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Décisions

CA Grenoble, ch. civ. A, 23 septembre 2025, n° 24/00869

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/00869

23 septembre 2025

N° RG 24/00869

N° Portalis DBVM-V-B7I-MEWP

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Chambre civile section A

ARRÊT DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 23/00040)

rendue par le tribunal judiciaire de Valence

en date du 06 février 2024

suivant déclaration d'appel du 22 février 2024

APPELANTE :

Société LACOSTE CABINET CONSEIL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eric RIVOIRE de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

S.A.R.L. VÊTEMENTS [J] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 juin 2025 Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par mandat non exclusif de vente du 30 novembre 2020, la SARL Vêtements [J] a mandaté la société Lacoste Cabinet Conseil (« Cabinet Hermès »), pour une durée de 24 mois afin de vendre son fonds de commerce moyennant, sauf accord ultérieur entre les parties, un montant net souhaité de 150.000€, les honoraires du mandataire étant fixés à 14.400€ TTC.

Le 1er septembre 2021, la société Vêtements [J] a accepté et signé l'offre d'acquisition présentée par la société Lacoste Cabinet Conseil pour le compte de Mme [U], présidente de la société Ice & Co, au prix net vendeur de 185.000€ outre 17.760€ d'honoraires du cabinet Hermès.

La société Vêtements [J] n'a pas donné suite à cette offre acceptée en refusant de régulariser le compromis de vente.

Suivant courrier recommandé avec AR du 8 novembre 2021, la société Lacoste Cabinet Conseil, par l'intermédiaire de son conseil, a vainement mis en demeure la société Vêtements Heritier de lui payer la somme de 17.760€ TTC au titre de l'indemnité contractuelle forfaitaire correspondant aux honoraires conformément au mandat conclu le 30 novembre 2020.

Par acte extrajudiciaire du 3 janvier 2023, la société Lacoste Cabinet Conseil a assigné la société Vêtements [J] devant le tribunal judiciaire de Valence au visa de l'article 1103 du code civil, en paiement de la somme de 17.760€ TTC au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle due pour non-respect des obligations contractuelles du mandant.

Par jugement réputé contradictoire du 6 février 2024, le tribunal précité a :

écarté des débats les conclusions de la société Lacoste Cabinet Conseil signifiées par RPVA le 9 novembre 2023,

débouté la société Lacoste Cabinet Conseil de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société Lacoste Cabinet Conseil aux entiers dépens de l'instance.

La juridiction a retenu en substance que la preuve que la vente aurait été effectivement conclue n'était pas rapportée, l'offre produite par la société Lacoste Cabinet Conseil ne revêtant pas de caractère définitif en tant qu'étant assortie de plusieurs conditions suspensives ; en conséquence, le paiement de l'indemnité compensatrice de la perte de rémunération du mandataire qui s'analyse en une clause pénale ne peut être réclamée par celui-ci.

Par déclaration déposée le 22 février 2024, la société Lacoste Cabinet Conseil a relevé appel.

Aux termes de ses uniques conclusions déposées le 17 mai 2024 sur le fondement des articles 1103, 1231-1 et 1240 du code civil, la société Lacoste Cabinet Conseil demande à la cour de :

déclarer son appel recevable et bien fondé,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

statuant à nouveau,

à titre principal,

juger que la société Vêtements [J] n'a pas respecté ses obligations contractuelles résultant du mandat de vente signé le 30 novembre 2020,

condamner la société Vêtements [J] à lui payer la somme de 17.760€ TTC au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle due pour non-respect des obligations contractuelles du mandant outre intérêts de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire,

juger que la société Vêtements [J] a nécessairement commis une faute contractuelle à son égard en refusant de régulariser le compromis de vente et l'acte de vente malgré son acceptation initiale de l'offre d'acquisition,

condamner la société Vêtements [J] à lui payer la somme de 17.760€ à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles,

juger que cette somme produire intérêts au taux légal capitalisé à compter de l'assignation,

à titre infiniment subsidiaire,

juger que la société Vêtements [J] a nécessairement commis à tout le moins une faute délictuelle à son égard en refusant de régulariser la signature tant du compromis que de l'acte de vente malgré son acceptation initiale de l'offre d'acquisition,

condamner la société Vêtements [J] à lui payer la somme de 17.760€ à titre de dommages-intérêts,

juger que cette somme produira intérêts au taux légal capitalisé à compter de l'assignation,

en tout état de cause,

reconventionnellement, condamner la société Vêtements [J] à lui payer la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

condamner la société Vêtements [J] aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Rivoire sur son affirmation de droit.

L'appelante fait valoir en substance que :

les parties étant d'accord sur la chose et le prix, l'opération immobilière a été conclue et ouvre droit à rémunération de l'agent immobilier,

en refusant de régulariser la signature d'un compromis de vente, la société Vêtements [J] a manqué à ses obligations contractuelles résultant du mandat conclu,

la rétractation sans motif de la société Vêtements [J] est fautive et abusive, elle engage sa responsabilité civile délictuelle.

La déclaration d'appel a été signifiée dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile à la société Vêtements [J] qui n'a pas constitué avocat ; l'arrêt sera rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2025.

MOTIFS

En droit, il résulte tout à la fois des articles 1103, 1104, 1114, 1118, 1121 et 1583 du code civil, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, que l'offre faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation et qu'à défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation ; que l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre, que le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant, qu'il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue, que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

La vente est donc un contrat consensuel exigeant un accord de volonté sur la chose et sur le prix, et une offre d'acquisition, pour être valable, doit être précise et renfermer les éléments essentiels de la vente projetée, mais également ferme, c'est à dire manifestant la volonté d'être lié en cas d'acceptation.

En l'espèce, l'offre d'acquisition comporte bien les qualités essentielles du contrat quant à la chose vendue (fonds de commerce et droit au bail) et au prix (185.000€ TTC net vendeur et 17.760€ TTC d'honoraires du cabinet Hermès), et est assortie de trois conditions suspensives explicites à savoir, la présentation d'un état de nantissement ne révélant aucune inscription ou privilège d'un montant supérieur au prix de vente net vendeur ou de nature à faire échec à l'obtention d'un concours bancaire, la despécialisation pour exploitation vente, fabrication glaces et restauration rapide, l'obtention d'un accord de prêt ou crédit d'un montant de 167.000€ avec apport de 50.000€ .

Elle présente donc toutes les caractéristiques d'une offre d'acquisition circonstanciée, ferme et précise, en tant que décrivant les éléments essentiels du contrat identifiant l'immeuble, objet de la vente, le prix, les conditions suspensives.

Par ailleurs, il résulte de cette offre d'acquisition « qu'en cas d'acceptation par le vendeur dans le délai de 15 jours prévu à peine de caducité de cette offre, les parties feront leurs meilleurs efforts pour parvenir à la signature d'un compromis ou acte de vente sous conditions suspensives, si nécessaire ». Ainsi, l'acceptation de l'offre n'était pas subordonnée à la rédaction d'un compromis ou d'un acte notarié de vente.

Par ailleurs, l'accord de Mme [U] (société Ice &Co) et de la société Vêtements [J] est clair et sans ambiguïté en l'état de leurs signatures respectives précédées des mentions manuscrites « lu et approuvé, bon pour accord » (acquéreur) et « lu et approuvé, bon pour acceptation de l'offre » (cédant) apposées le 1er septembre 2021 sur l'offre d'acquisition.

L'échange de leurs consentements à cette date et l'acceptation de l'offre d'acquisition par la société Vêtements [J] sont confirmés par le fait que les parties ont échangé des SMS le 2 septembre 2021(M. [J] communiquant à Mme [U] les coordonnées de son notaire pour qu'elle puisse les transférer à son avocat, celle-ci répondant le même jour effectuer cette transmission) et le 6 septembre 2021 (SMS de Mme [U] à M. [J] mentionnant que son notaire avait contacté le sien pour fixer un rendez-vous pour la signature d'un compromis).

En conséquence, au regard de ces constatations et considérations, il doit être jugé que l' offre d' acquisition du 1er septembre 2021 faite par Mme [U] (société Ice &Co) et acceptée par la société Vêtements [J] vaut vente du fonds de commerce sis à [Adresse 4] et du droit au bail, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives contenues dans l' offre, les parties signataires ayant manifesté leur volonté de s'engager sur la chose et sur le prix, la rencontre de l'offre et de l'acceptation valant vente.

La circonstance que la société Vêtements [J] n'a plus donné suite à son acceptation d'offre d'acquisition, sans motif légitime démontré (le courrier de son conseil communiqué en pièce 7 par l'appelante étant insuffisant à motiver le revirement du cédant), justifie que soit accueillie la demande de la société Lacoste Cabinet Conseil en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 5 du mandat de vente, l'attitude de sa mandante l'ayant privée de sa rémunération exigible au jour de la signature de l'acte réitératif de vente, alors même de plus fort que les conditions suspensives portées dans l'offre d'acquisition acceptée étaient en bonne voie de réalisation (accord de principe sur le financement par la Société Générale du 8 septembre 2021, déspécialisation accordée et votée par la copropriété...)

Le jugement déféré est en conséquence infirmé et la société Vêtements [J] condamnée à verser à la société Lacoste Cabinet Conseil la somme de 17.1760€ avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt (la demande de capitalisation n'étant pas soutenue à titre principal mais dans le cadre des demandes subsidiaires).

La demande principale de l'appelante étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur ses demandes subsidiaires.

Sur les mesures accessoires

Partie succombante, la société Vêtements [J] est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; elle est condamnée à verser, pour l'instance d'appel une indemnité de procédure à l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Vêtements [J] à payer à la société Lacoste Cabinet Conseil la somme de 17.760€ au titre de l'indemnité contractuelle compensatrice de perte de rémunération, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société Vêtements [J] à verser à la société Lacoste Cabinet Conseil la somme de 2.000€ à titre d' indemnité de procédure d'appel,

Condamne la société Vêtements [J] aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, recouvrement par Me Rivoire, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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