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Décisions

Cass. 2e civ., 18 septembre 2025, n° 24-16.308

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cass. 2e civ. n° 24-16.308

17 septembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 9 avril 2024), les sociétés SRD Com [Adresse 4], RSF Diffusion et [Localité 6] Loisirs, dont la société RS Financial est actionnaire, (les assurées), exploitantes de fonds de commerce d'achat, de vente et de location de véhicules de loisir, ont souscrit auprès de la société Areas assurances (l'assureur) un contrat d'assurance dénommé « multirisque des professionnels de l'automobile Multiproauto ».

2. À la suite d'un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les magasins de vente d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, les assurées ont effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur, qui a refusé sa garantie.

3. Les assurées ont assigné l'assureur en indemnisation de leurs pertes d'exploitation devant un tribunal de commerce.

Examen du moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les assurées font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes d'indemnisation dirigées contre l'assureur, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, pour dire que les sociétés assurées, qui exerçaient l'activité d'achat vente et location de camping-cars, ne démontraient pas la réunion des conditions d'application de la garantie « pertes d'exploitation » consécutive à une « interdiction d'accès » qu'ils avaient souscrites auprès de l'assureur, l'arrêt retient que « dans la mesure où l'expression "interdiction d'accès" qui ne renvoie à aucune notion juridique ou technique, n'est pas spécialement définie par les stipulations contractuelles, il convient de se référer à son acception courante, qui s'entend d'une défense absolue et générale d'accéder matériellement à des locaux », puis qu'« en l'espèce, il est établi qu'en application de l'arrêté ministériel du 15 mars 2020, ayant complété l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, il a été interdit aux sociétés appelantes, du 16 mars 2020 au 12 mai 2020, d'accueillir du public au sein de leurs établissements respectifs, excepté pour certaines activités dont notamment les livraisons et retraits de commandes, l'entretien et la réparation de véhicules, le commerce d'équipements automobiles, la location ou location-bail de véhicules automobiles. Toutefois, une telle restriction du droit des entreprises d'accueillir du public, qui limitait les entrées à l'intérieur des établissements afin de réduire les échanges entre les personnes, mais laissait subsister une possibilité légale et matérielle d'accéder aux locaux, notamment pour les exploitants et les salariés, pour des besoins de fonctionnement, d'entretien, voire de poursuite de l'exploitation commerciale sous une forme autorisée, ne saurait être assimilée à une "interdiction d'accès" » ; qu'en statuant ainsi, quand au regard de l'activité assurée d'achat vente et location de camping-cars, activité commerciale « non essentielle » pour laquelle il était interdit aux clients de se rendre dans les locaux des concessions en période de confinement, l'interdiction d'accès s'entendait nécessairement d'une interdiction à l'endroit des clients, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer le contrat d'assurances, a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

6. Pour rejeter les demandes présentées par les assurées, après avoir jugé qu'étaient couvertes les pertes d'exploitation résultant de l'événement « interdiction d'accès » aux locaux, l'arrêt énonce que dans la mesure où l'expression « interdiction d'accès », qui ne renvoie à aucune notion juridique ou technique, n'est pas spécialement définie par les stipulations contractuelles, il convient de se référer à son acception courante, qui s'entend d'une défense absolue et générale d'accéder matériellement à des locaux.

7. Il constate, ensuite, qu'en application des arrêtés et décrets, adoptés successivement à compter du 14 mars 2020, puis du 29 octobre 2020, les commerces de vente n'ont plus pu recevoir du public à compter du 15 mars 2020 jusqu'au 1er juin 2020, puis à compter du 30 octobre 2020, mais que les activités de livraison et de retrait de commande restaient autorisées.

8. Il ajoute qu'une telle restriction du droit des entreprises d'accueillir du public, qui limitait les entrées à l'intérieur des établissements afin de réduire les échanges entre les personnes, mais laissait subsister une possibilité légale et matérielle d'accéder aux locaux, notamment pour les exploitants et les salariés, pour des besoins de fonctionnement, d'entretien, voire de poursuite de l'exploitation commerciale sous une forme autorisée, ne saurait être assimilée à une « interdiction d'accès ».

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les décrets du 15 mars 2020 et du 29 octobre 2020 avaient interdit aux commerces de vente d'accueillir du public, ce qui constituait, au sens de la stipulation contractuelle, une mesure d'interdiction d'accès aux locaux dans lesquels les assurées exploitaient leur fonds de commerce émanant des autorités administratives, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Areas assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Areas assurances et la condamne à payer aux sociétés SRD Com [Adresse 4], RSF Diffusion, [Localité 6] Loisirs et RS Financial la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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