Livv
Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 25 septembre 2025, n° 24/01156

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/01156

25 septembre 2025

AFFAIRE :N° RG 24/01156

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 17 Avril 2024 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2023000887

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2025

APPELANT :

Maître [J] [H] mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL APHF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée et assistée par Me Noël LEJARD, substitué par Me Charlène RICCOBONO, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [Y] [T]

né le 09 Octobre 1984 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Elise CRAYE, substitué par Me Pierre BAUGAS, avocats au barreau de CAEN,

Assisté de Me Julien LEMAITRE, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 05 juin 2025

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRET prononcé publiquement le 25 septembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme COURTADE, Conseillère, pour le président empêché et Mme LE GALL, greffier

La SARL APHF Ouest, société créée en 2013, ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de prestations de services, disposait d'un capital social d'un montant de 15.000 euros, réparti de façon égalitaire entre M. [Y] [T] et M. [R] [N], co-gérants.

A compter du 31 janvier 2019, M. [T] devient le seul gérant de la société APHF Ouest.

Par acte du 5 décembre 2019, la société APHF Ouest a cédé son fonds de commerce au profit de la société Agir environnement, moyennant un prix de 100.000 euros.

La société APHF n'ayant pas retrouvé d'activité, elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du 4 mai 2022 du tribunal de commerce de Caen, désignant Me [H] en qualité de mandataire liquidateur.

Me [H], ès-qualités, constatera différents prélèvements effectués par M. [T] pendant la période 2020-2022 pour des montants de 91.720,45 euros et 26.311 euros.

Estimant que ces prélèvements sont indus, Me [H] ès-qualités a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Caen, par acte de commissaire de justice du 7 février 2023, en remboursement desdites sommes.

Par jugement du 17 avril 2024, le tribunal de commerce de Caen a :

- jugé que les sommes versées au bénéfice de M. [Y] [T] sont justifiées comptablement et juridiquement ;

- débouté Me [H], ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Me [H], ès-qualités, à payer à M. [Y] [T] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Me [H], ès-qualités, aux entiers dépens ;

- liquidé les frais de greffe à la somme de 72,13 euros.

Par déclaration du 7 mai 2024, Me [H], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL APHF Ouest, a fait appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées le 29 mai 2024, l'appelante demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris,

Statuer à nouveau,

- Condamner M. [T] pour les causes sus-énoncées au versement des sommes de 91.720,45 euros et de 26.311 euros avec intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation,

- Condamner M. [T] au paiement d'une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 25 juin 2024, M. [Y] [T] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement dont appel,

A titre principal,

- Dire et juger que les sommes versées au bénéfice de M. [T] sont justifiées, comptablement et juridiquement, celles-ci étant octroyées au titre de la rémunération du représentant légal et parfaitement votées par l'associé unique,

- Débouter Me [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- Constater que M. [Y] [T] est détenteur d'une créance sur la société Agir environnement à hauteur de 2.040,45 euros,

- Dire et juger que les sommes réclamées par le mandataire liquidateur doivent être réduites de la somme de 2.040,45 euros,

En tout état de cause,

- Condamner Me [H] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 7 mai 2025.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

SUR CE, LA COUR

Sur le prèlèvement de la somme de 91.720,45 euros

Selon l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui l'a indûment reçu.

La rémunération du gérant est déterminée soit par les statuts soit par décision de la collectivité des associés.

La décision fixant la rémunération du gérant associé unique d'une entreprise à responsabilité limitée doit être répertoriée dans le registre prévu au troisième alinéa de l'article L. 223-31 du code de commerce et une telle décision, prise en violation de cette disposition, peut être annulée à la demande de tout intéressé. (Com., 25 septembre 2012, n°11-22.337)

M. [T] soutient que les sommes qu'il a perçues à hauteur de 91.720,45 euros de novembre 2020 à février 2022 correspondent à ses salaires.

Les statuts de la SARL APHF Ouest prévoient que chaque gérant a droit à une rémunération déterminée par décision collective ordinaire.

M. [T] produit à l'appui de ses allégations deux procès-verbaux des décisions de l'associé unique, l'un en date du 1er septembre 2021 fixant sa rémunération à compter du 1er septembre 2020 à la somme nette annuelle de 27.007,34 euros et l'autre du 1er mars 2022 fixant sa rémunération à compter du 21 septembre 2021 à la somme nette annuelle de 64.713,11 euros.

Il n'est pas justifié de ce que les décisions communiquées relatives à la rémunération du gérant ont été répertoriées dans le registre prévu par l'article L223-31 du code de commerce.

Il n'en est pour autant pas demandé l'annulation.

Toutefois, le versement d'un salaire suppose une contrepartie.

M. [T] allègue s'être acquitté de sa fonction de gérant avec diligence et avoir oeuvré après la cession du fonds de commerce afin de trouver une nouvelle activité susceptible d'être exercée par la société.

Il est constant que suivant acte du 19 décembre 2019, la société APHF Ouest a procédé à la vente de son fonds de commerce à la société Agir Environnement Service également dirigée par M. [T].

Dans son rapport du 18 août 2022, le mandataire judiciaire indique ne pas avoir trouvé trace du paiement de la somme de 100.000 euros et avoir déclaré cette créance au passif de la société Home'Eko Conseils (anciennement Agir environnement Service) en liquidation judiciaire depuis le 20 juillet 2022. (pièce 10 de l'appelante)

M. [T] ne justifie d'aucune action, diligence, qu'il aurait exercé pour la société APHF Ouest à compter du 19 décembre 2019, date à laquelle il n'existait plus aucun fonds de commerce.

M. [T] a pourtant perçu du 23 novembre 2020 au 28 février 2022, de manière totalemment erratique, une somme globale de 91.720,45 euros, dont il n'est pas justifié comme le souligne le mandataire liquidateur qu'elle ait été déclarée comme revenus, alors que la société était sans aucune activité, depuis plusieurs mois, en état de cessation de paiement depuis le 4 novembre 2020 et que le jugement de liquidation a été rendu le 5 mai 2022.

Il s'ensuit que cette somme a été perçue de manière indue et doit être restituée à la société.

M. [T] en sera condamné au paiement avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le paiement des cotisations RSI

L'appelante fait valoir que la société est créancière vis-à-vis de M. [T] d'une somme d'un montant de 26.311 euros correspondant aux cotisations qu'elle a été amenée à régler pour le compte de ce dernier en sa qualité de gérant d'une société tierce APHF Nord.

M. [T] conteste être débiteur de cette somme faisant valoir que les procès-verbaux de rémunération des co-gérants prévoient la prise en charge par la société des cotisations obligatoires et facultatives de ces derniers, que l'expert-comptable a fait une erreur en comptabilisant ces sommes en tant que créances de la société, que le tribunal a relevé à bon escient que le mandataire liquidateur n'apportait 'pas la preuve que cela concerne la société APHF Nord'.

Il ressort des comptes pour l'exercice du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 qu'une somme de 26.311 euros désignée comme 'Rsi aphf nord [T]' apparaît dans le détail de l'actif circulant.

Il n'est fourni aucune attestation de l'expert-comptable relative à une erreur d'affectation comptable.

Il est communiqué le procès-verbal des décisions de l'associé unique du 23 juillet 2020 dont il ressort que la société a pris en charge pour le compte de M. [T] le paiement de ses cotisations obligatoires et facultatives au titre de l'exercice clos le 31 août 2018 à savoir les cotisations RSI pour 20.559 euros.

Il sera relevé que cette somme ne correspond pas à celle payée par la société au titre du 'Rsi aphf nord [T]' pour l'exercice clos au 31 août 2018 qui est mentionnée dans les comptes à hauteur de 26.311 euros. (Pièce 5 de M. [T])

Si les procès-verbaux en date du 1er septembre 2021 et du 1er mars 2022 précisent que les cotisations sociales afférentes aux rémunérations sont prises en charge par la société, aucun procès-verbal n'est fourni pour les exercices clos au 31 août 2019 et au 31 août 2020. (Pièce 8 de l'appelante)

Par ailleurs, la prise en charge des cotisations RSA par la société APHF Ouest ne peut concerner que les cotisations RSI correspondant aux salaires versés pour son gérant et non pour le gérant de la société APHF Nord.

Il est ainsi établi que la société est créancière vis-à-vis de M. [T] d'une somme de 26.311 euros qu'il sera condamné à payer avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le compte courant associé

Il ressort des comptes qu'au 31 août 2020, le solde du compte courant associé de M. [T] était créditeur de 2.040,45 euros.

Cette somme sera fixée au passif de la société APHF Ouest.

Sur les demandes accessoires

Au vu de la solution donnée au litige, les dispositions du jugement entrepris relatif aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

M. [T] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, à payer à Me [H] ès-qualités la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [Y] [T] à payer à Me [H], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société APHF Ouest, la somme de 91.720,45 euros ainsi que la somme de 26.311 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2023 ;

Fixe la créance de M. [Y] [T] au passif de la société APHF Ouest à la somme de 2.040,45 euros ;

Condamne M. [Y] [T] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [Y] [T] à payer à Me [H], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société APHF Ouest, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT

EMPECHE

N. LE GALL L. COURTADE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site