CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 30 septembre 2025, n° 24/00755
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/00755 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JDRV
EM/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY
31 janvier 2024
RG :22/00013
[R]
C/
S.A. CODISUD
Grosse délivrée le 30 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me BOULARAND
- Me ALLEGRET
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNONAY en date du 31 Janvier 2024, N°22/00013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 septembre 2025 prorogé au 30 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [N] [R]
née le 15 Septembre 1981 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Marine BOULARAND, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
S.A. CODISUD
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne charlotte ALLEGRET de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [I] [R] a été employée par la SA Codisud en qualité d'employée libre-service, à compter du 28 août 2018 aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée de remplacement à temps partiel pour une durée de 86,67 heures mensuelles.
A compter du 25 février 2019, la durée du travail de Mme [I] [R] a été portée à 151,67 heures mensuelles.
Le 1er avril 2019, la SA Codisud et Mme [I] [R] ont conclu un 'contrat de gérance salariée', Mme [I] [R] se voyant ainsi confier la gérance salariée du fonds de commerce d'alimentation générale appartenant à la SA Codisud et situé [Adresse 4] à [Localité 8], le fonds étant exploité sous l'enseigne SPAR.
Dans la nuit du 11 au 12 novembre 2019, un incendie a frappé la succursale, ce qui a entraîné la suspension du contrat de travail de Mme [I] [R] avec maintien intégral de sa rémunération.
Du 1er décembre 2019 au 27 juillet 2020, le dispositif de l'activité partielle avec maintien total de la rémunération a été mis en place.
Au 1er octobre 2020 la rémunération de Mme [I] [R] a été portée à 1 700 euros bruts mensuels outre une prime d'intéressement et une prime brute de 500 euros pour chaque inventaire selon conditions.
Mme [I] [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 21 janvier 2021 au 18 février 2021.
Le 18 février 2021, un formulaire de rupture conventionnelle a été signé par les parties, la rupture du contrat de travail a été actée le 26 mars 2021.
Le 21 février 2022, Mme [I] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay de demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail et plus particulièrement au paiement d'heures supplémentaires et à sa classification.
Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2024, le conseil de prud'hommes d'Annonay a:
- débouté Mme [I] [R] de toutes ses demandes,
- condamné Mme [I] [R] à payer 1000 euros à la SA Codisud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par acte du 01 mars 2024, Mme [I] [R] a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 17 décembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 18 avril 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 20 mai 2025 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 30 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soutenus à l'appui de ses prétentions, Mme [I] [R] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [I] [R],
- infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay le 31 janvier 2024,
statuer à nouveau,
' dire et juger que la convention collective des coopératives de consommation s'applique à Mme [I] [R],
' dire et juger que Mme [N] [R] a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées en application de l'article l 7321-3 du code du travail,
' dire et juger que Mme [I] [R] aurait dû être classée au minimum au niveau C1 en application de la convention collective du commerce de détail alimentaire,
par conséquent,
- condamner la SA Codisud à verser à Mme [I] [R] les sommes suivantes
' 13 000 euros outre 1 300 euros au titre des congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires,
' 1 470 euros outre 147 euros de congés payés à titre de rappel de salaire au titre de sa classification,
' 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 26 juillet 2024 auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soutenus à l'appui de ses prétentions, la SA Codisud demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Annonay le 31 janvier 2024 ;
en conséquence :
- dire et juger que la convention collective applicable au sein de la SA Codisud est celle des salariés et gérants non-salariés des coopératives de consommation (IDCC 179 et 1325),
- dire et juger que, dans ces conditions, Mme [I] [R] n'occupait pas un emploi de cadre, niveau C1 à temps complet au sein de la SA Codisud, en application de la convention collective des commerces de détail alimentaires, ni un emploi niveau 7 de la convention collective des coopératives de consommation,
- dire et juger qu'aucun rappel de salaire n'est dû à Mme [I] [R],
- dire et juger que Mme [I] [R] n'a accompli aucune heure supplémentaire qui ne lui aurait pas été rémunérée,
en tout etat de cause,
- débouter Mme [I] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [I] [R] à payer à la SA Codisud la somme de 2.000 euros au visa de l'article 700 du cpc au titre de la 1ère instance, outre 3 000 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
Moyens des parties :
Mme [I] [R] soutient que le gérant salarié au sens de l'article L7321-1 du code du travail a vocation à bénéficier des dispositions du code du travail, que la mise en 'uvre des conditions d'exploitation figurant au contrat de gérance ainsi que les pratiques exigées par la société Codisud, constituaient un réel contrôle de gestion et lui imposait les modalités d'une politique de rentabilité et de qualité conforme aux exigences économiques de la société. Elle expose que ces exigences induisaient les conditions de travail, de santé et de sécurité, notamment en termes d'horaires de travail, qu'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 07 heures 30 à 13 heures et de 15 heures 30 à 19 heures 15 et le dimanche de 08 heures à 12 heures 30. Elle ajoute que la société Codisud lui donnait des instructions quotidiennes sur les conditions d'exploitation et lui imposait l'obligation de suivre les guides de procédure et le process d'exploitation touchant aux conditions de travail, de santé et de sécurité tel que l'aménagement du magasin et des vitrines, le mode d'installation dans le magasin des produits, les instructions à donner aux vendeuses sur le comportement à avoir avec la clientèle, l'organisation de journées exceptionnelles, l'analyse des résultats commerciaux, les consignes sur l'entretien des équipements de la boutique. Elle affirme qu'elle n'organisait pas librement son espace de vente mais devait se référer aux instructions données par la société Codisud qui avait établi des plans d'implantation et les inventoristes étaient montés à [Localité 7] pour mettre tous les produits en rayon en respectant un book d'implantations. Elle expose qu'à réception, les produits avaient déjà un prix, qu'au passage en caisse, ils avaient les prix qui étaient affichés au moment des commandes au niveau de la centrale, que pour les changements de prix, elle recevait un message pour la prévenir qu'elle devait changer les étiquettes des prix en rayon, que les prix étaient décidés par la société Codisud ou en tout cas, par la centrale d'où provenait les achats.
Elle entend faire observer que l'obligation de maintenir le magasin ouvert pendant les périodes de congés la plaçait dans une situation de subordination à l'égard de la société, que dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires lesquelles n'ont jamais été rémunérées.
Elle précise que les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin entraînaient une amplitude hebdomadaire de 60 heures, à laquelle devait s'ajouter le temps de travail nécessaire à la réalisation des autres tâches. Elle prétend ainsi que sa durée de son travail dépassait systématiquement la durée légale du travail.
La SA Codisud fait valoir que Mme [I] [R] sollicite la requalification de son contrat de Gérance salariée en contrat de travail, estimant qu'elle aurait été soumise à une relation de subordination, qu'en l'absence de définition légale, la jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération.
Elle affirme qu'en l'espèce, Mme [I] [R] est parfaitement défaillante à démontrer un quelconque lien de subordination avec la SA Codisud. Elle indique en premier lieu, Mme [I] [R] met en avant les horaires d'ouverture de la succursale dont elle assurait la gérance salariée, au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que la SA Codisud est propriétaire de la succursale au sein de laquelle Mme [I] [R] occupait les fonctions de gérante salariée, que dans ce cadre, si la gérante salariée disposait d'une autonomie dans l'organisation de ses conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, la SA Codisud était parfaitement à même de décider des horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale lui appartenant, sans que cet élément ne soit de nature à remettre en cause le statut même de gérante salariée. Elle prétend que Mme [I] [R] n'apporte pas la preuve que la SA Codisud lui aurait imposé des horaires de travail ou la prise de jours de repos, en sorte qu'elle ne saurait aucunement se fonder sur les heures d'ouverture du magasin pour tenter de démontrer les heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies.
Elle entend faire observer que Mme [I] [R] n'a jamais fait état d'une quelconque difficulté concernant ses horaires de travail, qu'elle n'a jamais été sollicitée par la société pour accomplir les heures de travail auxquelles elle fait désormais référence, en appel.
Elle ajoute que Mme [I] ne saurait prétendre avoir été soumise à une quelconque surcharge de travail, dans la mesure où, alors qu'elle s'est vue confier le poste de gérante salariée du 1er avril 2019 au 26 mars 2021, elle a vu son contrat suspendu du fait de l'incendie de la succursale à compter du 12 novembre 2019, elle s'est ensuite vue confier la gérance salariée de la succursale de [Localité 6] du 27 juillet au 10 août 2020, elle a repris la gérance de la succursale de [Localité 8] le 11 août 2020, avant de prendre des congés du 21 septembre au 03 octobre 2020, d'être placée en arrêt maladie du 21 janvier au 18 février 2021 et d'être à nouveau en congés du 19 février au 26 mars 2021.
Elle fait valoir, en outre, que les horaires déclarés par Mme [I] [R] sont suspects et ne correspondent pas à la réalité, dans la mesure où les horaires d'ouverture de la succursale mentionnés sur des plannings qui n'ont été versés qu'en procédure d'appel, sont faux, puisque la succursale était fermée le lundi après-midi. Elle considère, dans ces conditions, que Mme [I] [R] ne saurait prétendre, en toute mauvaise foi, que 'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 7 heures 30 à 13 heures et de 15 heures 30 à 19 heures et le dimanche de 8 heures à 12 heures 30" pour tenter de justifier le rappel d'heures supplémentaires qu'elle sollicite. Elle ajoute que Mme [I] [R] n'était pas seule au sein de la succursale et était totalement libre dans l'organisation de son travail, qu'elle pouvait parfaitement solliciter la salariée présente au sein de la succursale pour procéder aux ouvertures et/ou fermetures de celle-ci, que les deux salariées qui travaillaient avec elle, Mme [L] et Mme [X], disposaient d'horaires de travail couvrant sans aucune difficulté les horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale.
En ce qui concerne l'implantation de la succursale, la SA Codisud indique que Mme [I] [R] fait référence à celle qui a été réalisée à la suite de sa fermeture du fait de l'incendie, soit du 03 au 13 août 2020, en vue d'une réouverture de la succursale à la clientèle le 14 août 2020, que Mme [I] [R] n'a participé au remplissage du magasin qu'à compter du 11 août 2020, puisque la gérance provisoire de la succursale située à [Localité 6] avait été confiée à Mme [I] [R] du 27 juillet au 09 août 2020, du fait de l'absence pour maladie du gérant en place. Elle affirme que Mme [I] [R] n'a ainsi participé au remplissage de la succursale que 2 jours, à savoir les mardi 11 et jeudi 13 août 2020 (le mercredi 12 août 2020 étant son jour de repos), qu'en réalité, ce sont les responsables des ventes qui ont implanté et rempli le magasin du 03 au 13 août 2020, outre 2 intérimaires recrutés afin de renforcer l'équipe.
Elle conteste les affirmations de Mme [I] [R] selon lesquelles elle aurait été obligée de maintenir ouvert le magasin pendant ses congés payés et prétend que ces allégations ne sont corroborées par aucun élément de preuve objectif, sont totalement erronées ; elle entend rappeler qu'une salariée était présente au sein de la succursale afin d'épauler Mme [I] [R] et, le cas échéant, la remplacer pendant ses congés.
S'agissant des livraisons, elle indique qu'elles devaient être effectuées pendant les horaires d'ouverture de la succursale et n'impliquaient donc pas une présence 'supplémentaire' de la part de Mme [I] [R] et en termes de temps, qu'elles ne nécessitaient qu'environ 1 heure par jour de travail, que les livraisons pouvaient parfaitement être réceptionnées par la salariée présente au sein de la succursale.
Réponse de la cour :
L'article L7321-2 du code du travail dispose qu'est gérant de succursale toute personne :
1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;
2° Dont la profession consiste essentiellement :
a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;
b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.
Cet article confère au mandant le droit d'imposer les conditions de vente des marchandises et par là-même un droit de regard sur les conditions dans lesquelles la succursale doit être exploitée sur le plan commercial, en sorte que ses instructions sur l'exploitation commerciale de la succursale ne font pas dégénérer la dépendance commerciale du gérant en lien de subordination.
Le gérant salarié ne peut, en raison de l'absence de lien de subordination, se voir appliquer l'intégralité des dispositions du code du travail, en raison des conditions particulières de ce contrat, seules certaines dispositions sont applicables.
Le gérant salarié de succursale ne peut bénéficier du régime de droit commun applicable à la rémunération des heures supplémentaires, le livre II du code du travail n'étant pas applicable à leur situation.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu elles auraient donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié.
Le contrat de travail suppose l'existence d'une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, lequel est caractérisé par l'exécution d' un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Au terme de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.
En l'espèce, il résulte des pièces produites au débat que la SA Codisud a conclu avec Mme [I] [R] :
- un contrat à durée déterminée au motif de remplacement d'une partie des tâches de M. [Y] [D], gérant mandataire en arrêt maladie ; Mme [I] [R] a été engagée pour la période du 28 août 2018 au 07 septembre 2018, en qualité d'employé libre service ; plusieurs avenants ont été signés prolongeant la date d'échéance du contrat, le 02 janvier 2019, le 08 janvier 2019, le 15 février 2019 (motif 'restructuration du magasin'),
- le 01 avril 2019 un contrat de gérance lequel prévoit que les parties sont tenues d''organiser leur relation contractuelle dans le cadre d'un contrat de gérance salariée régi par les articles L7321-1 et suivants du code du travail.', ' la SA Codisud confie à Mme [I] [R] qui accepte, la gérance salariée du fonds de commerce d'alimentation générale lui appartenant et situé [Adresse 4] à [Localité 9]. Ce fonds est exploité sous l'enseigne SPAR. La gérance salariée du fonds est confiée au gérant salarié pour une durée indéterminée...'.
- sur les horaires de travail :
Mme [I] [R] soutient que la SA Codisud lui imposait les heures d'ouverture et de fermeture du magasin, qu'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 07h30 à 13h et de 15h30 à 19h15 et le dimanche de 08h à 12h30. A l'appui de son argumentation, Mme [I] [R] produit deux attestations établies par :
Mme [U] [X] : elle certifie avoir travaillé avec Mme [I] [R] du 04 avril au 04 décembre 2020 dans le cadre d'un CDD de 4 mois à 35 heures, que 'Mme [I] [R] complétait donc amplement ses 35 heures pour assurer la grande plage d'ouverture du magasin lundi matin, mardi au samedi, dimanche matin, plus les tâches que doivent effectuer les gérants pour assurer pleinement la responsabilité du magasin',
Mme [V] [M], gérante de société SARL Menthe à l'eau située en face du magasin Spar : elle certifie que son établissement est ouvert de 7h30 à 18h du lundi au vendredi et de 07h30 à 13 heures, le samedi ; 'Mme [I] [R] était présente sur son lieu de travail pour réceptionner les livraisons, marchandises, la cuisson du pain et la mise en rayon était le matin, le magasin était éclairé et Mme [I] [R] s'activait à réceptionner les marchandises' .
La SA Codisud prétend que Mme [I] [R] disposait de l'autonomie nécessaire dans l'organisation de ses conditions de travail, que la société était parfaitement à même de décider des horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale lui appartenant, sans que cet élément ne soit de nature à remettre en cause le statut même de gérante salariée.
Force est de constater que Mme [I] [R] ne produit aucun élément de nature à corroborer ses affirmations selon lesquelles la SA Codisud lui a imposé les heures d'ouverture et de fermeture du magasin qu'elle gérait.
Les deux attestations qu'elle produit au débat ne sont pas circonstanciées, puisqu'aucune date ou période n'y est mentionnée, et elles n'établissent pas que les créneaux horaires pendant lesquels Mme [I] [R] était aperçue dans le magasin résultaient de consignes expresses données par la société à la gérante.
Les plannings que la salarié verse au débat pour la période comprise entre avril 2019 et janvier 2021, qui mentionnent des amplitudes horaires fixées régulièrement, chaque jour, de 6h30 à 19h30 du lundi au vendredi et de 7h30 à 12h45 le dimanche, n'émanent manifestement pas de la SA Codisud et ne permettent pas non plus de conforter les affirmations de Mme [I] [R] sur ce point.
Si les plannings que Mme [I] [R] a produits démontrent que la durée de travail hebdomadaire semble dépasser de façon quasi systématique la durée légale de travail, il n'en demeure pas moins que Mme [I] [R] ne rapporte pas la preuve que la durée de travail et les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin lui étaient imposés par la SA Codisud, alors que le contrat de gérance mentionne expressément, au 3ème du paragraphe 'Obligations du gérant salarié' : 'il (le salarié) fixe lui-même ses conditions de travail d'hygiène et de sécurité de telle sorte que l'ouverture du magasin soit toujours assurée conformément aux coutumes locales des commerces d'alimentation.'.
Contrairement aux allégations de l'appelante, il avait été demandé à Mme [I] [R] de veiller à ce que le magasin soit ouvert sur la plage horaire correspondant aux règlements et usages locaux. Aucune clause du contrat de gérance ne fixait les horaires d'ouverture du magasin qui lui était confié et le fait d'imposer à un gérant d'ouvrir sa boutique selon les horaires usuels des commerces environnants constitue des modalités commerciales qui ne caractérisent pas un lien de subordination juridique entre les parties.
- sur les conditions d'exploitation :
Mme [I] [R] soutient que, outre l'ouverture et la fermeture du magasin, elle devait effectuer d'autres tâches, comme recevoir les livraisons effectuées, la mise en place avant ouverture des produits et l'assortiment du rayon fruits et légumes, le contrôle et la sortie des produits périmés, tous les soirs après fermeture : clôturer la caisse, compter les espèces, préparer les bordereaux de dépôt en banque, la passation des commandes de marchandises, les modifications de prix des marchandises sur les rayonnages, le nettoyage et le rangement du magasin.
Or, Mme [I] [R] ne fait pas état de l'aide apportée par deux salariés qui ont conclu chacun avec la SA Codisud un contrat à durée déterminée en 2019 puis en 2020 : un contrat conclu avec Mme [S] [L] le 26 avril 2019 en qualité d'employé de magasin pour une durée hebdomadaire de 25 heures (un avenant signé le 26 avril 2019 prévoit la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée) ; un contrat conclu pour la période du 03 au 13 août 2020 avec Mme [U] [X] au motif de 'remplacement de Mme [S] [L] en arrêt de travail' ; un avenant au contrat de travail a prolongé la relation contractuelle du 14 août 2020 au 04 décembre 2020.
Même si Mme [I] [R] a dû former ces salariées, il n'en demeure pas moins qu'elles ont pu effectuer tout ou partie des tâches qu'elle énumère, hormis celles se rattachant directement à ses fonctions de gérante. Par ailleurs, pour la période où elle a travaillé, les horaires de travail de Mme [S] [L] mentionnés dans le contrat de travail, soit 'mardi 07h30 à 13h00, mercredi de 15h30 à 19h00, jeudi de 07h30 à 13h00, vendredi de 07h30 à 13h00, samedi de 08h00 à 13h00" et ceux de Mme [U] [Z] qui sont également mentionnés sur le contrat de travail, soit 'mardi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15, mercredi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15, jeudi de 07h15 à 13h00, vendredi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15", couvraient en partie, les heures d'ouverture et de fermeture du magasin.
De surcroît, l'incidence de la présence de ces salariées n'apparaît manifestement pas sur les plannings que Mme [I] [R] a versés au débat.
Mme [I] [R] ne démontre pas non plus, comme elle le prétend, que la SA Codisud l'obligeait à 'maintenir le magasin ouvert pendant les périodes de congés', ce qui 'la plaçait dans une situation de subordination à l'égard de la société'. Sur ce point, la SA Codisud justifie notamment que pour la période de congés payés de Mme [I] [R] du 21 septembre au 04 octobre 2020, elle avait conclu avec Mme [U] [X] un contrat de gérance salariée en remplacement de Mme [I] [R] 'en congés payés', en sorte que son remplacement avait bien été assuré, en son absence.
Par ailleurs, comme le relève justement la SA Codisud, les plannings dont s'agit contredisent les conclusions de Mme [I] [R] selon lesquelles 'les horaires d'ouverture du magasin étaient les suivants : lundi : 7h30-13h/15h/30-19h15", alors qu'il apparaît, à la simple lecture desdits plannings, que le magasin était habituellement fermé le lundi après-midi, voire toute la journée.
S'agissant des conditions d'organisation de l'espace de vente, Mme [I] [R] soutient que la SA Codisud a établi l'implantation de la succursale et lui a imposé des prix, ainsi que les changements de prix des produits vendus.
Le contrat de gérance litigieux prévoit expressément que 'Les ventes de marchandises se feront au prix indiqué par Codisud et ne pourront avoir lieu qu'au comptant sauf autorisation spéciale. Les recettes provenant de la vente seront régulièrement versées suivant les directives de la Société. Il devra s'approvisionner exclusivement auprès de la Société CODISUD et des fournisseurs agréés par ladite Société'.
Comme l'indique la SA Codisud, les instructions et injonctions concernant le prix des marchandises s'inscrivaient dans le cadre de la relation contractuelle de gestion de la succursale avec la SA Codisud .
S'agissant de l'implantation de la succursale après l'incendie qui a entraîné sa fermeture entre le 03 et le 13 août 2020, la SA Codisud justifie que Mme [I] [R] n'a participé au remplissage du magasin que pendant deux jours, les 11 et 13 août 2020 ; la société produit à cet effet un courriel envoyé le 31 juillet 2020 auquel est joint un planning qui mentionne la participation à ces opérations, du responsable des ventes M. [A] [F], les moniteurs de vente M [H] [T] et M. [C] [O] et l'inventoriste M. [J] [B] les 03, 04, 05, 06, 07, 10, 11, 12, 13 août 2020 et un courriel envoyé le 07 septembre 2020 par Mme [R] [G], assistante commerciale chez Adéquat [Localité 7], société d'intérim, auquel est joint le tableau des heures réalisées par deux intérimaires pour le compte de la SA Codisud, les semaines 32 et 33, correspondant à la période de remplissage avant la réouverture de la succursale le 14 août 2020.
Il convient de relever que l'autonomie dont bénéficiait Mme [I] [R] dans la gestion de l'exploitation du magasin résulte encore de la liberté dont elle disposerait d'embaucher du personnel, de fixer ses conditions de travail et de décider de la rupture des contrats de travail.
Il résulte des éléments qui précèdent que Mme [I] [R] échoue à démontrer l'existence d'un lien de subordination avec la SA Codisud et de la nécessité de requalifier le contrat de gérance salarié en contrat de travail.
C'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [I] [R] de ce chef de demande.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Sur l'application de la convention collective :
Moyens des parties
Mme [I] [R] soutient que compte tenu de l'activité de l'entreprise, elle aurait dû bénéficier des dispositions de la convention collective des coopératives de consommation.
La SA Codisud fait valoir que la jurisprudence en vigueur prévoit expressément que, si le gérant salarié peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, soit en l'espèce, la convention collective nationale des salariés des coopératives de consommation - IDCC 3205, que néanmoins, en l'absence de tout lien de subordination, le gérant salarié ne saurait être assimilé à un salarié cadre et, par là même, bénéficier de la qualification conventionnelle correspondante.
Elle entend rappeler que la SA Codisud est une société coopérative de consommation qui gère des superettes par l'intermédiaire de gérants mandataires (non-salariés) ou de gérants salariés, que cette organisation juridique est expressément mentionnée sur l'ensemble des contrats de travail puis de gérance salariée signés par Mme [I] [R], lesquels précisent que la SA Codisud est une 'Société Anonyme Coopérative de consommation'. Elle conclut que dans ces conditions, la société applique, non pas la convention collective des commerces de détail alimentaires, comme l'affirme Mme [I] [R] de manière péremptoire, mais celle des salariés des coopératives de consommation au profit de ses salariés.
Réponse de la cour :
Les travailleurs visés aux articles L. 7321-1 et L7321-3 du code du travail bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre III Livre I relatif aux conventions collectives ; par suite, ils bénéficient de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie.
Si le mandataire gérant remplissant les conditions prévues par le second texte peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, il ne peut, en l'absence de lien de subordination, être assimilé à un cadre salarié et ne peut en conséquence prétendre à la qualification conventionnelle correspondante.
En l'absence de lien de subordination, l'exercice des fonctions de gérant de succursale ne peut donc pas être considéré comme relevant de l'encadrement.
En l'espèce, il est constant que la SA Codisud est une société de coopérative de consommation.
Mme [I] [R] demande de façon contradictoire au dispositif de ses conclusions de 'DIRE ET JUGER que la convention collective des coopératives de consommation s'applique à Madame [N] [R]' et de 'DIRE ET JUGER que Madame [I] [R] aurait dû être classée au minimum au niveau C1 en application de la convention collective du commerce de détail alimentaire', sans apporter d'explication sur cette divergence.
Outre le fait que, comme le rappellent les premiers juges 'tous les documents fournis 'contrat de travail fiches de paie, rupture conventionnelle' mentionnent que SA Codisud est une coopérative de consommation' et 'sont expressément exclues du champ d'application de la convention collective des commerces du détail alimentaire les entreprises relevant de la convention collective des coopératives de consommation'.
Enfin, il convient de rappeler que le gérant de succursale qui ne peut pas être assimilé à un cadre salarié, ne peut prétendre au bénéfice de la qualification conventionnelle correspondante.
Au vu de ces éléments, il convient de débouter Mme [I] [R] de ce chef de demande et de confirmer le jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2024 par le conseil de prud'hommes d'Annonay,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [I] [R] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/00755 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JDRV
EM/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ANNONAY
31 janvier 2024
RG :22/00013
[R]
C/
S.A. CODISUD
Grosse délivrée le 30 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me BOULARAND
- Me ALLEGRET
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNONAY en date du 31 Janvier 2024, N°22/00013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 septembre 2025 prorogé au 30 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [N] [R]
née le 15 Septembre 1981 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Marine BOULARAND, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
S.A. CODISUD
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne charlotte ALLEGRET de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [I] [R] a été employée par la SA Codisud en qualité d'employée libre-service, à compter du 28 août 2018 aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée de remplacement à temps partiel pour une durée de 86,67 heures mensuelles.
A compter du 25 février 2019, la durée du travail de Mme [I] [R] a été portée à 151,67 heures mensuelles.
Le 1er avril 2019, la SA Codisud et Mme [I] [R] ont conclu un 'contrat de gérance salariée', Mme [I] [R] se voyant ainsi confier la gérance salariée du fonds de commerce d'alimentation générale appartenant à la SA Codisud et situé [Adresse 4] à [Localité 8], le fonds étant exploité sous l'enseigne SPAR.
Dans la nuit du 11 au 12 novembre 2019, un incendie a frappé la succursale, ce qui a entraîné la suspension du contrat de travail de Mme [I] [R] avec maintien intégral de sa rémunération.
Du 1er décembre 2019 au 27 juillet 2020, le dispositif de l'activité partielle avec maintien total de la rémunération a été mis en place.
Au 1er octobre 2020 la rémunération de Mme [I] [R] a été portée à 1 700 euros bruts mensuels outre une prime d'intéressement et une prime brute de 500 euros pour chaque inventaire selon conditions.
Mme [I] [R] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 21 janvier 2021 au 18 février 2021.
Le 18 février 2021, un formulaire de rupture conventionnelle a été signé par les parties, la rupture du contrat de travail a été actée le 26 mars 2021.
Le 21 février 2022, Mme [I] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annonay de demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail et plus particulièrement au paiement d'heures supplémentaires et à sa classification.
Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2024, le conseil de prud'hommes d'Annonay a:
- débouté Mme [I] [R] de toutes ses demandes,
- condamné Mme [I] [R] à payer 1000 euros à la SA Codisud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par acte du 01 mars 2024, Mme [I] [R] a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 17 décembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 18 avril 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 20 mai 2025 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 30 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soutenus à l'appui de ses prétentions, Mme [I] [R] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [I] [R],
- infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes d'Annonay le 31 janvier 2024,
statuer à nouveau,
' dire et juger que la convention collective des coopératives de consommation s'applique à Mme [I] [R],
' dire et juger que Mme [N] [R] a effectué des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées en application de l'article l 7321-3 du code du travail,
' dire et juger que Mme [I] [R] aurait dû être classée au minimum au niveau C1 en application de la convention collective du commerce de détail alimentaire,
par conséquent,
- condamner la SA Codisud à verser à Mme [I] [R] les sommes suivantes
' 13 000 euros outre 1 300 euros au titre des congés payés y afférents au titre des heures supplémentaires,
' 1 470 euros outre 147 euros de congés payés à titre de rappel de salaire au titre de sa classification,
' 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures du 26 juillet 2024 auxquelles il convient de se reporter pour connaître les moyens soutenus à l'appui de ses prétentions, la SA Codisud demande à la cour de:
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Annonay le 31 janvier 2024 ;
en conséquence :
- dire et juger que la convention collective applicable au sein de la SA Codisud est celle des salariés et gérants non-salariés des coopératives de consommation (IDCC 179 et 1325),
- dire et juger que, dans ces conditions, Mme [I] [R] n'occupait pas un emploi de cadre, niveau C1 à temps complet au sein de la SA Codisud, en application de la convention collective des commerces de détail alimentaires, ni un emploi niveau 7 de la convention collective des coopératives de consommation,
- dire et juger qu'aucun rappel de salaire n'est dû à Mme [I] [R],
- dire et juger que Mme [I] [R] n'a accompli aucune heure supplémentaire qui ne lui aurait pas été rémunérée,
en tout etat de cause,
- débouter Mme [I] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [I] [R] à payer à la SA Codisud la somme de 2.000 euros au visa de l'article 700 du cpc au titre de la 1ère instance, outre 3 000 euros en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
Moyens des parties :
Mme [I] [R] soutient que le gérant salarié au sens de l'article L7321-1 du code du travail a vocation à bénéficier des dispositions du code du travail, que la mise en 'uvre des conditions d'exploitation figurant au contrat de gérance ainsi que les pratiques exigées par la société Codisud, constituaient un réel contrôle de gestion et lui imposait les modalités d'une politique de rentabilité et de qualité conforme aux exigences économiques de la société. Elle expose que ces exigences induisaient les conditions de travail, de santé et de sécurité, notamment en termes d'horaires de travail, qu'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 07 heures 30 à 13 heures et de 15 heures 30 à 19 heures 15 et le dimanche de 08 heures à 12 heures 30. Elle ajoute que la société Codisud lui donnait des instructions quotidiennes sur les conditions d'exploitation et lui imposait l'obligation de suivre les guides de procédure et le process d'exploitation touchant aux conditions de travail, de santé et de sécurité tel que l'aménagement du magasin et des vitrines, le mode d'installation dans le magasin des produits, les instructions à donner aux vendeuses sur le comportement à avoir avec la clientèle, l'organisation de journées exceptionnelles, l'analyse des résultats commerciaux, les consignes sur l'entretien des équipements de la boutique. Elle affirme qu'elle n'organisait pas librement son espace de vente mais devait se référer aux instructions données par la société Codisud qui avait établi des plans d'implantation et les inventoristes étaient montés à [Localité 7] pour mettre tous les produits en rayon en respectant un book d'implantations. Elle expose qu'à réception, les produits avaient déjà un prix, qu'au passage en caisse, ils avaient les prix qui étaient affichés au moment des commandes au niveau de la centrale, que pour les changements de prix, elle recevait un message pour la prévenir qu'elle devait changer les étiquettes des prix en rayon, que les prix étaient décidés par la société Codisud ou en tout cas, par la centrale d'où provenait les achats.
Elle entend faire observer que l'obligation de maintenir le magasin ouvert pendant les périodes de congés la plaçait dans une situation de subordination à l'égard de la société, que dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires lesquelles n'ont jamais été rémunérées.
Elle précise que les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin entraînaient une amplitude hebdomadaire de 60 heures, à laquelle devait s'ajouter le temps de travail nécessaire à la réalisation des autres tâches. Elle prétend ainsi que sa durée de son travail dépassait systématiquement la durée légale du travail.
La SA Codisud fait valoir que Mme [I] [R] sollicite la requalification de son contrat de Gérance salariée en contrat de travail, estimant qu'elle aurait été soumise à une relation de subordination, qu'en l'absence de définition légale, la jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération.
Elle affirme qu'en l'espèce, Mme [I] [R] est parfaitement défaillante à démontrer un quelconque lien de subordination avec la SA Codisud. Elle indique en premier lieu, Mme [I] [R] met en avant les horaires d'ouverture de la succursale dont elle assurait la gérance salariée, au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que la SA Codisud est propriétaire de la succursale au sein de laquelle Mme [I] [R] occupait les fonctions de gérante salariée, que dans ce cadre, si la gérante salariée disposait d'une autonomie dans l'organisation de ses conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, la SA Codisud était parfaitement à même de décider des horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale lui appartenant, sans que cet élément ne soit de nature à remettre en cause le statut même de gérante salariée. Elle prétend que Mme [I] [R] n'apporte pas la preuve que la SA Codisud lui aurait imposé des horaires de travail ou la prise de jours de repos, en sorte qu'elle ne saurait aucunement se fonder sur les heures d'ouverture du magasin pour tenter de démontrer les heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies.
Elle entend faire observer que Mme [I] [R] n'a jamais fait état d'une quelconque difficulté concernant ses horaires de travail, qu'elle n'a jamais été sollicitée par la société pour accomplir les heures de travail auxquelles elle fait désormais référence, en appel.
Elle ajoute que Mme [I] ne saurait prétendre avoir été soumise à une quelconque surcharge de travail, dans la mesure où, alors qu'elle s'est vue confier le poste de gérante salariée du 1er avril 2019 au 26 mars 2021, elle a vu son contrat suspendu du fait de l'incendie de la succursale à compter du 12 novembre 2019, elle s'est ensuite vue confier la gérance salariée de la succursale de [Localité 6] du 27 juillet au 10 août 2020, elle a repris la gérance de la succursale de [Localité 8] le 11 août 2020, avant de prendre des congés du 21 septembre au 03 octobre 2020, d'être placée en arrêt maladie du 21 janvier au 18 février 2021 et d'être à nouveau en congés du 19 février au 26 mars 2021.
Elle fait valoir, en outre, que les horaires déclarés par Mme [I] [R] sont suspects et ne correspondent pas à la réalité, dans la mesure où les horaires d'ouverture de la succursale mentionnés sur des plannings qui n'ont été versés qu'en procédure d'appel, sont faux, puisque la succursale était fermée le lundi après-midi. Elle considère, dans ces conditions, que Mme [I] [R] ne saurait prétendre, en toute mauvaise foi, que 'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 7 heures 30 à 13 heures et de 15 heures 30 à 19 heures et le dimanche de 8 heures à 12 heures 30" pour tenter de justifier le rappel d'heures supplémentaires qu'elle sollicite. Elle ajoute que Mme [I] [R] n'était pas seule au sein de la succursale et était totalement libre dans l'organisation de son travail, qu'elle pouvait parfaitement solliciter la salariée présente au sein de la succursale pour procéder aux ouvertures et/ou fermetures de celle-ci, que les deux salariées qui travaillaient avec elle, Mme [L] et Mme [X], disposaient d'horaires de travail couvrant sans aucune difficulté les horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale.
En ce qui concerne l'implantation de la succursale, la SA Codisud indique que Mme [I] [R] fait référence à celle qui a été réalisée à la suite de sa fermeture du fait de l'incendie, soit du 03 au 13 août 2020, en vue d'une réouverture de la succursale à la clientèle le 14 août 2020, que Mme [I] [R] n'a participé au remplissage du magasin qu'à compter du 11 août 2020, puisque la gérance provisoire de la succursale située à [Localité 6] avait été confiée à Mme [I] [R] du 27 juillet au 09 août 2020, du fait de l'absence pour maladie du gérant en place. Elle affirme que Mme [I] [R] n'a ainsi participé au remplissage de la succursale que 2 jours, à savoir les mardi 11 et jeudi 13 août 2020 (le mercredi 12 août 2020 étant son jour de repos), qu'en réalité, ce sont les responsables des ventes qui ont implanté et rempli le magasin du 03 au 13 août 2020, outre 2 intérimaires recrutés afin de renforcer l'équipe.
Elle conteste les affirmations de Mme [I] [R] selon lesquelles elle aurait été obligée de maintenir ouvert le magasin pendant ses congés payés et prétend que ces allégations ne sont corroborées par aucun élément de preuve objectif, sont totalement erronées ; elle entend rappeler qu'une salariée était présente au sein de la succursale afin d'épauler Mme [I] [R] et, le cas échéant, la remplacer pendant ses congés.
S'agissant des livraisons, elle indique qu'elles devaient être effectuées pendant les horaires d'ouverture de la succursale et n'impliquaient donc pas une présence 'supplémentaire' de la part de Mme [I] [R] et en termes de temps, qu'elles ne nécessitaient qu'environ 1 heure par jour de travail, que les livraisons pouvaient parfaitement être réceptionnées par la salariée présente au sein de la succursale.
Réponse de la cour :
L'article L7321-2 du code du travail dispose qu'est gérant de succursale toute personne :
1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;
2° Dont la profession consiste essentiellement :
a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;
b) Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.
Cet article confère au mandant le droit d'imposer les conditions de vente des marchandises et par là-même un droit de regard sur les conditions dans lesquelles la succursale doit être exploitée sur le plan commercial, en sorte que ses instructions sur l'exploitation commerciale de la succursale ne font pas dégénérer la dépendance commerciale du gérant en lien de subordination.
Le gérant salarié ne peut, en raison de l'absence de lien de subordination, se voir appliquer l'intégralité des dispositions du code du travail, en raison des conditions particulières de ce contrat, seules certaines dispositions sont applicables.
Le gérant salarié de succursale ne peut bénéficier du régime de droit commun applicable à la rémunération des heures supplémentaires, le livre II du code du travail n'étant pas applicable à leur situation.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu elles auraient donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui se prétend salarié.
Le contrat de travail suppose l'existence d'une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, lequel est caractérisé par l'exécution d' un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Au terme de l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.
En l'espèce, il résulte des pièces produites au débat que la SA Codisud a conclu avec Mme [I] [R] :
- un contrat à durée déterminée au motif de remplacement d'une partie des tâches de M. [Y] [D], gérant mandataire en arrêt maladie ; Mme [I] [R] a été engagée pour la période du 28 août 2018 au 07 septembre 2018, en qualité d'employé libre service ; plusieurs avenants ont été signés prolongeant la date d'échéance du contrat, le 02 janvier 2019, le 08 janvier 2019, le 15 février 2019 (motif 'restructuration du magasin'),
- le 01 avril 2019 un contrat de gérance lequel prévoit que les parties sont tenues d''organiser leur relation contractuelle dans le cadre d'un contrat de gérance salariée régi par les articles L7321-1 et suivants du code du travail.', ' la SA Codisud confie à Mme [I] [R] qui accepte, la gérance salariée du fonds de commerce d'alimentation générale lui appartenant et situé [Adresse 4] à [Localité 9]. Ce fonds est exploité sous l'enseigne SPAR. La gérance salariée du fonds est confiée au gérant salarié pour une durée indéterminée...'.
- sur les horaires de travail :
Mme [I] [R] soutient que la SA Codisud lui imposait les heures d'ouverture et de fermeture du magasin, qu'elle devait maintenir le magasin ouvert du lundi au samedi de 07h30 à 13h et de 15h30 à 19h15 et le dimanche de 08h à 12h30. A l'appui de son argumentation, Mme [I] [R] produit deux attestations établies par :
Mme [U] [X] : elle certifie avoir travaillé avec Mme [I] [R] du 04 avril au 04 décembre 2020 dans le cadre d'un CDD de 4 mois à 35 heures, que 'Mme [I] [R] complétait donc amplement ses 35 heures pour assurer la grande plage d'ouverture du magasin lundi matin, mardi au samedi, dimanche matin, plus les tâches que doivent effectuer les gérants pour assurer pleinement la responsabilité du magasin',
Mme [V] [M], gérante de société SARL Menthe à l'eau située en face du magasin Spar : elle certifie que son établissement est ouvert de 7h30 à 18h du lundi au vendredi et de 07h30 à 13 heures, le samedi ; 'Mme [I] [R] était présente sur son lieu de travail pour réceptionner les livraisons, marchandises, la cuisson du pain et la mise en rayon était le matin, le magasin était éclairé et Mme [I] [R] s'activait à réceptionner les marchandises' .
La SA Codisud prétend que Mme [I] [R] disposait de l'autonomie nécessaire dans l'organisation de ses conditions de travail, que la société était parfaitement à même de décider des horaires d'ouverture et de fermeture de la succursale lui appartenant, sans que cet élément ne soit de nature à remettre en cause le statut même de gérante salariée.
Force est de constater que Mme [I] [R] ne produit aucun élément de nature à corroborer ses affirmations selon lesquelles la SA Codisud lui a imposé les heures d'ouverture et de fermeture du magasin qu'elle gérait.
Les deux attestations qu'elle produit au débat ne sont pas circonstanciées, puisqu'aucune date ou période n'y est mentionnée, et elles n'établissent pas que les créneaux horaires pendant lesquels Mme [I] [R] était aperçue dans le magasin résultaient de consignes expresses données par la société à la gérante.
Les plannings que la salarié verse au débat pour la période comprise entre avril 2019 et janvier 2021, qui mentionnent des amplitudes horaires fixées régulièrement, chaque jour, de 6h30 à 19h30 du lundi au vendredi et de 7h30 à 12h45 le dimanche, n'émanent manifestement pas de la SA Codisud et ne permettent pas non plus de conforter les affirmations de Mme [I] [R] sur ce point.
Si les plannings que Mme [I] [R] a produits démontrent que la durée de travail hebdomadaire semble dépasser de façon quasi systématique la durée légale de travail, il n'en demeure pas moins que Mme [I] [R] ne rapporte pas la preuve que la durée de travail et les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin lui étaient imposés par la SA Codisud, alors que le contrat de gérance mentionne expressément, au 3ème du paragraphe 'Obligations du gérant salarié' : 'il (le salarié) fixe lui-même ses conditions de travail d'hygiène et de sécurité de telle sorte que l'ouverture du magasin soit toujours assurée conformément aux coutumes locales des commerces d'alimentation.'.
Contrairement aux allégations de l'appelante, il avait été demandé à Mme [I] [R] de veiller à ce que le magasin soit ouvert sur la plage horaire correspondant aux règlements et usages locaux. Aucune clause du contrat de gérance ne fixait les horaires d'ouverture du magasin qui lui était confié et le fait d'imposer à un gérant d'ouvrir sa boutique selon les horaires usuels des commerces environnants constitue des modalités commerciales qui ne caractérisent pas un lien de subordination juridique entre les parties.
- sur les conditions d'exploitation :
Mme [I] [R] soutient que, outre l'ouverture et la fermeture du magasin, elle devait effectuer d'autres tâches, comme recevoir les livraisons effectuées, la mise en place avant ouverture des produits et l'assortiment du rayon fruits et légumes, le contrôle et la sortie des produits périmés, tous les soirs après fermeture : clôturer la caisse, compter les espèces, préparer les bordereaux de dépôt en banque, la passation des commandes de marchandises, les modifications de prix des marchandises sur les rayonnages, le nettoyage et le rangement du magasin.
Or, Mme [I] [R] ne fait pas état de l'aide apportée par deux salariés qui ont conclu chacun avec la SA Codisud un contrat à durée déterminée en 2019 puis en 2020 : un contrat conclu avec Mme [S] [L] le 26 avril 2019 en qualité d'employé de magasin pour une durée hebdomadaire de 25 heures (un avenant signé le 26 avril 2019 prévoit la poursuite de la relation contractuelle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée) ; un contrat conclu pour la période du 03 au 13 août 2020 avec Mme [U] [X] au motif de 'remplacement de Mme [S] [L] en arrêt de travail' ; un avenant au contrat de travail a prolongé la relation contractuelle du 14 août 2020 au 04 décembre 2020.
Même si Mme [I] [R] a dû former ces salariées, il n'en demeure pas moins qu'elles ont pu effectuer tout ou partie des tâches qu'elle énumère, hormis celles se rattachant directement à ses fonctions de gérante. Par ailleurs, pour la période où elle a travaillé, les horaires de travail de Mme [S] [L] mentionnés dans le contrat de travail, soit 'mardi 07h30 à 13h00, mercredi de 15h30 à 19h00, jeudi de 07h30 à 13h00, vendredi de 07h30 à 13h00, samedi de 08h00 à 13h00" et ceux de Mme [U] [Z] qui sont également mentionnés sur le contrat de travail, soit 'mardi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15, mercredi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15, jeudi de 07h15 à 13h00, vendredi de 07h00 à 13h00 et de 15h30 à 19h15", couvraient en partie, les heures d'ouverture et de fermeture du magasin.
De surcroît, l'incidence de la présence de ces salariées n'apparaît manifestement pas sur les plannings que Mme [I] [R] a versés au débat.
Mme [I] [R] ne démontre pas non plus, comme elle le prétend, que la SA Codisud l'obligeait à 'maintenir le magasin ouvert pendant les périodes de congés', ce qui 'la plaçait dans une situation de subordination à l'égard de la société'. Sur ce point, la SA Codisud justifie notamment que pour la période de congés payés de Mme [I] [R] du 21 septembre au 04 octobre 2020, elle avait conclu avec Mme [U] [X] un contrat de gérance salariée en remplacement de Mme [I] [R] 'en congés payés', en sorte que son remplacement avait bien été assuré, en son absence.
Par ailleurs, comme le relève justement la SA Codisud, les plannings dont s'agit contredisent les conclusions de Mme [I] [R] selon lesquelles 'les horaires d'ouverture du magasin étaient les suivants : lundi : 7h30-13h/15h/30-19h15", alors qu'il apparaît, à la simple lecture desdits plannings, que le magasin était habituellement fermé le lundi après-midi, voire toute la journée.
S'agissant des conditions d'organisation de l'espace de vente, Mme [I] [R] soutient que la SA Codisud a établi l'implantation de la succursale et lui a imposé des prix, ainsi que les changements de prix des produits vendus.
Le contrat de gérance litigieux prévoit expressément que 'Les ventes de marchandises se feront au prix indiqué par Codisud et ne pourront avoir lieu qu'au comptant sauf autorisation spéciale. Les recettes provenant de la vente seront régulièrement versées suivant les directives de la Société. Il devra s'approvisionner exclusivement auprès de la Société CODISUD et des fournisseurs agréés par ladite Société'.
Comme l'indique la SA Codisud, les instructions et injonctions concernant le prix des marchandises s'inscrivaient dans le cadre de la relation contractuelle de gestion de la succursale avec la SA Codisud .
S'agissant de l'implantation de la succursale après l'incendie qui a entraîné sa fermeture entre le 03 et le 13 août 2020, la SA Codisud justifie que Mme [I] [R] n'a participé au remplissage du magasin que pendant deux jours, les 11 et 13 août 2020 ; la société produit à cet effet un courriel envoyé le 31 juillet 2020 auquel est joint un planning qui mentionne la participation à ces opérations, du responsable des ventes M. [A] [F], les moniteurs de vente M [H] [T] et M. [C] [O] et l'inventoriste M. [J] [B] les 03, 04, 05, 06, 07, 10, 11, 12, 13 août 2020 et un courriel envoyé le 07 septembre 2020 par Mme [R] [G], assistante commerciale chez Adéquat [Localité 7], société d'intérim, auquel est joint le tableau des heures réalisées par deux intérimaires pour le compte de la SA Codisud, les semaines 32 et 33, correspondant à la période de remplissage avant la réouverture de la succursale le 14 août 2020.
Il convient de relever que l'autonomie dont bénéficiait Mme [I] [R] dans la gestion de l'exploitation du magasin résulte encore de la liberté dont elle disposerait d'embaucher du personnel, de fixer ses conditions de travail et de décider de la rupture des contrats de travail.
Il résulte des éléments qui précèdent que Mme [I] [R] échoue à démontrer l'existence d'un lien de subordination avec la SA Codisud et de la nécessité de requalifier le contrat de gérance salarié en contrat de travail.
C'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [I] [R] de ce chef de demande.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Sur l'application de la convention collective :
Moyens des parties
Mme [I] [R] soutient que compte tenu de l'activité de l'entreprise, elle aurait dû bénéficier des dispositions de la convention collective des coopératives de consommation.
La SA Codisud fait valoir que la jurisprudence en vigueur prévoit expressément que, si le gérant salarié peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, soit en l'espèce, la convention collective nationale des salariés des coopératives de consommation - IDCC 3205, que néanmoins, en l'absence de tout lien de subordination, le gérant salarié ne saurait être assimilé à un salarié cadre et, par là même, bénéficier de la qualification conventionnelle correspondante.
Elle entend rappeler que la SA Codisud est une société coopérative de consommation qui gère des superettes par l'intermédiaire de gérants mandataires (non-salariés) ou de gérants salariés, que cette organisation juridique est expressément mentionnée sur l'ensemble des contrats de travail puis de gérance salariée signés par Mme [I] [R], lesquels précisent que la SA Codisud est une 'Société Anonyme Coopérative de consommation'. Elle conclut que dans ces conditions, la société applique, non pas la convention collective des commerces de détail alimentaires, comme l'affirme Mme [I] [R] de manière péremptoire, mais celle des salariés des coopératives de consommation au profit de ses salariés.
Réponse de la cour :
Les travailleurs visés aux articles L. 7321-1 et L7321-3 du code du travail bénéficient des dispositions de ce code et notamment de celles du titre III Livre I relatif aux conventions collectives ; par suite, ils bénéficient de la convention collective à laquelle est soumis le chef d'entreprise qui les emploie.
Si le mandataire gérant remplissant les conditions prévues par le second texte peut se prévaloir de la convention collective applicable à la relation de travail, il ne peut, en l'absence de lien de subordination, être assimilé à un cadre salarié et ne peut en conséquence prétendre à la qualification conventionnelle correspondante.
En l'absence de lien de subordination, l'exercice des fonctions de gérant de succursale ne peut donc pas être considéré comme relevant de l'encadrement.
En l'espèce, il est constant que la SA Codisud est une société de coopérative de consommation.
Mme [I] [R] demande de façon contradictoire au dispositif de ses conclusions de 'DIRE ET JUGER que la convention collective des coopératives de consommation s'applique à Madame [N] [R]' et de 'DIRE ET JUGER que Madame [I] [R] aurait dû être classée au minimum au niveau C1 en application de la convention collective du commerce de détail alimentaire', sans apporter d'explication sur cette divergence.
Outre le fait que, comme le rappellent les premiers juges 'tous les documents fournis 'contrat de travail fiches de paie, rupture conventionnelle' mentionnent que SA Codisud est une coopérative de consommation' et 'sont expressément exclues du champ d'application de la convention collective des commerces du détail alimentaire les entreprises relevant de la convention collective des coopératives de consommation'.
Enfin, il convient de rappeler que le gérant de succursale qui ne peut pas être assimilé à un cadre salarié, ne peut prétendre au bénéfice de la qualification conventionnelle correspondante.
Au vu de ces éléments, il convient de débouter Mme [I] [R] de ce chef de demande et de confirmer le jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2024 par le conseil de prud'hommes d'Annonay,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [I] [R] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,