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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 24 septembre 2025, n° 23/07749

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/07749

24 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58Z

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 SEPTEMBRE 2025

N° RG 23/07749 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGFJ

AFFAIRE :

S.A.S. BOTANIC - [Localité 7] DU SALEVE

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 3

N° RG : 2021F01841

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Guillaume NICOLAS

Me Christophe DEBRAY

TAE [Localité 6]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. BOTANIC - [Localité 7] DU SALEVE

RCS Thonon-Les-[Localité 5] n° 310 473 178

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentants : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 et Me Manon SACCARD substituant à l'audience Me Franck BUREL de la SELARL ONELAW, plaidant, avocat au barreau de Lyon

APPELANTE

****************

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS [Localité 6] n° 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentants : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Pauline ARROYO du cabinet HFW, plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2025, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

EXPOSE DU LITIGE

La société Botanic-[Localité 7] du Salève (ci-après Botanic-serres) contrôle et regroupe des points de vente spécialisés dans le domaine de la jardinerie, le négoce de produits végétaux, d'équipement de la maison et de son environnement, d'équipement de la personne, de produits se rapportant à l'animalerie et à la motoculture.

Le 26 mars 2010, elle a souscrit par l'intermédiaire de la société de courtage Filhet-Allard, auprès de la société Axa France Iard (ci-après Axa), tant pour elle-même que pour ses filiales, une police « Multirisque commerciale », ayant pris effet le 1er mars 2010 et comportant une garantie des pertes d'exploitation.

A compter du mois de mars 2020, la société Botanic-[Localité 7] a été affectée par les conséquences de la situation sanitaire en France, en lien avec l'épidémie de Covid-19.

Le 7 janvier 2021, elle a effectué une déclaration de sinistre auprès de la société Axa puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2021, elle l'a mise en demeure de lui adresser une offre d'indemnisation.

Par courrier du 27 mai 2021, la société Axa lui a notifié un refus de garantie en indiquant que seules étaient garanties les pertes d'exploitation faisant suite à un sinistre indemnisable au titre de la police dommages.

Par acte du 13 septembre 2021, la société Botanic-[Localité 7] a fait assigner la société Axa devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la somme de 18.478.210 euros au titre de la garantie de ses pertes d'exploitation.

68 filiales de la société Botanic-[Localité 7] sont intervenues volontairement à l'instance à titre principal.

Par jugement du 5 octobre 2023, le tribunal a :

- dit recevables les demandes de la sociétés Botanic-[Localité 7], excepté celles concernant les sociétés Jardinerie du Léman, Jardinerie d'Hesdigneul et Fleurs & nature ;

- débouté la société Botanic-[Localité 7] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société Botanic-[Localité 7] à payer à la société Axa la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a considéré que les conditions de l'extension de garantie « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » invoquée par la société Botanic-[Localité 7] n'étaient pas réunies faute de rapporter la preuve d'un dommage aux biens.

Par déclaration du 17 novembre 2023, la société Botanic-[Localité 7] a, seule, interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la société Axa la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions n°1 remises au greffe et notifiées par RPVA du 14 février 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Axa « la somme de 2.000 euros » au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et, statuant à nouveau :

- de recevoir l'intégralité de ses demandes et les dire bien fondées ;

- de juger que la police d'assurance est pleinement mobilisable pour garantir les pertes d'exploitation subies en suite de la Covid-19, entre autres par application de la clause de carence, et pour garantir la perte de valeur fonds de de commerce qu'elle a subie en raison de la Covid-19 et de condamner la société Axa à l'indemniser pour les pertes d'exploitation et la perte de la valeur vénale de son fonds de commerce ;

- de juger que la garantie perte d'exploitation pour carence est parfaitement applicable et mobilisable à son bénéfice et de condamner la société Axa à lui payer la somme de 10.000.000 euros au titre de l'indemnisation des pertes d'exploitation subies, conformément au plafond d'assurance prévu dans le tableau récapitulatif des garanties et franchises, et celle de 17.223.210 euros au titre de l'indemnisation de la perte de valeur de son fonds de commerce, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2021, date de la première mise en demeure ;

- à titre subsidiaire, de désigner tel expert ayant pour mission :

- d'évaluer le montant des dommages constitués par la baisse de la fréquentation des magasins Botanic sur la période allant du 16 mars au 11 mai 2020, notamment en termes de diminution du montant du chiffres d'affaires,

- d'évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation pendant la période d'indemnisation,

- d'évaluer le montant des pertes liées à la destruction de marchandise et aux pertes financières,

- de chiffrer le montant de la perte de marge brute qu'elle a subie sur la même période ;

- en toute hypothèse, de condamner la société Axa à lui payer la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions n°2 remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 mars 2025, la société Axa demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile la demande de la société Botanic-[Localité 7] tendant à l'indemnisation de la perte de valeur vénale de son fonds de commerce, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Botanic-[Localité 7] à l'exception de celles concernant les sociétés Jardinerie du Léman, Jardinerie d'Hesdigneul et Fleurs & nature et, statuant de nouveau, de déclarer, totalement ou partiellement, irrecevables les demandes de la société Botanic-[Localité 7], pour défaut de qualité à agir, en ce qu'elles portent sur des pertes qu'elle n'a pas subies personnellement ;

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement par substitution de motifs en ce qu'il a débouté la société Botanic-[Localité 7] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre très subsidiaire, de désigner un expert, aux seuls frais de la société Botanic-[Localité 7], avec notamment pour mission de :

- s'agissant de la demande fondée sur la garantie « pertes d'exploitation », se faire remettre, pour chaque société du groupe Botanic, le montant individualisé de la perte réclamée et donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée, sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure d'interdiction de recevoir du public en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars 2020 ;

- s'agissant des demandes formées sur la garantie « perte de valeur vénale du fonds de commerce », examiner pour chaque société du groupe Botanic, la variation de valeur définitive du fonds de commerce de la société concernée résultant du dommage subi par ce fonds de commerce ;

- de surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société Botanic-[Localité 7] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

- après dépôt du rapport d'expertise, de faire application des dispositions de la police d'assurance pour fixer le montant de l'indemnité, ainsi que du plafond et de la franchise ;

- en tout état de cause, de débouter la société Botanic-[Localité 7] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 13 mars 2025.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Il n'a pas été fait appel du chef du jugement ayant dit irrecevables les demandes de la société Botanic-[Localité 7] concernant les sociétés Jardinerie du Léman, Jardinerie d'Hesdigneul et Fleurs & nature, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce chef.

Sur la recevabilité des demandes de la société Botanic-[Localité 7]

- Sur l'irrecevabilité des demandes de la sociétés Botanic-[Localité 7] pour défaut de qualité à agir

La société Axa soutient que les demandes de la société Botanic-[Localité 7] sont irrecevables en ce qu'elle prétend obtenir l'indemnisation de pertes subies non par elle-même, mais par des sociétés tierces, ses filiales, de sorte qu'elle n'a pas qualité à agir.

Elle fait valoir que la qualité d'assuré de ses filiales est indifférente ; qu'en effet, le souscripteur d'une police d'assurance pour compte n'a pas qualité pour obtenir le paiement de l'indemnité à son profit, seul l'assuré pour compte étant créancier de l'indemnité. Elle ajoute que la police d'assurance ne contient aucune clause par laquelle les filiales de la société Botanic-[Localité 7] lui auraient donné mandat de les représenter en justice ; qu'en outre, l'assignation délivrée par la société Botanic-[Localité 7] ne comporte pas la mention du nom du mandant, alors que cette mention est exigée à peine de nullité, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme ayant été délivrée par la société Botanic-[Localité 7] en tant que mandataire de ses filiales.

Elle invoque enfin les modalités spécifiques d'intervention de la police pour les sites [Localité 7] et pousses (intervention prioritaire des polices souscrites par ailleurs pour garantir cette activité) et considère qu'en n'exposant pas de façon précise les activités qui se rapportent aux pertes d'exploitation alléguées, la société Botanic-[Localité 7] ne met pas la cour en mesure de vérifier si ses demandes portent sur les pertes des sites de [Localité 7] et pousses et, le cas échéant, si les conditions préalables à l'invocation de la police pour ces sites sont remplies. Elle indique que la même question se pose pour les filiales étrangères, tenues de s'assurer localement dans leur pays d'établissement.

La société Botanic-[Localité 7] ne conclut pas sur ce point.

Sur ce,

L'article L.112-1 du code des assurances dispose :

« L'assurance peut être contractée en vertu d'un mandat général ou spécial ou même sans mandat, pour le compte d'une personne déterminée. Dans ce dernier cas, l'assurance profite à la personne pour le compte de laquelle elle a été conclue, alors même que la ratification n'aurait lieu qu'après le sinistre.

L'assurance peut aussi être contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause.

Le souscripteur d'une assurance contractée pour le compte de qui il appartiendra est seul tenu au paiement de la prime envers l'assureur ; les exceptions que l'assureur pourrait lui opposer sont également opposables au bénéficiaire du contrat, quel qu'il soit. »

En présence d'une assurance pour compte, conformément aux règles de la stipulation pour autrui, le souscripteur a qualité pour agir à l'encontre de l'assureur pour demander l'exécution de la garantie.

Il ne peut cependant exiger que l'indemnité soit versée entre ses mains, le créancier de l'indemnité d'assurance étant, à défaut de convention contraire, l'assuré pour compte.

En l'espèce, la société Botanic-[Localité 7] a souscrit le 26 mars 2010 auprès de la société Axa une police multirisque commerciale n°4592734104, laquelle mentionne que le souscripteur « agit tant pour son compte que pour celui de qui il appartiendra ».

L'assuré est défini par la police d'assurance (page 26) comme « le souscripteur de la police et l'ensemble des personnes physiques ou morales pour le compte desquelles il agit », le souscripteur de la police étant lui-même défini comme « la personne physique ou morale désignée sous ce nom aux conditions particulières, qui contracte avec l'Assureur et s'engage au paiement des primes ».

En sa qualité de souscripteur, la société Botanic-[Localité 7] a qualité pour agir à l'encontre de la société Axa et demander la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation contenue dans la police souscrite.

Elle est également recevable en sa demande indemnitaire formulée au titre des pertes qu'elle aurait elle-même subies.

En revanche, elle n'a pas qualité pour obtenir une indemnisation au titre des pertes subies par ses filiales dès lors qu'elle ne justifie ni d'une convention contraire ni d'un mandat que ces dernières lui auraient consenti à cette fin.

Il s'ensuit que seules sont irrecevables les demandes en paiement en ce qu'elles ne portent pas sur les pertes d'exploitation de la société Botanic-[Localité 7].

- Sur la recevabilité de la demande tendant à l'indemnisation de la perte de valeur vénale du fonds de commerce

La société Axa soutient que cette demande doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile au motif qu'elle n'a pas été soumise au tribunal en première instance.

La société Botanic-[Localité 7] ne répond pas sur ce point.

Sur ce,

L'article 564 du code de procédure civile dispose que « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

La cour d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 précise que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Devant le tribunal, la société Botanic-[Localité 7] demandait de juger que la garantie « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » est applicable et de condamner la société Axa à lui payer la somme de 18.478.210 euros au titre de l'indemnisation de ses pertes d'exploitation, outre intérêts.

Devant la cour, elle soutient également que la police d'assurance est mobilisable par application de la clause de carence et demande en conséquence la condamnation de la société Axa à l'indemniser de ses pertes d'exploitation à hauteur de 10.000.000 euros en application de cette clause. Elle sollicite en outre l'indemnisation de la perte de valeur de son fonds de commerce à hauteur de 17.223.210 euros en application de la clause d'extension de garantie « Valeur vénale ».

La société Botanic-[Localité 7] demande ainsi à la cour de se prononcer sur son droit à indemnité pour la perte de valeur vénale alléguée de son fonds de commerce, au titre de l'extension de garantie « Valeur vénale » dont elle n'a pas sollicité la mobilisation devant le tribunal en première instance.

Cette demande ne tend pas aux mêmes fins que la demande formée en première instance et réitérée en cause d'appel sur le fondement de la clause « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » dès lors qu'elle est fondée sur une autre clause du contrat et tend à obtenir l'indemnisation d'un autre préjudice.

De plus, ce préjudice de perte de la valeur du fonds de commerce, dont la société Botanic-[Localité 7] n'a pas demandé l'indemnisation en première instance, ne peut être considéré comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande d'indemnisation de celui soumis au premier juge et il ne s'agit pas non plus d'une demande justifiée par la survenance ou la révélation d'un fait nouveau depuis la première instance.

En conséquence, la demande formée sur le fondement de la garantie « perte de valeur vénale du fonds commercial assuré » doit être déclarée irrecevable en application des articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Sur la mobilisation de la garantie

La société Botanic-[Localité 7] soutient que les conditions de l'extension de garantie « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » sont réunies.

Elle fait valoir que la clause « carence » ne conditionne pas son application à l'existence d'un dommage préalable aux biens de l'assuré ; qu'en effet, le tableau récapitulatif des garanties et des franchises présente distinctement les dommages aux biens et les pertes d'exploitation ; que la clause « carence » ne conditionne pas non plus son application à l'existence d'une atteinte aux biens de ses clients ; qu'il résulte en effet de la formulation de la clause qu'elle couvre les pertes consécutives aux évènements atteignant les clients de l'assuré, et non les biens des clients de l'assuré. Elle ajoute qu'en cas de nécessité d'interprétation de la clause, celle-ci doit se faire en sa faveur, en ce que la police souscrite est un contrat d'adhésion au sens de l'article 1190 du code civil.

La société Botanic-[Localité 7] invoque également dans ses conclusions l'extension de garantie « Décisions des autorités », faisant valoir que les magasins de son groupe ont été fermés dès l'annonce des mesures de confinement mises en place par le décret du 16 mars 2020 et que, s'ils sont restés ouverts après le 23 mars ou le 7 avril 2020, selon les activités, ils ont été contraints de modifier leurs conditions d'ouverture, qui se sont trouvées limitées.

La société Axa répond que l'extension de garantie « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » n'est pas mobilisable.

Elle fait valoir que la clause « carence » exige la survenance d'un dommage atteignant les biens des fournisseurs, des sous-traitants et/ou des clients de l'assuré ; que la clause ne prévoit pas la couverture des pertes consécutives à des « atteintes aux clients » eux-mêmes ; que la société Botanic-[Localité 7] dénature la clause et ne démontre notamment pas que les biens de ses clients ont subi un dommage matériel.

Elle souligne que le contrat souscrit par la société Botanic-[Localité 7] l'a été avec l'assistance du courtier de l'assuré, qui a rédigé le document contractuel contenant la clause litigieuse, de sorte que le contrat ne peut être qualifié de contrat d'adhésion et qu'à supposer qu'une interprétation du contrat soit nécessaire, il convient d'appliquer les dispositions de l'article 1188 du code civil puis, le cas échéant, d'interpréter le contrat en sa faveur, conformément à l'article 1190 du même code.

Sur ce,

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. En application de ce texte, il appartient à l'assuré de démontrer que les conditions d'application de la garantie sont remplies, sachant que la charge de la preuve repose sur l'assureur lorsqu'il entend opposer à l'assuré une clause d'exclusion de garantie.

En l'espèce, le contrat n°4592734104 conclu par la société Botanic-[Localité 7] le 26 mars 2010, prenant effet le 1er mars 2010, comporte en page 49 un chapitre III intitulé « Pertes d'exploitation et valeur vénale ». L'objet de cette garantie est d'« indemniser l'assuré des pertes d'exploitation dans les limites prévues aux conditions particulières par suite d'une interruption partielle ou totale de son activité, due à tout sinistre indemnisable au titre de la police dommage, sauf vol et responsabilité civile (indemnisé ou non du fait d'une franchise. (') »

La clause d'extension de garantie « Pertes d'exploitation consécutives à une carence » (page 53) invoquée par la société Botanic-[Localité 7] est ainsi rédigée :

« Sont également garantis les frais ou pertes d'exploitation résultant d'une interruption totale ou partielle de l'activité de l'entreprise consécutive à un événement NON EXCLU par le présent contrat, atteignant les biens des fournisseurs et sous-traitants (y compris les fournisseurs de services et d'utilités) et / ou des clients de l'Assuré, ces frais étant considérés comme une Perte d'Exploitation résultant d'un dommage aux biens de l'Assuré. »

La clause est rédigée en termes clairs et compréhensibles, même pour un profane ; elle ne nécessite aucune interprétation et la société Botanic-[Localité 7] ne peut tirer argument du fait qu'à la suite de la crise du Covid-19, la société Axa lui a adressé un avenant à son contrat, pour prétendre à un manque de clarté de la clause dans sa rédaction antérieure et applicable en l'espèce.

Il n'existe en effet aucune ambiguïté sur le fait que l'interruption partielle ou totale de l'activité de l'assuré doit être imputable à un dommage ayant atteint les biens de ses fournisseurs ou ceux de ses sous-traitants ou encore ceux de ses clients, et non les clients eux-mêmes.

Or, la société Botanic-[Localité 7] ne rapporte pas la preuve d'une telle atteinte, notamment aux biens de ses clients, se limitant à faire valoir que sa clientèle a été « drastiquement impactée » par les mesures imposées par les autorités publiques pour faire face à la crise sanitaire.

Il s'ensuit que l'extension de garantie n'est en l'espèce pas mobilisable.

L'appelante vise également dans la partie discussion de ses conclusions (page 8) l'extension de garantie « Décisions des autorités » mais elle se borne à exposer que le confinement a été décrété sans apporter d'explications sur ce qui motiverait l'application de cette extension de garantie.

Cette clause « Décisions des autorités est ainsi rédigée :

« Sont également garanties les PERTES D'EXPLOITATION que l'Assuré pourrait subir par suite d'une interruption partielle ou totale de son activité due à une décision des autorités civiles ou militaires d'imposer la fermeture momentanée de l'établissement à la suite d'un événement garanti par le présent contrat. »

En tout cas, cette extension de garantie n'est pas non plus mobilisable en l'espèce dès lors que la société Botanic-[Localité 7] ne justifie ni n'allègue de la survenance d'un des événements garantis par le contrat qu'elle a souscrit, à savoir notamment incendie, explosion, foudre, fumée, impact d'objets et/ou appareils aériens et ondes de choc, risques électriques ou électroniques, tempêtes, ouragan, cyclones, grêle, neige, choc de véhicules terrestres, événements naturels tels qu'inondation, effondrement de terrain, séisme, raz-de-marée, tsunami, etc, catastrophes naturelles au sens de la loi n°82.600 du 13 juillet 1982, bris de machine, grèves, émeutes, vol, détériorations.

Aucune des deux clauses d'extension de garantie n'étant mobilisable, l'ensemble des demandes formées par la société Botanic-[Localité 7] doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Botanic-[Localité 7], qui succombe, supportera les dépens d'appel. Elle sera en outre condamnée à verser à la société Axa une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Déclare irrecevable la demande de la société Botanic-[Localité 7] du Salève tendant à l'indemnisation de la perte de valeur vénale de son fonds de commerce ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les demandes indemnitaires de la société Botanic-[Localité 7] du Salève pour le compte de ses filiales et, statuant à nouveau du chef infirmé, dit la société Botanic-[Localité 7] du Salève irrecevable en ses demandes indemnitaires en ce qu'elles ne portent pas sur ses pertes d'exploitation mais sur celles subies par ses filiales ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions déférées à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la société Botanic-[Localité 7] du Salève aux dépens d'appel ;

Condamne la société Botanic-[Localité 7] du Salève à verser à la société Axa France Iard la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Botanic-[Localité 7] du Salève de sa demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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