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CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 2 octobre 2025, n° 23/01203

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01203

2 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025

(n° 166 /2025, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/01203 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6OE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2022- Tribunal judiciaire d'EVRY (8ème chambre)- RG n° 21/01143

APPELANTE

S.A.S.U. SADEVA - SOCIETE D ACHAT D EXPORTATION ET DE DISTR IBUTION DE VEHICULES AUTOMOBILES

Immatriculée au R.C.S. d'[Localité 18] sous le n° 343 085 429

[Adresse 6]

[Localité 15]

Représentée et assistée par Me Aurélie GHAZAL de la SELEURL AURELIE GHAZAL AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : D0243

INTIMÉS

Mme [R] [I]

née le 14 mai 1968 à [Localité 24]

[Adresse 5]

[Localité 13]

M. [Y] [I]

né le 27 janvier 1962 à [Localité 25]

[Adresse 4]

[Localité 14]

S.C.I. PJTV

Immatriculée au R.C.S. d'[Localité 18] sous le n° 397 754 888

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 16]

S.C.I. SCI SNV

Immatriculée au R.C.S. d'[Localité 18] sous le n° 382 388 494

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 16]

Représentés par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056

Assistés de Me Philippe MIALET, membre de la SELAS MIALET AMEZIANE, avocat au barreau de l'Essonne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 janvier 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre

Mme Stéphanie Dupont, conseillère

Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre déléguée et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 23 octobre 2017, la société Belle Etoile Automobile, représentée par son président Monsieur [Y] [I], a vendu à la société S.A.D.E.V.A. ( Société d'Achat d'Exportation et de Distribution de Véhicules Automobiles, SADEVA) un fonds de commerce d'achat et de vente, d'entretien de véhicules automobiles, de pièces détachées et d'accessoires « exploité sous panneau constructeur CITROËN » situé à [Localité 23] (91). Le fonds cédé comprend notamment les droits aux baux des locaux dans lequel il est exploité, l'acte de cession précisant qu'immédiatement après la vente du fonds de commerce, les baux visés à cet acte seront signés entre l'acquéreur du fonds et les propriétaires des lieux dans lesquels il est exploité.

Parallèlement, par acte sous seing privé daté du 23 octobre 2017, Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H] (ci-après indivision [I]) ont donné à bail à loyer à la société SADEVA un local à usage commercial situé [Adresse 9] à [Localité 22][Adresse 1] [Localité 2], à destination de « achat, vente, entretien de véhicules automobiles, pièces détachées et accessoires et d'une manière générale, tout ce qui se rapporte à l'automobile ».

Par acte sous seing privé daté du 23 octobre 2017, la SCI SNV, représentée par son gérant, M. [Y] [I], a donné à bail à loyer à la SAS SADEVA des locaux commerciaux situés [Adresse 7] à [Adresse 21]) formant un tout indivisible avec ceux situés [Adresse 10]), ayant la même destination

Par acte sous seing privé daté du 23 octobre 2017, la SCI PJTV, représentée par Monsieur [Y] [I], a donné à bail à loyer à la société SADEVA un local à usage commercial situé 1,4,6,8,10,12 et [Adresse 3] à Athis Mons (91200) formant un tout indivisible avec ceux situés [Adresse 11],

Par avenants en date du 26 mars 2019, l'indivision [I], la SCI PJTV, la SCI SNV et la société SADEVA ont prévu pour chacun des baux une faculté de résiliation anticipée ainsi que différentes dispositions relatives à l'autorisation de céder le bail et la reprise des immobilisations.

Le 10 janvier 2020, la société SADEVA a acquis auprès de la société Evasion VPS représentée par son président Monsieur [Y] [I] un fonds de commerce de vente et réparation de véhicules automobiles situé à [Localité 20] (91).

Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I] épouse [H] sont venus aux droits de Madame [T] [C] veuve [I] décédée le 8 mars 2020.

Le 30 avril 2020, se prévalant des avenants du 26 mars 2019, la société SADEVA a notifié à chaque bailleur son intention de résilier les trois baux conclus le 23 octobre 2017 pour la date du 31 octobre 2020, date à laquelle elle a effectivement restitué les lieux.

Par exploit d'huissier en date du 19 février 2021, les consorts [I], la SCI PJTV et la SCI SNV ont assigné la SAS SADEVA devant le tribunal judiciaire d'Evry aux fins de la voir condamner à leur payer la somme de 86.661,42 € en principal majorée des intérêts de droit à compter de la décision à intervenir et celle de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Reconventionnellement la société SADEVA a notamment sollicité le remboursement des dépôts de garantie et la condamnation des bailleurs à lui restituer les immobilisations.

Par jugement en date du 13 octobre 2022, le tribunal judiciaire d'Evry a :

condamné la SAS SADEVA à payer à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H] la somme de 17.075,54 €,la somme de 8.880,30 euros à la SCI PJTV et la somme de 15.228,12 € à la SCI SNV au titre des loyers concernant le 2ème trimestre 2020, ainsi que les loyers du 1er au 31 octobre 2020 ;

condamné la SAS SADEVA à payer la somme de 12.278,54 € à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H], la somme de 4.080,30 € à la SCI PJTV et la somme de 6.328,12 € à la SCI SNV, au titre de la taxe foncière pour la période du 1er janvier 2020 au 31 octobre 2020 ;

dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, ainsi que la capitalisation de ces derniers par année entière ;

ordonné la main levée de la saisie conservatoire pratiquée par les bailleurs à l'encontre de la SAS SADEVA en date du 21 janvier 2021 ;

dit que les dépôts de garantie versés à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H] pour un montant de 12.000 €, à la SCI PJTV pour un montant de 12.000 €, à la SCI SNV pour un montant de 22.248€ se compenseront avec les sommes dues par la SAS SADEVA au titre des arriérés de loyers ;

débouté la SAS S SADEVA de sa demande de paiement des immobilisations ;

condamné la SAS SADEVA à payer à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H], la SCI Pjtv et la SCI Snv la somme de 1.000€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS SADEVA aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELA Mialet Ameziane dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision est exécutoire ;

rejeté le surplus des demandes des parties.

Par déclaration en date du 3 janvier 2023, la SASU Sadeva a interjeté appel partiel du jugement en ce qu'il a :

débouté la SAS SADEVA de sa demande de paiement des immobilisations ;

condamné la SAS SADEVA à payer à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H], la SCI Pjtv et la SCI Snv la somme de 1.000€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Une médiation a été ordonnée par le conseiller de la mise en état mais les parties ne sont pas parvenues à un accord.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 23 juillet 2024, la société Sadeva, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

déclarer la société SADEVA recevable et bien fondée en ses demandes ;

Partant :

infirmer le jugement du 13 octobre 2022 rendu le tribunal judiciaire d'Evry en ce qu'il a : - débouté la société SADEVA. de sa demande de paiement des immobilisations, - condamné la société SADEVA à payer à Madame [T] [C] veuve [I], Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PIJTV et la SCI SNV la somme de 1.000 € (mille euros) à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

dire et juger que Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PIJTV et la SCI SNV sont tenus de payer à la société SADEVA., en application des avenants aux baux signés le 26 mars 2019, les immobilisations dont la valeur nette comptable au 30 octobre 2020 est de 391.768 euros ;

condamner in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PIJTV et la SCI SNV à payer à la société SADEVA la somme de 391.768 euros correspondant à la valeur nette comptables des immobilisations au 30 octobre 2020 ;

dire et juger que la société SADEVA n'était tenue de payer que la somme de 1.000 euros à Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum cMonsieur [Y] [I] et Madame [R] [I] à rembourser à la société SADEVA la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile préalablement payée par la société Sadeva ;

condamner in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PIJTV et la SCI SNV à payer à la société SADEVA la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PIJTV et la SCI SNV aux dépens d'appel.

Par conclusions déposées le 11 octobre 2024, la SCI PJTV, SCI SNV, Mme [R] [I], M. [Y] [I], intimés à titre principal et appelants à titre incident, demandent à la Cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : - Débouté la société SADEVA de sa demande en paiement des immobilisations , - Condamné la SAS SADEVA à payer à Madame [T] [C] veuve [I], Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I] épouse [H] la somme de 1000 € à chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Y ajoutant :

condamner la société SADEVA à payer à Madame [R] [H], Monsieur [Y] [I] la SCI PIJTV et la SCI SNV la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société SADEVA aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande en paiement des immobilisations

Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et selon l'article 1104 du même code, ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Il se déduit des dispositions des articles 1188 et suivants du code civil notamment que le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes, que le contexte dans lequel il a été conclu constitue un élément pouvant être pris en considération pour apprécier cette volonté, que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier, qu'en cas de doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet, l'emporte sur celui qui ne lui en fait produite aucun.

En l'espèce, par acte sous seing privé du 23 octobre 2017, la société Belle Etoile Automobile, représentée par son président Monsieur [Y] [I], a vendu à la société SADEVA un fonds de commerce d'achat, de vente et d'entretien de véhicules automobiles situé à [Localité 23] (91) et [Localité 17] (91), moyennant un prix de 970.530 euros soit 450.000 euros au titre des éléments incorporels et 520.530 euros au titre des éléments corporels, le prix de vente du stock étant fixé séparément. Par trois actes du même jour, la société SADEVA a conclu trois nouveaux baux commerciaux portant sur les locaux où le fonds cédé est exploité respectivement avec l'indivision [I] (constituée de Madame [T] [C] veuve [I], Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I]) et les sociétés civiles immobilières PJTV et SNV toutes deux représentées par Monsieur [Y] [I]..

Par deux actes sous seing privé du 26 mars 2019, la société Evasion VPS représentée par son président Monsieur [Y] [I] a consenti à la société SADEVA d'une part une « cession de droit à un bail sous conditions suspensives » portant sur des locaux situés à [Localité 19] où est exercée une activité de concessionnaire automobile moyennant un prix de 450.000 euros, d'autre part une « cession d'actifs sous condition suspensive » portant sur les actifs d'un fonds de commerce de vente et réparations d'automobiles exploité dans ces locaux moyennant un prix de 150.000 euros HT.

A la même date du 26 mars 2019, trois actes intitulés « avenant N°1 au bail commercial du 23 octobre 2017 » ont été conclus entre la société SADEVA, et respectivement l'indivision, [I], les sociétés civiles immobilières PJTV et SNV représentées par leur président Monsieur [Y] [I], contenant une première clause intitulée 1. Résiliation amiable anticipée du bail » aux termes de laquelle les parties « conviennent de résilier amiablement le bail six mois (6) mois après la notification qui sera faite par le preneur de la date de libération effective des lieux loués(') », cette clause prévoyant notamment l'absence d'indemnité au titre de cette résiliation, ainsi qu'une deuxième clause intitulée « 2. Engagements des parties » portant sur l'autorisation de céder le droit au bail et l'acquisition des immobilisations du preneur par le bailleur.

Le 10 janvier 2020, les conditions suspensives étant réalisées, la société Evasion VPS représentée par son président Monsieur [Y] [I] a conclu avec la société SADEVA d'une part, un contrat de cession de droit à un bail aux termes duquel la première cède à la seconde tous les droits d'un bail commercial portant sur des locaux situés à [Localité 20] (91) où est exploité un fonds de commerce de vente et réparation de véhicules automobiles moyennant un prix de 450.000 euros, d'autre part, un contrat de cession d'actifs portant sur des actifs immobilisés appartenant au cédant situés dans les locaux objets du bail cédé moyennant un prix de 150.000 euros HT.

Par trois lettres recommandées du 30 avril 2020, le conseil de la société SADEVA a notifié à l'indivision [I] et aux sociétés civiles immobilières PJTV et SNV la résiliation des baux du 23 octobre 2017, pour la date du 31 octobre 2020 en application du premier paragraphe des avenants du 26 mars 2019, précisant dans ces lettres : « nous reviendrons vers vous ultérieurement pour échanger sur les dispositions du paragraphe 2 de l'avenant n° 1 au bail en date du 26 mars 2019 ». Les trois locaux loués ont été restitués le 30 octobre 2020 ainsi que cela résulte d'un procès-verbal de constat dressé le jour même. Les affirmations divergentes des parties quant au motif du changement de locaux par la locataire n'étant pas établies, il n'y a pas lieu de les prendre en considération.

Pour solliciter le remboursement par les bailleurs de ses immobilisations faites dans les locaux restitués le 30 octobre 2020, la société SADEVA se prévaut de la deuxième clause des trois avenants conclus le 26 mars 2019 intitulée « 2. engagements des parties » selon laquelle :

« Au plus tard le 15 décembre 2019, les parties s'engagent à se rencontrer pour échanger sur le choix que le bailleur devra prendre au plus tard à ladite date de :

- Soit (choix1) d'autoriser le preneur à céder son droit au bail à tout cessionnaire de son choix qui aura pour activité celle prévue à l'article Destination du bail.

Conformément à l'article 27 du bail, le preneur sera tenu :

- d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de cession du droit au bail en lui notifiant par lettre recommandée avec avis de réception, un mois avant la cession projetée, le projet d'acte de cession et en lui précisant le lieu, le jour et l'heure prévue pour la signature de l'acte ;

- et de remettre au bailleur dans les quinze (15) jours de sa signature une expédition ou un exemplaire original (')

Le bailleur s'engagera à renoncer en outre à ce que le preneur reste solidairement garant avec son cessionnaire et tous cessionnaires successifs, pour une durée de trois ans à compter de la date de la cession du droit au bail. Il est précisé que les dispositions du 1 ci-dessus relatives à la résiliation anticipée du bail ne pourront être invoquées par le cessionnaire du droit au bail.

- Soit (choix 2) d'acquérir les immobilisations du preneur attachées aux lieux loués moyennant un prix égal à la valeur nette comptable desdites immobilisations à la date de leur cession et aux charges et conditions acceptées par le preneur. À défaut d'accord du preneur l'option du bail sera automatiquement le choix 1. »

Il ressort du contexte dans lequel cet avenant est conclu qu'il vise à apporter des compensations à la locataire alors qu'elle abandonne son droit au bail et ses immobilisations dans les locaux qu'elle restitue pour acquérir un nouveau droit au bail et de nouvelles immobilisations, cédés par une entreprise ayant le même dirigeant ou représentant que les bailleurs des locaux restitués.

Il ne ressort pas de la rédaction de cette clause que l'absence de choix du bailleur entre les options ouvertes à lui et l'absence de réunion des parties, avant la date du 15 décembre 2019, seraient de nature à libérer les bailleurs de leurs obligations ou vaudraient renonciation des parties à appliquer cette clause. Il n'y a pas lieu d'ajouter une conséquence non prévue à l'acte qui est, par ailleurs, assez précis quant à ses effets.

De même, il ne ressort pas de la clause que la locataire aurait eu l'obligation de trouver un cessionnaire pour son droit au bail ni que l'absence de candidat cessionnaire, privant le bailleur de son choix 1, serait de nature à retirer à la locataire tout le bénéfice de la clause, une telle sanction contraire à l'objectif de cette clause n'étant pas exprimée et n'apparaissant pas implicite.

Par ailleurs, il résulte des courriers du 30 avril 2020 notifiant la résiliation des baux aux bailleurs tout en indiquant : « nous reviendrons vers vous ultérieurement pour échanger sur les dispositions du paragraphe 2 de l'avenant n°1 au bail en date du 26 mars 2019 » que la locataire n'a pas renoncé à se prévaloir de la clause 2 des avenants du 26 mars 2019, nonobstant le fait que la réunion prévue le 15 décembre 2019 n'ait pas eu lieu, mais qu'elle entend au contraire, s'en prévaloir. Contrairement à ce qu'il est soutenu par les intimés, aucun élément ne permet d'établir une renonciation non équivoque de la société SADEVA à se prévaloir du bénéfice de la deuxième clause de l'avenant du 26 mars 2019.

La circonstance que les bailleurs n'aient pas exprimé leur choix entre les options offertes dans la clause litigieuse et qu'en tout état de cause aucun candidat cessionnaire n'ait été présenté aux bailleurs, n'est donc pas de nature à priver d'effet l'acte conclu entre les parties. Ainsi, conformément à l'intention des parties aux avenants en cause, visant à compenser les conséquences financières du changement de locaux pour la locataire, il convient d'appliquer la seule option restant possible pour les bailleurs, c'est-à-dire le « choix 2 » prévu dans la clause litigieuse des avenants, soit celle « d'acquérir les immobilisations du preneur attachées aux lieux loués moyennant un prix égal à la valeur nette comptable desdites immobilisations à la date de leur cession et aux charges et conditions acceptées par le preneur ».

Il ressort du compte des immobilisations produit par la société SADEVA que lors de son entrée dans les lieux en exécution des trois contrats de bail en cause, le 23 octobre 2017, la valeur à amortir s'élevait à 531.955 euros et qu'à la date de restitution des locaux le 30 octobre 2020, la valeur nette comptable de ces immobilisations après amortissement s'élevait à 326.474 euros HT (391.768 euros TTC).

Ce montant a été certifié le 29 mars 2023 par le directeur financier de la société SADEVA. Par attestation du 29 mars 2023, le commissaire au compte indique ne pas avoir d'observation à signaler sur la valeur présentée par le directeur financier, après avoir réalisé les travaux de rapprochements comptables lui incombant pour se prononcer sur sa concordance avec la comptabilité de la société. Le montant des immobilisations est donc valablement établi.

Les intimés bailleurs ne discutent pas être engagés chacun pour l'ensemble des immobilisations laissés dans les locaux loués .

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société SADEVA de sa demande en paiement des immobilisations et de condamner in solidum les intimés au paiement de la somme de 326.474 euros HT, soit 391.768 euros TTC.

Sur les frais irrépétibles de première instance

Dans sa déclaration d'appel et ses conclusions, la société SADEVA demande à la cour d'infirmer le jugement du 13 octobre 2022 en ce qu'il condamné la société Sadeva. à payer à Madame [T] [C] veuve [I], Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PJTV et la SCI SNV la somme de 1.000 € (mille euros) à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.

Elle fait valoir que l'huissier poursuivant l'exécution du jugement lui a réclamé à tort 3.000 euros, soit 1.000 euros à ce titre pour chacun des trois membres de l'indivision [I] alors que cette indivision ne constituerait qu'une seule partie et un seul bailleur. Elle demande, en conséquence, à la cour de dire qu'elle n'était tenue de payer que 1.000 euros pour l'ensemble des membres de l'indivision soit Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I], Madame [T] [I] étant décédée depuis le 6 mars 2020, et de condamner Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I] à lui restituer la somme de 2.000 euros.

Cette prétention s'analyse en une demande visant à voir ramener le montant de la condamnation aux frais irrépétibles de première instance à un montant total de 1.000 euros pour l'ensemble des membres de l'indivision composée depuis le 6 mars 2020 de Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I]. Dès lors que le litige opposant ces derniers en qualité de bailleurs, propriétaires indivis, et la société SADEVA porte sur un seul contrat de bail, il convient de condamner cette société à payer la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance à Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I], soit 500 euros chacun.

Le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur ce point.

Sur les autres demandes

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'dire etjuger'', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Les intimés qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de la procedure d'appel, soit un tiers à la charge de chacune des sociétés et un tiers à la charge des consorts [I].

Il convient de condamner les intimés in solidum au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procedure civile au titre de la procedure d'appel.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 13 octobre 2022 par le tribunal judiciaire d'Evry (RG 21/1143) en ce qu'il a débouté la société S.A.D.E.V.A. de sa demande de paiement des immobilisations et condamné la société S.A.D.E.V.A à payer à Mme [T] [C] veuve [I], M. [Y] [I], Mme [R] [I] épouse [H], la SCI PJTV et la SCI SNV la somme de 1.000€ à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le confirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PJTV et la SCI SNV à payer à la société S.A.D.E.V.A la somme de 326.474 euros HT, soit 391.768 euros TTC au titre des immobilisations,

Condamne la société S.A.D.E.V.A à payer à Monsieur [Y] [I] et Madame [R] [I] la somme de 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

Condamne la société S.A.D.E.V.A à payer la SCI PJTV et la SCI SNV la somme de 1.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

Condamne in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PJTV et la SCI SNV à payer à la société S.A.D.E.V.A la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Rejette les autres demandes,

Condamne in solidum Monsieur [Y] [I], Madame [R] [I], la SCI PJTV et la SCI SNV aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière, La première présidente,

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