compter pour faire évoluer le restaurant, car son souhait était clairement de reprendre cette entreprise. Cependant Mme [P] n'en était pas à son premier essai de repreneur surexploité. Sa réputation n'est plus à faire. J'ai commencé mon travail les week-ends de juin avec M. [V] et fini mon contrat fin août à la [1]. M. [V] a obtenu l'accord de mon responsable légal (père) pour créer mon contrat de travail.'»
''M. [C]':
«'En accord avec mon épouse, nous avons autorisé notre fille [R] alors âgée de 16'ans à ce moment, à travailler en qualité d'extra quelques week-ends à la condition de respecter le cadre légal en vigueur eu égard à son âge. Nous avons rédigé une autorisation parentale remise à M. [V], qui était en cours de rachat de l'entreprise. M. [V] était mon seul interlocuteur et gérait au quotidien l'établissement, nous l'avons vu régulièrement y travailler. M. [V] nous a prévenu que le contrat de travail et la déclaration auprès de l'inspecteur du travail n'ayant toujours pas été fait, nous avons décidé de ne plus autoriser [R] à aller travailler les week-ends à la crêperie, car la propriétaire n'avait pas fait le nécessaire. Nous avons été à plusieurs reprises déjeuner et dîner à la crêperie où nous avons toujours eu un très bon accueil de la part de M. [V].'»
L'appelant ajoute que la société a usé de son pouvoir de sanction en le licenciant verbalement.
[11] L'intimée répond qu'à la suite du décès de son époux, Mme [P] est devenue sa gérante et a alors entrepris de céder l'entreprise, que c'est ainsi qu'elle a signé un compromis de vente avec l'appelant le 14 avril 2017 et qu'elle lui a laissé la gestion de fait de la société à compter du 7 avril 2017 afin qu'il commence l'exploitation du fonds, mais qu'elle a mis un terme à cette situation le 9 juillet 2017 ayant appris que l'appelant lui avait menti sur sa situation financière réelle faute de lui avoir indiqué qu'il était failli et interdit bancaire. La société affirme que l'appelant ne s'est jamais trouvé tenu par un lien de subordination à son égard alors même que ce dernier agissait à l'égard des tiers en qualité de propriétaire de fonds de commerce.
[12] La cour retient que s'il est constant que l'appelant a bien fourni une prestation de travail, il ne rapporte pas la preuve du lien de subordination qu'il revendique faute de démontrer qu'il exécutait bien son travail sous l'autorité de la société qui lui aurait donné des ordres et des directives, et en aurait contrôlé l'exécution et éventuellement sanctionné ses manquements. Au contraire, les échanges entre les parties ainsi que les témoignages produits par l'appelant lui-même font état d'une liberté d'action qui excède celle d'un directeur salarié':
''Mme [J], s'ur de l'appelant':
«'['] Il y était le seul dirigeant et le seul responsable [']. Il devait devenir propriétaire et était donc laissé seul aux commandes et à la gestion du restaurant et des employés.'»
''Mme [W]':
«'J'ai pu rencontrer le propriétaire du restaurant «'La Crêperie'» située sur le [Adresse 2] ['] J'ai donc rencontré M. [V] [A] propriétaire du restaurant. Celui-ci était présent et m'a servi à chaque service tout le long de mon séjour.'»
L'injonction orale d'avoir à quitter le restaurant, formulée le 9 juillet 2017, n'apparaît pas la sanction d'un manquement dans l'exécution de la prestation de travail mais bien plutôt celle de l'impossibilité d'obtenir le prêt bancaire requis pour la cession du fond et ce en raison d'un fichage bancaire. En conséquence, l'appelant échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail oral et il sera dès lors débouté de l'ensemble de ses demandes.
2/ Sur les dépens
[13] L'appelant supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute M. [A] [V] de l'ensemble de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne M. [A] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/267
Rôle N° 21/12902
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIBJ6
[A] [V]
C/
S.A.R.L. SHENAJ, exerçant sous l'enseigne [1]
Copie exécutoire délivrée
le : 26/09/2025
à :
- Me Tony FERRONI, avocat au barreau de TOULON
- Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 19 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00470.
APPELANT
Monsieur [A] [V], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Tony FERRONI de l'AARPI TLM & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.A.R.L. SHENAJ, exerçant sous l'enseigne [1], sise [Adresse 2]
représentée par Me Patrick ITEY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[1] La SARL SHENAJ exploite un établissement à l'enseigne «'[1]'». Le 14 avril 2017, M.'[A] [V] et la société précitée ont conclu un compromis de vente du fonds de commerce sous condition suspensive d'obtention d'un prêt avant le 15 juin 2017. M.'[A] [V] aurait'pris l'établissement en gestion de fait du 7 avril 2017 au 9'juillet'2017 ou bien y aurait travaillé comme directeur, statut cadre, en qualité de salarié, ce point constituant l'objet principal du présent litige. Le compromis de vente est devenu caduc au 15'juin'2017 faute pour l'acquéreur d'avoir obtenu un prêt. Le 19 juillet 2017 Mme [G] [P], gérante de la SARL SHENAJ, adressait à M. [A] [V] une lettre ainsi rédigée':
«'Par un acte notarié en date du 14/04/2017, la société SARL SHENAJ vous a vendu un fonds de restauration situé [Adresse 2] à [Localité 4] sous conditions suspensives d'obtenir un prêt d'un montant de 300'000'€. Au terme de cet acte, vous étiez tenu de justifier de l'obtention de ce prêt le 15/06/2017 au plus tard. Vous m'avez indiqué oralement que ce prêt n'a pu être obtenu auprès de trois établissements bancaires (SMC, CIC et Caisse d'Épargne) car vous étiez fiché Banque de France. En conséquence, par la présente, je vous mets en demeure de bien vouloir m'indiquer, sous 48'heures, si vous entendez donner suite à cette vente ou si vous renoncez au bénéfice de ce compromis. À défaut de réponse sous le délai de 48'heures, je considérerais que ce compromis est devenu caduc et que ma société a retrouvé entière liberté par rapport aux engagements souscrits.'»
[2] Le 25 juillet 2017 M. [A] [V] écrivait à la SARL SHENAJ en ces termes':
«'Je fais suite à votre mail reçu en date du 24 juillet 2017 à 22h47, concernant la suite de la vente de la La [1] située [Adresse 2], et par conséquent son achat par moi-même. Comme prévu au terme de l'acte j'étais tenu de justifier l'obtention du prêt au 15 juin 2017. À cette date je travaillais pour vous à la [1] et nous nous étions entendus sur le fait qu'il était préférable, comme vous le souhaitiez, que vous fassiez la saison, juillet, août et que je prenne possession des lieux courant du mois de septembre, ce qui le laissait comme convenu entre nous, le temps d'obtenir mon prêt. Vous m'avez alors proposé un contrat de travail afin d'officialiser mon labeur chez vous jusqu'à l'obtention du dit prêt. Par la présente je vous confirme donc mon intention de donner suite à cette vente et continue à ce jour à m'employer à toutes les démarches. Je vous pris, Mme [P], de bien vouloir m'accorder le délai supplémentaire dont nous avons parlé et sur lequel nous étions d'accord en tout points.'»
[3] Mme [G] [P], gérante de la SARL SHENAJ, répondait ainsi par lettre non-datée':
«'Je donne suite à votre correspondance du 25 juillet dernier et tiens tout d'abord à rectifier certaines contrevérités manifestes. En vertu du compromis que nous avions signé et pour vous être agréable, j'avais eu la faiblesse d'accepter que vous commenciez à exploiter mon fonds de commerce de crêperie pour ne pas rater la saison dans la mesure où vous m'aviez assuré que l'obtention du prêt ne devait pas poser de difficulté. Or, mi-juillet, alors que la date limite pour justifier de cette condition suspensive était fixée au 15 juin, vous n'aviez toujours pas obtenu le prêt et je vous ai alors demandé de quitter les lieux car sans contrat de travail et sans être propriétaire du fonds de commerce, il était illégal que vous travailliez dans mon fonds de commerce. J'ai donc dû reprendre seule cette exploitation. Je veux bien attendre que vous continuiez vos démarches tant que je n'ai pas d'autre acheteur mais si un candidat se présente, je vous en informerai, et si vous n'avez toujours pas le financement, je serai contrainte de lui donner la préférence. Enfin, en ce qui concerne le mobilier que vous avez pris l'initiative de changer sans mon accord, je suis disposée à vous le restituer à condition que vous me rameniez celui qui existait antérieurement.'»
[4] Sollicitant la reconnaissance du statut de salarié et se plaignant dès lors notamment de travail dissimulé et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [A] [V] a saisi le 4'juillet'2018 le conseil de prud'hommes de Toulon, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 19 juillet 2021, a':
débouté le demandeur de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouté le requérant de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouté le requérant de sa demande de paiement d'indemnité pour travail dissimulé';
débouté le requérant de toutes ses autres demandes';
condamné le requérant aux entiers dépens.
[5] Cette décision a été notifiée le 26 août 2021 à M. [A] [V] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 2 septembre 2021. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23'mai'2025.
[6] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 septembre 2021 aux termes desquelles M. [A] [V] demande à la cour de':
infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, notamment en ce qu'il l'a':
débouté de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouté de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouté de sa demande de paiement d'indemnité pour travail dissimulé';
débouté de toutes ses autres demandes';
condamné aux entiers dépens';
dire qu'il a été embauché par la SARL SHENAJ en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2017 en exerçant des fonctions correspondant au poste de directeur d'établissement, statut cadre, niveau 5, échelon 2, selon la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants';
dire que malgré l'absence de contrat de travail écrit, il rapporte la preuve de l'existence d'une relation de travail salarié';
dire que la SARL SHENAJ a manqué à son obligation de lui payer les salaires, ainsi que les heures supplémentaires';
dire que la SARL SHENAJ a manqué à son obligation de lui délivrer des bulletins de paie';
dire que la SARL SHENAJ n'a jamais procédé aux formalités de déclaration d'embauche auprès de l'URSSAF concernant son emploi';
dire que la SARL SHENAJ s'est rendue coupable de travail dissimulé';
dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 9 juillet 2017 doit s'analyser en un licenciement verbal devant être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer les sommes suivantes':
''1'855,20'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois d'avril 2017';
''2'319,00'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de mai 2017';
''2'319,00'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2017';
'''''673,29'€ bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juillet 2017';
26'426,48'€ bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires';
13'914,00'€ bruts à titre d'indemnité pour travail dissimulé';
''9'276,00'€ bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
'''''618,40'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis';
'''''''61,84'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent';
enjoindre la SARL SHENAJ à lui délivrer l'ensemble des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte), ainsi que l'ensemble de ses bulletins de paie, sous astreinte de 200'€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer la somme de 1'500'€ au titre des frais irrépétibles de la première instance';
condamner la SARL SHENAJ à lui payer la somme de 3'000'€ au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[7] Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 décembre 2021 aux termes desquelles la SARL SHENAJ demande à la cour de':
confirmer le jugement entrepris';
dire que M. [A] [V] ne rapporte pas la preuve des éléments constitutifs du contrat de travail à savoir l'existence d'un lien de subordination, une prestation de travail et une rémunération';
dire que M. [A] [V] ne peut formuler la moindre demande indemnitaire';
à titre principal,
débouter M. [A] [V] de sa demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail';
débouter M. [A] [V] de ses demandes en paiement des salaires, des heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de congés payés et de préavis';
débouter M. [A] [V] de sa demande de paiement d'indemnités pour travail dissimulé';
à titre subsidiaire,
dire que M. [A] [V] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu'il invoque, ni du travail dissimulé';
dire que son préjudice n'est pas démontré, et que ses demandes indemnitaires sont hors de toute proportion';
débouter M. [A] [V] de toutes ses demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur l'existence d'une relation salariale
[8] Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée. Il en résulte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
[9] L'appelant soutient qu'il a été embauché oralement par la SARL SHENAJ en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2017 pour exercer des fonctions correspondant au poste de directeur d'établissement, statut cadre, niveau 5, échelon 2, selon la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants et que la société l'a licencié, toujours oralement, le 9 juillet 2017 sans lui avoir jamais versé de rémunération malgré environ 12'heures de travail par jour, sept jours sur sept. Il soutient qu'il exécutait les tâches suivantes':
''ouverture du restaurant avec mise en place et dressage des tables';
''prise des commandes clients';
''service des commandes';
''gestion et commandes des stocks';
''encaissements clients';
''recrutement des salariés';
''management des équipes et des salariés';
''envoi des plannings horaires aux salariés et gestion du temps de travail';
''accueil et la satisfaction des clients';
''fermeture du restaurant, avec nettoyage et comptage de la caisse.
[10] L'appelant produit les témoignages suivants':
''Mme [U]':
«'J'atteste avoir été plusieurs fois en rendez-vous avec M. [V] en vue d'un éventuel recrutement en mai 2017 ce qui n'a pas abouti en vue que la propriétaire de la [1] ne voulait pas me déclarer. M. [V] souhaitait me voir démarrer immédiatement car en vu de sa reprise de l'établissement il souhaitait me garder dans sa nouvelle équipe de salarié. Il travaillait déjà là-bas de manière très active et cela pour fin de sympathiser avec la clientèle. Je suis passé ensuite plusieurs fois avec des amis qui étaient sur [Localité 4], et c'est toujours M. [V] qui était au service.'»
''Mme [J], s'ur de l'appelant':
«'J'atteste sur l'honneur mettre rendu à [Localité 4] pour rendre visite à mon frère au mois de mai 2017. À de nombreuses reprises durant mon séjour dans le Sud, je me suis rendue au restaurant «'La [1]'» sur le [Adresse 2]. Je peux attester que mon frère, M.'[V] [A], y était présent très tôt le matin jusqu'à la fermeture le soir. Il y était le seul dirigeant et le seul responsable, il faisait les ouvertures et les fermetures de l'établissement, 7'j sur'7, 24'h / 24. Il devait devenir propriétaire et était donc laissé seul aux commandes et à la gestion du restaurant et des employés. Les employés travaillaient sous la direction de M. [V] et celui-ci travaillait leurs côtés, afin d'assurer la bonne gestion de l'établissement.'»
''Mme [W]':
«'J'atteste sur l'honneur avoir séjourné à [Localité 4] pendant une semaine dans le cadre de vacances privées en mai 2017. J'ai pu rencontrer le propriétaire du restaurant «'La Crêperie'» située sur le [Adresse 2], car j'étais à la recherche d'un établissement susceptible de me proposer une formule avec petit déjeuners et repas du soir à un prix attractif durant la période de mon séjour. J'ai donc rencontré M. [V] [A] propriétaire du restaurant. Celui-ci était présent et m'a servi à chaque service tout le long de mon séjour. J'ai effectué mon règlement de la semaine à M. [V] qi se trouvait derrière la caisse.'»
''Mme [V], s'ur de l'appelant':
«'J'atteste sur l'honneur avoir vécue chez mon frère M. [V] [A] pendant 2'ans (Année 2016 ' 2018), celui-ci m'a reçu chez lui pour ma convalescence médicale. J'ai pu constater que mon frère a travaillé régulièrement au restaurant «'La [1]'» sur le [Adresse 2] il partait à 06h00 le matin afin de pouvoir aller faire les courses à METRO, faire l'ouverture du restaurant et travailler ainsi toute la journée. Il ne rentrait que très tard le soir. Parfois je m'y rendais pour déjeuner avec lui. J'ai été témoin des entretiens d'embauche qu'effectuait mon frère afin de recruter le personnel pour la nouvelle saison. Lui seul dirigeait l'établissement, personne d'autre n'était présent mis à part les employés. Lors des week-ends d'avril 2017, je l'ai aidé à nettoyer, à installer la nouvelle terrasse qu'il a lui-même acheté, refaire la décoration du restaurant.'»
''M. [L]':
«'J'ai été recruté par M. [V] [A] en juin 2017. J'ai passé un entretien, suite à cet entretien j'ai obtenu un contrat saisonnier qui m'a été délivré par M. [V] et signé par Mme'[P] [G] (Mme [I]-[D]). Je recevais mon emploi du temps par M.'[V] chaque semaine. Avec lui je commençais à 7'h jusqu'à 11'h puis 12h30 ' 16'h et 19'h ' fermeture. J'ai appris le métier de serveur, de plongeur et de commis cuisine grâce à l'apprentissage de M. [V]. Nous faisions les inventaires chaque jour avec M. [V] afin de pouvoir passer les commandes aux fournisseurs (cuisine et bar). Pendant le temps que M.'[V] travaillait à la [1], je recevais mes ordres uniques d'[A], ainsi que l'ensemble qui le considérait comme notre patron comme annoncé par Mme [P]. Le matériel apporté par M. [V] (terrasse et objets divers) nous a permis de travailler dans de meilleures conditions et d'apporter une nouvelle clientèle. M. [V] et moi allions régulièrement à METRO avec sa voiture personnelle pour remplir les stocks de restaurants avec la carte METRO du restaurant confiée par Mme [P].'Le jour où M. [V] s'est fait sauvagement rabaisser devant la totalité du personnel de la [1] lors d'une réunion et suite à son départ le 9 juillet, nous avons récupéré la totalité du travail du gérant du restaurant. Je tiens à préciser que M. [V] était présent et actif chaque jour (7/7) de 6h30 à la fermeture qui se terminait vers 00h00 sans rajouter le temps de faire les caisses et la fermeture complète du restaurant. Pendant 2'mois ' 3'mois environ, M. [V] a donné de sa personne sans compter pour faire évoluer le restaurant, car son souhait était clairement de reprendre cette entreprise. Cependant Mme [P] n'en était pas à son premier essai de repreneur surexploité. Sa réputation n'est plus à faire. J'ai commencé mon travail les week-ends de juin avec M. [V] et fini mon contrat fin août à la [1]. M. [V] a obtenu l'accord de mon responsable légal (père) pour créer mon contrat de travail.'»
''M. [C]':
«'En accord avec mon épouse, nous avons autorisé notre fille [R] alors âgée de 16'ans à ce moment, à travailler en qualité d'extra quelques week-ends à la condition de respecter le cadre légal en vigueur eu égard à son âge. Nous avons rédigé une autorisation parentale remise à M. [V], qui était en cours de rachat de l'entreprise. M. [V] était mon seul interlocuteur et gérait au quotidien l'établissement, nous l'avons vu régulièrement y travailler. M. [V] nous a prévenu que le contrat de travail et la déclaration auprès de l'inspecteur du travail n'ayant toujours pas été fait, nous avons décidé de ne plus autoriser [R] à aller travailler les week-ends à la crêperie, car la propriétaire n'avait pas fait le nécessaire. Nous avons été à plusieurs reprises déjeuner et dîner à la crêperie où nous avons toujours eu un très bon accueil de la part de M. [V].'»
L'appelant ajoute que la société a usé de son pouvoir de sanction en le licenciant verbalement.
[11] L'intimée répond qu'à la suite du décès de son époux, Mme [P] est devenue sa gérante et a alors entrepris de céder l'entreprise, que c'est ainsi qu'elle a signé un compromis de vente avec l'appelant le 14 avril 2017 et qu'elle lui a laissé la gestion de fait de la société à compter du 7 avril 2017 afin qu'il commence l'exploitation du fonds, mais qu'elle a mis un terme à cette situation le 9 juillet 2017 ayant appris que l'appelant lui avait menti sur sa situation financière réelle faute de lui avoir indiqué qu'il était failli et interdit bancaire. La société affirme que l'appelant ne s'est jamais trouvé tenu par un lien de subordination à son égard alors même que ce dernier agissait à l'égard des tiers en qualité de propriétaire de fonds de commerce.
[12] La cour retient que s'il est constant que l'appelant a bien fourni une prestation de travail, il ne rapporte pas la preuve du lien de subordination qu'il revendique faute de démontrer qu'il exécutait bien son travail sous l'autorité de la société qui lui aurait donné des ordres et des directives, et en aurait contrôlé l'exécution et éventuellement sanctionné ses manquements. Au contraire, les échanges entre les parties ainsi que les témoignages produits par l'appelant lui-même font état d'une liberté d'action qui excède celle d'un directeur salarié':
''Mme [J], s'ur de l'appelant':
«'['] Il y était le seul dirigeant et le seul responsable [']. Il devait devenir propriétaire et était donc laissé seul aux commandes et à la gestion du restaurant et des employés.'»
''Mme [W]':
«'J'ai pu rencontrer le propriétaire du restaurant «'La Crêperie'» située sur le [Adresse 2] ['] J'ai donc rencontré M. [V] [A] propriétaire du restaurant. Celui-ci était présent et m'a servi à chaque service tout le long de mon séjour.'»
L'injonction orale d'avoir à quitter le restaurant, formulée le 9 juillet 2017, n'apparaît pas la sanction d'un manquement dans l'exécution de la prestation de travail mais bien plutôt celle de l'impossibilité d'obtenir le prêt bancaire requis pour la cession du fond et ce en raison d'un fichage bancaire. En conséquence, l'appelant échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail oral et il sera dès lors débouté de l'ensemble de ses demandes.
2/ Sur les dépens
[13] L'appelant supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Déboute M. [A] [V] de l'ensemble de ses demandes.
Y ajoutant,
Condamne M. [A] [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT