CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 2 octobre 2025, n° 21/15125
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15125 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJLW
SARL TESS DEVELOPPEMENT
SARL MASTERCOIFF
C/
SOCIETE TOSELLO
Copie exécutoire délivrée
le : 2 Octobre 2025
à :
Me Isabelle FICI
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] en date du 30 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/04457.
APPELANTES
SARL TESS DEVELOPPEMENT
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Vincent EHRENFELD, avocat au barreau de NICE
SARL MASTERCOIFF
prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [N] [S] représentant la SELARL GM
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Vincent EHRENFELD, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SOCIETE TOSELLO
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Michel MONTAGARD de l'AARPI MONTAGARD & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,
et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d'un acte en date du 11 mai 2016, la société civile Tosello a donné à bail commercial à la SARL Mastercoiff, dans un immeuble sis à [Localité 5], à l'angle de l'[Adresse 7] et du [Adresse 3], les lots suivants:
- lot 52: un local commercial en rez-de-chaussée avec WC, bureau, mezzanine et en sous-sol , un local avec accès direct au rez-de-chaussée, l'ensemble formant l'angle des [Adresse 8],
- lot 50: un local commercial en rez-de-chaussée avec WC, arrière-boutique, accès au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 10], [Adresse 3], ainsi qu'un local en sous-sol avec accès direct au rez-de-chaussée.
Ces deux lots sont reliés et forment un seul local commercial.
Ledit bail était consenti pour une durée de neuf années et moyennant un loyer mensuel hors charges de 3.600 €.
Les lieux étaient destinés aux activités de salon de coiffure, vente de produits et d'articles de soin et de beauté.
En accord avec le bailleur et par acte du 1er juillet 2016, la SARL Mastercoiff a sous-loué une partie du lot 52 en rez-de-chaussée à la SARL Tess Développement, les deux sociétés étant représentées par le même gérant.
En cours de bail, des infiltrations sont apparues dans le local commercial.
Le 6 novembre 2018, la SARL Mastercoiff a fait signifier à la SC Tosello un congé à effet du 26 mai 2019, fin de la première période triennale, faisant valoir que l'exploitation du sous-sol était impossible.
Par acte du 19 juillet 2019, la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement ont fait assigner la SCI Tosello en indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 30 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a:
- débouté la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné in solidum la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement à payer à la SC Tosello une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement au paiement des entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- les demanderesses versent aux débats deux constats d'huissier en date des 24 septembre 2018 et 11 octobre 2018 faisant état de phénomènes d'infiltrations, d'une forte odeur d'humidité et de la présence de moisissures,
- par courrier du 8 octobre 2018, l'agence Guynemer, gestionnaire du local litigieux , a informé la preneuse de l'acceptation d'un devis pour améliorer la circulation de l'air dans les locaux et remédier aux problèmes d'humidité localisés en sous-sol,
- en réponse, la SARL Mastercoiff a indiqué que le sous-sol était inexploitable depuis le mois de juillet 2017 en raison de ces problèmes d'infiltrations et que la solution proposée était tardive et inefficace,
- aucun élément ne permet d'établir que le bailleur était informé de telles difficultés depuis le mois de juillet 2017,
- le bail commercial met à la charge du preneur les dépenses de réparation ne relevant pas de celles mentionnées à l'article 606 du code civil et il n'est pas justifié de l'origine des infiltrations, ni que les travaux nécessaires pour y remédier soient à la charge du bailleur par application des clauses contractuelles.
Par déclaration en date du 25 octobre 2021, la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 6 février 2025, la société Mastercoiff, Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, intervenant volontaire, et la société Tess Développement demandent à la cour de:
- recevoir l'intervention volontaire de Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024,
- annuler, à défaut réformer, à tout le moins infirmer le jugement en date du 30 septembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu les articles 1719 et 1231-1 du code civil,
- condamner la SCI Tosello à verser à la SARL Mastercoiff, en indemnisation de ses préjudices, les sommes suivantes:
* 26.479, 44 €+ 1.641, 23 € au titre des frais de relogement de l'activité vente à distance,
* 98.235 € en indemnisation de la perte du fonds de boutique,
* 44.000 € au titre du préjudice de jouissance,
Vu l'article 1240 du code civil,
- condamner la SCI Tosello à verser à la SARL Tess Développement, en indemnisation de ses préjudices:
* 170.910 € en indemnisation de la perte du fonds de commerce de salon de coiffure,
Y ajoutant,
- condamner la SCI Tosello au paiement de la somme de 2.500 € au profit de chacune des appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais du constat d'huissier de justice.
La société Tosello, suivant ses dernières conclusions déposées et signifiées le 11 février 2025, demande à la cour de:
Vu les articles 606 et 1719, 1231-1 et 1240 du code civil,
- recevoir les moyens et arguments soulevés par la société Tosello,
- dire que Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, intervient volontairement à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024,
En conséquence
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu le 30 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse,
- débouter la société Mastercoiff, Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff et la société Tess Développement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les sociétés Mastercoiff et Tess Développement à verser à la société civile Tosello la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS
Il convient de recevoir Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024, en son intervention volontaire et de la déclarer recevable et bien fondée.
Sur la responsabilité de la société Tosello
La société Mastercoiff recherche la responsabilité de la société Tosello, au titre de son obligation de délivrance édictée à l'article 1719 du code civil et la société Tess Développement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Les sociétés appelantes soutiennent que la bailleresse et son mandataire ont été régulièrement informés qu'elles subissaient des dégâts des eaux mais se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires et ce, dès le 28 juillet 2017, date de la première réclamation de la SARL Mastercoiff.
Elles font valoir que les mesures proposées tardivement par l'Agence Guynemer étaient notoirement insuffisantes et que la SCI Tosello n'a non seulement fait procéder à aucun travaux significatif mais n'a pas exercé une quelconque contrainte envers la copropriété alors qu'il a finalement pu être établi que les désordres provenaient des parties communes de l'immeuble.
Elles considèrent que le bailleur ne peut se retrancher derrière le fait que les désordres affectent les parties communes pour s'exonérer de sa responsabilité.
La société Tosello conteste une telle analyse rappelant qu'à la lecture du procès-verbal de constat d'entrée du 1er juin 2016, le local commercial était en bon état, aucune réserve n'ayant été émise par la locataire, étant précisé que celle-ci a effectué des travaux d'aménagement lors de la prise de possession des lieux.
Se prévalant des différentes clauses du bail, elle fait valoir que:
- les sociétés appelantes ne démontrent pas que les travaux à effectuer pour remédier aux désordres ne résultent pas d'une inexécution par le locataire de son obligation d'entretien, dès lors qu'en sa qualité de bailleresse, elle n'est tenue que des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, l'origine des infiltrations n'étant pas établie en l'espèce,
- elle justifie, par l'intermédiaire de son mandataire, ne pas être restée inactive et avoir tenté de résoudre les désordres, y compris envers le syndic et il appartenait aux appelantes d'en tirer les conséquences,
- la société Mastercoiff n'a pas informé son bailleur ni de l'existence de difficultés liées à la présence d'eau dans les locaux à compter de juillet 2017, ni des suites données par son assureur suite à sa saisine le 28 juillet 2017, la première réclamation qui lui a été adressée datant d'octobre 2018, attestant d'une grande passivité de la preneuse.
Les parties sont en l'état d'un acte sous seing privé en date du 11 mai 2016 par lequel la société Tosello a donné à bail commercial à la SARL Mastercoiff les lots n° 52 et 50 dépendant d'un immeuble dénommé Mon Désir situé à l'angle de l'[Adresse 7] et du [Adresse 3] à [Adresse 6] [Localité 1], pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2016 et moyennant un loyer mensuel de 3.600 € HT.
Ledit bail comporte un paragraphe 9 ' Dépenses d'entretien et de réparations' stipulant que ' Le locataire devra assurer l'entretien complet des lieux loués de manière à ce qu'ils soient constamment en état de propreté. Le locataire ne devra rien faire ni laisser faire qui puisse détériorer les lieux loués. Il devra prévenir le bailleur, sans aucun retard et par lettre recommandée avec avis de réception, sous peine d'être personnellement responsable de toute atteinte qui serait portée à la propriété, en cas de travaux, de dégradations et détériorations qui viendraient se produire dans les lieux loués et qui rendraient nécessaire l'intervention du bailleur.
Le bailleur prendra à sa charge:
- les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil réalisées dans les lieux loués ou l'immeuble dans lequel il se trouvent;
- dès lors qu'elles relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil: les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en accessibilité ou en conformité avec la réglementation, réalisés dans les lieux loués ou l'immeuble dans lequel il se trouvent (...);
Le locataire prendra à sa charge:
- dès lors qu'elles ne relèvent pas des dépenses de réparation mentionnées à l'article 606 du code civil:
* celles relatives aux travaux de réfection, remise en état, réparation même celles rendues nécessaire en raison de la vétusté, d'un vice caché, de la mise en conformité avec la réglementation, de la mise en accessibilité, que ceux-ci soient afférents aux biens loués ou à l'immeuble dans lequel ils se trouvent (...)
- les dépenses pour travaux et réparations rendues nécessaires en raison d'un défaut d'entretien ou d'exécution de travaux incombant au locataire ou en cas de dégradations de son fait, de celui de sa clientèle ou de son personnel, que ces dépenses relèvent ou non de l'article 606 du code civil, (...)
- les dépenses de recherche de fuites de toute nature (...)'
L'article 12.5 des conditions générales du bail stipule que 'le locataire devra assurer et maintenir assurés auprès d'une compagnie notoirement solvable, les biens loués, les aménagements, les objets mobiliers, matériel et marchandises contre ( ...) les dégâts des eaux (...)'
Par ailleurs, en vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (...).
Le bailleur est ainsi tenu sans qu'il soit besoin d'une obligation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. Il ne s'agit pas d'une exécution instantanée exécutée dès la remise matérielle des lieux et cette obligation de délivrance pèse sur le bailleur tout au long du bail.
Le bailleur est responsable en cas d'inexécution ou mauvaise exécution de son obligation de délivrance. Si le bailleur est responsable des troubles de droit causés par des tiers, il ne l'est pas pour des troubles de fait.
Par ailleurs, si le bailleur d'un local commercial dépendant d'un immeuble relevant de la copropriété, ne doit pas garantir le preneur du trouble que le syndicat des copropriétaires crée à sa jouissance, il doit néanmoins justifier de ses diligences envers le syndicat des copropriétaires pour la mise en oeuvre de mesures adaptées, lorsque le trouble de jouissance subi par le preneur est causé par des désordres provenant des parties communes de l'immeuble.
A l'appui de ses prétentions, la société locataire communique deux procès-verbaux de constat:
- le premier en date du 24 septembre 2018, selon lequel l'huissier a relevé en arrivant dans les locaux formant le sous-sol que ceux-ci sont parfaitement propres mais en remontant dans le premier volume arrivant au droit des escaliers, des phénomènes de moisissures sur les plinthes en bois, un décollement de la matière, un nombre important de tâches de rouille sur une grille de ventilation métallique et une forte odeur d'humidité et de moisissure, des constatations similaires ayant été opérées dans deux autres volumes visités par l'huissier,
- le second établi le 11 octobre 2018, dans un contexte de fortes pluies qui se sont abattues sur la région, mettant en évidence qu'une forte odeur d'humidité et de moisissure se dégage du local commercial et qu'au sous-sol, dans le dernier volume, au droit du pignon nord /est, le sol est recouvert d'eau et qu'il existe un phénomène d'infiltrations d'eau.
Par courrier du 11 octobre 2018, la société Mastercoiff a affirmé à l'agence Guynemer, en charge de la gestion du bien, que ce phénomène d'infiltrations existait depuis la prise de possession des lieux, avec la présence de champignons sur les murs. Dans un autre courrier du 2 novembre 2018, le conseil de la preneuse indiquait que le sous-sol était inexploitable depuis le début du mois de juillet 2017, à raison d'infiltrations d'eau et d'une humidité permanente.
Il ressort, toutefois, du procès-verbal de constat dressé le 1er juin 2016 lors de la prise de possession des lieux par la SARL Mastercoiff que les locaux donnés à bail sont en bon état général. Aucun manquement à son obligation de délivrance lors de l'entrée dans les lieux du preneur n'est donc établi à l'égard de la société Tosello.
La SARL Mastercoiff est revenue sur sa position initiale pour finalement indiquer que les désordres seraient apparus au cours de l'été 2017 et prétend avoir adressé de multiples réclamations à la société Tosello, lesquelles seraient restées vaines, mais n'est pas en mesure de justifier avoir informé le bailleur d'une quelconque difficulté liée à la présence d'eau dans le local depuis le mois de juillet 2017.
Son premier courrier est daté du 11 octobre 2018, alors que les désordres seraient apparus plus d'un an auparavant, relatant une entrevue avec l'agence Guynemer en juillet 2018.
La SARL Mastercoiff ne rapporte pas la preuve d' avoir informé le bailleur d'une quelconque difficulté avant l'été 2018.
Elle produit certes un courriel du 27 juillet 2017 adressé à son assureur relatant que ' On a eu un dégât des eaux ce matin au salon, au sous-sol, quelle est la procédure pour la déclaration' ' et la réponse qui a été apportée en ces termes' Dans l'ordre il, faut arrêter la fuite et faire une déclaration de sinistre. Si la fuite est du ressort de la copropriété, il faut faire constat dégât des eaux avec le syndic. Garder éventuellement la facture de la recherche de fuite car elle sera prise en charge si le sinistre est pris en charge '. Toutefois, elle ne démontre pas l'avoir transmis à son bailleur ou à son représentant, ni y avoir apporté une quelconque suite.
La SARL Mastercoiff ne justifie pas, dans ces conditions, de la réalité et des suites données à ce dégât dont elle fait état si elle a suivi les recommandations de son assureur ( et notamment d'une recherche de fuite). En tout état de cause, la société Tosello n'en a pas été informée pendant de nombreux mois, ce qui ne pouvait que contribuer à une aggravation des désordres ci ceux-ci étaient avérés.
La preneuse est manifestement restée totalement passive pendant plus d'une année et la société Tosello établit, que lorsqu'elle a été avisée de l'existence d'infiltrations, elle a pris des dispositions afin de remédier aux désordres en ce que son gestionnaire de bien a d'abord informé la preneuse, par courrier du 8 octobre 2018, de l'acceptation d'un devis pour améliorer la circulation de l'air dans les locaux et remédier aux problèmes d'humidité localisés au sous-sol, proposition que la SARL Mastrecoiff a refusé au motif qu'une telle solution serait insuffisante et tardive pour remédier aux difficultés rencontrées sans justifier pour autant le bien fondé de ce refus.
L'agence Guynemer s'est, en outre, rapprochée du syndic de la copropriété de l'immeuble ( courriel du 26 octobre 2018) pour l'informer du sinistre subi par le locataire et par là déterminer si l'origine de ce sinistre pouvait se situer dans les parties communes de l'immeuble, étant précisé que:
- le 29 octobre 2018, le syndic a indiqué qu'un rendez-vous allait être pris avec l'entreprise RCP et le gérant la société Tosello,
- suite à ce rendez-vous intervenu le 16 novembre 2018, il a été constaté que les immeubles voisins se sont raccordés au regard d'égout situé à l'entrée de l'immeuble dans lequel le local considéré se situe, à l'origine des inondations,
- l'agence Guyenemer a alors demandé au syndic de faire le nécessaire et de l'informer des démarches accomplies.
En considérations de ces éléments, il apparaît que:
- le bailleur a satisfait à son obligation de délivrance lors de l'entrée dans les lieux de la locataire,
- en cours de bail, la SARL Mastercoiff prétend avoir subi des infiltrations dans le sous-sol des locaux à compter de juillet 2017 mais sans justifier de la réalité de cette affirmation et surtout n'a pas informé le bailleur d'une quelconque difficulté liée à la présence d'eau dans le local pendant plus d'un an,
- lorsque le bailleur en a été avisé, il a pris les dispositions nécessaires en proposant d'effectuer des travaux au sein des locaux qui ont été refusés sans motif valable par la preneuse et en effectuant les démarches auprès du syndic de la copropriété aux fins de rechercher si les fuites pouvaient provenir des parties communes avant de réclamer d'y remédier une fois le diagnostic posé.
Il ne peut donc dans ces conditions être reproché à la société Tosello un manquement à son obligation de délivrance au cours de l'exécution du bail dès lors qu'elle a pris les dispositions pour y remédier, une fois qu'elle a eu connaissance de ce problème d'infiltrations affectant les locaux loués.
Aucun manquement contractuel de la part du bailleur n'étant démontré, les demandes de la société Mastercoiff dirigées à l'encontre de la société Tosello seront rejetées.
La SARL Tess Développement, sous locataire, qui agit sur le fondement de la responsabilité délictuelle ne rapporte pas la faute d'une faute commise par la société Tosello en l'absence de manquement contractuel dans le cadre du bail conclu entre la locataire principale et la bailleresse.
Elle sera également déboutée de ses demandes.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Reçoit Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024, en son intervention volontaire, la déclare recevable et bien fondée,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Mastercoiff, représentée par son liquidateur Me [N] [S] et la société Tess Développement à payer à la société Tosello la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens de la procédure d'appel à la charge de la société Mastercoiff, représentée par son liquidateur Me [N] [S] et de la société Tess Développement.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15125 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJLW
SARL TESS DEVELOPPEMENT
SARL MASTERCOIFF
C/
SOCIETE TOSELLO
Copie exécutoire délivrée
le : 2 Octobre 2025
à :
Me Isabelle FICI
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] en date du 30 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/04457.
APPELANTES
SARL TESS DEVELOPPEMENT
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Vincent EHRENFELD, avocat au barreau de NICE
SARL MASTERCOIFF
prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me [N] [S] représentant la SELARL GM
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Vincent EHRENFELD, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SOCIETE TOSELLO
, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Michel MONTAGARD de l'AARPI MONTAGARD & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,
et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d'un acte en date du 11 mai 2016, la société civile Tosello a donné à bail commercial à la SARL Mastercoiff, dans un immeuble sis à [Localité 5], à l'angle de l'[Adresse 7] et du [Adresse 3], les lots suivants:
- lot 52: un local commercial en rez-de-chaussée avec WC, bureau, mezzanine et en sous-sol , un local avec accès direct au rez-de-chaussée, l'ensemble formant l'angle des [Adresse 8],
- lot 50: un local commercial en rez-de-chaussée avec WC, arrière-boutique, accès au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 10], [Adresse 3], ainsi qu'un local en sous-sol avec accès direct au rez-de-chaussée.
Ces deux lots sont reliés et forment un seul local commercial.
Ledit bail était consenti pour une durée de neuf années et moyennant un loyer mensuel hors charges de 3.600 €.
Les lieux étaient destinés aux activités de salon de coiffure, vente de produits et d'articles de soin et de beauté.
En accord avec le bailleur et par acte du 1er juillet 2016, la SARL Mastercoiff a sous-loué une partie du lot 52 en rez-de-chaussée à la SARL Tess Développement, les deux sociétés étant représentées par le même gérant.
En cours de bail, des infiltrations sont apparues dans le local commercial.
Le 6 novembre 2018, la SARL Mastercoiff a fait signifier à la SC Tosello un congé à effet du 26 mai 2019, fin de la première période triennale, faisant valoir que l'exploitation du sous-sol était impossible.
Par acte du 19 juillet 2019, la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement ont fait assigner la SCI Tosello en indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 30 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a:
- débouté la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné in solidum la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement à payer à la SC Tosello une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement au paiement des entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
- les demanderesses versent aux débats deux constats d'huissier en date des 24 septembre 2018 et 11 octobre 2018 faisant état de phénomènes d'infiltrations, d'une forte odeur d'humidité et de la présence de moisissures,
- par courrier du 8 octobre 2018, l'agence Guynemer, gestionnaire du local litigieux , a informé la preneuse de l'acceptation d'un devis pour améliorer la circulation de l'air dans les locaux et remédier aux problèmes d'humidité localisés en sous-sol,
- en réponse, la SARL Mastercoiff a indiqué que le sous-sol était inexploitable depuis le mois de juillet 2017 en raison de ces problèmes d'infiltrations et que la solution proposée était tardive et inefficace,
- aucun élément ne permet d'établir que le bailleur était informé de telles difficultés depuis le mois de juillet 2017,
- le bail commercial met à la charge du preneur les dépenses de réparation ne relevant pas de celles mentionnées à l'article 606 du code civil et il n'est pas justifié de l'origine des infiltrations, ni que les travaux nécessaires pour y remédier soient à la charge du bailleur par application des clauses contractuelles.
Par déclaration en date du 25 octobre 2021, la SARL Mastercoiff et la SARL Tess Développement ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 6 février 2025, la société Mastercoiff, Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, intervenant volontaire, et la société Tess Développement demandent à la cour de:
- recevoir l'intervention volontaire de Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024,
- annuler, à défaut réformer, à tout le moins infirmer le jugement en date du 30 septembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu les articles 1719 et 1231-1 du code civil,
- condamner la SCI Tosello à verser à la SARL Mastercoiff, en indemnisation de ses préjudices, les sommes suivantes:
* 26.479, 44 €+ 1.641, 23 € au titre des frais de relogement de l'activité vente à distance,
* 98.235 € en indemnisation de la perte du fonds de boutique,
* 44.000 € au titre du préjudice de jouissance,
Vu l'article 1240 du code civil,
- condamner la SCI Tosello à verser à la SARL Tess Développement, en indemnisation de ses préjudices:
* 170.910 € en indemnisation de la perte du fonds de commerce de salon de coiffure,
Y ajoutant,
- condamner la SCI Tosello au paiement de la somme de 2.500 € au profit de chacune des appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais du constat d'huissier de justice.
La société Tosello, suivant ses dernières conclusions déposées et signifiées le 11 février 2025, demande à la cour de:
Vu les articles 606 et 1719, 1231-1 et 1240 du code civil,
- recevoir les moyens et arguments soulevés par la société Tosello,
- dire que Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, intervient volontairement à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024,
En conséquence
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu le 30 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse,
- débouter la société Mastercoiff, Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff et la société Tess Développement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les sociétés Mastercoiff et Tess Développement à verser à la société civile Tosello la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS
Il convient de recevoir Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024, en son intervention volontaire et de la déclarer recevable et bien fondée.
Sur la responsabilité de la société Tosello
La société Mastercoiff recherche la responsabilité de la société Tosello, au titre de son obligation de délivrance édictée à l'article 1719 du code civil et la société Tess Développement, sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Les sociétés appelantes soutiennent que la bailleresse et son mandataire ont été régulièrement informés qu'elles subissaient des dégâts des eaux mais se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires et ce, dès le 28 juillet 2017, date de la première réclamation de la SARL Mastercoiff.
Elles font valoir que les mesures proposées tardivement par l'Agence Guynemer étaient notoirement insuffisantes et que la SCI Tosello n'a non seulement fait procéder à aucun travaux significatif mais n'a pas exercé une quelconque contrainte envers la copropriété alors qu'il a finalement pu être établi que les désordres provenaient des parties communes de l'immeuble.
Elles considèrent que le bailleur ne peut se retrancher derrière le fait que les désordres affectent les parties communes pour s'exonérer de sa responsabilité.
La société Tosello conteste une telle analyse rappelant qu'à la lecture du procès-verbal de constat d'entrée du 1er juin 2016, le local commercial était en bon état, aucune réserve n'ayant été émise par la locataire, étant précisé que celle-ci a effectué des travaux d'aménagement lors de la prise de possession des lieux.
Se prévalant des différentes clauses du bail, elle fait valoir que:
- les sociétés appelantes ne démontrent pas que les travaux à effectuer pour remédier aux désordres ne résultent pas d'une inexécution par le locataire de son obligation d'entretien, dès lors qu'en sa qualité de bailleresse, elle n'est tenue que des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, l'origine des infiltrations n'étant pas établie en l'espèce,
- elle justifie, par l'intermédiaire de son mandataire, ne pas être restée inactive et avoir tenté de résoudre les désordres, y compris envers le syndic et il appartenait aux appelantes d'en tirer les conséquences,
- la société Mastercoiff n'a pas informé son bailleur ni de l'existence de difficultés liées à la présence d'eau dans les locaux à compter de juillet 2017, ni des suites données par son assureur suite à sa saisine le 28 juillet 2017, la première réclamation qui lui a été adressée datant d'octobre 2018, attestant d'une grande passivité de la preneuse.
Les parties sont en l'état d'un acte sous seing privé en date du 11 mai 2016 par lequel la société Tosello a donné à bail commercial à la SARL Mastercoiff les lots n° 52 et 50 dépendant d'un immeuble dénommé Mon Désir situé à l'angle de l'[Adresse 7] et du [Adresse 3] à [Adresse 6] [Localité 1], pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2016 et moyennant un loyer mensuel de 3.600 € HT.
Ledit bail comporte un paragraphe 9 ' Dépenses d'entretien et de réparations' stipulant que ' Le locataire devra assurer l'entretien complet des lieux loués de manière à ce qu'ils soient constamment en état de propreté. Le locataire ne devra rien faire ni laisser faire qui puisse détériorer les lieux loués. Il devra prévenir le bailleur, sans aucun retard et par lettre recommandée avec avis de réception, sous peine d'être personnellement responsable de toute atteinte qui serait portée à la propriété, en cas de travaux, de dégradations et détériorations qui viendraient se produire dans les lieux loués et qui rendraient nécessaire l'intervention du bailleur.
Le bailleur prendra à sa charge:
- les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil réalisées dans les lieux loués ou l'immeuble dans lequel il se trouvent;
- dès lors qu'elles relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil: les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en accessibilité ou en conformité avec la réglementation, réalisés dans les lieux loués ou l'immeuble dans lequel il se trouvent (...);
Le locataire prendra à sa charge:
- dès lors qu'elles ne relèvent pas des dépenses de réparation mentionnées à l'article 606 du code civil:
* celles relatives aux travaux de réfection, remise en état, réparation même celles rendues nécessaire en raison de la vétusté, d'un vice caché, de la mise en conformité avec la réglementation, de la mise en accessibilité, que ceux-ci soient afférents aux biens loués ou à l'immeuble dans lequel ils se trouvent (...)
- les dépenses pour travaux et réparations rendues nécessaires en raison d'un défaut d'entretien ou d'exécution de travaux incombant au locataire ou en cas de dégradations de son fait, de celui de sa clientèle ou de son personnel, que ces dépenses relèvent ou non de l'article 606 du code civil, (...)
- les dépenses de recherche de fuites de toute nature (...)'
L'article 12.5 des conditions générales du bail stipule que 'le locataire devra assurer et maintenir assurés auprès d'une compagnie notoirement solvable, les biens loués, les aménagements, les objets mobiliers, matériel et marchandises contre ( ...) les dégâts des eaux (...)'
Par ailleurs, en vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (...).
Le bailleur est ainsi tenu sans qu'il soit besoin d'une obligation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. Il ne s'agit pas d'une exécution instantanée exécutée dès la remise matérielle des lieux et cette obligation de délivrance pèse sur le bailleur tout au long du bail.
Le bailleur est responsable en cas d'inexécution ou mauvaise exécution de son obligation de délivrance. Si le bailleur est responsable des troubles de droit causés par des tiers, il ne l'est pas pour des troubles de fait.
Par ailleurs, si le bailleur d'un local commercial dépendant d'un immeuble relevant de la copropriété, ne doit pas garantir le preneur du trouble que le syndicat des copropriétaires crée à sa jouissance, il doit néanmoins justifier de ses diligences envers le syndicat des copropriétaires pour la mise en oeuvre de mesures adaptées, lorsque le trouble de jouissance subi par le preneur est causé par des désordres provenant des parties communes de l'immeuble.
A l'appui de ses prétentions, la société locataire communique deux procès-verbaux de constat:
- le premier en date du 24 septembre 2018, selon lequel l'huissier a relevé en arrivant dans les locaux formant le sous-sol que ceux-ci sont parfaitement propres mais en remontant dans le premier volume arrivant au droit des escaliers, des phénomènes de moisissures sur les plinthes en bois, un décollement de la matière, un nombre important de tâches de rouille sur une grille de ventilation métallique et une forte odeur d'humidité et de moisissure, des constatations similaires ayant été opérées dans deux autres volumes visités par l'huissier,
- le second établi le 11 octobre 2018, dans un contexte de fortes pluies qui se sont abattues sur la région, mettant en évidence qu'une forte odeur d'humidité et de moisissure se dégage du local commercial et qu'au sous-sol, dans le dernier volume, au droit du pignon nord /est, le sol est recouvert d'eau et qu'il existe un phénomène d'infiltrations d'eau.
Par courrier du 11 octobre 2018, la société Mastercoiff a affirmé à l'agence Guynemer, en charge de la gestion du bien, que ce phénomène d'infiltrations existait depuis la prise de possession des lieux, avec la présence de champignons sur les murs. Dans un autre courrier du 2 novembre 2018, le conseil de la preneuse indiquait que le sous-sol était inexploitable depuis le début du mois de juillet 2017, à raison d'infiltrations d'eau et d'une humidité permanente.
Il ressort, toutefois, du procès-verbal de constat dressé le 1er juin 2016 lors de la prise de possession des lieux par la SARL Mastercoiff que les locaux donnés à bail sont en bon état général. Aucun manquement à son obligation de délivrance lors de l'entrée dans les lieux du preneur n'est donc établi à l'égard de la société Tosello.
La SARL Mastercoiff est revenue sur sa position initiale pour finalement indiquer que les désordres seraient apparus au cours de l'été 2017 et prétend avoir adressé de multiples réclamations à la société Tosello, lesquelles seraient restées vaines, mais n'est pas en mesure de justifier avoir informé le bailleur d'une quelconque difficulté liée à la présence d'eau dans le local depuis le mois de juillet 2017.
Son premier courrier est daté du 11 octobre 2018, alors que les désordres seraient apparus plus d'un an auparavant, relatant une entrevue avec l'agence Guynemer en juillet 2018.
La SARL Mastercoiff ne rapporte pas la preuve d' avoir informé le bailleur d'une quelconque difficulté avant l'été 2018.
Elle produit certes un courriel du 27 juillet 2017 adressé à son assureur relatant que ' On a eu un dégât des eaux ce matin au salon, au sous-sol, quelle est la procédure pour la déclaration' ' et la réponse qui a été apportée en ces termes' Dans l'ordre il, faut arrêter la fuite et faire une déclaration de sinistre. Si la fuite est du ressort de la copropriété, il faut faire constat dégât des eaux avec le syndic. Garder éventuellement la facture de la recherche de fuite car elle sera prise en charge si le sinistre est pris en charge '. Toutefois, elle ne démontre pas l'avoir transmis à son bailleur ou à son représentant, ni y avoir apporté une quelconque suite.
La SARL Mastercoiff ne justifie pas, dans ces conditions, de la réalité et des suites données à ce dégât dont elle fait état si elle a suivi les recommandations de son assureur ( et notamment d'une recherche de fuite). En tout état de cause, la société Tosello n'en a pas été informée pendant de nombreux mois, ce qui ne pouvait que contribuer à une aggravation des désordres ci ceux-ci étaient avérés.
La preneuse est manifestement restée totalement passive pendant plus d'une année et la société Tosello établit, que lorsqu'elle a été avisée de l'existence d'infiltrations, elle a pris des dispositions afin de remédier aux désordres en ce que son gestionnaire de bien a d'abord informé la preneuse, par courrier du 8 octobre 2018, de l'acceptation d'un devis pour améliorer la circulation de l'air dans les locaux et remédier aux problèmes d'humidité localisés au sous-sol, proposition que la SARL Mastrecoiff a refusé au motif qu'une telle solution serait insuffisante et tardive pour remédier aux difficultés rencontrées sans justifier pour autant le bien fondé de ce refus.
L'agence Guynemer s'est, en outre, rapprochée du syndic de la copropriété de l'immeuble ( courriel du 26 octobre 2018) pour l'informer du sinistre subi par le locataire et par là déterminer si l'origine de ce sinistre pouvait se situer dans les parties communes de l'immeuble, étant précisé que:
- le 29 octobre 2018, le syndic a indiqué qu'un rendez-vous allait être pris avec l'entreprise RCP et le gérant la société Tosello,
- suite à ce rendez-vous intervenu le 16 novembre 2018, il a été constaté que les immeubles voisins se sont raccordés au regard d'égout situé à l'entrée de l'immeuble dans lequel le local considéré se situe, à l'origine des inondations,
- l'agence Guyenemer a alors demandé au syndic de faire le nécessaire et de l'informer des démarches accomplies.
En considérations de ces éléments, il apparaît que:
- le bailleur a satisfait à son obligation de délivrance lors de l'entrée dans les lieux de la locataire,
- en cours de bail, la SARL Mastercoiff prétend avoir subi des infiltrations dans le sous-sol des locaux à compter de juillet 2017 mais sans justifier de la réalité de cette affirmation et surtout n'a pas informé le bailleur d'une quelconque difficulté liée à la présence d'eau dans le local pendant plus d'un an,
- lorsque le bailleur en a été avisé, il a pris les dispositions nécessaires en proposant d'effectuer des travaux au sein des locaux qui ont été refusés sans motif valable par la preneuse et en effectuant les démarches auprès du syndic de la copropriété aux fins de rechercher si les fuites pouvaient provenir des parties communes avant de réclamer d'y remédier une fois le diagnostic posé.
Il ne peut donc dans ces conditions être reproché à la société Tosello un manquement à son obligation de délivrance au cours de l'exécution du bail dès lors qu'elle a pris les dispositions pour y remédier, une fois qu'elle a eu connaissance de ce problème d'infiltrations affectant les locaux loués.
Aucun manquement contractuel de la part du bailleur n'étant démontré, les demandes de la société Mastercoiff dirigées à l'encontre de la société Tosello seront rejetées.
La SARL Tess Développement, sous locataire, qui agit sur le fondement de la responsabilité délictuelle ne rapporte pas la faute d'une faute commise par la société Tosello en l'absence de manquement contractuel dans le cadre du bail conclu entre la locataire principale et la bailleresse.
Elle sera également déboutée de ses demandes.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Reçoit Me [N] [S], représentant de la SELARL GM, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mastercoiff, désigné à ses fonctions par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 14 mai 2024, en son intervention volontaire, la déclare recevable et bien fondée,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Grasse déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Mastercoiff, représentée par son liquidateur Me [N] [S] et la société Tess Développement à payer à la société Tosello la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens de la procédure d'appel à la charge de la société Mastercoiff, représentée par son liquidateur Me [N] [S] et de la société Tess Développement.
Le Greffier, La Présidente,