CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 2 octobre 2025, n° 22/01478
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 02 OCTOBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01478 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCB5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 20/00890
APPELANTE
S.A.S. VITRY DISTRIBUTION
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Constance CHALLE - LE MARESCHAL, avocat au barreau de ROUEN, toque : 62
INTIMÉE
Madame [U] [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, présidente , chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Stéphanie ALA, présidente,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [U] [C] a été engagée en qualité de directrice de l'optique, statut cadre, par la société Vitry Distribution par contrat à durée indéterminée à compter du 19 août 2013. Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire était de 3200 euros.
La société exploite un fonds de commerce d'un hypermarché.
L'effectif de la société était de plus de 10 salariés au moment des faits.
La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Par lettre remise en mains propres du 4 décembre 2014, la salariée a informé son employeur de son état de grossesse et du fait que son congé maternité débutera le 5 juin 2015 pour s'achever le 25 septembre suivant.
La salariée a été en arrêt de travail du 23 au 28 mai 2015, puis en arrêt pathologique du 28 mai au 10 juin 2015 et en congé maternité du 5 juin au 25 septembre 2015.
La salariée a repris ses fonctions le 3 octobre 2015 et a pris ses congés payés du 6 au 30 novembre 2015.
Par lettre datée du 30 novembre 2015, elle a sollicité un congé parental d'éducation. Une réunion a eu lieu à ce sujet le 7 décembre 2015.
Par lettre datée 18 décembre 2015, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé au 29 décembre suivant pour échanger sur la possibilité d'une rupture conventionnelle.
Par lettre du 2 janvier 2016, la salariée a refusé de s'engager dans un processus de rupture conventionnelle.
Par lettre du 7 janvier 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 18 janvier 2016 assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre en date du 27 janvier 2016, la salariée a été licenciée pour faute grave.
Le 23 juillet 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin que son licenciement soit déclaré nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse et que lui soient allouées des sommes en conséquence ainsi que des sommes au titre de l'exécution du contrat.
Par un jugement rendu le 18 novembre 2021, notifié le 30 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Créteil a :
- Dit et jugé que le licenciement est nul, par conséquence, sans cause réelle ni sérieuse.
En conséquence,
- Condamné la société Vitry Distribution à verser à Mme [C] :
* Indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse 38400 € ;
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19 200 €;
* Indemnité compensatrice de préavis : 9 600 € ;
* Congés payés afférents au préavis : 960 € ;
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1 702,40 € ;
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2 800 € ;
* Congés payés afférents à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €.
* Article 700 du code de procédure civile : 3 000 € ;
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016.
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;
- Débouté la société Vitry distribution de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Vitry distribution aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d'exécution de la présente décision.
La société a interjeté appel le 24 janvier 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 22 avril 2022, la société Vitry distrubution demande à la cour de :
- La recevoir en ses présentes écritures et l'y déclarer bien fondée;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement est nul, par conséquence, sans cause réelle ni sérieuse.
En conséquence,
- L'a condamnée à verser à Mme [C] [U]
* Indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse 38400 € ;
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19 200 €;
* Indemnité compensatrice de préavis : 9 600 € ;
* Congés payés afférents au préavis : 960 € ;
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1 702,40 € ;
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2 800 € ;
* Congés payés afférents à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €.
* Article 700 du code de procédure civile : 3 000 € ;
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016.
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;
- L'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- L'a condamnée aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d'exécution de la présente décision.
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal :
- Constater que Mme [C] n'a pas été victime de discrimination ;
- Débouter Madame [C] de sa demande de nullité de son licenciement ;
- Juger que le licenciement de Madame [C] repose sur une faute grave ;
- Débouter Madame [C] de ses demandes :
- Juger qu'elle n'a pas exécuté le contrat de travail de manière déloyale ;
- Débouter Madame [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation.
- Débouter Madame [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
- Réduire les condamnations à de plus justes proportions
En tout état de cause
- Condamner Madame [C] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner Madame [C] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 20 juillet 2022, Madame [C] demande à la cour de :
A titre principal confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était nul et condamné la société Vitry distribution au paiement des sommes suivantes :
* Indemnité pour licenciement nul : 38.400 €,
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19.200 €,
* Indemnité compensatrice de préavis : 9.600 €,
* Congés payés afférents au préavis : 960 €,
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1.702,40 €
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2.800 €
* Congés payés afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016,
- Ordonné la capitalisation des intérêts,
- Article 700 du code de procédure civile : 3.000 €,
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile,
- Débouté la société Vitry distribution de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Vitry distibution aux entiers dépens,
A titre subsidiaire juger que le licenciement intervenu est sans cause réelle ni sérieuse
- Condamner la société Vitry distribution au paiement des mêmes sommes:
Y ajoutant en tout état de cause,
- Condamner la société Vitry distribution au paiement de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel
- Condamner la société Vitry distribution aux entiers dépens de l'appel.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue 30 avril 2025.
MOTIFS
- Sur la nullité du licenciement
La salariée soutient que son licenciement est nul comme étant discriminatoire en raison de sa situation de famille et qu'il est intervenu à la suite de sa demande de conté parental. Elle soutient qu'au delà des griefs énoncés, la véritable cause de son licenciement est sa demande de bénéficier d'un congé parental.
L'employeur critique le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une situation de discrimination et a prononcé la nullité du licenciement.
Il conteste toute discrimination en raison de la situation de famille de la salariée. Il conteste s'être opposé à la demande de congé parental d'éducation et avoir donné le choix à la salariée entre une rupture conventionnelle et un licenciement. Il soutient par ailleurs que le licenciement repose sur une faute grave.
Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-2 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L.1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
Selon l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa situation de famille.
En application de l'article L.1132-4 du code du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard du salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .
Au cas présent, pour soutenir que son licenciement est discriminatoire en raison de sa situation de famille et que la véritable cause de la rupture du contrat de travail est sa demande de bénéficier d'un congé parental d'éducation, la salariée produit aux débats :
- la demande de congé parental d'éducation adressée à l'employeur le 30 novembre 2015 ( pièce 5 de l'intimée),
- une lettre non datée de la salariée adressée à Mme [L], directrice générale ( pièce 6 d'intimée) dans laquelle elle relate l'entretien qui s'est tenu le 7 décembre 2015,
- la lettre en réponse de Mme [L] en date du 18 décembre 2015 dans laquelle elle relate l'entretien du 7 décembre 2015 et écrit notamment ' nous ne vous avons pas caché la difficulté dans laquelle nous mettait votre demande de congé parental à votre niveau de poste, en votre qualité de Directrice de magasin, même si nous comprenons tout à fait votre position. Nous nous sommes par ailleurs effectivement posé la question de votre souhait de vous investir dans l'entreprise', s'ensuivent des remarques et reproches à propos d'un manque de gratitude par rapport au fait que la société avait accédé à ses diverses demandes depuis son embauche, sur l'état du magasin en son absence et son attitude à l'égard de sa responsable en suite de l'entretien. Elle achevait en indiquant qu'une rupture conventionnelle pourrait être une possibilité à envisager et convoquait la salariée à un entretien à ce sujet le 29 décembre suivant ( pièce 7 de l'intimée),
- le compte-rendu de l'entretien du 29 décembre 2015 tapuscrit signé de M. [K], délégué du personnel ( pièce 8 de l'intimée) au cours duquel M. [V], directeur de l'hypermarché aurait expliqué à la salariée l'incompatibilité de sa demande avec ses fonctions et en indiquant qu'à défaut de rupture conventionnelle un licenciement pourrait être envisagé,
- une convocation à un entretien préalable en date du 7 janvier 2016 assortie d'une mise à pied disciplinaire ( pièce 10 de l'intimée),
- une lettre de licenciement pour faute grave du 27 janvier 2016 ( pièce 12 de l'intimée).
Concernant le compte-rendu de l'entretien du 29 décembre 2015, il convient de relever que formellement il s'agit d'un document tapuscrit portant la signature de M. [K], délégué du personnel.
Il n'est contesté par aucune des parties qu'il s'agit bien de la signature de ce dernier, ce dernier n'indique d'ailleurs pas qu'elle a été contrefaite.
Dans une première attestation rédigée le 8 avril 2016 ( pièce 16 de l'appelante) celui-ci explique que les propos tenus à cette occasion n'ont pas porté sur la période pendant laquelle la salariée était en congé de maternité mais sur les deux mois suivant sa reprise du travail.
Dans une autre attestation du 23 janvier 2018 ( pièce 17 de l'appelante), M. [K] rappelle que la discussion n'a porté que sur les faits postérieurs à la reprise du travail et ajoute, que les conditions détaillées de la rupture conventionnelle n'ont pas été abordées, qu'il n'a pas été fait état d'un licenciement et qu'il a uniquement été indiqué à la salariée que si les conditions de travail ne lui convenaient pas il était possible de recourir à la rupture conventionnelle.
Dans une troisième attestation établie le 12 janvier 2018 ( pièce 18 de l'appelante), M. [K] indique qu'il n'est pas l'auteur du compte-rendu du 2 janvier 2016, ni de celui du 29 décembre 2015 qu'il a signé ces documents à la demande de la salariée qui lui avait donné rendez-vous dans un café le dimanche matin et qu'il a apposé sa signature sur les documents sans être concentré en raison du bruit qui régnait autour de lui. Il achevait ainsi ' je reconnais aujourd'hui avoir été manipulé par Mme [U] [C]. A la date d'aujourd'hui je me sens frustré et mal dans ma peau'.
Il convient d'observer que les dernières déclarations interviennent plus de deux ans après la première attestation. Il est surprenant qu'il n'ait pas déclaré à ce moment là ce qu'il a affirmé en 2018. Par ailleurs, il est également peu probable qu'alors que la réunion du 29 décembre 2015 avait pour but de discuter d'une rupture conventionnelle que ses modalités n'aient pas été évoquées dans le détail.
Le caractère évolutif des déclarations de M. [K] ajouté au fait qu'il se trouve encore dans un lien de subordination avec l'employeur et qu'il lui a fallu pas moins de trois attestations pour affirmer qu'il avait été manipulé par la salariée, conduit à considérer que ses déclarations sont dépourvues de force probante.
Il est ainsi retenu que si l'auteur du document tapuscrit n'est pas connu, le document porte la signature de M. [K] dont aucun élément ne permet de considérer qu'il a été manipulé par la salariée pour apposer sa signature.
La chronologie des faits ajoutée aux propos rapportés émanant de l'employeur, permettent de considérer que la salariée présente des éléments qui, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de sa situation familiale. Dès lors, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .
Pour ce faire, l'employeur affirme qu'il ne s'est pas opposé à la demande de congé parental lequel était de droit mais avoir uniquement convoqué la salariée pour en connaître les modalités, il conteste les propos qui lui sont prêtés dans le document signé par le délégué du personnel et ajoute que le licenciement de la salariée est fondé sur une faute grave voire sur une cause réelle et sérieuse et que les manquements de la salariée constituent la véritable cause du licenciement.
Dans la lettre de licenciement pour faute grave en date du 27 janvier 2016, il est reproché à la salariée de ne pas avoir rempli ses fonctions de manière satisfaisante depuis plusieurs semaines en dépit de précisions apportées par la direction dans un courriel du 21 décembre 2015.
Il est précisé que depuis cette date les manquements répétés sont allés cresendo 'montrant clairement un manque d'implication de de rigueur dans le travail'.
Il est ainsi reproché à la salariée :
- de ne pas avoir retiré, malgré une demande de sa responsable le 4 janvier, les affiches de la promotion de Noël qui s'était achevée le 2 janvier,
- de n'avoir rien planifié pour le lancement de l'opération des soldes et d'avoir à cet égard laissé sans réponse les courrriels de Mme [B] sa responsable directe et de Mme [L],
- l'absence d'action pour redresser le chiffre d'affaires,
- un retard dans le traitement des dossiers mutuelle malgré des alertes en ce sens et le retard dans le traitement du suivi de certains dossiers administratifs,
- un manque de rigueur sur ses fonctions de manager ( heures supplémentaires effectués par deux salariés sans en aviser la direction), ne pas s'être déplacée pour la mise en place de l'opération soldes, une absence de mention dans les plannings de l'inventaire ce qui a généré l'établissement de nouveaux plannings, l'ouverture tardive de la boutique, l'oubli d'une date de séminaire.
La lettre s'achève ainsi ' Ce non respect constant des demandes et consignes de votre hiérarchie entraîne des perturbations dans le bon déroulement des opérations commerciales, et a des répercussions sur la bonne marche de la boutique Optique dont vous aviez la charge.
Après avoir étudié les différents griefs, ainsi que vos explications lors de notre entretien du 18 janvier 2016, et tenant compte de la nature de votre poste et de la nécessité de préserver les actions commerciales à entreprendre sur la boutique Optique, nous considérons que votre comportement et vos manquements répétés sont fortement préjudiciables aux intérêts de l'entreprise et caractérisent un manquement à vos obligations professionnelles ( non respect des directives, non exécution des tâches à accomplir), au respect des procédures propres à votre fonction notamment en terme d'organisation du temps de travail de vos collaborateurs, et cela malgré les nombreux rappels vous ayant été formulés sur ces différents points lors de vos entretiens avec votre direction ou par mails.
Aussi, les faits exposés sont constitutifs d'une faute grave et s'opposent à votre maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis (...)'.
Même si la chronologie des faits ne peut à elle seule permettre de considérer que la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, il convient de relever que jusqu'au mois de décembre 2015, la salariée n'avait fait l'objet d'aucun reproche, ni d'aucune remarque de la part de sa direction alors par ailleurs que la question du traitement des dossiers de mutuelle était connue de celui-ci puisque des échanges avaient eu lieu à ce sujet en 2014 et qu'une réunion avait été organisée à cette fin au mois de novembre 2014 ( pièces 5, 31 à 35 de l'appelante).
Les demandes et reproches ne sont intervenus qu'à compter de la réception par l'employeur de la demande de congé parental.
C'est ainsi que le 7 décembre 2015, jour de la réunion au sujet des modalités du congé parental d'éducation, Mme [B], directrice des concepts et responsable de la salariée, lui a fait remarquer que les plannings n'avaient pas été affichés dans les délais légaux et que personne n'était présent à l'ouverture du point de vente ( pièces 39 et 2 de l'appelante), ce à quoi la salariée a répondu que pour ce qui était de l'affichage du planning, c'est la première fois que la remarque lui en était faite en deux ans et s'engageait à respecter les délais pour janvier.
Au sujet du grief portant sur l'absence de suivi des directives depuis plusieurs semaines en dépit d'un rappel le 21 décembre 2015, et à ce titre l'absence de retrait des affiches au 4 janvier concernant l'opération de Noël et le lancement de l'opération de soldes le 6 janvier suivant, il convient de relever que la salariée, a expliqué sans être contredite sur ce point, que les affiches seraient retirées dès qu'elle ne serait plus en clientèle ce qui est confirmé par l'attestation d'un salarié présent dans le magasin, M. [H] ( pièce 18 de l'intimée), qui a expliqué qu'il avait été choisi de prioriser l'accueil de la clientèle.
Pour ce qui est du lancement de l'opération soldes, il résulte des pièces versées que la salariée avait, le 5 janvier 2016, avisé l'une de ses collaboratrices de la nécessité de mettre en place le magasin pour ce faire et que par ailleurs, l'employeur ne démontre pas que la salariée ne s'est pas impliquée dans cette opération. A cet égard, l'employeur affirme, sans le démontrer, qu'en raison de l'absence de la salariée le 6 janvier 2016, sa responsable a dû venir soutenir les équipe le 6 janvier. Il ne rapporte pas la preuve que le magasin était désorganisé, les attestations qu'il produit pour démontrer l'absence d'implication de la salariée étant à cet égard trop imprécises ( pièces 9 et 10 de l'appelante).
Concernant l'absence d'action pour redresser le chiffre d'affaires, il ressort du tableau produit par la salariée, non contesté par l'employeur ( pièce 16 de l'appelante), que, pour le mois de décembre 2015, celui-ci a été de 90 797 euros soit une progression de 29,90 % par rapport à celui de l'année dernière. Il sera ajouté que faute d'informations précises sur les autres magasins d'optique ( facteurs de commercialité, nombre d'employés) aucune comparaison ne peut valablement être soutenue par l'employeur.
A cet égard, et alors que l'employeur avait demandé à la salariée d'agir en ce sens, il ne peut, sans contradiction, lui reprocher ensuite, dans la lettre de licenciement, sa carence managériale en ayant permis à deux collaborateurs d'effectuer des heures supplémentaires sur cette période étant ajouté que l'employeur ne produit aucun élément permettant de considérer que la directrice de magasin, en charge du management de son équipe, devait préalablement l'informer de la réalisation d'heures supplémentaires.
Concernant la gestion du dossier des mutuelles, il convient de rappeler que cette situation était connue depuis 2014 et que l'employeur n'a adressé aucune remarque à la salariée postérieurement à la réunion du mois de novembre 2014. A cela il sera ajouté qu'il est reproché à la salariée un cumul de plus de 100 000 euros à ce titre alors qu'elle a été absente entre le mois de mai et le mois de novembre 2015 - avec une reprise de quelques semaines en octobre 2015-.
A cet égard, il convient d'ajouter ainsi que le relève la salariée que la direction n'a pas, pendant son absence nommé de manager pour la remplacer ce qui est confirmé à la fois par l'audit réalisé au mois de février 2015 ( pièce 30 de l'appelant) puisqu'il était envisagé d'engager uniquement pour la période de mai à juillet 2015 un opticien en contrat à durée déterminée, et par le témoignage de M. [H] (précité) qui explique qu'il a du, en l'absence de la salariée, remplir, en plus de ses propres missions, les tâches qui incombaient à la salariée. Il relève à ce sujet une difficulté particulière dans le dossier de traitement des mutuelles en indiquant que la direction faisait passer les dossiers par le service comptabilité de l'hypermarché et qu'un changement de personnel dans ce service a retardé le traitement des dossiers.
Il précise qu'à son retour, la salariée s'est attachée à rattraper le retard ainsi pris. Cet élément est d'ailleurs conforté par les courriels de la salariée des 14 et 28 décembre 2015 qui précise que les télétransmissions des mois d'octobre à décembre 2015 ont été envoyées ( pièce 23 de l'intimée) ainsi que le tableau et les échanges du mois de janvier 2016 se rapportant au traitement de dossiers de mars à novembre 2015 ( pièce 29 de l'intimée).
L'attestation de Mme [R] ( pièce 46 de l'appelante) qui a remplacé la salariée à compter du mois de février 2017, concernant la désorganisation du magasin, ne saurait à cet égard être de nature à remettre en cause ces éléments dans la mesure où elle est intervenue plus d'un an après le licenciement de la salariée et où elle fait porter ses constatations, sans distinction jusqu'au 31 décembre 2016, alors que la salariée a été licenciée le 27 janvier 2016 et que la rupture a été précédée d'une mise à pied conservatoire à compter du 7 janvier 2016.
En outre, l'attestation de M. [P], chef comptable, qui ne se trouvait pas en magasin et qui ne précise pas la période d'absence au sujet de laquelle il témoigne, ne peut valablement contredire le témoignage livré par M. [H] ( pièce 45 de l'appelante).
Concernant la demande de congés pour la journée du 29 mars 2016, il sera relevé qu'à la suite de la demande de sa responsable formulée le 18 décembre 2016, la salariée a modifié sa demande le 21 décembre suivant ( pièce 3 de l'appelante). Il apparaît que la modification est intervenue rapidement et suffisamment en amont en sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché de ce chef.
Demeurent les éléments suivants :
- une absence de réponse aux courriels de Mme [O] du 26 décembre 2015 et de Mme [L] du 24 décembre 2015,
- l'absence de prise en compte initiale dans les plannings du mois de janvier de l'organisation de l'inventaire fiscal du 30 janvier 2016,
- l'absence de réponse sur le suivi administratif d'un dossier,
- le fait de ne pas avoir prévu un salarié à l'ouverture de la boutique le 7 décembre 2025.
La nature de ces manquements, de faible gravité et en l'absence de preuve des perturbations apportées au fonctionnement de la boutique, ne peut permettre de considérer qu'ils étaient de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Ils ne sauraient non plus, au regard de leur nature, de l'implication de la salariée, de son absence de passé disciplinaire, des éléments produits qui démontrent qu'elle a tenté de répondre aux multiples injonctions qui lui ont été adressées par son employeur, être considérés comme une cause sérieuse de licenciement.
Pour ce qui est de la cause réelle du licenciement, il ressort des éléments précédemment développés qu'à la suite de sa demande de congé parental, au sujet de laquelle l'employeur, tout en affirmant qu'il ne pouvait s'y opposer car il était de droit, a fait comprendre à la salariée qu'elle n'était pas compatible avec ses responsabilités, qu'il a ensuite, alors qu'il ne l'avait jamais fait auparavant, multiplié les injonctions pressantes envers la salariée à compter du 7 décembre 2015, afin de lui reprocher par la suite son comportement défaillant, que l'analyse des griefs énoncés dans la lettre de licenciement montre qu'en définitive seuls des manquements véniels ont été retenus.
Il convient d'en déduire qu'ainsi que le soutient la salariée, la cause réelle de son licenciement n'est pas le manquement à ses obligations mais le souhait de mettre fin à son contrat de travail à la suite de sa demande de congé parental d'éducation.
Il convient d'en déduire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse et qu'il est le produit d'une discrimination en raison de la situation de famille de la salariée.
En conséquence, un licenciement ne pouvant être à la fois nul et sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé uniquement en ce qu'il a dit que le licenciement est nul.
- Sur les conséquences de la nullité du licenciement
- Sur la demande de rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la mise à pied conservatoire
Le jugement est confirmé sur le quantum des sommes allouée à ces titres.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
La salariée demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une indemnité conventionnelle correspondant à trois mois de préavis en sa qualité de cadre ( article 7 de l'annexe 3 attachée à la convention collective dans sa version alors applicable).
Il convient de confirmer le jugement sur le quantum des sommes allouée à ces titres.
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
La salariée demande la confirmation du jugement sur le montant alloué au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ( article 8 de l'annexe 3 attachée à la convention collective dans sa version alors applicable).
Il convient de confirmer le jugement sur le quantum de la somme allouée à ce titre.
- Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Il résulte des éléments produits qu'au moment du licenciement la salariée avait une ancienneté de 2 ans et 5 mois, qu'elle était âgée de 33 ans était mère de deux enfants.
Elle justifie avoir retrouvé un emploi le 20 juillet 2020 en contrat à durée indéterminée.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 32 000 euros bruts.
Le jugement sera infirmé sur le quantum de la somme allouée.
- Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat et le non-respect de la législation sur le congé parental d'éducation
Il ressort des éléments produits que même si l'employeur a affirmé ne pas s'être opposé au congé parental de la salariée, il n'en demeure pas moins qu'à la suite de la réunion du 7 décembre 2015 au cours de laquelle les modalités du congé parental d'éducation ont été évoquées, l'employeur n'a pris aucune mesure concrète pour en assurer l'effectivité.
A cela, il convient d'ajouter qu'à compter de cette date, il n'a cessé de multiplier les injonctions à la salariée en la mettant sous une pression constante et en lui faisant des reproches dont il a été retenu qu'ils ne pouvaient constituer ni une cause réelle et sérieuse, ni a fortiori une faute grave.
Ces éléments établissent la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail et son souhait de ne pas respecter la législation sur le congé parental d'éducation.
Ils ont généré un préjudice distinct qui n'a pas été indemnité par l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul.
Il convient dès lors d'en assurer la réparation en allouant à la salariée une somme de 6 500 euros à ce titre.
Le jugement sera infirmé que le quantum de la somme allouée.
- Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé sur les intérêts sauf à préciser que pour les créances de nature salariale le point de départ du cours des intérêts est fixé à la date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de d'orientation et de conciliation et d'orientation.
Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur est condamné à verser à la salariée la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :
INFIRME le jugement en ce qu'il a
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] les sommes de 38 400 euros au titre d'un licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, 19 200 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation,
LE CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] les sommes de :
* 32 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 6 500 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation,
Précise que le point de départ des intérêts légaux pour les créances de nature salariale est fixé au jour de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau d'orientation et de conciliation,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
CONDAMNE la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Vitry distribution aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 02 OCTOBRE 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01478 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCB5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 20/00890
APPELANTE
S.A.S. VITRY DISTRIBUTION
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Constance CHALLE - LE MARESCHAL, avocat au barreau de ROUEN, toque : 62
INTIMÉE
Madame [U] [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, présidente , chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,
Madame Stéphanie ALA, présidente,
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,
Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Stéphanie ALA, présidente et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [U] [C] a été engagée en qualité de directrice de l'optique, statut cadre, par la société Vitry Distribution par contrat à durée indéterminée à compter du 19 août 2013. Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire était de 3200 euros.
La société exploite un fonds de commerce d'un hypermarché.
L'effectif de la société était de plus de 10 salariés au moment des faits.
La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Par lettre remise en mains propres du 4 décembre 2014, la salariée a informé son employeur de son état de grossesse et du fait que son congé maternité débutera le 5 juin 2015 pour s'achever le 25 septembre suivant.
La salariée a été en arrêt de travail du 23 au 28 mai 2015, puis en arrêt pathologique du 28 mai au 10 juin 2015 et en congé maternité du 5 juin au 25 septembre 2015.
La salariée a repris ses fonctions le 3 octobre 2015 et a pris ses congés payés du 6 au 30 novembre 2015.
Par lettre datée du 30 novembre 2015, elle a sollicité un congé parental d'éducation. Une réunion a eu lieu à ce sujet le 7 décembre 2015.
Par lettre datée 18 décembre 2015, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé au 29 décembre suivant pour échanger sur la possibilité d'une rupture conventionnelle.
Par lettre du 2 janvier 2016, la salariée a refusé de s'engager dans un processus de rupture conventionnelle.
Par lettre du 7 janvier 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 18 janvier 2016 assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre en date du 27 janvier 2016, la salariée a été licenciée pour faute grave.
Le 23 juillet 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil afin que son licenciement soit déclaré nul ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse et que lui soient allouées des sommes en conséquence ainsi que des sommes au titre de l'exécution du contrat.
Par un jugement rendu le 18 novembre 2021, notifié le 30 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Créteil a :
- Dit et jugé que le licenciement est nul, par conséquence, sans cause réelle ni sérieuse.
En conséquence,
- Condamné la société Vitry Distribution à verser à Mme [C] :
* Indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse 38400 € ;
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19 200 €;
* Indemnité compensatrice de préavis : 9 600 € ;
* Congés payés afférents au préavis : 960 € ;
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1 702,40 € ;
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2 800 € ;
* Congés payés afférents à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €.
* Article 700 du code de procédure civile : 3 000 € ;
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016.
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;
- Débouté la société Vitry distribution de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Vitry distribution aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d'exécution de la présente décision.
La société a interjeté appel le 24 janvier 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 22 avril 2022, la société Vitry distrubution demande à la cour de :
- La recevoir en ses présentes écritures et l'y déclarer bien fondée;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement est nul, par conséquence, sans cause réelle ni sérieuse.
En conséquence,
- L'a condamnée à verser à Mme [C] [U]
* Indemnité pour licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse 38400 € ;
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19 200 €;
* Indemnité compensatrice de préavis : 9 600 € ;
* Congés payés afférents au préavis : 960 € ;
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1 702,40 € ;
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2 800 € ;
* Congés payés afférents à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €.
* Article 700 du code de procédure civile : 3 000 € ;
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016.
- Ordonné la capitalisation des intérêts.
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile ;
- L'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- L'a condamnée aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais d'exécution de la présente décision.
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal :
- Constater que Mme [C] n'a pas été victime de discrimination ;
- Débouter Madame [C] de sa demande de nullité de son licenciement ;
- Juger que le licenciement de Madame [C] repose sur une faute grave ;
- Débouter Madame [C] de ses demandes :
- Juger qu'elle n'a pas exécuté le contrat de travail de manière déloyale ;
- Débouter Madame [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation.
- Débouter Madame [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
- Réduire les condamnations à de plus justes proportions
En tout état de cause
- Condamner Madame [C] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner Madame [C] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 20 juillet 2022, Madame [C] demande à la cour de :
A titre principal confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était nul et condamné la société Vitry distribution au paiement des sommes suivantes :
* Indemnité pour licenciement nul : 38.400 €,
* Dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation : 19.200 €,
* Indemnité compensatrice de préavis : 9.600 €,
* Congés payés afférents au préavis : 960 €,
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 1.702,40 €
* Rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 2.800 €
* Congés payés afférent à la mise à pied à titre conservatoire : 280 €
- Dit que les intérêts seront dus à compter du prononcé du jugement pour les sommes ayant la nature de dommages et intérêts et de la saisine du bureau de conciliation pour les sommes ayant la nature d'un salaire, soit le 28 juillet 2016,
- Ordonné la capitalisation des intérêts,
- Article 700 du code de procédure civile : 3.000 €,
- Assorti les condamnations prononcées de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du code de procédure civile,
- Débouté la société Vitry distribution de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Vitry distibution aux entiers dépens,
A titre subsidiaire juger que le licenciement intervenu est sans cause réelle ni sérieuse
- Condamner la société Vitry distribution au paiement des mêmes sommes:
Y ajoutant en tout état de cause,
- Condamner la société Vitry distribution au paiement de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel
- Condamner la société Vitry distribution aux entiers dépens de l'appel.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue 30 avril 2025.
MOTIFS
- Sur la nullité du licenciement
La salariée soutient que son licenciement est nul comme étant discriminatoire en raison de sa situation de famille et qu'il est intervenu à la suite de sa demande de conté parental. Elle soutient qu'au delà des griefs énoncés, la véritable cause de son licenciement est sa demande de bénéficier d'un congé parental.
L'employeur critique le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une situation de discrimination et a prononcé la nullité du licenciement.
Il conteste toute discrimination en raison de la situation de famille de la salariée. Il conteste s'être opposé à la demande de congé parental d'éducation et avoir donné le choix à la salariée entre une rupture conventionnelle et un licenciement. Il soutient par ailleurs que le licenciement repose sur une faute grave.
Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-2 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
Selon l'article L.1235-1 du même code, à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
Selon l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa situation de famille.
En application de l'article L.1132-4 du code du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard du salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .
Au cas présent, pour soutenir que son licenciement est discriminatoire en raison de sa situation de famille et que la véritable cause de la rupture du contrat de travail est sa demande de bénéficier d'un congé parental d'éducation, la salariée produit aux débats :
- la demande de congé parental d'éducation adressée à l'employeur le 30 novembre 2015 ( pièce 5 de l'intimée),
- une lettre non datée de la salariée adressée à Mme [L], directrice générale ( pièce 6 d'intimée) dans laquelle elle relate l'entretien qui s'est tenu le 7 décembre 2015,
- la lettre en réponse de Mme [L] en date du 18 décembre 2015 dans laquelle elle relate l'entretien du 7 décembre 2015 et écrit notamment ' nous ne vous avons pas caché la difficulté dans laquelle nous mettait votre demande de congé parental à votre niveau de poste, en votre qualité de Directrice de magasin, même si nous comprenons tout à fait votre position. Nous nous sommes par ailleurs effectivement posé la question de votre souhait de vous investir dans l'entreprise', s'ensuivent des remarques et reproches à propos d'un manque de gratitude par rapport au fait que la société avait accédé à ses diverses demandes depuis son embauche, sur l'état du magasin en son absence et son attitude à l'égard de sa responsable en suite de l'entretien. Elle achevait en indiquant qu'une rupture conventionnelle pourrait être une possibilité à envisager et convoquait la salariée à un entretien à ce sujet le 29 décembre suivant ( pièce 7 de l'intimée),
- le compte-rendu de l'entretien du 29 décembre 2015 tapuscrit signé de M. [K], délégué du personnel ( pièce 8 de l'intimée) au cours duquel M. [V], directeur de l'hypermarché aurait expliqué à la salariée l'incompatibilité de sa demande avec ses fonctions et en indiquant qu'à défaut de rupture conventionnelle un licenciement pourrait être envisagé,
- une convocation à un entretien préalable en date du 7 janvier 2016 assortie d'une mise à pied disciplinaire ( pièce 10 de l'intimée),
- une lettre de licenciement pour faute grave du 27 janvier 2016 ( pièce 12 de l'intimée).
Concernant le compte-rendu de l'entretien du 29 décembre 2015, il convient de relever que formellement il s'agit d'un document tapuscrit portant la signature de M. [K], délégué du personnel.
Il n'est contesté par aucune des parties qu'il s'agit bien de la signature de ce dernier, ce dernier n'indique d'ailleurs pas qu'elle a été contrefaite.
Dans une première attestation rédigée le 8 avril 2016 ( pièce 16 de l'appelante) celui-ci explique que les propos tenus à cette occasion n'ont pas porté sur la période pendant laquelle la salariée était en congé de maternité mais sur les deux mois suivant sa reprise du travail.
Dans une autre attestation du 23 janvier 2018 ( pièce 17 de l'appelante), M. [K] rappelle que la discussion n'a porté que sur les faits postérieurs à la reprise du travail et ajoute, que les conditions détaillées de la rupture conventionnelle n'ont pas été abordées, qu'il n'a pas été fait état d'un licenciement et qu'il a uniquement été indiqué à la salariée que si les conditions de travail ne lui convenaient pas il était possible de recourir à la rupture conventionnelle.
Dans une troisième attestation établie le 12 janvier 2018 ( pièce 18 de l'appelante), M. [K] indique qu'il n'est pas l'auteur du compte-rendu du 2 janvier 2016, ni de celui du 29 décembre 2015 qu'il a signé ces documents à la demande de la salariée qui lui avait donné rendez-vous dans un café le dimanche matin et qu'il a apposé sa signature sur les documents sans être concentré en raison du bruit qui régnait autour de lui. Il achevait ainsi ' je reconnais aujourd'hui avoir été manipulé par Mme [U] [C]. A la date d'aujourd'hui je me sens frustré et mal dans ma peau'.
Il convient d'observer que les dernières déclarations interviennent plus de deux ans après la première attestation. Il est surprenant qu'il n'ait pas déclaré à ce moment là ce qu'il a affirmé en 2018. Par ailleurs, il est également peu probable qu'alors que la réunion du 29 décembre 2015 avait pour but de discuter d'une rupture conventionnelle que ses modalités n'aient pas été évoquées dans le détail.
Le caractère évolutif des déclarations de M. [K] ajouté au fait qu'il se trouve encore dans un lien de subordination avec l'employeur et qu'il lui a fallu pas moins de trois attestations pour affirmer qu'il avait été manipulé par la salariée, conduit à considérer que ses déclarations sont dépourvues de force probante.
Il est ainsi retenu que si l'auteur du document tapuscrit n'est pas connu, le document porte la signature de M. [K] dont aucun élément ne permet de considérer qu'il a été manipulé par la salariée pour apposer sa signature.
La chronologie des faits ajoutée aux propos rapportés émanant de l'employeur, permettent de considérer que la salariée présente des éléments qui, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de sa situation familiale. Dès lors, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .
Pour ce faire, l'employeur affirme qu'il ne s'est pas opposé à la demande de congé parental lequel était de droit mais avoir uniquement convoqué la salariée pour en connaître les modalités, il conteste les propos qui lui sont prêtés dans le document signé par le délégué du personnel et ajoute que le licenciement de la salariée est fondé sur une faute grave voire sur une cause réelle et sérieuse et que les manquements de la salariée constituent la véritable cause du licenciement.
Dans la lettre de licenciement pour faute grave en date du 27 janvier 2016, il est reproché à la salariée de ne pas avoir rempli ses fonctions de manière satisfaisante depuis plusieurs semaines en dépit de précisions apportées par la direction dans un courriel du 21 décembre 2015.
Il est précisé que depuis cette date les manquements répétés sont allés cresendo 'montrant clairement un manque d'implication de de rigueur dans le travail'.
Il est ainsi reproché à la salariée :
- de ne pas avoir retiré, malgré une demande de sa responsable le 4 janvier, les affiches de la promotion de Noël qui s'était achevée le 2 janvier,
- de n'avoir rien planifié pour le lancement de l'opération des soldes et d'avoir à cet égard laissé sans réponse les courrriels de Mme [B] sa responsable directe et de Mme [L],
- l'absence d'action pour redresser le chiffre d'affaires,
- un retard dans le traitement des dossiers mutuelle malgré des alertes en ce sens et le retard dans le traitement du suivi de certains dossiers administratifs,
- un manque de rigueur sur ses fonctions de manager ( heures supplémentaires effectués par deux salariés sans en aviser la direction), ne pas s'être déplacée pour la mise en place de l'opération soldes, une absence de mention dans les plannings de l'inventaire ce qui a généré l'établissement de nouveaux plannings, l'ouverture tardive de la boutique, l'oubli d'une date de séminaire.
La lettre s'achève ainsi ' Ce non respect constant des demandes et consignes de votre hiérarchie entraîne des perturbations dans le bon déroulement des opérations commerciales, et a des répercussions sur la bonne marche de la boutique Optique dont vous aviez la charge.
Après avoir étudié les différents griefs, ainsi que vos explications lors de notre entretien du 18 janvier 2016, et tenant compte de la nature de votre poste et de la nécessité de préserver les actions commerciales à entreprendre sur la boutique Optique, nous considérons que votre comportement et vos manquements répétés sont fortement préjudiciables aux intérêts de l'entreprise et caractérisent un manquement à vos obligations professionnelles ( non respect des directives, non exécution des tâches à accomplir), au respect des procédures propres à votre fonction notamment en terme d'organisation du temps de travail de vos collaborateurs, et cela malgré les nombreux rappels vous ayant été formulés sur ces différents points lors de vos entretiens avec votre direction ou par mails.
Aussi, les faits exposés sont constitutifs d'une faute grave et s'opposent à votre maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis (...)'.
Même si la chronologie des faits ne peut à elle seule permettre de considérer que la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, il convient de relever que jusqu'au mois de décembre 2015, la salariée n'avait fait l'objet d'aucun reproche, ni d'aucune remarque de la part de sa direction alors par ailleurs que la question du traitement des dossiers de mutuelle était connue de celui-ci puisque des échanges avaient eu lieu à ce sujet en 2014 et qu'une réunion avait été organisée à cette fin au mois de novembre 2014 ( pièces 5, 31 à 35 de l'appelante).
Les demandes et reproches ne sont intervenus qu'à compter de la réception par l'employeur de la demande de congé parental.
C'est ainsi que le 7 décembre 2015, jour de la réunion au sujet des modalités du congé parental d'éducation, Mme [B], directrice des concepts et responsable de la salariée, lui a fait remarquer que les plannings n'avaient pas été affichés dans les délais légaux et que personne n'était présent à l'ouverture du point de vente ( pièces 39 et 2 de l'appelante), ce à quoi la salariée a répondu que pour ce qui était de l'affichage du planning, c'est la première fois que la remarque lui en était faite en deux ans et s'engageait à respecter les délais pour janvier.
Au sujet du grief portant sur l'absence de suivi des directives depuis plusieurs semaines en dépit d'un rappel le 21 décembre 2015, et à ce titre l'absence de retrait des affiches au 4 janvier concernant l'opération de Noël et le lancement de l'opération de soldes le 6 janvier suivant, il convient de relever que la salariée, a expliqué sans être contredite sur ce point, que les affiches seraient retirées dès qu'elle ne serait plus en clientèle ce qui est confirmé par l'attestation d'un salarié présent dans le magasin, M. [H] ( pièce 18 de l'intimée), qui a expliqué qu'il avait été choisi de prioriser l'accueil de la clientèle.
Pour ce qui est du lancement de l'opération soldes, il résulte des pièces versées que la salariée avait, le 5 janvier 2016, avisé l'une de ses collaboratrices de la nécessité de mettre en place le magasin pour ce faire et que par ailleurs, l'employeur ne démontre pas que la salariée ne s'est pas impliquée dans cette opération. A cet égard, l'employeur affirme, sans le démontrer, qu'en raison de l'absence de la salariée le 6 janvier 2016, sa responsable a dû venir soutenir les équipe le 6 janvier. Il ne rapporte pas la preuve que le magasin était désorganisé, les attestations qu'il produit pour démontrer l'absence d'implication de la salariée étant à cet égard trop imprécises ( pièces 9 et 10 de l'appelante).
Concernant l'absence d'action pour redresser le chiffre d'affaires, il ressort du tableau produit par la salariée, non contesté par l'employeur ( pièce 16 de l'appelante), que, pour le mois de décembre 2015, celui-ci a été de 90 797 euros soit une progression de 29,90 % par rapport à celui de l'année dernière. Il sera ajouté que faute d'informations précises sur les autres magasins d'optique ( facteurs de commercialité, nombre d'employés) aucune comparaison ne peut valablement être soutenue par l'employeur.
A cet égard, et alors que l'employeur avait demandé à la salariée d'agir en ce sens, il ne peut, sans contradiction, lui reprocher ensuite, dans la lettre de licenciement, sa carence managériale en ayant permis à deux collaborateurs d'effectuer des heures supplémentaires sur cette période étant ajouté que l'employeur ne produit aucun élément permettant de considérer que la directrice de magasin, en charge du management de son équipe, devait préalablement l'informer de la réalisation d'heures supplémentaires.
Concernant la gestion du dossier des mutuelles, il convient de rappeler que cette situation était connue depuis 2014 et que l'employeur n'a adressé aucune remarque à la salariée postérieurement à la réunion du mois de novembre 2014. A cela il sera ajouté qu'il est reproché à la salariée un cumul de plus de 100 000 euros à ce titre alors qu'elle a été absente entre le mois de mai et le mois de novembre 2015 - avec une reprise de quelques semaines en octobre 2015-.
A cet égard, il convient d'ajouter ainsi que le relève la salariée que la direction n'a pas, pendant son absence nommé de manager pour la remplacer ce qui est confirmé à la fois par l'audit réalisé au mois de février 2015 ( pièce 30 de l'appelant) puisqu'il était envisagé d'engager uniquement pour la période de mai à juillet 2015 un opticien en contrat à durée déterminée, et par le témoignage de M. [H] (précité) qui explique qu'il a du, en l'absence de la salariée, remplir, en plus de ses propres missions, les tâches qui incombaient à la salariée. Il relève à ce sujet une difficulté particulière dans le dossier de traitement des mutuelles en indiquant que la direction faisait passer les dossiers par le service comptabilité de l'hypermarché et qu'un changement de personnel dans ce service a retardé le traitement des dossiers.
Il précise qu'à son retour, la salariée s'est attachée à rattraper le retard ainsi pris. Cet élément est d'ailleurs conforté par les courriels de la salariée des 14 et 28 décembre 2015 qui précise que les télétransmissions des mois d'octobre à décembre 2015 ont été envoyées ( pièce 23 de l'intimée) ainsi que le tableau et les échanges du mois de janvier 2016 se rapportant au traitement de dossiers de mars à novembre 2015 ( pièce 29 de l'intimée).
L'attestation de Mme [R] ( pièce 46 de l'appelante) qui a remplacé la salariée à compter du mois de février 2017, concernant la désorganisation du magasin, ne saurait à cet égard être de nature à remettre en cause ces éléments dans la mesure où elle est intervenue plus d'un an après le licenciement de la salariée et où elle fait porter ses constatations, sans distinction jusqu'au 31 décembre 2016, alors que la salariée a été licenciée le 27 janvier 2016 et que la rupture a été précédée d'une mise à pied conservatoire à compter du 7 janvier 2016.
En outre, l'attestation de M. [P], chef comptable, qui ne se trouvait pas en magasin et qui ne précise pas la période d'absence au sujet de laquelle il témoigne, ne peut valablement contredire le témoignage livré par M. [H] ( pièce 45 de l'appelante).
Concernant la demande de congés pour la journée du 29 mars 2016, il sera relevé qu'à la suite de la demande de sa responsable formulée le 18 décembre 2016, la salariée a modifié sa demande le 21 décembre suivant ( pièce 3 de l'appelante). Il apparaît que la modification est intervenue rapidement et suffisamment en amont en sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché de ce chef.
Demeurent les éléments suivants :
- une absence de réponse aux courriels de Mme [O] du 26 décembre 2015 et de Mme [L] du 24 décembre 2015,
- l'absence de prise en compte initiale dans les plannings du mois de janvier de l'organisation de l'inventaire fiscal du 30 janvier 2016,
- l'absence de réponse sur le suivi administratif d'un dossier,
- le fait de ne pas avoir prévu un salarié à l'ouverture de la boutique le 7 décembre 2025.
La nature de ces manquements, de faible gravité et en l'absence de preuve des perturbations apportées au fonctionnement de la boutique, ne peut permettre de considérer qu'ils étaient de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Ils ne sauraient non plus, au regard de leur nature, de l'implication de la salariée, de son absence de passé disciplinaire, des éléments produits qui démontrent qu'elle a tenté de répondre aux multiples injonctions qui lui ont été adressées par son employeur, être considérés comme une cause sérieuse de licenciement.
Pour ce qui est de la cause réelle du licenciement, il ressort des éléments précédemment développés qu'à la suite de sa demande de congé parental, au sujet de laquelle l'employeur, tout en affirmant qu'il ne pouvait s'y opposer car il était de droit, a fait comprendre à la salariée qu'elle n'était pas compatible avec ses responsabilités, qu'il a ensuite, alors qu'il ne l'avait jamais fait auparavant, multiplié les injonctions pressantes envers la salariée à compter du 7 décembre 2015, afin de lui reprocher par la suite son comportement défaillant, que l'analyse des griefs énoncés dans la lettre de licenciement montre qu'en définitive seuls des manquements véniels ont été retenus.
Il convient d'en déduire qu'ainsi que le soutient la salariée, la cause réelle de son licenciement n'est pas le manquement à ses obligations mais le souhait de mettre fin à son contrat de travail à la suite de sa demande de congé parental d'éducation.
Il convient d'en déduire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse et qu'il est le produit d'une discrimination en raison de la situation de famille de la salariée.
En conséquence, un licenciement ne pouvant être à la fois nul et sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé uniquement en ce qu'il a dit que le licenciement est nul.
- Sur les conséquences de la nullité du licenciement
- Sur la demande de rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la mise à pied conservatoire
Le jugement est confirmé sur le quantum des sommes allouée à ces titres.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
La salariée demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une indemnité conventionnelle correspondant à trois mois de préavis en sa qualité de cadre ( article 7 de l'annexe 3 attachée à la convention collective dans sa version alors applicable).
Il convient de confirmer le jugement sur le quantum des sommes allouée à ces titres.
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
La salariée demande la confirmation du jugement sur le montant alloué au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ( article 8 de l'annexe 3 attachée à la convention collective dans sa version alors applicable).
Il convient de confirmer le jugement sur le quantum de la somme allouée à ce titre.
- Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Il résulte des éléments produits qu'au moment du licenciement la salariée avait une ancienneté de 2 ans et 5 mois, qu'elle était âgée de 33 ans était mère de deux enfants.
Elle justifie avoir retrouvé un emploi le 20 juillet 2020 en contrat à durée indéterminée.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 32 000 euros bruts.
Le jugement sera infirmé sur le quantum de la somme allouée.
- Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat et le non-respect de la législation sur le congé parental d'éducation
Il ressort des éléments produits que même si l'employeur a affirmé ne pas s'être opposé au congé parental de la salariée, il n'en demeure pas moins qu'à la suite de la réunion du 7 décembre 2015 au cours de laquelle les modalités du congé parental d'éducation ont été évoquées, l'employeur n'a pris aucune mesure concrète pour en assurer l'effectivité.
A cela, il convient d'ajouter qu'à compter de cette date, il n'a cessé de multiplier les injonctions à la salariée en la mettant sous une pression constante et en lui faisant des reproches dont il a été retenu qu'ils ne pouvaient constituer ni une cause réelle et sérieuse, ni a fortiori une faute grave.
Ces éléments établissent la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail et son souhait de ne pas respecter la législation sur le congé parental d'éducation.
Ils ont généré un préjudice distinct qui n'a pas été indemnité par l'allocation de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul.
Il convient dès lors d'en assurer la réparation en allouant à la salariée une somme de 6 500 euros à ce titre.
Le jugement sera infirmé que le quantum de la somme allouée.
- Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé sur les intérêts sauf à préciser que pour les créances de nature salariale le point de départ du cours des intérêts est fixé à la date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de d'orientation et de conciliation et d'orientation.
Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur est condamné à verser à la salariée la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :
INFIRME le jugement en ce qu'il a
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] les sommes de 38 400 euros au titre d'un licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, 19 200 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation,
LE CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] les sommes de :
* 32 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 6 500 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de la législation relative au congé parental d'éducation,
Précise que le point de départ des intérêts légaux pour les créances de nature salariale est fixé au jour de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau d'orientation et de conciliation,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
CONDAMNE la société Vitry distribution à verser à Mme [U] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Vitry distribution aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE