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Décisions

CA Reims, ch. soc., 24 septembre 2025, n° 24/01467

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 24/01467

24 septembre 2025

Arrêt n°

du 24/09/2025

N° RG 24/01467

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 24 septembre 2025

APPELANT :

d'un jugement rendu le 23 août 2024 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, section Industrie (n° F 13/00149)

Monsieur [Y] [G]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par la SELARL JURILAW AVOCATS CONSEILS, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

Madame [T] [R] [H] [O]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 24 septembre 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 27 février 2009, Monsieur [Y] [G] et Madame [T] [O] ont acquis un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie sis [Adresse 3] à [Localité 5], chacun pour moitié indivise.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [Y] [G] a embauché Madame [T] [O] en qualité de personnel de vente à compter du 1er mars 2019 à hauteur de 18 heures hebdomadaires.

A compter de juillet 2011, Madame [T] [O] a été en congé prénatal puis en congé maternité, puis à compter du 21 décembre 2011, elle a été en arrêt de travail.

Le 19 avril 2013, Madame [T] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial, complétées par des écritures en date du 1er avril 2014, aux termes desquelles elle demandait le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Madame [T] [O] perçoit une pension d'invalidité depuis son classement dans la catégorie 2 depuis le 1er décembre 2013.

Par jugement en date du 23 décembre 2016, le conseil de prud'hommes a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, juridiction saisie par Madame [T] [O].

Le 3 juillet 2019, Madame [T] [O] a déposé des conclusions de réinscription. L'affaire a été réinscrite et renvoyée à plusieurs reprises avant d'être retenue lors de l'audience du 4 décembre 2020.

Par jugement en date du 5 février 2021, le conseil de prud'hommes a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire saisi d'un litige portant sur l'établissement des comptes de l'indivision liant Madame [T] [O] et Monsieur [Y] [G].

La cour d'appel a rendu un arrêt le 30 septembre 2022 dans l'instance opposant Madame [T] [O] à Monsieur [Y] [G] au titre des droits des parties sur le fonds de commerce et sur son sort et sur la question du partage des fruits et des éventuelles créances. L'arrêt est à ce jour définitif.

Le 25 février 2023, Madame [T] [O] a déposé des écritures de réinscription.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 2 mai 2023.

Par jugement avant dire droit en date du 20 octobre 2023, le conseil de prud'hommes a notamment rejeté l'exception de sursis à statuer soulevée par Monsieur [Y] [G] et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 5 décembre 2023. L'affaire a été retenue lors de l'audience du 12 avril 2024.

Par jugement en date du 23 août 2024, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré les demandes de Madame [T] [O] recevables et partiellement fondées ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] [O] ;

- condamné Monsieur [Y] [G] à verser à Madame [T] [O] les sommes suivantes :

- 16480,84 euros au titre des heures complémentaires réalisées au titre de l'année 2009 ;

- 9841,21 euros au titre des heures supplémentaires réalisées au titre de l'année 2010 ;

- 2120,69 euros au titre des heures supplémentaires réalisées au titre de l'année 2011 ;

- 2844,27 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire ;

- 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations ;

- 17587,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4396,80 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 439,68 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 9160 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- mis la totalité des dépens à Monsieur [Y] [G] ;

- condamné Monsieur [Y] [G] à verser à Madame [T] [O] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, excepté ce qui est de droit ;

- constaté le bien-fondé des demandes de Madame [T] [O] en ce qui concerne la mutuelle et la prévoyance et lui a donné acte de ce qu'elle ne maintient pas ses demandes compte tenu de la régularisation ;

- débouté Madame [T] [O] du surplus de ses demandes ;

- débouté Monsieur [Y] [G] de ses demandes ;

- débouté Monsieur [Y] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Y] [G] a formé appel le 20 septembre 2024.

Il a conclu le 25 novembre 2024, le 30 mai 2025, le 2 juin 2025.

Madame [T] [O] a conclu et formé appel incident le 17 février 2025.

Dans ses écritures en date du 2 juin 2025, elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement :

- du chef des condamnations de Monsieur [Y] [G] à lui payer les sommes de :

. 16480,84 euros au titre des heures complémentaires réalisées au titre de l'année 2009 ;

. 9841,21 euros au titre des heures supplémentaires réalisées au titre de l'année 2010 ;

. 2120,69 euros au titre des heures supplémentaires réalisées au titre de l'année 2011 ;

. 2844,27 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire ;

- du chef du principe de la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- du chef des condamnations de Monsieur [Y] [G] à lui verser les sommes de :

. 4396,80 euros à titre d'indemnité de préavis ;

. 439,68 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

. 9160 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- de le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- de condamner Monsieur [Y] [G] à lui verser la somme de 27712,86 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- d'ordonner la rectification de la mention de la fonction exercée au sein de ses bulletins de salaire pour y voir apposer 'responsable de vente' sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification à intervenir ;

- de condamner Monsieur [Y] [G] à lui verser la somme de 20000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations ;

- de condamner Monsieur [Y] [G] à lui verser la somme de 50000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

y ajoutant ;

- de condamner Monsieur [Y] [G] au paiement de la somme de 12000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant le conseil de prud'hommes et à hauteur de cour ;

- de juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes de nature salariale et à compter de la date de saisine de la juridiction s'agissant des sommes de nature indemnitaire ;

- en toute hypothèse, de débouter Monsieur [Y] [G] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.

Le 17 avril 2025, Monsieur [Y] [G] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, lequel a rendu une ordonnance le 22 mai 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2025.

Dans des écritures en date du 5 juin et du 11 juin 2025, Madame [T] [O] demande à la cour, à titre liminaire :

- de dire irrecevables les répliques de Monsieur [Y] [G] sur son appel incident correspondant aux pages 29 à 43 des conclusions n°3, et à une mention du dispositif page 44 de Monsieur [Y] [G] au visa des dispositions de l'article 910 du code de procédure civile ;

- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture pour lui permettre de répliquer dans le respect du principe contradictoire,

- subsidiairement, d'ordonner le rejet des débats des conclusions n°2 et n°3 de Monsieur [Y] [G] pour cause de tardiveté.

Dans des écritures en date du 11 juin 2025, Monsieur [Y] [G] demande à la cour, à titre liminaire, de débouter Madame [T] [O] de son incident, et, à titre subsidiaire d'ordonner le rabat de clôture prononcée au 2 juin 2025.

L'affaire a été plaidée lors de l'audience du 18 juin 2025.

Par message RPVA en date du 25 juin 2025, le message suivant a été adressé aux parties par la conseillère :

'Aux termes de ses écritures en date des 5 et 11 juin 2025, Madame [T] [O] demande à titre liminaire à la cour de dire irrecevables les répliques de Monsieur [G] sur son appel incident correspondant aux pages 29 à 43 des conclusions n°3, et à une mention du dispositif p44 de Monsieur [Y] [G] au visa des dispositions de l'article 910 du code de procédure civile.

La cour soulève deux moyens d'office :

Aux termes de l'article 913-5 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions encourue en application des dispositions des articles 909 et 911 du même code, et les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

En l'espèce, Madame [T] [O] a formé appel incident le 17 février 2025 et Monsieur [Y] [G] a conclu le 30 mai puis le 2 juin 2025.

Les parties sont donc invitées à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande dont Madame [T] [O] a saisi la cour tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des répliques de Monsieur [Y] [G] sur son appel incident, alors que la cause d'une telle irrecevabilité n'est pas survenue ni n'a été révélée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état.

Si les parties ne sont plus recevables à invoquer une telle irrecevabilité après le dessaisissement du conseiller de la mise en état, cette restriction ne fait pas obstacle toutefois à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office cette fin de non-recevoir. Les parties sont donc invitées à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office par la cour tiré de l'irrecevabilité des écritures de Monsieur [Y] [G] en leur partie qui concernent la réponse à l'appel incident formé par Madame [T] [O]'.

Les parties ont été invitées à présenter leurs observations au plus tard le 9 juillet 2025.

Par messages respectivement en date des 3 juillet et 25 juin 2025, l'appelant et l'intimée ont indiqué qu'elles n'avaient pas d'observations à formuler.

Motifs :

- Sur les demandes 'à titre liminaire' :

Aucune cause au sens de l'article 803 du code de procédure civile ne justifie la révocation de l'ordonnance de clôture, alors même que si l'intimée a conclu le matin de l'ordonnance de clôture, l'appelant avait pour sa part conclu quelques minutes avant.

Aux termes de l'article 913-5 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions encourue en application des dispositions des articles 909 et 911 du même code, et les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Une telle restriction ne fait toutefois pas obstacle à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office cette fin de non-recevoir.

Madame [T] [O] a formé appel incident le 17 février 2025 et Monsieur [Y] [G] a conclu le 30 mai 2025 et le 2 juin 2025.

Madame [T] [O] n'est donc plus recevable à soulever devant la cour l'irrecevablité de la réplique de Monsieur [Y] [G] sur son appel incident, alors que sa cause n'est ni survenue ni ne s'est révélée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état.

Dès lors que la restriction précédemment énoncée ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office la fin de non-recevoir tirée du non-respect du délai pour conclure en réponse à un appel incident et que les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, la cour déclare irrecevables dans les écritures de Monsieur [Y] [G] en date du 2 juin 2025, en application de l'article 910 du code de procédure civile :

- les pages 29 à 41 4ème ligne incluse. Le paragraphe VI intitulé 'Sur la demande de dommages et intérêts de 20000 euros pour non-respect par l'employeur de ses obligations' est aussi irrecevable en ce qu'il est la réponse -tardive- à l'appel incident de Madame [T] [O] ;

- en page 44, la phrase : 'Allouer à Madame [T] [O] la somme de 4226,88 euros au titre des congés payés acquis au cours de ses arrêts maladie'.

Dans ses écritures en date du 2 juin 2025, Monsieur [Y] [G] demande donc à la cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [T] [O] du surplus de ses demandes,

- d'infirmer la décision entreprise,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- de dire et juger que le contrat de travail invoqué par Madame [T] [O] est inexistant et nul,

en conséquence,

- de débouter Madame [T] [O] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- de débouter Madame [T] [O] de l'ensemble de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- de fixer l'ancienneté de Madame [T] [O] à 2 années et 5 mois,

- d'allouer à Madame [T] [O] les sommes de 1057,29 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3500 euros à titre d'indemnité de préavis, 350 euros au titre des congés payés sur préavis, 5250 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- de débouter Madame [T] [O] de toutes demandes plus amples contraires,

- de condamner Madame [T] [O] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [T] [O] aux dépens.

- Sur le contrat de travail :

Monsieur [Y] [G] demande à la cour de dire et juger que le contrat de travail invoqué par Madame [T] [O] est inexistant et nul et de la débouter de ses demandes, motif pris d'un cumul illégal entre le statut de propriétaire indivis et le statut de salarié générant deux sources de rémunération distinctes, alors que celle-ci ne peut pas cumuler deux rémunérations, l'une tirée de sa qualité de propriétaire d'un fonds de commerce générant un droit aux bénéfices et celle issue de son prétendu statut salarié, alors que le cumul emploi salarié et mandat social est uniquement applicable dans une société et alors qu'enfin surabondamment son contrat de travail est fictif.

Madame [T] [O] réplique qu'il appartient à Monsieur [Y] [G], dès lors qu'elle dispose d'un contrat de travail, de démontrer qu'il est fictif, ce qu'il ne fait pas, et qu'il est par ailleurs sans effet sur sa qualité de salariée qu'elle ait des droits indivis dans le fonds de commerce.

A titre liminaire, il convient de relever que Madame [T] [O] conclut dans les motifs de ses écritures à l'irrecevabilité de la prétention de Monsieur [Y] [G] et pas dans leur dispositif, de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie d'une telle demande.

Madame [T] [O] et Monsieur [Y] [G] sont propriétaires indivis du fonds de commerce de boulangerie exploité par ce dernier. En sa qualité de propriétaire indivis, et en application de l'arrêt du 30 septembre 2022 de la 1ère chambre civile de la cour de céans, Madame [T] [O] a droit au quart du résultat d'exploitation annuel.

Monsieur [Y] [G] ne justifie d'aucun élément prohibant le cumul de la perception de bénéfices provenant des biens indivis au sein du fonds de commerce dont Madame [T] [O] est propriétaire indivis et n'est pas l'exploitante et de salaires tirés d'une activité salariée au sein dudit fonds. C'est vainement qu'il invoque l'application de dispositions concernant les sociétés, alors qu'en l'espèce l'employeur de Madame [T] [O] n'est pas une société.

Monsieur [Y] [G] doit donc être débouté de sa demande tendant à voir dire le contrat de travail de Madame [T] [O] inexistant et nul.

S'il conclut au rejet des demandes de Madame [T] [O], dès lors qu'il a signé un contrat de travail le 27 février 2009 avec elle et que celle-ci bénéficiait de bulletins de paie, Monsieur [Y] [G] doit en démontrer le caractère fictif, ce qu'il ne fait pas puisque :

- il affirme en premier lieu et à tort que Madame [T] [O] exerçait une activité pour son propre compte au motif qu'elle était propriétaire indivise du fonds de commerce, alors qu'elle ne l'exploitait pas,

- il invoque deux attestations qui ne sont pas de nature à écarter l'existence d'un lien de subordination, étant précisé au contraire que dans la première (pièce n°1), la salariée écrit que Madame [T] [O] 'respectait les horaires de travail dits par Mr.[G]' et que dans la seconde (pièce n°6), Monsieur [B] écrit qu'il ne voyait que rarement Madame [T] [O] à son poste de vendeuse, alors qu'il n'était pas en permanence dans la boulangerie. La seule proximité entre le local de travail et le domicile du couple permettant une circulation libre et facile entre les deux lieux, est aussi sans incidence sur le caractère fictif du contrat de travail.

Monsieur [Y] [G] échoue donc à rapporter la preuve qui lui incombe, de sorte que celui-ci est bien lié à Madame [T] [O] par un contrat de travail.

- Sur les heures complémentaires et les heures supplémentaires :

Monsieur [Y] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes en paiement de Madame [T] [O] au titre des heures complémentaires de 2009 et aux heures supplémentaires de 2010 et 2011, aux motifs qu'aucun élément ne permet de déterminer si Madame [T] [O] détenait bien les cahiers produits au soutien de ses demandes au cours des années 2009 et 2011, qu'aucun élément probant ne permet de prouver leur véracité, les circonstances de l'espèce démontrant au contraire qu'ils constituent des faux créés uniquement pour les besoins de la cause. Il fait au surplus valoir que la charge de travail dénoncée par Madame [T] [O] est totalement incohérente par rapport à l'activité même de la boulangerie de l'époque, que les attestations produites établissent que Madame [T] [O] se contentait de faire ses heures ou disparaissait mystérieusement et que les salariés auditionnés par les services de gendarmerie confirment qu'elle prenait son service le plus tard possible et le terminait le plus tôt possible.

Madame [T] [O] conclut à la confirmation du jugement de ce chef, au regard des pièces qu'elle produit, alors que Monsieur [Y] [G] ne répond pas à ses obligations probatoires en la matière.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Les demandes présentées par Madame [T] [O] correspondent à la différence entre :

- le salaire revendiqué pour les heures complémentaires qu'elle prétend avoir exercées et le salaire perçu au titre d'un temps partiel au titre de l'année 2009,

- le salaire revendiqué pour les heures supplémentaires qu'elle prétend avoir exercées et le salaire perçu au titre d'un temps complet pour lequel elle a été payée au titre des années 2010 et 2011.

Au soutien de ses demandes, Madame [T] [O] produit :

- un récapitulatif des heures payées et heures dues en 2019, 2010 et 2011. Les 3 récapitulatifs ont été produits dès le premier jeu de conclusions de Madame [T] [O] devant le conseil de prud'hommes le 13 septembre 2013.

- un cahier au titre de l'année 2019, un cahier au titre de l'année 2020 et un cahier au titre de l'année 2021, reprenant pour chaque jour travaillé l'heure de début de travail et l'heure de fin de travail. Ces pièces ont été produites pour la première fois en première instance le 26 janvier 2024. Elles ont ensuite été produites à hauteur d'appel le 5 mai 2025.

De tels éléments sont donc suffisamment précis pour permettre à Monsieur [Y] [G] d'y répondre utilement. Il n'y a pas lieu de suivre les parties en leur discussion sur la date d'établissement desdits cahiers, alors qu'en toute hypothèse, ne pèse pas sur la salariée la charge de produire des documents établis à une date contemporaine de celle de la prétendue réalisation des heures supplémentaires.

Monsieur [Y] [G] ne justifie d'aucun élément de contrôle du temps de travail de Madame [T] [O], se livrant à une critique des pièces, soulignant notamment que la charge de travail dénoncée par Madame [T] [O] est incohérente par rapport aux premières années d'exploitation de la boulangerie et produisant des attestations.

Des cahiers produits par Madame [T] [O], il ressort que celle-ci indique avoir en 2009 travaillé 13 heures par jour en semaine sauf le mercredi -jour de repos- et le dimanche (7heures) et sur le même rythme jusqu'au mois d'août 2010.

Or, il ressort des attestations produites par Monsieur [Y] [G] que Madame [T] [O] n'était pas en continu au magasin. Ainsi une de ses collègues atteste (pièce n°1) qu'elle l'a toujours vue s'absenter régulièrement lors de son arrivée à son poste de travail et revenir juste pour le coup de feu de 12h00 ou 16h30, une autre collègue atteste (pièce n°5) qu'elle n'a jamais vu Madame [T] [O] travailler avec elle le samedi après-midi notamment.

Or, tant le quantum que la période couverte par les heures réclamées par Madame [T] [O] sont contredits par ses propres déclaration ou écrit.

Ainsi dans le cadre de son audition par les services de gendarmerie au sujet de la plainte qu'elle avait déposée pour l'établissement d'attestations inexactes, elle expliquait le 28 septembre 2015 (pièce n°15 de l'appelant) que 'pour réclamer le paiement de mes heures impayées jai rédigé un courrier avec AR en octobre 2011. Il me devait des heures, sur mes fiches de paie était inscrit 35 heures 00 alors que je n'avais pas de contrat de travail correspondant'.

Madame [T] [O] produit le courrier qu'elle a adressé à Monsieur [Y] [G] le 31 octobre 2011, alors qu'elle était en congé pré natal depuis le 5 juillet 2011 (pièce n°13). Elle s'exprimait alors en ces termes au paragraphe n°4 de son courrier intitulé paiement de mes heures complémentaires et supplémentaires :

'Depuis mon entrée le 1 mars 2009, j'ai toujours travaillé un minimum de 35 heures, je réitère ma demande de paiement de ces heures qui devaient être payées plus tard, au motif que tu ne pouvais pas à ce moment là, la société étant nouvelle. Cette période allant du 1 mars au 31 décembre 2009.

Heures supplémentaires couvrant la période janvier 2010

J'ai remplacé Madame [X] [S] en arrêt maladie, effectuant au passage plus de 60 heures par semaine, 6h30 à 19 h du lundi, mardi, jeudi, vendredi, samedi, et le dimanche de 6h30 à 13h30.

Je constate que la notification de répartition du temps de travail ne m'a jamais été notifiée au moins 7 jours avant entrée en vigueur par lettre recommandée avec avis de réception ARTICLE N°6 de mon contrat de travail'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la réalité d'heures complémentaires n'est donc établie que de mars à décembre 2009 et celle d'heures supplémentaires qu'au titre du mois de janvier 2010, alors même que dans le courrier susvisé qui porte précisément sur sa revendication d'heures complémentaires et supplémentaires, elle ne mentionne aucune heure supplémentaire impayée au-delà de cette date. Madame [T] [O] doit donc être déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour l'année 2010 -à l'exception du mois de janvier- et pour l'année 2011.

De surcroît pour la période comprise entre mars 2009 et décembre 2009, les heures réclamées sont excessives puisqu'alors qu'il ressort des cahiers que les semaines de travail sont de 72 heures, elle écrit dans ledit courrier tout au plus d'une part qu'elle travaillait un minimum de 35 heures pendant cette période et d'autre part qu'elle a effectué 60 heures par semaine au mois de janvier 2010.

La cour évalue donc le rappel de salaire à la somme de 7132,56 euros au titre de l'année 2009, outre les congés payés y afférents et à celle de 712,80 euros au titre du mois de janvier 2010, outre les congés payés y afférents.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur l'indemnité de congés payés :

Madame [T] [O] demande à la cour d'infirmer le jugement du chef du rejet de sa demande au titre de l'indemnité de congés payés d'un montant de 27712,86 euros qui se décompose de la façon suivante :

- 1282,68 euros au titre de 18 jours de congés payés acquis au mois de décembre 2011,

- 1068,90 euros représentant 15 jours de congés payés acquis en application de l'article 35 de la convention collective applicable,

- 25361,28 euros sur la base de 4 semaines de congés payés par an à compter du mois de juillet 2012 pendant 12 ans au taux journalier de 88,06 euros.

Il ressort du bulletin de paie de Madame [T] [O] du mois de décembre 2011 que celle-ci avait acquis à cette date 17,5 jours de congés payés.

Monsieur [Y] [G] n'établit pas l'avoir remplie de ses droits à ce titre, de sorte qu'elle est bien-fondée en sa demande en paiement à hauteur de 1282,68 euros.

Il n'établit pas davantage l'avoir remplie de ses droits à ce titre entre le mois de janvier et le mois de juin 2012, et ce en application de l'article 37 de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, soit la somme de 1068,90 euros.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 25361,28 euros, Madame [T] [O] explique qu'elle avait fondé sa demande initiale le 19 avril 2013 sur la base de la réglementation européenne, qu'aux termes d'une décision de la Cour de cassation en date du 13 septembre 2023, désormais tout salarié est réputé acquérir des congés payés au cours de la période de suspension de son contrat de travail, que de nouvelles dispositions légales sont entrées en vigueur le 24 avril 2024 -la loi du 22 avril 2014- et qu'aux termes de celles-ci, pour la période postérieure au 1er décembre 2009, le salarié pourrait invoquer le bénéfice d'au moins 4 semaines de congés payés.

Madame [T] [O] invoque à raison l'application de la loi 2024-364 du 22 avril 2024 en son article 37-I, codifié aux articles L.3141-5 et L.3141-5-1 du code du travail, aux termes desquels elle a acquis deux jours ouvrables de congés par mois, dans la limite de 24 jours par an, pendant son arrêt-maladie, et ce depuis le mois de juillet 2012, alors qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de congés payés dès le 22 avril 2013 et qu'elle a actualisé sa demande depuis le 23 avril 2024.

Elle a donc acquis pendant les 12 années sur lesquelles elle fonde sa demande, 288 jours de congés payés.

Elle n'est toutefois pas fondée à réclamer le paiement de la totalité des congés payés, dès lors qu'elle fait une lecture incomplète des nouvelles dispositions légales.

En effet, l'article 37-I est aussi codifié sous l'article L.3141-19-1 du code du travail, aux termes duquel : 'Lorsqu'un salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser.

Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l'article L. 3141-19-3.'.

Aux termes de l'article L.3141-19-2 du code du travail 'Par dérogation au second alinéa de l'article L. 3141-19-1, lorsque les congés ont été acquis au cours des périodes mentionnées aux 5° ou 7° de l'article L. 3141-5, la période de report débute à la date à laquelle s'achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l'accident.

Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l'article L. 3141-19-3".

Et aux termes de l'article 37-II de la même loi, il est précisé : 'Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d'acquisition des droits à congés, les articles L.3141-19-1 à L.3141-19-3 sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 au 23 avril 2024.

Dans ces conditions, et en application des dispositions combinées susvisées, Madame [T] [O] ne peut prétendre qu'aux jours de congés payés acquis entre le 1er juin 2023 et le mois de juillet 2024, puisqu'elle a perdu les droits à congés payés précédents au regard de l'expiration de la période de report à la date à laquelle la cour statue.

Dans ces conditions, le montant des congés payés s'élève à la somme de 2289,56 euros.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [Y] [G] doit donc être condamné à payer à Madame [T] [O] la somme de 4641,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés (1282,68 euros + 1068,90 euros + 2289,56 euros).

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur la rectification de la qualification figurant sur les bulletins de paie sous astreinte :

Pas plus qu'en première instance, Madame [T] [O], embauchée en qualité de personnel de vente, ne démontre avoir exercé les fonctions de responsable de vente, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande tendant à voir ordonner la rectification de la mention de la fonction exercée sur ses bulletins de paie sous astreinte.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

- Sur les dommages-intérêts pour violation de ses obligations par l'employeur :

Les premiers juges ont condamné Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations, en ce qu'il y a eu un dépassement des durées maximales de travail.

Monsieur [Y] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement du chef de cette condamnation mais ne présente aucun moyen au soutien d'une telle demande d'infirmation puisqu'il ne présente des développements à ce titre que dans le cadre de sa réponse à l'appel incident de Madame [T] [O] sur le quantum de la condamnation, au titre de laquelle ses écritures ont été déclarées irrecevables.

Madame [T] [O] a formé appel incident au motif que les premiers juges n'ont pas retenu à tort l'ensemble des manquements qu'elle invoquait et qu'en outre, il y a lieu d'envisager une indemnisation à la hauteur de la gravité des manquements et des préjudices qui en sont résultés.

Madame [T] [O] soutient en premier lieu que Monsieur [Y] [G] a manqué à son obligation de sécurité.

Madame [T] [O] lui reproche à ce titre de ne pas avoir établi de DUERP et Monsieur [Y] [G] ne justifie d'aucun élément.

Elle lui reproche ensuite de ne pas avoir répondu à la détresse qu'elle avait exprimée, alors que selon elle, 'il est établi que Madame [O] a informé à plusieurs reprises son employeur quant à sa situation de détresse, sans ambiguïté aucune dans le cadre de la présente procédure notamment'. Si l'employeur n'a pas répondu à sa demande présentée le 31 octobre 2011 de lui adresser son planning horaire à l'issue de son congé maternité, un tel courrier ne caractérise pas à lui seul une situation de détresse, alors qu'elle indiquait en toute hypothèse, qu'en l'absence de réponse de sa part, elle effectuerait les horaires stipulés au contrat de travail. Elle n'est pas non plus fondée à lui reprocher de ne pas avoir pris contact avec la médecine du travail pour demander conseil sur les mesures à mettre en oeuvre pour lui permettre une reprise de son activité professionnelle, alors que ses arrêts maladie étaient régulièrement renouvelés. Madame [T] [O] ne justifie pas enfin de menaces qu'elle aurait reçues de la part de Monsieur [Y] [G] pour des motifs fallacieux.

Madame [T] [O] invoque enfin des dépassements d'amplitude maximale journalière et hebdomadaire qui sont établies, dès lors que celle-ci indique qu'elle travaillait plus de 60 heures par semaine en janvier 2010 et travaillait 12h30 par jour et que Monsieur [Y] [G] n'établit pas avoir respecté les seuils applicables.

Madame [T] [O] invoque ensuite une seconde catégorie de manquements en matière de paiement du salaire, en raison desquels elle s'est trouvée confrontée à une situation financière peu confortable, dont elle ne justifie pas, de sorte qu'en l'absence de tout préjudice sa demande de dommages-intérêts de ce chef ne peut prospérer.

Elle ne caractérise pas davantage de préjudice découlant de l'absence de DUERP.

Les premiers juges ont entièrement réparé le préjudice subi par Madame [T] [O] découlant de la violation de l'obligation de sécurité par Monsieur [Y] [G], du chef du dépassement des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, dont le seul constat ouvre droit à réparation, en condamnant ce dernier à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Monsieur [Y] [G] demande à la cour d'infirmer le jugement du chef du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] [O] à ses torts, au motif que les prétendus griefs sont insuffisants à justifier une résiliation judiciaire.

Madame [T] [O] demande la confirmation du jugement de ce chef. Elle explique qu'initialement, elle n'avait pas saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de rupture de son contrat de travail, espérant toutefois que la saisine serait de nature à faire évoluer la situation, alors que Monsieur [Y] [G] n'a jamais rien entrepris pour lui permettre une reprise de ses activités professionnelles, qu'il n'a pas régularisé sa situation au regard des salaires, qu'il a manqué à l'obligation de sécurité, qu'il a bafoué ses droits, que sa santé a été altérée et que les manquements ont persisté.

Si des manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu de ce qui précède, il est établi que Monsieur [Y] [G] a manqué à l'obligation de sécurité qui pèse sur lui et qu'il n'a pas rempli Madame [T] [O] de ses droits au titre des salaires.

De tels manquements, en ce qu'il touche à des obligations essentielles de l'employeur, qu'il n'a pas régularisés en ce qui concerne les salaires, nonobstant des demandes écrites de la salariée puis lors de la saisine initiale du conseil de prud'hommes, sont suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Monsieur [Y] [G].

- Sur les conséquences financières du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Monsieur [Y] [G] :

Les parties s'opposent sur le montant du salaire, sur l'ancienneté à prendre en compte et sur le montant des indemnités.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [T] [O] peut prétendre :

- à une indemnité de préavis d'une durée de deux mois en application de l'article L.1234-1 du code du travail, sur la base d'un salaire mensuel de 1750 euros qu'elle aurait perçu si elle avait continué à travailler, soit la somme de 3500 euros, outre les congés payés y afférents.

- à une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un salaire de 1750 euros et d'une ancienneté de 2 ans et 9 mois. C'est à tort que Madame [T] [O] revendique une ancienneté de 15 ans pour le calcul de l'indemnité de licenciement, dès lors qu'en application de l'article L.1234-11 du code du travail, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions et qu'elle ne justifie pas de dispositions plus favorables, alors qu'elle invoque à tort le bénéfice des dispositions de l'avenant n°12 du 28 octobre 1980 qui ne sont applicables que pour le calcul de l'indemnité de départ à la retraite. L'indemnité de licenciement est donc de 765,62 euros.

- à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : à la date du prononcé de la résiliation judiciaire du 23 août 2024, Madame [T] [O] avait une ancienneté de 15 ans. Elle peut donc prétendre à des dommages-intérêts compris entre 3 et 13 mois de salaire.

Madame [T] [O] était âgée de 41 ans au mois d'août 2024 et il est tout au plus établi qu'elle percevait à cette date une pension d'invalidité catégorie 2. Au vu de ces éléments, le conseil de prud'hommes a surévalué le préjudice subi par Madame [T] [O]. Monsieur [Y] [G] sera donc condamné à lui payer la somme de 10500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail :

Les conditions d'application de l'article L.1235-4 du code du travail sont réunies, Monsieur [Y] [G] n'établissant pas employer habituellement moins de 11 salariés.

- Sur les intérêts :

Les condamnations :

- au paiement des créances de nature salariale, porteront intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2013, date de réception de la convocation devant le conseil de prud'hommes, à l'exception de la somme de 2289,56 euros au titre d'une partie de l'indemnité de congés payés qui portera intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2024,

- au paiement des créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens et du chef du rejet de la demande de Monsieur [Y] [G] au titre de sa demande d'indemnité de procédure.

Partie principalement succombante à hauteur d'appel, Monsieur [Y] [G] doit être condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné en équité à payer à Madame [T] [O] la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

Statuant dans les limites de l'appel ;

Déclare Madame [T] [O] irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la réplique de Monsieur [Y] [G] à son appel incident ;

Déclare irrecevables :

- les pages 29 à 41 4ème ligne incluse des écritures de Monsieur [Y] [G] en date du 2 juin 2025 ;

- en page 44 des écritures de Monsieur [Y] [G] en date du 2 juin 2025 la phrase : 'Allouer à Madame [T] [O] la somme de 4226,88 euros au titre des congés payés acquis au cours de ses arrêts maladie' ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré les demandes de Madame [T] [O] recevables et partiellement fondées ;

- débouté Madame [T] [O] de sa demande de rectification des bulletins de paie sous astreinte ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] [O] ;

- condamné Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur de ses obligations ;

- mis la totalité des dépens à la charge de Monsieur [Y] [G] ;

- débouté Monsieur [Y] [G] de sa demande d'indemnité de procédure ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déboute Monsieur [Y] [G] de sa demande tendant à voir dire le contrat de travail nul et inexistant ;

Condamne Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] les sommes de :

. 7132,56 euros au titre des heures complémentaires de mars à décembre 2009 ;

. 713,25 euros au titre des congés payés y afférents ;

. 712,80 euros au titre des heures supplémentaires pour le mois de janvier 2020,

. 71,28 euros au titre des congés payés y afférents ;

Déboute Madame [T] [O] du surplus de ses demandes au titre des heures supplémentaires ;

Condamne Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] la somme de 4641,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés ;

Condamne Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] les sommes de :

. 10500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 3500 euros à titre d'indemnité de préavis ;

. 350 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

. 765,62 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;

Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2013, à l'exception d'une partie de l'indemnité de congés payés d'un montant de 2289,56 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2024 ;

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne Monsieur [Y] [G] à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement à celui de la présente décision ;

Condamne Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [T] [O] la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute Monsieur [Y] [G] de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel ;

Condamne Monsieur [Y] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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