CA Rennes, référés 7e ch., 25 septembre 2025, n° 25/04734
RENNES
Ordonnance
Autre
Référés 7ème Chambre
ORDONNANCE N°2/2025
N° RG 25/04734 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WDBE
AM TRUST S.A.S.
C/
M. [C] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :25/09/2025
à : Me Chiss et Me Turpin
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 25 SEPTEMBRE 2025
Madame Nadège BOSSARD, Présidente délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2025
ORDONNANCE :
Contradictoire, prononcée publiquement le 25 Septembre 2025, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats
****
Vu l'assignation en référé délivrée le 18 Août 2025
ENTRE :
AM TRUST S.A.S. Prise en la personne de ses représentants légaux,domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Benjamin CHISS, avocat au barreau de PARIS
ET :
Monsieur [C] [J]
né le 04 Novembre 1963 à [Localité 5] (33)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Emmanuel TURPIN de la SELEURL SELURL JURIS LABORIS, avocat au barreau de SAINT-MALO
Le 3 février 2020, M. [C] [J] a conclu avec la société AM TRUST un contrat de travail à temps partiel de conseiller commercial avec une rémunération de 2 000 euros bruts mensuels.
Il travaillait en télétravail.
En mars 2020, M. [J] a été placé en activité partielle en raison de la pandémie COVID-19. Cette situation s'est prolongée pendant 21 mois.
Le 1er octobre 2020, le médecin du travail a préconisé un aménagement de son poste de travail en ces termes 'pas de conduite automobile de plus de 30 minutes'.
Par courrier du 21 mars 2024, la société AM Trust a notifié à M. [J] une dénonciation de l'usage du télétravail et l'a invité prendre contact avec le service des ressoruces humaines afin de définir ses jours de télétravail et de présentiel précisant qu'à défaut de réponse, sa présence serait indispensable sur le site d'[Localité 4].
Après une mise en demeure délivrée à M. [J] de reprendre son emploi, la société AM TRUST lui a notifié le 31 mai 2024 la rupture de son contrat de travail par présomption de démission le 14 mai 2024, en application des dispositions de l'article L.1237-1-1 du code du travail.
M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Dinan en contestation de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 29 avril 2025, le conseil de prud'hommes a :
- déclaré nul le licenciement,
- condamné la société AM TRUST au paiement de :
- 24 000 euros d'indemnité pour licenciement nul,
- 6 000 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 600 euros de congés payés sur préavis,
- 2 165 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 15 695,09 euros pour préjudice lié au placement frauduleux du salarié en chômage partiel,
- 1 569,51 euros de congés payés afférents,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts légaux,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société AM Trust aux dépens.
Le conseil de M. [J] a sollicité la radiation de l'affaire devant le conseiller de la mise en état sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile au motif que la société AM TRUST n'avait pas procédé aux règlements des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes de Dinan assorties de l'exécution provisoire.
Par acte de commissaire de justice en date du 18 août 2025, la société AM TRUST a fait assigner M. [J] devant le premier président de la cour d'appel de Rennes ou son délégué à l'audience du 12 septembre 2025 aux fins de :
À titre principal,
- déclarer la demande d'arrêt de l'exécution provisoire recevable
- arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451)
A titre subsidiaire,
- aménager l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451)
En conséquence,
- cantonner l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451) à la somme de 1500 euros
- ordonner la consignation du montant de 1500 euros entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des Avocats de Rennes ou à défaut entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par leconseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451) jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur l'appel ;
En tout état de cause,
- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- condamner M. [J] aux dépens de la présente instance
- condamner M. [J] à verser à AM TRUST SAS la somme de 1 500 euros par
application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la situation économique de la société est critique en raison d'une crise de trésorerie due à l'inexécution contractuelle du cessionnaire de l'une des branches d'activité d'AM TRUST qui n'a pas payé six échéances d'avril 2023 à avril 2025 ce qui a justifié la désignation d'un mandataire ad hoc au profit d'AM Trust par le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de renégocier des délais de paiement de ses dettes notamment bancaires. Elle expose que son chiffre d'affaires s'est réduit de 90% entre 2022 et 2024, que son résultat net est déficitaire depuis 2022 et s'est aggravé en 2024 et que sa trésorerie de 6 356 euros est insuffisante pour faire face au paiement des sommes qui ont été mises à sa charge par le conseil de prud'hommes de Dinan. Elle soutient que l'exécution de la décision précipiterait l'ouverture d'une procédure collective et mettrait en danger 15 emplois, déstabiliserait ses filiales et anéantirait toute chance de recouvrement pour les créanciers de la société.
Elle considère que l'exécution de la décision lui causerait des conséquences manifestement excessives et soutient qu'il existe un risque de non représentation des fonds au regard de la situation financière de M. [J] dont elle soutient qu'il est débiteur d'une dette fiscale pour laquelle elle avait été destinatire d'un avis à tiers détenteur.
Selon ses conclusions responsives exposées oralement à l'audience, M. [J] demande de déclarer la société AM Trust irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit atttachée au jugement du conseil de prud'hommes de Dinan, de débouter la société AM Trust de l'ensemble de ses demandes, de condamner la société AM Trust à payer la somme de 52 029,60 euros au titre de l'exécution provisoire totale du jugement du 29 avril 2025 du conseil de prud'hommes de Dinan et de condamner la société AM Trust à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au soutien de l'irrecevabilité de la demande relative à l'exécution provisoire de droit, il expose que la société Trust, qui n'a pas fait d'observations en première instance sur l'exécution provisoire, ne démontre pas que l'exécution provisoire de droit risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui soient nées postérieurement à la décision de première instance.
S'agissant de l'exécution provisoire prononcée, il considère que la société ne soulève pas de moyen sérieux d'annulation ou de réformation ni ne démontre que l'exécution provisoire risquerait d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire de droit:
Selon l'article R1454-28 du code du travail, 'à moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.
Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.'
L'article R. 1454-14 vise au 2°) le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions, sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 et de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32.
Selon l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, la société AM Trust a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire. Il lui incombe donc de démontrer que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
La décision est intervenue le 29 avril 2025.
La société AM Trust justifie avoir été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 29 avril 2025 à procéder à une saisie conservatoire à l'encontre de la société MCA Bureautique dont elle est créancière à hauteur de 6 141 189 euros.
Elle ne justifie toutefois pas du montant de la somme saisie.
Elle se limite en outre à communiquer une requête aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc non datée sans justifier ni de son dépôt ni de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce.
Quant au bilan clos au 31 décembre 2024, s'il établit une dégradation de la situation économique de l'entreprise, cet élément est antérieur à la décision du conseil de prud'hommes contestée.
Au demeurant, à la date à laquelle l'affaire a été évoquée devant le conseil de prud'hommes, la société avait connaissance de sa situation dégradée du fait du non respect par le cessionnaire du fonds de commerce cédé de ses obligations de paiement du prix de sorte qu'il n'est pas justifié que des conséquences manifestement excessives se soient révélés postérieurement au jugement.
La demande de suspension de l'exécution provisoire de droit est en conséquence irrecevable.
Sur la demande de suspension de l'exécution provisoire prononcée :
Selon l'article 517-1 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, l'exécution provisoire porte sur une somme de 41 264,60 euros relative à l'indemnité pour licenciement nul, aux dommages-intérêts réparant le préjudice économique lié au placement frauduleux du salarié en chômage partiel et aux congés payés complémentaires alloués par le conseil de prud'hommes à titre indemnitaire.
Il résulte des comptes simplifiés de la société AM Trust tels que communiqués que l'exercice clos au 31 décembre 2024 est déficitaire de 2 522 166 euros. La société a pu faire face à ce résultat négatif grâce à ses réserves. Ses capitaux propres ont subi une réduction drastique pour atteindre 475 808 euros.
Pour autant, ce résultat déficitaire résulte d'une diminution plus forte des produits d'exploitation que des charges, la baisse de chiffre d'affaires résultant de la cession d'une part importante de son activité par la société AM Trust en mars 2023.
Elle indique elle-même avoir procédé à la saisie conservatoire de la somme de
400 000 euros laquelle a été placée sous séquestre dans l'attente du jugement du tribunal de commerce prononcé le 3 septembre 2025 sans qu'elle ne justifie du sens de la décision prononcée.
Si le président du tribunal de commerce a retenu que la société se heurte au non paiement par le cessionnaire de sa branche d'activité du prix de vente de celle-ci pour un solde de 6 141 189 euros, la problématique économique rencontrée par la société porterait sur sa difficulté du fait de cette créance impayée à rembourser le prêt garanti par l'Etat consenti au cours de la période de crise sanitaire pour un montant de 5 250 000 euros dont resterait dû un montant de 2 645 000 euros.
Au regard de cette dette bancaire, la créance exigible de M. [J] ne revêt pas un caractère décisif pour la survie de la société.
Au demeurant, la société AM trust qui communique un relevé bancaire arrêté à la date du 6 août 2025, contemporaine de l'assignation, la créditant de quelques dizaines d'euros ne permet pas de mise en perspective en l'absence d'historique et de prévisionnel de trésorerie.
La société AM Trust ne justifie en outre d'aucune difficulté pour procéder au paiement des salaires lesquels s'élevaient pour l'exercice clos au 31 décembre 2024 à 622 821 euros.
Elle présente des éléments épars et des comptes simplifiés, sans communiquer l'avis d'un expert-comptable sur sa situation.
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré que les condamnations prononcées à l'encontre de la société AM TRUST par le conseil de prud'hommes de Dinan et pour lesquelles cette juridiction a prononcé l'exécution provisoire, alors qu'elle n'était pas de droit, risquent d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société AM Trust.
Quant au risque allégué de non représentation des sommes allouées par le conseil de prud'hommes, elle n'est pas étayée par l'avis à tiers détenteur communiqué par la société AM TRUST lequel daté du 14 mars 2023 est antérieur de trois années au présent litige de sorte qu'au regard de son ancienneté, il ne suffit pas à caractériser l'insolvabilité alléguée de M. [J].
La demande de suspension de l'exécution provisoire est rejetée.
Sur la demande subsidiaire de limitation de l'exécution provisoire et de consignation :
L'article 514-5 du code de procédure civile prévoit que le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
Selon l'article 519 du code de procédure civile, lorsque la garantie consiste en une somme d'argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l'être, à la demande de l'une des parties, entre les mains d'un tiers commis à cet effet.
La demande formulée par la société AM Trust de consigner la somme de 1 500 euros, sur une somme de 40 000 euros mise à la charge de la société par le conseil de prud'hommes, n'est de nature à préserver les droits d'aucune des deux parties de sorte qu'elle est rejetée.
La société AM Trust est condamnée aux dépens et à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
Nous, Nadège Bossard, présidente de chambre, statuant sur délégation de M. le premier président de la cour d'appel de Rennes,
Déclare irrecevable la demande de suspension de l'exécution provisoire de droit du jugement,
Rejette la demande de suspension de l'exécution prononcée par le jugement du conseil de prud'hommes de Dinan le 29 avril 2025 et la demande de consignation,
Condamne la société AM Trust à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AM Trust aux dépens.
Le Greffier Le Président
ORDONNANCE N°2/2025
N° RG 25/04734 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WDBE
AM TRUST S.A.S.
C/
M. [C] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :25/09/2025
à : Me Chiss et Me Turpin
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 25 SEPTEMBRE 2025
Madame Nadège BOSSARD, Présidente délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2025
ORDONNANCE :
Contradictoire, prononcée publiquement le 25 Septembre 2025, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats
****
Vu l'assignation en référé délivrée le 18 Août 2025
ENTRE :
AM TRUST S.A.S. Prise en la personne de ses représentants légaux,domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Benjamin CHISS, avocat au barreau de PARIS
ET :
Monsieur [C] [J]
né le 04 Novembre 1963 à [Localité 5] (33)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Emmanuel TURPIN de la SELEURL SELURL JURIS LABORIS, avocat au barreau de SAINT-MALO
Le 3 février 2020, M. [C] [J] a conclu avec la société AM TRUST un contrat de travail à temps partiel de conseiller commercial avec une rémunération de 2 000 euros bruts mensuels.
Il travaillait en télétravail.
En mars 2020, M. [J] a été placé en activité partielle en raison de la pandémie COVID-19. Cette situation s'est prolongée pendant 21 mois.
Le 1er octobre 2020, le médecin du travail a préconisé un aménagement de son poste de travail en ces termes 'pas de conduite automobile de plus de 30 minutes'.
Par courrier du 21 mars 2024, la société AM Trust a notifié à M. [J] une dénonciation de l'usage du télétravail et l'a invité prendre contact avec le service des ressoruces humaines afin de définir ses jours de télétravail et de présentiel précisant qu'à défaut de réponse, sa présence serait indispensable sur le site d'[Localité 4].
Après une mise en demeure délivrée à M. [J] de reprendre son emploi, la société AM TRUST lui a notifié le 31 mai 2024 la rupture de son contrat de travail par présomption de démission le 14 mai 2024, en application des dispositions de l'article L.1237-1-1 du code du travail.
M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Dinan en contestation de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 29 avril 2025, le conseil de prud'hommes a :
- déclaré nul le licenciement,
- condamné la société AM TRUST au paiement de :
- 24 000 euros d'indemnité pour licenciement nul,
- 6 000 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
- 600 euros de congés payés sur préavis,
- 2 165 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 15 695,09 euros pour préjudice lié au placement frauduleux du salarié en chômage partiel,
- 1 569,51 euros de congés payés afférents,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts légaux,
- prononcé l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société AM Trust aux dépens.
Le conseil de M. [J] a sollicité la radiation de l'affaire devant le conseiller de la mise en état sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile au motif que la société AM TRUST n'avait pas procédé aux règlements des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes de Dinan assorties de l'exécution provisoire.
Par acte de commissaire de justice en date du 18 août 2025, la société AM TRUST a fait assigner M. [J] devant le premier président de la cour d'appel de Rennes ou son délégué à l'audience du 12 septembre 2025 aux fins de :
À titre principal,
- déclarer la demande d'arrêt de l'exécution provisoire recevable
- arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451)
A titre subsidiaire,
- aménager l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451)
En conséquence,
- cantonner l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par le conseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451) à la somme de 1500 euros
- ordonner la consignation du montant de 1500 euros entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des Avocats de Rennes ou à défaut entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 29 avril 2025 par leconseil de prud'hommes de Dinan (RG n°2024-00021451) jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur l'appel ;
En tout état de cause,
- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- condamner M. [J] aux dépens de la présente instance
- condamner M. [J] à verser à AM TRUST SAS la somme de 1 500 euros par
application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la situation économique de la société est critique en raison d'une crise de trésorerie due à l'inexécution contractuelle du cessionnaire de l'une des branches d'activité d'AM TRUST qui n'a pas payé six échéances d'avril 2023 à avril 2025 ce qui a justifié la désignation d'un mandataire ad hoc au profit d'AM Trust par le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de renégocier des délais de paiement de ses dettes notamment bancaires. Elle expose que son chiffre d'affaires s'est réduit de 90% entre 2022 et 2024, que son résultat net est déficitaire depuis 2022 et s'est aggravé en 2024 et que sa trésorerie de 6 356 euros est insuffisante pour faire face au paiement des sommes qui ont été mises à sa charge par le conseil de prud'hommes de Dinan. Elle soutient que l'exécution de la décision précipiterait l'ouverture d'une procédure collective et mettrait en danger 15 emplois, déstabiliserait ses filiales et anéantirait toute chance de recouvrement pour les créanciers de la société.
Elle considère que l'exécution de la décision lui causerait des conséquences manifestement excessives et soutient qu'il existe un risque de non représentation des fonds au regard de la situation financière de M. [J] dont elle soutient qu'il est débiteur d'une dette fiscale pour laquelle elle avait été destinatire d'un avis à tiers détenteur.
Selon ses conclusions responsives exposées oralement à l'audience, M. [J] demande de déclarer la société AM Trust irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit atttachée au jugement du conseil de prud'hommes de Dinan, de débouter la société AM Trust de l'ensemble de ses demandes, de condamner la société AM Trust à payer la somme de 52 029,60 euros au titre de l'exécution provisoire totale du jugement du 29 avril 2025 du conseil de prud'hommes de Dinan et de condamner la société AM Trust à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Au soutien de l'irrecevabilité de la demande relative à l'exécution provisoire de droit, il expose que la société Trust, qui n'a pas fait d'observations en première instance sur l'exécution provisoire, ne démontre pas que l'exécution provisoire de droit risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui soient nées postérieurement à la décision de première instance.
S'agissant de l'exécution provisoire prononcée, il considère que la société ne soulève pas de moyen sérieux d'annulation ou de réformation ni ne démontre que l'exécution provisoire risquerait d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire de droit:
Selon l'article R1454-28 du code du travail, 'à moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.
Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.'
L'article R. 1454-14 vise au 2°) le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions, sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 et de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32.
Selon l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, la société AM Trust a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire. Il lui incombe donc de démontrer que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
La décision est intervenue le 29 avril 2025.
La société AM Trust justifie avoir été autorisée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 29 avril 2025 à procéder à une saisie conservatoire à l'encontre de la société MCA Bureautique dont elle est créancière à hauteur de 6 141 189 euros.
Elle ne justifie toutefois pas du montant de la somme saisie.
Elle se limite en outre à communiquer une requête aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc non datée sans justifier ni de son dépôt ni de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce.
Quant au bilan clos au 31 décembre 2024, s'il établit une dégradation de la situation économique de l'entreprise, cet élément est antérieur à la décision du conseil de prud'hommes contestée.
Au demeurant, à la date à laquelle l'affaire a été évoquée devant le conseil de prud'hommes, la société avait connaissance de sa situation dégradée du fait du non respect par le cessionnaire du fonds de commerce cédé de ses obligations de paiement du prix de sorte qu'il n'est pas justifié que des conséquences manifestement excessives se soient révélés postérieurement au jugement.
La demande de suspension de l'exécution provisoire de droit est en conséquence irrecevable.
Sur la demande de suspension de l'exécution provisoire prononcée :
Selon l'article 517-1 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, l'exécution provisoire porte sur une somme de 41 264,60 euros relative à l'indemnité pour licenciement nul, aux dommages-intérêts réparant le préjudice économique lié au placement frauduleux du salarié en chômage partiel et aux congés payés complémentaires alloués par le conseil de prud'hommes à titre indemnitaire.
Il résulte des comptes simplifiés de la société AM Trust tels que communiqués que l'exercice clos au 31 décembre 2024 est déficitaire de 2 522 166 euros. La société a pu faire face à ce résultat négatif grâce à ses réserves. Ses capitaux propres ont subi une réduction drastique pour atteindre 475 808 euros.
Pour autant, ce résultat déficitaire résulte d'une diminution plus forte des produits d'exploitation que des charges, la baisse de chiffre d'affaires résultant de la cession d'une part importante de son activité par la société AM Trust en mars 2023.
Elle indique elle-même avoir procédé à la saisie conservatoire de la somme de
400 000 euros laquelle a été placée sous séquestre dans l'attente du jugement du tribunal de commerce prononcé le 3 septembre 2025 sans qu'elle ne justifie du sens de la décision prononcée.
Si le président du tribunal de commerce a retenu que la société se heurte au non paiement par le cessionnaire de sa branche d'activité du prix de vente de celle-ci pour un solde de 6 141 189 euros, la problématique économique rencontrée par la société porterait sur sa difficulté du fait de cette créance impayée à rembourser le prêt garanti par l'Etat consenti au cours de la période de crise sanitaire pour un montant de 5 250 000 euros dont resterait dû un montant de 2 645 000 euros.
Au regard de cette dette bancaire, la créance exigible de M. [J] ne revêt pas un caractère décisif pour la survie de la société.
Au demeurant, la société AM trust qui communique un relevé bancaire arrêté à la date du 6 août 2025, contemporaine de l'assignation, la créditant de quelques dizaines d'euros ne permet pas de mise en perspective en l'absence d'historique et de prévisionnel de trésorerie.
La société AM Trust ne justifie en outre d'aucune difficulté pour procéder au paiement des salaires lesquels s'élevaient pour l'exercice clos au 31 décembre 2024 à 622 821 euros.
Elle présente des éléments épars et des comptes simplifiés, sans communiquer l'avis d'un expert-comptable sur sa situation.
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré que les condamnations prononcées à l'encontre de la société AM TRUST par le conseil de prud'hommes de Dinan et pour lesquelles cette juridiction a prononcé l'exécution provisoire, alors qu'elle n'était pas de droit, risquent d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société AM Trust.
Quant au risque allégué de non représentation des sommes allouées par le conseil de prud'hommes, elle n'est pas étayée par l'avis à tiers détenteur communiqué par la société AM TRUST lequel daté du 14 mars 2023 est antérieur de trois années au présent litige de sorte qu'au regard de son ancienneté, il ne suffit pas à caractériser l'insolvabilité alléguée de M. [J].
La demande de suspension de l'exécution provisoire est rejetée.
Sur la demande subsidiaire de limitation de l'exécution provisoire et de consignation :
L'article 514-5 du code de procédure civile prévoit que le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
Selon l'article 519 du code de procédure civile, lorsque la garantie consiste en une somme d'argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l'être, à la demande de l'une des parties, entre les mains d'un tiers commis à cet effet.
La demande formulée par la société AM Trust de consigner la somme de 1 500 euros, sur une somme de 40 000 euros mise à la charge de la société par le conseil de prud'hommes, n'est de nature à préserver les droits d'aucune des deux parties de sorte qu'elle est rejetée.
La société AM Trust est condamnée aux dépens et à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
Nous, Nadège Bossard, présidente de chambre, statuant sur délégation de M. le premier président de la cour d'appel de Rennes,
Déclare irrecevable la demande de suspension de l'exécution provisoire de droit du jugement,
Rejette la demande de suspension de l'exécution prononcée par le jugement du conseil de prud'hommes de Dinan le 29 avril 2025 et la demande de consignation,
Condamne la société AM Trust à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société AM Trust aux dépens.
Le Greffier Le Président