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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-5, 18 septembre 2025, n° 22/03100

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/03100

18 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/

PA/KV

Rôle N° RG 22/03100 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6UB

[X] [R]

C/

S.C.P. BTSG

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6]

Copie exécutoire délivrée

le : 18/09/25

à :

- Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

- Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 21 Janvier 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/00364.

APPELANT

Monsieur [X] [R], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.C.P. BTSG2, prise en la personne de Maître [H] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS AHK CONCEPT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence MASSA de la SELARL GHM AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

PARTIE INTERVENANTE

Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6], demeurant [Adresse 1]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025.

ARRÊT

rendu par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025.

Signé par Monsieur Philippe ASNARD, Président de chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [R] ( le salarié) a été embauché par la société AHK CONCEPT ( l'employeur ou la société) qui exerçait une activité de création, achat, vente, exploitation directe ou indirecte de tous fonds de commerce de restaurant, snack, bar, glacier, salon de thé, dégustation et vente de tous produits s'y rattachant et vente à emporter, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2019 en qualité de Chef de Cuisine.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des Hôtels, cafés, restaurants.

Le salarié a pris l'initiative, par lettre recommandée avec AR du 2 janvier 2020, de rompre son contrat de travail en reprochant à son employeur le non respect de la périodicité du paiement du salaire, le non paiement du salaire des mois d'octobre et de novembre 2019, des heures supplémentaires réalisées à la demande de l'employeur, les bulletins de paiement non fournis, la prévoyance santé obligatoire non cotisée , une surcharge de travail due à un manque d'effectif.

Formulant divers reproches à l'encontre de son employeur, tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail, [X] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice, par requête reçue le 30 janvier 2020, afin notamment de voir requalifier sa démission en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail et de juger la rupture de son contrat aux torts exclusifs de son ancien employeur, entraînant ainsi les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société AHK CONCEPT a été placée, le 7 juillet 2020, en redressement judiciaire par

jugement du Tribunal de Commerce d'Antibes.

Par jugement du 13 octobre 2020, le Tribunal de Commerce d'Antibes a prononcé la liquidation judiciaire de la société AHK CONCEPT la SCP MANDATAIRES JUDICIAIRES BTSG, représentée par Maître [H] [E], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 21 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Nice a:

Requalifié la prise d'acte de Monsieur [X] [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Fixé la créance de Monsieur [X] [R] entre les mains de la SCP BTSG2 prise en la personne

de Maître [H] [E] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société AHK

CONCEPT aux sommes suivantes :

- 2 166,22 € nets à titre de rappel de salaire du 1 er avril 2019 au 20 novembre 2019 ainsi que

216,62 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 226,49 € au titre des indemnités de préavis ainsi que 322,64 € au titre des congés payés

y afférents,

- 3 226,49 € au titre de l'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la délivrance par la SCP BTSG2 prise en la personne de Maître [H] [E] des

documents suivants :

- les bulletins de paie des mois d'octobre 2019, novembre 2019 et décembre 2019,

- l'attestation pôle emploi,

- le bulletin de paie valant solde de tout compte,

- le certificat de travail rectifiés conformément au jugement à intervenir, et ce, sans astreinte ;

Déclaré le jugement commun et opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS de [Localité 6];

Dit que l'AGS doit sa garantie pour les créances salariales visées aux articles L.3253-6 et L.

3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;

Dit que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à Monsieur [X] [R] ne

pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds

disponibles pour procéder à leur paiement ;

Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, tant principales que reconventionnelles ;

Dit que les dépens seront à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société AHK

CONCEPT.

Par déclaration en date du 1er mars 2022, [X] [R] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de fond qui ne sont pas contestées, rendant son appel recevable.

La clôture a été prononcée le 22 mai 2025.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 29 juillet 2022, [X] [R] demande de:

Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

Requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixé la créance de [X] [R] aux sommes suivantes :

' 700 € (sept cent euros) net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné la délivrance par la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [H] [E] des documents suivants :

' les bulletins de paie d'octobre 2019, novembre 2019 et décembre 2019,

' l'attestation pôle emploi,

' le bulletin de paie valant solde de tout compte,

' le certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir ;

Déclaré le jugement commun et opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS de [Localité 6];

Et de l'infirmer pour le surplus.

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de :

Fixer la moyenne mensuelle brute de ses salaires perçus à la somme de 9.108,48 euros, heures supplémentaires incluses,

Fixer la créance de [X] [R] au passif de la société AHK CONCEPT, aux sommes suivantes:

' 1.155,22 € net à titre de rappel de salaire du 1er avril 2019 et jusqu'au 20 novembre 2019,

' 115,52 € net au titre des congés payés y afférents,

' 9.108,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

' 910,85 € au titre des congés payés y afférents,

' 33.782,61 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et non payées du 1er juin 2019 au 20 novembre 2019,

' 3.378,26 € au titre des congés payés y afférents,

' 6.977,96 €, indemnité de congés payés comprise, à titre de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

' 19.358,94 € nets de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

' 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles sur le repos hebdomadaire et au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires de travail, ' 9.108,48 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois),

' 2.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes pour les

demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à

caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,

Dire et juger que le C.G.E.A. fera l'avance des sommes au titre des créances qu'il garantit, dont fixation au passif est requise,

Dire et juger que l'A.G.S. fera l'avance des sommes au titre des créances qu'elle garantie (sic), dont fixation au passif est requise,

Dire et juger que la décision à venir est opposable à l'AGS et au CGEA dans la limite des plafonds de ses garanties légales et réglementaires,

Dire que les dépens seront fixés au passif du redressement judiciaire de la société AHK CONCEPT, ainsi que la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient après un rappel des règles juridiques qu'il estime applicables:

Sur le paiement des salaires que:

- il a rencontré des difficultés concernant le règlement de ses salaires, alors que le paiement des salaires par l'employeur doit intervenir une fois par mois, l'employeur accusait de nombreux retards de paiement, dont il s'est systématiquement plaint,

- son salaire était payé parfois par chèque, parfois par virement, sans même qu'il n'en soit informé et des chèques n'émanaient pas de la société,

- ce manquement justifie à lui seul la prise d'acte,

- il n'a pas perçu l'intégralité de ses salaires depuis son embauche, ainsi que pour la période du 1er au 20 novembre 2019, ayant été placé en arrêt maladie à compter du 21 novembre 2019, malgré ses demandes répétées en ce sens auprès de son employeur,

- il en résulte un différentiel qui doit être fixé (à la procédure collective),

sur les heures supplémentaires que:

- l'intégralité de celles-ci n'ont pas été réglées,

- il ne lui était pas possible de réaliser son travail en seulement 39 heures par semaine et il verse aux débats divers éléments permettant de justifier ses demandes salariales,

- l'employeur est particulièrement défaillant à démontrer la réalité des horaires de

travail accomplis par le salarié et n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer les

mesures prises destinées à garantir la santé et la sécurité de [X] [R] et la réponse à

ses alertes, se bornant à contester ses affirmations à ce sujet et à critiquer ses éléments de preuve, ses affirmations étant erronées,

- les premiers juges n'ont pas pris en compte l'ensemble des éléments de preuve versés aux

débats.

Sur le travail dissimulé, que l'employeur avait parfaitement connaissance de la charge de travail imposée à son salarié puisqu'il en était à l'initiative et son intention de dissimulation est également démontrée.

Sur le non-respect des dispositions relatives au repos hebdomadaire et quotidien que à compter du 06 juin 2019 et jusqu'au 1er octobre 2019, soit sur une période de 17 semaines consécutives, il n'a bénéficié d'aucun jour de repos et de plus, il n'a pas bénéficié du temps de repos légal, cette situation l'a conduit à un état de fatigue extrême et une tension permanente, dont il a alerté son employeur .

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail que la société AHK CONCEPT ne lui jamais remis ses bulletins de paie des mois d'octobre, novembre, décembre 2019 ainsi que du mois de janvier 2020, lui causant un préjudice certain puisqu'ayant une incidence sur ses droits au chômage ou ses droits à la retraite,

Sur les conséquences financières de la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse que:

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir (heures supplémentaires incluses) ,

- qu'il y a lieu de s'affranchir du barème qui ne permet pas d'allouer au salarié une réparation en adéquation avec son préjudice

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 juin 2022, la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [E], son liquidateur, intimée et faisant appel incident, demande de:

Confirmer le Jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de ses demandes relatives:

' au rappel pour les heures supplémentaires pour la période du 1er juin 2019 au 20 novembre 2019,

' à l'indemnité de congés prise, à titre de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

' à l'indemnité légale de licenciement,

' aux dommages et intérêts pour travail dissimulé,

' aux dommages et intérêts pour non-respect des règles sur le repos hebdomadaire et au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires du travail,

' aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Infirmer le Jugement en ce qu'il a :

' requalifié la démission de Monsieur [S] en licenciement sans cause réelle et sérieuse

' Fixé au passif de la société AHK CONCEPT des sommes suivantes :

- 2.166,22€ nets à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2019 au 20 novembre 2019 et 216,62 € à titre de congés payés y afférents,

- 3.226, 49€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 322,94€ à titre de congés payés y afférents,

- 3.226,64 € nets à titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700,00€ au titre de l'article 700 du CPC,

Partant, rejuger de nouveau :

À titre principal

Débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

À titre subsidiaire :

Confirmer le Jugement en ce qu'il a fixé le salaire moyen de Monsieur [R] à la somme de 3.226, 49€

Confirmer le Jugement en ce qu'il a fixé à l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3.226, 49€ et les congés payés y afférents à 322,94€.

Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le rappel de salaire à hauteur de 2.166,22€ nets et le fixer à 1.155,22€.

Infirmer le Jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1.733,52€ et la Fixer à 1 euro symbolique.

En tout état de cause:

Condamner Monsieur [R] au paiement de 3.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [E], et aux entiers dépens.

Le liquidateur de la société fait valoir essentiellement:

Sur la demande de rappel de salaire que les salaires ont été intégralement versés, le salarié reconnaissant que son salaire lui était versé « parfois par chèque, parfois par virement ou encore en espèce', les relevés bancaires du salarié et de compte de la société le confirmant, le premier juge ayant en outre omis un chèque dans ses calculs,

Sur la demande au titre des heures supplémentaires, que les heures supplémentaires accomplies au delà de 35 h par semaine et majorées à 10% étaient déjà rémunérées, que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve des amplitudes horaires qu'il revendique, que durant la relation de travail le salarié n'a jamais formé la moindre revendication quant à ses heures supplémentaires, que les éléments versés au débat par le salarié sont insuffisamment précis, voire incohérents,

Sur la contrepartie obligatoire en repos, que le salarié n'apporte pas la preuve d'avoir effectué

les heures supplémentaires revendiquées et son calcul de l'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos en cas de dépassement du contingent annuel est erroné.

Sur le travail dissimulé, que l'employeur a rémunéré les heures supplémentaires effectivement travaillées par le salarié, que celui-ci ne rapporte pas la preuve des autres heures revendiquées ni l'intention coupable de l'employeur.

Sur le repos hebdomadaire et quotidien, que le salarié contrairement à ses allégations n'a pas travaillé 7/7jours pour la période estivale puis 6 /7 jours à compter du mois d'octobre plus de 11h30 par jour et bénéficiait d'un jour de repos.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail, que l'employeur a respecté la périodicité du paiement du salaire et que le salarié n'a subi aucun préjudice, que le retard isolé a été régularisé, que le salarié n'a jamais réclamé ses bulletins de salaire après octobre 2019, sauf dans son courrier de démission et n'a subi aucun préjudice.

Sur la requalification de la démission en prise d'acte:

-à titre principal, qu'aucun des manquements pouvant être retenus ne justifie de requalifier la démission en prise d'acte,

- à titre subsidiaire, que les périodes d'absence pour cause de maladie non professionnelle ne peuvent être prises en compte au titre de l'ancienneté, que le salarié ne peut par conséquence prétendre qu'à un mois de salaire au titre de l'indemnité de préavis et n'a droit à aucune indemnité de licenciement, que le salarié comptant moins d'un an d'ancienneté seul un euro symbolique peut lui être accordé au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'AGS CGEA, appelé en intervention forcée, a fait savoir par courrier du 16 mars 2022 qu'il ne sera pas ni présent ni représenté, se disant ne pas être en mesure d'apprécier la validité des demandes.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision entreprise et conformément à l'article 455 du code de procédure civile aux dernières écritures des parties.

MOTIVATION

Il est rappelé que la cour est saisie par les prétentions formulées au dispositif des écritures des parties et ne statue pas sur les 'dire et juger', qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, mais constituent un simple rappel des moyens.

Par ailleurs, les exigences de structuration des écritures justifient que seuls les moyens invoqués dans la partie discussion des écritures soient pris en compte par la cour(Cass. Civ 3ème, 9 janvier 2025, n°22-13.911).

I) Sur la requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

A) Sur la qualification de la rupture et ses conséquences:

La démission est un acte juridique unilatéral émanant du salarié et supposant une manifestation claire et non équivoque de la part de son auteur de mettre fin de plein gré à son contrat.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Le caractère clair et non équivoque de la démission peut être remis en cause lorsque le salarié invoque des manquements de l'employeur de nature à rendre équivoque sa démission : c'est la démission / prise d'acte, qualifiée de prise d'acte, soit ab initio lorsqu'elle est assortie de réserves, soit a posteriori, quand le salarié justifie de l'existence d'un différend contemporain ou antérieur à sa démission.

La prise d'acte ne lie pas le litige et le salarié peut invoquer d'autres manquements que ceux formulés dans sa prise d'acte.

Monsieur [R] a pris l'initiative de rompre son contrat de travail le 2 janvier 2020, dans les termes suivants:

' Madame, Monsieur,

Je me vois aujourd'hui dans le regret de vous informer que je mets fin de manière immédiate et sans préavis au contrat de travail qui me voyait remplir la fonction de Chef de cuisine depuis le 1er avril 2019 dans votre restaurant [5], au [Adresse 3].

Cette rupture de mon contrat de travail est motivée par les raisons suivantes. :

- Périodicité du paiement du salaire non respectée ;

- Non-paiement du salaire des mois d'octobre et de novembre 2019 ;

- Non-paiement des heures supplémentaires réalisées à votre demande ;

- Bulletins de paiement non fournis ;

- Prévoyance santé obligatoire non cotisée ;

- Rémunération ne figurant pas sur le bulletin de paiement, imposé ;

- Surcharge de travail due à un manque d'effectif, qui a été réclamé à plusieurs reprise et accordé verbalement mais jamais réalisé.

Je vous ai alerté à ce sujet à plusieurs reprises mais vous n'avez pas souhaité me répondre favorablement et n'avez pas régularisé ma situation. Ces manquements rendent impossible le fait de travailler pour vous.

Compte tenu de vos méthodes, inacceptables depuis plusieurs mois, et des préjudices financiers et morales que je subis du fait de cette situation, j'ai décidé de démissionner de mes fonctions, considérant que cette démission est contrainte par vos différents manquements.

Je vous prie de me remettre, en outre un bulletin de salaire pour le mois de novembre 2019, un certificat de travail, une attestation pôle emploi pour faire, éventuellement valoir mes droits à l'assurance chômage, ainsi que la totalité de mon salaire incluant les heures supplémentaires accomplies qui ne m'ont jamais été payées s'étalant du mois de juin 2019 au mois de novembre 2019.'

1) sur la périodicité des paiements et la demande de rappels de salaire pour la période du 1er août 2019 à 20 novembre 2019

a) sur la périodicité du paiement des salaires:

Le conseil a retenu à bon droit que si l'employeur n'est pas obligé de respecter une date précise de versement du salaire en revanche, il doit se plier à une périodicité des paiements.

Il ressort des éléments du dossier, copies de chèques, relevés du compte de la société, repris par le premier juge dans son analyse détaillée et également résumés dans le tableau en page 19 et 20 des dernières écritures de l'appelant, que le salaire de juillet a été payé le 5 août 2019, le salaire d'août lui a été payé pour une partie le 7 septembre 2019 (à hauteur de 1 000 euros) puis le 28 septembre 2019 (à hauteur de 1 000 euros) puis le 12 octobre 2019 par chèque de 3 340 euros réglant le solde du salaire d'août ainsi qu'une partie de septembre à hauteur de 1 840 euros puis un autre chèque de 500€ a été encaissé le 29 octobre 2019, soit un total de 2 340€ au titre du salaire du mois de septembre, le salaire d'octobre 2019 ayant quant à lui été payé le 7 novembre 2019 par virement de 2500€.

En outre dans ses écritures, l'employeur indique ' l'employeur a tout mis en 'uvre afin de verser les salaires mensuellement à Monsieur [R], en compensant parfois ses retards, et ce en dépit des difficultés économiques qu'il pouvait rencontrer.'

Il ressort de ces éléments l'absence de périodicité du paiement du salaire, qui n'est pas utilement contestée par le liquidateur qui mentionne d'ailleurs la remise des chèques suivants:

Chèque remis 14 mai 2019 pour le salaire d'avril,

Chèque du 17 juillet 2019 pour le salaire de juin 2019,

Chèque du 12 et 26 octobre 2019, pour le salaire du mois de septembre 2019.

L'argumentation de la société relative au paiement des salaires de septembre à novembre 2020 est sans portée, dès lors que la demande du salarié porte sur l'année 2019.

Il en résulte que la périodicité du paiement du salaire n'a pas été respectée par l'employeur et le fait que, pendant la relation contractuelle, le salarié n'a fait aucune réclamation, ne le prive pas du droit de se prévaloir d'un manquement de l'employeur à ce titre au soutien de sa prise d'acte.

Ce grief est donc caractérisé.

b) sur le défaut de paiement de l'intégralité du salaire:

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte que la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention, d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.

Il est constant que le premier juge a retenu à tort un reliquat de rappel de salaire de 2.166,22€ nets alors qu'en cause d'appel le salarié sollicite une somme nette de 1.155,22€. De ce chef, le jugement critiqué encourt d'ores et déjà infirmation.

Il n'est pas contesté par l'appelant que le paiement de son salaire était effectué notamment par chèques et virements et le liquidateur fait état, extrait des relevés bancaires de la société à l'appui, des paiements suivants:

- 12 octobre 2019 : chèque de 3340€,

- 30 octobre 2019: chèque de 500€,

- 7 novembre 2019 : virement de 2500€ et prétend que cette somme correspond au paiement des salaires suivants :

- Octobre : 3.326,49€ bruts,

- Novembre : 2.150,99€ bruts.

Il est fait en outre grief au Conseil de Prud'hommes et au salarié d'omettre dans leurs calculs un chèque de 1.000€, pourtant mentionné dans le tableau en page 6 du salarié.

Pour autant, dans ses derniers calculs repris dans son tableau récapitulatif en page 19 et 20 de ses dernières écritures, le salarié prend en compte l'ensemble des paiements dont la société fait état, dont ressort que, pour la période en cause, il est dû à M.[R] un reliquat de salaire de 1.155,22€ nets, montant que le liquidateur demande d'ailleurs subsidiairement de retenir et de fixer.

Par ailleurs, le liquidateur ne rapporte aucune preuve d'autres paiements que ceux reconnus et pris en compte dans ses calculs par M. [R].

Il convient, en conséquence, de fixer la créance de [X] [R] au passif de la société AHK CONCEPT, aux sommes suivantes :

' 1.155,22 € net à titre de rappel de salaire du 1er avril 2019 et jusqu'au 20 novembre 2019,

' 115,52 € net au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il retient que le grief de défaut de paiement de l'intégralité du salaire est établi, mais infirmé sur le montant de la créance de l'appelant à ce titre.

2) Sur les heures supplémentaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, la régle selon laquelle 'nul ne peut se faire de preuves à soi même' n'est pas applicable en la matière.

Les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine ; cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Selon les articles L3121-27 et L3121-28 du code du travail, elles ouvrent droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

Sont considérées comme heures supplémentaires les heures qui ont été soit demandées par l'employeur, soit accomplies avec l'accord au moins implicite de celui-ci, cet accord implicite pouvant résulter de ce que celui-ci, les connaissant, ne s'y est pas opposé.

Il appartient également à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié .

La convention collective des hôtels, cafés, restaurants, applicable en l'espèce prévoit que le

paiement des heures supplémentaires doit intervenir comme suit:

- majoration fixée à 10% pour les heures effectuées entre la 36ème et la 39ème heure,

- 20% pour celles effectuées entre la 40ème et la 43ème heure

- 50% à partir de la 44ème heure.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, en sus de celles déjà rémunérées de 35 à 39 h/mois majorées à 10%, l'appelant produit:

- un tableau des heures supplémentaires revendiquées pour la période du mois de juin 2019 à novembre 2019, faisant apparaître, pour chaque jour allégué comme travaillé, l'heure de début et de fin du travail le matin, l'heure de début et de fin du travail l'après-midi, le temps de travail théorique, le temps de travail effectué, le nombre d'heures effectuées, et donc l'amplitude des journées de travail. Il résulte plus précisément de ce tableau que le salarié revendique les heures supplémentaires suivantes, en sus de celles déjà rémunérées, majorées à 10% entre la 36ème et la 39 ème heure:

' 16 heures supplémentaires majorées à 20% et 119,25 heures supplémentaires majorées à 50% en juin 2019,

' 16 heures supplémentaires majorées à 20% et 169,40 heures supplémentaires majorées à 50% en juillet 2019,

' 20 heures supplémentaires majorées à 20% et 166,25 heures supplémentaires majorées à 50% en août 2019,

' 16 heures supplémentaires majorées à 20% et 167,75 heures supplémentaires majorées à 50% en septembre 2019 ( doublon du tableau..),

' 16 heures supplémentaires majorées à 20% et 94,35 heures supplémentaires majorées à 50% en octobre 2019,

' 8 heures supplémentaires majorées à 20% et 54 heures supplémentaires majorées à 50% en novembre 2019, soit au total 863 heures supplémentaires.

- des captures d'écran des horaires d'ouverture et de fermeture du restaurant,

- les attestations suivantes émanant de collègues de travail:

'Attestation de [U] [S] :

'À partir de l'ouverture du restaurant le 06 juin 2019 l'équipe de cuisine a travaillé 7 jours sur 7 pendant 2 semaines exception faite du Chef qui a dû terminer le mois de cette façon. Par la suite, nous avons eu le droit à un jour de repos chacun durant la saison, et là encore l'absence du chef n'était que tolérée, des remarques telles que : « il n'est pas là le Chef ' » durant son seul jour de repos étaient extrêmement fréquentes. Sachant que durant toute notre période d'activité avec « [5] », nous étions en sous-effectif, malgré des promesses d'embauches faites à plusieurs reprises mais jamais tenues.'

'Suite au licenciement du second de cuisine le Chef et moi avons du reprendre une fréquence de travail 7 jours par semaine, de nouvelles promesses d'augmentation en compensation du travail fourni et de recrutement nous ont été faites mais là encore jamais tenues.'

'Ce qui ne les empêchait pas d'avoir le culot de demander toujours plus d'heures de travail sans pour autant payer les heures supplémentaires fournies et exiger de leur part ou payer les

salaires en temps et en heure ou dans leur totalité'

' le chef [R] était présent de 8h à 14h30 et de 18h à 23h et bien souvent au delà, 00h 1h étant la norme et ce à la sollicitation des patrons'

'Attestation de [N] [D]: 'Ayant commencé dans l'entreprise la mi-juin avec un contrat à mi temps mais en effectuant plus de 35 heures de travail.'

'J'atteste que Monsieur [X] [R] et [U] [S] étaient présents de 8h à 14h30 et de 18h à 23h30 voire plus (00h 1h du matin).'

'Tout a commencé lors de mon premier mois au sein du Charleston Restaurant, nous avons travaillé plus de 200 heures en 1 mois SANS JAMAIS recevoir de compensation. Ni en congé, ni en argent, les conditions de travail étaient terribles, manque de personnel, surcharge de travail, cuisine non adapté (chaleur intensive), aucune clim'

Lorsque nous étions en repos (le Chef [X] et moi-même) mais plus le Chef, le patron « [J] » harcelait le Chef pour qu'il vienne travailler alors que le premier mois nous n'avons pas eu de repos.'

'Attestation de [W] [M] : ' En cuisine, les effectifs minimum de personnel ne permettaient pas de pouvoir tenir le rythme imposé par la Direction. Trop d'heures de présence, 1 seul jour de repos par semaine, même [X] a dû passer plusieurs semaines sans repos. En ajoutant à cela le fait que les fournisseurs, n'étaient pas payés.

[']

Nous étions présents minimum 10 heures par jour et cela 6 jours par semaine. Les horaires de fermeture n'étaient également pas respectés, nous finissions vers 2h30 du matin sans autorisation légale'

- des échanges de SMS avec les fournisseurs du restaurant dès 9h00 le matin, entre midi et 14h00 et le soir après 20h00, souvent aux alentours de 23h00 et fréquemment jusqu'à 1h45 du matin, y compris le mardi, ce jusqu'en octobre 2019 comme l'indique l'appelant,

- un échange de SMS entre [X] [R] et [A] [V], dans lequel le salarié se plaint de sa charge de travail ce à quoi il lui est répondu sans contestation de ses propos ' Je vois ça avec [J] et [G] et tu n'as même pas à te justifier le travail est fait et ton salaire amplement mérité'.

- 85 captures d'écran des échanges de SMS avec sa compagne, dont certains après minuit, l'appelant précisant qu'il avait pris l'habitude, au regard de ses larges amplitudes de travail, d'avertir sa compagne lorsqu'il arrivait au restaurant ou lorsqu'il le quittait.

- des relevés d'appels téléphoniques faisant apparaître des appels tardifs. Pour autant, les destinataires de ces appels n'étant pas identifiés, cet élément ne peut être pris en compte comme révélant un travail du salarié à des heures tardives.

- un échantillon des plannings de travail des salariés, corrigé par M. [R] pour la période du 17 au 23 juin 2010, comportant le cachet de la société,

- un message WhatsApp dont il n'est pas contesté qu'il a été adressé au salarié par son employeur le 06 juin 2019 à 1h27 du matin ayant pour objet une réunion prévue pour le lendemain.

En revanche, il n'y a pas lieu comme le soutient d'ailleurs le liquidateur de prendre en compte les attestations du père du salarié et de [O] [Z], compagne de M. [R], qui d'ailleurs n'apportent aucune information sur le temps de travail de M. [R] et dont la partialité est en outre sujette à caution en raison des liens unissant les auteurs de ces témoignages à l'appelant.

Le fait que M. [S] est en conflit avec l'employeur n'est pas à lui seul de nature à oter tout crédit à son témoignage, par ailleurs suffisamment circonstancié.

Ainsi, l'appelant produit des éléments suffisamment précis, permettant à l'employeur, tenu de contrôler le temps de travail du salarié non soumis à un horaire collectif, de fournir ses propres éléments sur la réalité du temps de travail de son subordonné.

La société conteste ces éléments en faisant valoir que:

- Le seul fait de verser les horaires d'ouverture et de fermeture du restaurant ne démontre

absolument pas les heures de travail effectivement réalisées par le salarié.

- Le restaurant était fermé le mardi,

- compte tenu des horaires de restauration, M. [R] en sa qualité de Chef de Cuisine n'avait donc pas à rester sur place.

- M. [T] a également diligenté une procédure contre l'employeur, actuellement

pendante par devant la Cour d'appel et son témoignage qui fait état d'un jour de repos pour le chef de cuisine, contredit M. [R] qui prétend avoir travaillé sans jour de repos,

- les attestations fournies sont imprécises,

- les échanges de SMS ne démontrent pas l'amplitude horaires revendiqués, mais surtout Monsieur [R] pouvait prendre son service bien après 8h00 contrairement à ce qu'il indique.

- Le planning ne comporte pas la signature de l'employeur, est incohérent avec les heures d'ouverture et de fermeture du restaurant, le restaurant étant fermé le mardi, a été modifié manuscritement et a pu être fait pour les besoins de la cause.

- les tickets de parking ne permettent pas de démontrer l'amplitude horaire revendiquée,

- les relevés d'appel téléphoniques tardif ne permettent pas d'identifier les interlocuteurs,

- dans son tableau le salarié revendique systématiquement les mêmes heures supplémentaires pour chaque jour, dont pour la journée du mardi alors que l'établissement est fermé.

Cependant, sauf à faire reposer sur l'appelant la seule charge de la preuve des heures supplémentaires revendiquées, l'employeur ne peut se contenter de critiquer les éléments fournis par M. [R] et, tenu de contrôler le temps de travail du salarié, doit fournir ses propres éléments.

Or, force est de relever que l'intimée ne produit aucune donnée relatives au temps de travail du salarié, à la journée de repos alléguée à laquelle l'appelant aurait eu droit, à la fermeture du restaurant le mardi, contredite d'ailleurs par les captures d'écran d'ouverture et de fermeture du restaurant.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, il résulte d'un courriel du 13 décembre 2019 que M. [R] a contacté son employeur au sujet de son salaire incluant les heures supplémentaires et, en tout état de cause, quant bien même le salarié n'aurait pas réclamé le paiement d'heures supplémentaires pendant la relation de travail, cette circonstance n'établit pas que celles-ci n'étaient pas dues et ne le prive pas du droit de réclamer un rappel de salaire à ce titre.

Par ailleurs, au vu des attestations précitées faisant état de l'organisation du service de M. [R], il apparaît que les heures supplémentaires au delà de 39 heures étaient justifiées par le travail confié au salarié et ont été accomplies, sinon à l'instigation de la société, en tout cas au moins avec l'accord au moins implicite de l'employeur, qui, ne pouvant les ignorer, ne s'y est pas opposé.

Au regard de tout ce qui précède, la cour retient que la demande portant sur la période de juin à novembre 2019 est fondée et y fait droit pour les seules heures supplémentaires étant observé que dans ses calculs le salarié intègre semble t'il de manière confuse les majorations pour travail le dimanche et de nuit sans aucune explication, alors qu'aucune demande à ce titre n'est formée dans le dispositif de ses écritures qui saisissent la cour.

En conséquence, par infirmation du jugement déféré, il y a lieu de dire que le grief de défaut de paiement des heures supplémentaires ( 863 heures) est établi et de fixer la créance de M. [R] à ce titre, selon les indications données par celui-ci dans son tableau en pièce 20 et non sérieusement discutées, comme suit:

- 23'353,19€ à titre de rappel de salaire pour les seules heures supplémentaires effectuées et non payées du 1er juin 2019 au 20 novembre 2019,

(soit 16 X 22,12 et 119,25 X 27,65 en juin 2019, 16 X 22,12 et 169,40 X 27,65 en juillet 2019, 20 X 22,12 et 166,25 X 27,65 en août 2019, 16 X 22,12 et 167,75 X 27,65 en septembre 2019, 16 X 22,12 et 94,35 X 27,65 en octobre 2019 et 8 X 22,12 et 54 X 27,65 en novembre 2019) .

- 2335,32€ au titre des congés payés y afférents.

3) Sur le travail dissimulé:

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est considéré comme travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L8223-1 du même code ajoute :

'En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.'

Pour caractériser l'existence du travail dissimulé, il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel qui ne peut se déduire de la seule absence de mention sur les bulletins de paie de la totalité des heures de travail effectuées par le salarié..

En l'espèce, la cour a retenu ci-avant que le salarié avait accompli, entre juin et novembre 2019, 863 heures supplémentaires, non rémunérée et non mentionnées sur les bulletins de paie, l'élément matériel du travail dissimulé étant ainsi caractérisé.

Par ailleurs du fait de l'organisation mise en place par l'employeur, telle qu'elle résulte de l'analyse de la cour dans le cadre de la discussion sur les heures supplémentaires, celui-ci ne pouvait ignorer l'accomplissement d'heures supplémentaires par M. [R], rendues nécessaires par le travail confié à ce dernier. Il en résulte que la partie intimée a sciemment omis de mentionner sur les bulletins de salaire l'intégralité des heures supplémentaires accomplies par son subordonné, l'élément intentionnel du travail dissimulé étant ainsi amplement caractérisé.

Il sera donc fait droit, par infirmation du jugement déféré à la demande et il y a lieu en conséquence de fixer la créance du salarié à ce titre au passif de la procédure collective à la sommme non contestée dans son quantum même à titre subsidiaire de 19.358,94 € nets .

4) Sur le non-respect des dispositions relatives au repos hebdomadaire et quotidien

La convention collective nationale des Hôtels, cafés, restaurants, applicable prévoit un repos hebdomadaire de 2 jours par semaine.

L'article L. 3132-1 du Code du travail prévoit qu''Il est interdit de faire travailler un salarié

plus de six jours par semaine'.

Selon l'article L3131-1 du Code du travail:

' Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret'.

Il est constant que la convention collective applicable en l'espèce prévoit une durée maximale hebdomadaire sur une période de 12 semaines consécutives de 46 heures, et une durée maximale absolue de 48h.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées minimales de temps de pause fixées par le droit interne, incombe à l'employeur afin de garantir l'effectivité du droit des salariés à la santé et au repos, lequel est reconnu tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne.

La société se contente de faire valoir que l'établissement était fermé tous les mardis, et ce y compris pendant la période estivale, que Monsieur [S] reconnaît lui-même dans son attestation que lui et le Chef de cuisine bénéficier d'un jour de repos par semaine, et que le salarié ne rapporte pas la preuve d'effectuer les services du midi et du soir, ni des heures supplémentaires qu'il revendiquait, sans pour autant apporter la preuve du respect par elle des dispositions applicables relatives au repos hebdomadaire alors que les éléments fournis dans le cadre du débat sur les heures supplémentaires et analysés ci-avant démontrent le contraire.

En outre, le salarié produit le certificat médical du Dr [P], faisant état d'un épuisement professionnel étant venu à bout de sa patience volontariste, lié en autres aux pressions accrues de son travail nécessitant son éviction professionnelle.

Ce grief est donc également établi sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens des parties.

5) sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L 1222-1 du Code du travail prévoit que " Le contrat de travail est exécuté de bonne

foi.", étant rappelé que la bonne foi est présumée et qu'il incombe au salarié d'apporter la preuve de la mauvaise foi de l'employeur.

L'exécution déloyale du contrat de travail peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts à à charge pour la partie qui l'invoque, en application de l'article 1240 du code civil, de démontrer un préjudice spécifique causé par un manquement à la bonne foi.

La demande du salarié est fondée sur l'absence de délivrance des bulletins de paye d'octobre 2019 à janvier 2020.

Le bulletin de paye est, sauf accord particulier, quérable et non portable. Il est délivré au lieu de la paye, sur le lieu de travail. Néanmoins, si le salarié est absent de l'entreprise à la date du paiement de la rémunération, il appartient à l'employeur de lui faire parvenir le bulletin par tout moyen.

En l'espèce, il ressort des écritures de l'employeur qu'à partir de l'arrêt maladie du salarié, soit d'octobre 2019 jusque décembre 2019, aucun bulletin de salaire n'a été remis à M. [R] alors que celui-ci était absent de l'entreprise et l'employeur ne peut se retrancher derrière le fait allégué que le salarié n'a jamais adressé le moindre courrier pour réclamer ses bulletins de salaire, si ce n'est dans son courrier du 2 janvier 2020 par lequel il démissionnait.

Ce grief est donc caractérisé.

XXX

Il en résulte que les griefs retenus ci-avant à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle, que la démission du salarié a un caractère équivoque en raison des circonstances l'entourant et du différend contemporain de la rupture opposant les parties et s'analyse en une prise d'acte qui produit, en conséquence, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salarié peut prétendre au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts au titre de la perte injustifiée de l'emploi.

II) Sur les conséquences financières:

A) au titre de l'exécution du contrat de travail

1) sur les demandes de rappel de salaire pour la période du mois d'avril 2019 au 20 novembre 2019, au titre des heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé

Il a déjà été statué ci-avant sur les demandes du salarié dans le cadre du débat sur la rupture du contrat. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

2) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos'

En application des articles L. 3121-11 et suivants du Code du travail, les heures

supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires

donnent droit à l'octroi d'une contrepartie obligatoire en repos.

Aux termes de l'article L. 3121-38 du code du travail, à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

En vertu de l'article 5.3 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail de la convention collective applicable, le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 360 heures.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi et cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.( Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 22-20.764).

Il revient à l'employeur de justifier avoir mis le salarié en mesure de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos, ce qu'il ne fait pas en l'espèce, étant observé qu'il est tout au plus admis en défense que l'intéressé a bénéficié d'un jour de repos et non de 2 comme prévu par la convention collective.

En l'espèce, il est établi que le salarié a accompli, en 2019, 863 heures supplémentaires, soit 502 heures au-delà du contingent annuel. Il lui sera donc alloué une indemnité correspondante proratisée sur la période de travail d'avril 2019 ( date d'embauche) à novembre 2019, calculée comme suit:

863 ' 270 (360 x 9/12) = 593 heures.

593 x 18,43 (taux horaire contractuellement prévu)=10'928,99€ à titre d'indemnité de repos compensateur pour l'année 2019, outre 1092,9€ au titre des congés payés y afférents (soit au total 12'021,89€ / 2 = 6'010,94€.

La créance du salarié sera donc, par infirmation du jugement dont appel, fixée à ce dernier montant.

3) Sur la demande relative aux dommages et intérêts pour non-respect des dispositions

relatives au repos hebdomadaire et dépassement des amplitudes journalières et

hebdomadaire de travail

Le salarié ne rapporte aucune preuve d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par les dommages et intérêts alloués par la cour au titre de la contrepartie obligatoire en repos, la cour considérant à cet égard que l'épuisement professionel dont le salarié se prévaut, certificat médical à l'appui, résulte de ce que M. [R] n'a pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos.

La demande de M. [R] de dommages intérêts à ce titre est donc rejetée et le jugement déféré est confirmé sur ce point.

4) Sur la demande de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Si le manquement de l'employeur, consistant à ne pas avoir délivré les bulletins de salaire d'octobre 2019 à janvier 2020 est établi, il n'en demeure pas moins que le préjudice en résultant est insuffisamment démontré, le salarié se contentant d'affirmer qu'il ne pourra notamment pas faire valoir ses droits au chômage ou encore ne pourra pas justifier des revenus perçus sur ladite

période pour bénéficier de ses droits à la retraite, sans pour autant fournir le moindre élément en ce sens.

La demande de M. [R] de dommages intérêts à ce titre est donc rejetée et le jugement déféré est confirmé sur ce point.

B) au titre de la rupture du contrat

Sur les indemnités de rupture:

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement.

Pour le calcul des indemnités de rupture, il est constant qu'il y a lieu de prendre en compte la rémunération mensuelle que le salarié aurait dû percevoir (heures supplémentaires incluses ainsi que travail le dimanche et de nuit) et non la rémunération qu'il a effectivement perçue, du fait des manquements de l'employeur à ses obligations.

Selon les calculs du salarié auxquels la cour se réfère, cette rémunération, dont le quantum n'est pas contesté, même à titre subsidiaire, s'élève à la somme de 9.108,48 € brut mensuel, montant qui sera en conséquence retenu pour la calcul des indemnités de rupture.

Il y a donc lieu de fixer la moyenne mensuelle brute des salaires perçus par M. [R] à la somme de 9.108,48€, heures supplémentaires, de nuit et le dimanche incluses.

Aux termes de l'article L1234-11 du code du travail Les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit d'usages, ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement.

Toutefois, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.

Seuls les arrêts maladie provoqués par un accident du travail ou une maladie professionnelle sont assimilés à une période de travail effectif pour le calcul de l'ancienneté servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement. En l'absence de dispositions conventionnelles prévoyant que les absences pour maladie sont prises en compte dans le calcul de l'ancienneté propre à déterminer le montant de l'indemnité conventionnelle ou légale de licenciement, les périodes de suspension du contrat de travail de M. [R] pour cause de maladie non professionnelle ne peuvent être prises en compte pour la détermination du droit et pour le montant de l'indemnité de licenciement (en ce sens Cass Soc 28 septembre 2022 n°20-18.218).

Aux termes de l'article L1234-9, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

En l'espèce, une fois déduites les périodes d'arrêt de travail de M. [R] du 20 novembre 2019 au 2 janvier 2020, pour cause non professionnelle, ce dernier avait une ancienneté inférieure à 8 mois, soit 7 mois et 20 jours. Il ne peut donc prétendre à aucune indemnité de licenciement. Il n'en réclame d'ailleurs pas dans le dispositif de ses écritures qui seules saisissent la cour.

Selon l'article L1234-8 Les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations contractuelles, soit d'usages, ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination de la durée du préavis prévue aux 2° et 3° de l'article L. 1234-1.

Toutefois, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.

Selon la convention collective, la durée du préavis pour les salariés ayant entre 6 et 2 années d'ancienneté est de 1 mois.

M.[R] est donc fondé à solliciter une indemnité de préavis égale à 1 mois de salaire.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement querellé, de fixer la créance du salarié aux sommes de:

- 9.108,48€ ( bruts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 910,85€ à titre de congés payés y afférents.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, M. [R] ayant eu une ancienneté de moins d'un an dans une société dont il n'est pas contesté qu'elle occupe habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité maximale correspondant à un mois de salaire brut.

M. [R] soutient que ce barème n'est pas de nature à réparer son préjudice en raison de son implication et investissement au sein de cette entreprise, au préjudice de sa vie privée et familiale, du fait des nombreuses carences de son employeur qui ont eu un impact direct sur sa situation financière, alors que les manquements de l'employeur, ayant conduit à la perte de son emploi, lui ont causé un syndrome dépressif important.

Si M. [R] demande d'écarter le barème dit 'MACRON' il a été jugé que les dispositions susvisées, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention internationale du travail n°158. (Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-10973).

En revanche, le salarié qui invoque un préjudice moral en sus de son préjudice financier, sans justifier d'un préjudice autre que celui résultant de la perte de son emploi, résultant des circonstances entourant la rupture du contrat, est débouté de sa demande pour le surplus.

En conséquence, dans la limite de 1 mois de salaire, en considération de l'ancienneté du salarié à la date de la rupture, du salaire qu'il percevait et qu'il aurait dû percevoir en y incluant les heures supplémentaires, n'étant pas contesté que M. [R], après plusieurs recherches d'emploi a été engagé le 20 mai 2020 comme Chef de cuisine dans un EPHAD à Monaco et perçoit une rémunération mensuelle brute de 2.408,53€, il lui sera alloué à ce titre une somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts, la créance du salarié étant fixée à ce montant et le jugement déféré est infirmé sur ce point.

Sur la garantie du CGEA

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande d'intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature salariale courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Les intérêts sur les sommes à caractère indemnitaire courent à compter de la décision qui en fixe le montant, soit le jugement déféré en cas de confirmation, soit l'arrêt de la cour d'appel en cas d'infirmation.

S'agissant de la capitalisation des intérêts, l'instance ayant été introduite après le 1er octobre 2016, elle doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil qui dispose que 'Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.. Par ailleurs, elle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière.

Pour autant, il y a lieu de rappeler que selon l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce, 'le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus'.

Sur la remise des documents de rupture

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a:

Ordonné la délivrance par la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [E] des documents suivants :

' les bulletins de paie d'octobre 2019, novembre 2019 et décembre 2019,

' l'attestation pôle emploi,

' le bulletin de paie valant solde de tout compte,

' le certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir, sauf à préciser que les documents dont s'agit doivent être conformes au présent arrêt pour les dispositions du jugement infirmées par la cour.

sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions sur les dépens et sur l'article 700.

La société AHK CONCEPT en la personne de son liquidateur, succombant en appel, il y a lieu, en considération de l'équité, de fixer la créance du salarié à ce titre à la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, l'intimée est déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il:

- Requalifie la prise d'acte de Monsieur [X] [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Rejette les demandes de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et pour non respect des règles sur le repos hebdomadaire et au titre du dépassement des amplitudes journalières et hebdomadaires du travail,

- Fixe la créance de Monsieur [X] [R] entre les mains de la SCP BTSG2 prise en la personne de Maître [H] [E] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société AHK CONCEPT à la somme de 700 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonne la délivrance par la SCP BTSG2 prise en la personne de Maître [H] [E] des

documents suivants :

- les bulletins de paie des mois d'octobre 2019, novembre 2019 et décembre 2019,- l'attestation pôle emploi,- le bulletin de paie valant solde de tout compte,- le certificat de travail rectifiés conformément au jugement et ce, sans astreinte, sauf à préciser que les documents dont s'agit doivent être conformes au présent arrêt pour les dispositions du jugement infirmées par la cour,

- Déclare le jugement commun et opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS de [Localité 6],

- Dit que l'AGS doit sa garantie pour les créances salariales visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux,

- Dit que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à Monsieur [X] [R] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds

disponibles pour procéder à leur paiement ;

- Dit que les dépens seront à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société AHK

CONCEPT,

Statuant à nouveau sur les points infirmés:

Fixe la moyenne mensuelle brute des salaires perçus par M. [R] à la somme de 9.108,48€,

Fixe la créance de [X] [R] au passif de la société AHK CONCEPT, aux sommes suivantes:

' 1.155,22 € net à titre de rappel de salaire du 1er avril 2019 et jusqu'au 20 novembre 2019,

' 115,52 € net au titre des congés payés y afférents,

' 9.108,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

' 910,85 € au titre des congés payés y afférents,

' -23'353,19€ bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et non payées du 1er juin 2019 au 20 novembre 2019,

' 2335,32 € au titre des congés payés y afférents,

' 6'010,94€ nets, indemnité de congés payés comprise, à titre de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

' 19.358,94 € nets de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

' 1500€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant:

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances salariales courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et que les intérêts sur les sommes à caractère indemnitaire courent à compter de la décision qui en fixe le montant,

Ordonne leur capitalisation à condition qu'ils soient dûs au moins pour une année entière,

Rappelle cependant que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt du cours des intérêts légaux en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce,

Dit que les dépens d'appel sont fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société AHK CONCEPT, ainsi que la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et rejette la demande de l'intimée à ce titre,

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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