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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 2 octobre 2025, n° 23/04203

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/04203

2 octobre 2025

02/10/2025

ARRÊT N° 25/325

N° RG 23/04203 - N° Portalis DBVI-V-B7H-P3N5

AFR/CI

Décision déférée du 26 Octobre 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 22/01369)

Patrick DEY

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Madame [H] [C]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, intervenant au titre de l'aide juridictionnelle partielle numéro C-31555-2024-3682 du 22/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Toulouse

INTIMEE

S.A.R.L. [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI - PONTACQ - GUY-FAVIER, avocat au barreau de l'ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme AF. RIBEYRON, conseillère chargée du rapport, et F. CROISILLE-CABROL, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par F. CROISILLE-CABROL, conseillère pour la présidente empêchée, et par C. IZARD, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [C] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er mai 2017 en qualité d'employée polyvalente par la Sa AS dont le fonds de commerce a été acquis le 1er février 2019 par la Sarl [O] qui a repris le contrat de travail de Mme [C].

La convention collective applicable est celle de nationale de la restauration rapide. La société emploie moins de 11 salariés.

A compter du 29 novembre 2019, Mme [C] a été placée en arrêt de travail.

Mme [C] a dénoncé le comportement de son employeur par courrier du 17 janvier 2020 auquel ce dernier a répondu le 23 janvier 2020 en contestant les agissements dénoncés.

Le 20 février 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement des dommages et intérêts et indemnités afférentes, outre l'indemnisation de préjudices.

Le 17 juin 2020, la médecine du travail a déclaré Mme [C] inapte à son poste avec la mention 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.'

Le 2 juillet 2020, la société a convoqué Mme [C] à un entretien préalable fixé au 13 juillet suivant, puis lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 juillet 2020,

Le 16 juin 2022, le conseil a ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rôle.

Par conclusions enregistrées par voie électronique le 1er septembre 2022, Mme [C] a sollicité la réinscription de l'affaire aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail comme produisant les effets d'un licenciement nul et subsidiairement, comme produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir condamner la société [O] à lui payer les dommages et intérêts afférents, outre un rappel de salaires pour les jours fériés travaillés non majorés et les périodes de travail sans jours de repos, et à lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi sous astreinte.

Par jugement en date du 26 octobre 2023, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- ordonné la jonction de la procédure RG 23/1369 et de la procédure RG 23/1370,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 20 juillet 2020 prend (sic) les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société [O] à verser la somme de 4.008 euros à titre d'indemnité de préavis.

- dit que le conseil constate à la lecture des pièces du dossier qu'il y a un préjudice mais qu'il y a lieu de le quantifier à hauteur des éléments apportés,

- condamné la société [O] à verser la somme de 2.004,08 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- débouté Mme [C] de sa demande à titre de rappel de salaire,

- condamné la société [O] à remettre à Mme [C] un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi conformes, sans astreinte,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- condamné la société [O] à payer à Mme [C] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société [O] de sa demande de versement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de sa demande de versement des dépens de l'instance,

- condamné la société [O] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [C] a interjeté appel de ce jugement le 5 décembre 2023, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.

Dans ses dernières écritures enregistrées par voie électronique le 16 juillet 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 26 octobre 2023, section commerce, chambre 2, en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de voir dire et juger, à titre principal, son licenciement nul, et, à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, et de ses demandes indemnitaires afférentes ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 26 octobre 2023, section commerce, chambre 2, en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 26 octobre 2023, section commerce, chambre 2, en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de rappels de salaire ;

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 26 octobre 2023, section commerce, chambre 2, en ce qu'il a condamné la société [O] au paiement de la somme de 2 004.08 euros à titre de dommages et intérêts mais uniquement en son quantum ;

Confirmer le jugement du 26 octobre 2023 en ce qu'il a condamné la société [O] au paiement de la somme de 4 008 euros à titre d'indemnité de préavis ;

Confirmer le jugement du 26 octobre 2023 en ce qu'il a condamné la société [O] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Il est demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par Mme [C]

- dire et juger que la société [O] est responsable de faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme [C] ;

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant, à titre principal, les effets d'un licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société [O] au paiement de la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société [O] à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- condamner la société [O] au paiement de la somme de 1.812,97 euros à titre de rappel de salaire sur les jours fériés travaillés non majorés et les périodes de travail sans jours de repos ;

- condamner la société [O] à remettre à Mme [C] un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi conformes, sous astreinte de 240 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;

- dire et juger que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à la somme de 2.008 euros ;

- condamner la société [O] à verser à Mme [C] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme [C] expose avoir subi un harcèlement moral exercé par son employeur consistant en des agressions verbales et des insultes, un rythme de travail excessif et une activité imposée en fin de semaine. Elle en déduit que la résiliation judiciaire du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l'employeur et doit produire les effets d'un licenciement nul.

Subsidiairement, elle soutient que le fait pour l'employeur de la contraindre à solliciter à plusieurs reprises la régularisation du paiement des heures travaillées durant les jours fériés, de ne pas enregistrer son changement d'adresse et les conséquences des agissements de l'employeur sur son état de santé caractérisent des manquements de celui-ci à ses obligations d'exécuter loyalement le contrat et de sécurité.

Elle en déduit que la résiliation judiciaire du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l'employeur et que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite un rappel de salaire au titre des périodes durant lesquelles elle n'a bénéficié d'aucun jour de repos et des majorations au titre de jours fériés travaillés.

Dans ses dernières écritures en date du 25 avril 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la société [O] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 26 octobre 2023 en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- condamné la société [O] à verser la somme de 4 008 euros à titre d'indemnité de préavis

- condamné la société [O] à verser la somme de 2 004,08 euros à titre de dommages et intérêts

- condamné la société [O] à remettre à la salariée un certificat de travail ainsi qu'une attestations pôle emploi modifiée ;

- condamné la société [O] à verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société [O] de sa demande de versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de versement des dépens de l'instance

- condamné la société [O] aux entiers dépens de l'instance.

Confirmer le surplus

En conséquence,

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes

- condamner Mme [C] à verser à la société Bengagues la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

La société [O] soutient que Mme [C] ne présente pas les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ni ne démontre que les faits allégués constitueraient des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et que le défaut d'enregistrement de la nouvelle adresse est insusceptible de caractériser un tel manquement.

Elle explique que la salariée n'étaye pas davantage sa demande au titre des heures supplémentaires par des éléments suffisamment précis et qu'elle a réglé la salariée des heures supplémentaires lorsque celles-ci étaient dues.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 27 mai 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur, tout en restant à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La résiliation judiciaire peut être prononcée à la demande du salarié qui établit que l'employeur a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; elle produit alors les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements. Elle prend effet au jour où le juge la prononce si le contrat de travail n'a pas été rompu antérieurement, ou, en cas de licenciement, au jour du licenciement.

Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 20 février 2020 avant d'être licenciée pour inaptitude le 22 juillet 2020. Elle reproche à la société [O] un harcèlement moral.

Il résulte des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par application des dispositions de l'article L.1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [C] expose avoir subi de son employeur des agressions verbales et des insultes, un rythme de travail excessif avec une activité en fin de semaine.

Elle produit :

- un courrier daté du 13 décembre 2019 adressé à M. [O], gérant de la société, par lequel elle réclame le paiement de la prime annuelle de 170 euros due au regard de son ancienneté d'un an, d'une journée de travail de 14 heures le 14 juillet 2019, du lundi férié 9 juin 2019 et du 15 août 2018 et sollicite l'enregistrement de sa nouvelle adresse.

- un courrier daté du 17 janvier 2020 (et non 2019 comme mentionné par erreur) dans lequel elle attribue son état d'épuisement et de stress aux conditions de travail imposées par l'employeur décrit comme devenu agressif et insultant suite au refus de la salariée de continuer à effectuer des tâches supplémentaires ne correspondant pas à son emploi, telles que le ménage, les pâtisseries, les plaquages, la recherche de collaborateur, un rythme de travail effréné sans pause dans la journée et sans jours de repos, notamment les vendredi-samedi-dimanche sur lesquels elle avait accepté d'être positionnée, et à l'été 2019 lors du remplacement de collègues pendant leurs congés estivaux du 29 juillet au 11 août et du 21 août au 31 août 2019 et une activité imposée les fins de semaine au point de devenir permanente.

La salariée produit son contrat de travail l'affectant à un poste d'employée polyvalente chargée des préparations du salé, de la vente et du nettoyage et la possibilité d'un remplacement le dimanche en cas de nécessité du service ainsi que ses bulletins de paie pour les mois de juillet et août 2019 qui mentionnent une activité à ces dates et ses congés payés entre les dates de congés de ses collègues (soit du 12 août au 20 août 2019). Or, le contrat de travail stipulait qu'en qualité d'employée polyvalente, Mme [C] était principalement chargé de certaines tâches mais il prévoyait également une possible affectation aux divers postes correspondant à la nature de son poste, en fonction des nécessités d'organisation de son emploi de sorte que les préparations du sucré, le nettoyage et les plaquages pouvaient lui être confiés. En outre, la salariée ne produit aucun élément étayant ses allégations relatives aux insultes et propos agressifs proférés par l'employeur à son encontre. Seul demeure l'accomplissement de jours de travail sans repos à l'été 2019 et de journées continues sans pause lors des fins de semaine qu'elle avait initialement accepté d'assurer. Cet élément sera retenu ;

- un courrier du 29 janvier 2020 adressé à l'employeur par lequel elle maintient les termes de son précédent courrier et lui impute la responsabilité de la dégradation de la relation de travail en précisant 'avoir été injuriée, menacée et mal menée pendant une longue durée' et constate 'les menaces de diffamation de l'employeur'. La salariée qui ne justifie d'aucun témoignage, procède de nouveau par affirmations. Cet élément ne sera pas retenu ;

- l'attestation dactylographiée, sans indication nominative de son auteur et non signée, attribuée à une personne se présentant comme le compagnon de la salariée, qui précise les horaires de travail de Mme [C] le vendredi, le samedi et le dimanche et décrit l'angoisse et l'épuisement nerveux liés au comportement de son employeur. Ce document non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne peut être attribué avec certitude à M. [B] dont la pièce d'identité est jointe en feuille volante. De plus, son auteur qui évoque un travail de la salariée du vendredi au dimanche 'pendant plus de 9 mois', ne fait que relater des comportements de l'employeur dénoncés par la salariée sans en avoir été le témoin ;

- l'arrêt de travail prescrit à compter du 29 novembre 2019 pour trouble anxio-dépressif sévère dans un contexte de stress professionnel, par le docteur [G], généraliste, un certificat établi le 10 février 2020 par le docteur [X] [L] psychiatre, évoquant une dépression sévère et le traitement médicamenteux prescrit à la salariée ainsi qu'un certificat médical établi le 19 juin 2020 par le médecin généraliste mentionnant l'arrêt de travail de Mme [C] pour 'harcèlement et burn out' au motif de 'problèmes allégués sur son lieu de travail' ; pièces établissant la dégradation de l'état de santé de la salariée.

Ainsi, il subsiste des jours de travail d'affilée et donc sans repos en juillet et août 2019, des journées de travail sans pause les vendredi-samedi-dimanche et la dégradation de l'état de santé de la salariée. Les éléments tels que retenus par la cour comme matériellement établis ne sont pas, pris dans leur ensemble, de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce que tout manquement de l'employeur ne caractérise pas un tel harcèlement. Il n'y a donc pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et à dommages et intérêts pour harcèlement moral. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de demandes.

Mme [C] invoque subsidiairement un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat et de sécurité en articulant les mêmes faits.

Par application de l'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La charge de la preuve incombe à celui qui allègue le non-respect de cette obligation.

Pour soutenir que l'employeur a méconnu cette obligation, Mme [C] soutient avoir été contrainte de solliciter à plusieurs reprises la régularisation des heures travaillées durant certains jours fériés et que l'employeur n'a pas pris en compte sa nouvelle adresse.

Elle verse ainsi à la procédure :

- le courrier du 13 décembre 2019 par lequel elle sollicite le paiement de la prime annuelle de 170 euros due au regard de son ancienneté d'un an pour 2018 et 2019, du 15 août 2018, du lundi 9 juin 2019 et d'une journée de travail de 14 heures le 14 juillet 2019, et par lequel elle avise l'employeur d'un changement d'adresse.

- le courrier du 17 janvier 2020 par lequel elle demande à l'employeur de lui payer les sommes dues au titre d'heures majorées impayées, faisant référence au courrier du 13 décembre 2019,

- les bulletins de salaire pour le mois d'août 2018 et de juin 2019 ne mentionnant aucun règlement au titre du 15 août 2018 et du 9 juin 2019, de juillet 2019 mentionnant un règlement de 7 heures majorées.

L'employeur développe des explications sur le fait que la salariée, en service les vendredi-samedi-dimanche depuis plusieurs mois avant la reprise du fonds de commerce, n'a pu travailler le 15 août 2019 puisqu'elle était en congé, qu'elle n'a pas travaillé le 9 juin 2019 qui est un lundi et qu'il a réglé Mme [C] au titre des 7 heures travaillées le 14 juillet 2019. L'employeur procède ainsi par affirmation et ne s'explique pas sur l'objet de la demande de la salariée pour les 15 août 2018 et le 9 juin 2019;

- les bulletins de salaire des mois d'août 2018 et de juin et juillet 2019 mentionnant son ancienne adresse alors qu'elle avait signalé un changement par courrier. Cette information datait cependant du mois décembre 2019 de sorte que la salariée ne présente aucun élément utile pour étayer ses allégations.

Le défaut de règlement de la journée du 15 août 2018 exécutée sous la direction de la société As à laquelle a succédé la société [O] le 1er février 2019 et qui n'a fait l'objet d'une demande de paiement que le 13 décembre 2019, du 9 juin 2019 ainsi que le défaut de règlement du nombre d'heures supplémentaires exact effectuées le 14 juillet 2019 ne sont cependant pas suffisants pour caractériser un manquement à l'obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail alors qu'il ressort des bulletins de paie que les heures supplémentaires régulières effectuées par Mme [C] étaient réglées.

Conformément aux dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité. Cette obligation de moyens renforcée, suppose que l'employeur justifie des mesures qu'il a mises en place pour la respecter.

Comme ci-dessus déjà constaté, l'employeur ne démontre pas avoir satisfait à son obligation en veillant au respect des dispositions conventionnelles applicables relatives au repos hebdomadaire, notamment quant à la dérogation à la règle de deux jours consécutifs par accord des parties ni de la demande expresse de la salariée à travailler plus de 8 jours consécutifs et dans la limite de 10 jours et alors qu'il ne justifie d'aucun élément permettant de remettre en cause les affirmations précises de la salarié concernant 14 jours de travail d'affilée du 29 juillet au 11 août puis 11 jours du 21 août au 31 août 2019 et qu'il a réglé 49 heures majorées au titre d'heures supplémentaires au cours de ce mois; ce qui corrobore l'activité très soutenue alléguée par la salariée. L'employeur ne justifie pas davantage avoir respecté les dispositions applicables à la pause repas de la salariée dans la journée.

Le manquement de l'employeur est caractérisé. La dégradation de l'état de santé de la salariée est également établie. Si les praticiens qu'elle a consultés n'ont pas constaté ses conditions de travail et ont pour une part relaté ses seules doléances, ils ont néanmoins constaté son état clinique caractérisé par une sévère dépression, un ralentissement psychomoteur intense avec repli, un état d'insomnie quasi complet et une douleur morale évidente. La cour est en mesure de rattacher au moins partiellement cette dégradation de l'état de santé aux manquements qu'elle a retenus dans un lien de causalité, étant rappelé qu'in fine cette dégradation aboutira à la constatation de l'inaptitude de la salariée.

Le manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, la décision des premiers juges ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 20 juillet 2020 produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit être confirmée.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [C] sollicite l'infirmation de la décision des premiers juges sur le quantum des dommages et intérêts et l'employeur, l'infirmation de ce chef et de celui ayant accordé à la salariée la somme de 4 008 euros à titre d'indemnité de préavis.

Par application des dispositions conventionnelles, Mme [C], a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois. Le salaire mensuel brut à prendre en considération sera fixé à la somme de 2 004 euros selon la limite de la demande de la salariée. L'indemnité de préavis sera ainsi fixée à la somme de 4 008 euros (2 004 x 2= 4 008) par confirmation de la décision des premiers juges.

Conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [C], qui justifie d'une ancienneté de trois ans pour avoir été engagée le 1er mai 2017 et licenciée le 22 juillet 2020, dans une entreprise de moins de 11 salariés, peut prétendre à une indemnité minimale d'un mois de salaire mensuel brut et maximale de 4 mois. En considération des circonstances de la rupture, de son âge à cette date (45 ans), du salaire mensuel brut de 2 004 euros et en l'absence de justification de sa situation professionnelle actuelle, Il lui sera alloué la somme de 4 008 euros à titre de dommages et intérêts par infirmation de la décision entreprise sur le quantum.

Sur le rappel de salaire

Mme [C] réclame le rappel de salaire au titre des jours de travail majorés et des périodes travaillés sans jour de repos.

La société [O] conclut au rejet de ces chefs de demandes relatives aux jours fériés sans s'expliquer quant aux périodes de travail pendant plusieurs jours d'affilée en juillet et août 2019.

Si la convention collective prévoit que les salariés présentant une ancienneté de 10 mois dans l'entreprise bénéficient du chômage des jours fériés au nombre desquels le 15 août et le 14 juillet, elle stipule aussi pour ceux travaillant à ces dates une rémunération ou une compensation sans qu'une majoration soit prévue à ce titre, ce que confirme l'examen des bulletins de salaire de mai et de juillet 2019 malgré une mention 'heures majorées jour férié'.

S'agissant des journées du 15 août 2018 et du 9 juin 2019 durant lesquelles la salariée affirme avoir travaillé 7 heures et pour lesquelles l'employeur ne produit aucun élément, celles-ci doivent être payées au taux normal, soit une somme de 184,98 euros (92,49 x2 = 184,98).

S'agissant du 14 juillet 2019, le bulletin de paie afférent indique le versement de la somme de 92,49 euros au titre de 7 'heures majorées jour férié'. L'employeur n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les allégations suffisamment précises de la salariée relatives à une journée de 14 heures. Il lui est donc redevable des 7 heures supplémentaires, soit 92,49 euros.

Comme ci-dessus retenu, d'après son courrier du 17 janvier 2020, Mme [C] a travaillé sans jour de repos du lundi 29 juillet au samedi 11 août 2019, soit pendant 14 jours. Il sera fait droit à la demande de règlement des quatre jours de sept heures non payés, soit 28 heures ainsi détaillées, à hauteur de 541,74 euros:

- 4 heures majorées à 25%, soit 4 x 16,5167= 66,06 euros

- 24 heures majorées à 50%, soit 24 x 19,8201= 475,68 euros

Pour la période allant du 21 août au 31 août 2019, la salariée a travaillé 10 jours d'affilée. Il lui sera alloué la somme de 264,26 euros au titre des deux jours de repos travaillés non réglés, sur la base de sept heures chaque jour, soit 14 heures:

- 4 heures majorées à 25%,soit 4 x 16,5167= 66,06 euros

- 10 heures majorées à 50%, soit 10 x 19,8201=198,20 euros.

Par infirmation de la décision entreprise, la société [O] sera ainsi condamnée à payer à Mme [C] la somme totale de 1 083,47 euros (184,98+92,49+541,74 +264,26) sans que soient ajoutés les congés payés afférents en l'absence de toute mention au dispositif des conclusions de l'appelante.

Sur la remise des documents sociaux sous astreinte

Il y a lieu à remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Sur les demandes accessoires

L'action et l'appel formés par Mme [C] étant partiellement bien fondés, le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens. La société [O] succombant , sera condamnée à payer à Mme [C] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme la décision du conseil des prud'hommes de Toulouse du 26 octobre 2023 sauf quant au quantum du montant des dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'elle a rejeté la demande de rappel de salaire, ces chefs étant infirmés,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sarl [O] à payer à Mme [H] [C] les sommes de:

- 4 008 au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 083,47 euros pour rappel de salaire,

- 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Ordonne à la Sarl [O] de remettre à Mme [H] [C] les documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte,

Condamne la Sarl [O] aux dépens d'appel,

Rejette toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par F. CROISILLE-CABROL, conseillère pour la présidente empêchée, et par C. IZARD, greffière.

LA GREFFIÈRE P/ LA PRÉSIDENTE

C. IZARD F. CROISILLE-CABROL

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