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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 18 septembre 2025, n° 21/12428

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/12428

18 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/12428 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7TC

S.A.R.L. ALPES AUDIT ASSOCIES

C/

[C] [L]

[M] [J]

Copie exécutoire délivrée

le : 18 Septembre 2025

à :

Me Stéphanie RIOU-SARKIS

Me Laurent MARTIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE-LES-BAINS en date du 23 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00427.

APPELANTE

S.A.R.L. ALPES AUDIT ASSOCIES

, demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]

représentée par Me Stéphanie RIOU-SARKIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [C] [L]

né le 09 Juillet 1981 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4] - [Localité 8]

représenté par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [M] [J]

né le 16 Mars 1983 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

représenté par Me Laurent MARTIN de la SCP AIXCELSIOR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025,

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Alpes Audit Associés ( A2A), dont M [E] [U] est gérant et associé, exerce la profession d'expert-comptable avec une activité sur trois structures implantées sur les villes de [Localité 6], [Localité 9] et [Localité 7].

M. [M] [J] et M. [C] [L] exercent tous deux la profession d'expert-comptable.

Des échanges et des pourparlers sont intervenus entre M. [U] d'une part, et messieurs [J] et [L] d'autre part, relatifs à la cession du fonds libéral d'expert-comptable exploité par le premier dans son cabinet de [Localité 7].

Par une lettre d'intention du 12 juillet 2016, M. [M] [J] a confirmé son intérêt pour l'acquisition de ce fonds et de novembre 2016 à septembre 2017, les parties ont poursuivi les négociations.

Un contrat de cession de fonds libéral d'expert-comptable sous conditions suspensives a été signé le 12 septembre 2017 entre la société A2Aet messieurs [J] et [L].

Les conditions suspensives étaient les suivantes:

- obtention par le cessionnaire d'un prêt bancaire d'un montant d'un million d'euros pour financer l'achat, remboursable sur 7 ans au taux maximum de 2,5%,

- signature d'un nouveau bail commercial entre la SCI Bastide, représentée par M. [E] [U], son gérant, et les acquéreurs portant sur les locaux sis à [Localité 7] [Adresse 3] aux conditions suivantes:

* activités: expertise- comptable, audit, commissariat au compte et formation,

* durée: six ans minimum ferme sans possibilité de résiliation avant l'expiration de cette durée et moyennant un préavis de 6 mois,

* loyer: 10 € HT/m²,

* charges à la charge du locataire: 100% pour la taxe foncière et pour les charges de copropriété,

* autorisation de sous-louer partiellement pour les activités juridiques et judiciaire y compris notariale,

* clause de priorité du locataire en cas de vente des locaux,

- réalisation définitive des opérations de restructuration de la société cédante aboutissant à la scission des différents cabinets, de telle sorte que le cédant soit le seul décisionnaire et le seul actionnaire de la société A2A.

Le délai de réalisation des conditions suspensives était fixé au 30 novembre 2017, à défaut de quoi la convention serait caduque. La date de réitération de la promesse devait intervenir au plus tard le 5 janvier 2018.

Un avenant a été régularisé le 3 janvier 2018 pour reporter l'accomplissement des conditions suspensives qui n'avaient pas été réalisées, au 28 février 2018.

La condition relative à la réalisation définitive des opérations de restructuration de la société A2A n'a pas été réalisée, entraînant la caducité de l'acte de cession du 12 septembre 2017.

Messieurs [J] et [L] vont soutenir que les négociations entre les parties ont continué après la caducité, que celles-ci se sont entendues pour une nouvelle date de réitération fixée au 30 juin 2019 et pour que M. [C] [L] travaille deux jours par semaine au cabinet de [Localité 7] jusqu'à la cession définitive du fonds mais que le vendeur leur a finalement annoncé son intention de vendre son fonds d'expertise à des acquéreurs proposant un prix plus élevé, la vente étant effectivement intervenue au profit d'un tiers.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2019, M. [M] [J] et M. [C] [L] ont fait assigner la société Alpes Audit Associés devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains aux fins notamment de:

- constater que celle-ci a commis une faute consistant en la rupture abusive des pourparlers,

- constater que la rupture abusive et brutale des négociations en cours est dépourvue de tout motif légitime,

- constater que cette rupture a un lien avec le préjudice qu'ils ont subi,

- condamner la société Alpes Audit Associés à leur verser une somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 23 juin 2021, le tribunal judiciaire de Digne les Bains a:

- dit que la responsabilité délictuelle de la SARL Alpes Audit Associés du fait de la mauvaise foi contractuelle de M. [E] [U], agissant en qualité de gérant associé lors de la cession du fonds libéral d'expert-comptable sur le site de [Localité 7], est manifestement engagée des chefs d'une rupture abusive de cette cession, à l'égard des cessionnaires,

- condamné la SARL Alpes Audit Associés à payer au titre de la réparation de leur préjudice matériel et de la perte de chance subie la somme de 160.000 € à M. [M] [J] et M. [C] [L],

- condamné la SARL Alpes Audit Associés à payer à M. [M] [J] et M. [C] [L] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Alpes Audit Associés à supporter les dépens de la procédure,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu, à cet effet, que:

- si la caducité formelle de la convention au 28 février 2018 n'est pas contestée par les parties, M. [U] a fait durer les négociations depuis juillet 2016 jusqu'en février 2018, en alléguant pour justifier de la non réalisation des conditions suspensives:

* des difficultés de se dissocier des autres associés de la SARL A2A, alors que cette dernière condition caractérise quasiment une condition potestative et que M. [U] n'est pas en mesure pendant la période de septembre 2017 à février 2018 de justifier de démarches pour permettre la réalisation de cette troisième condition suspensive,

- la définition potestative de cette condition assortie d'une inertie totale pour la réaliser caractérise la duplicité de M. [U], gérant de la SARL A2 afin de leurrer les acquéreurs tout en se réservant une porte de sortie de la convention en cas de possibilité de vendre à meilleur prix,

- s'agissant de la deuxième condition suspensive tenant à la conclusion du bail commercial, M. [U] ne pouvait ignorer le vice intrinsèque de la condition qu'il a rédigée et doit être présumé avoir délibérément choisi de vicier la condition suspensive relative au bail pour faire de la cession une convention piégée,

- ce comportement caractérise une mauvaise foi flagrante dans la réalisation de la convention de cession de fonds libéral, lui conférant le caractère d'un leurre afin de duper les acquéreurs sur une perspective d'issue favorable des négociations,

- la responsabilité délictuelle de la société A2A du fait de la mauvaise foi contractuelle de son gérant est engagée des chefs d'une rupture abusive de cette cession,

- sur le préjudice:

* les acquéreurs ont mobilisé inutilement des heures de travail et de négociation sur le projet de reprise, maintenu en place le financement de 1 million d'euros pendant deux ans avec la banque au lieu de l'investir, ont multiplié des démarches auprès de l'ordre des experts-comptables, ont exposé des frais d'analyse, d'études, d'avocat, ont entrepris des démarches de déménagement et recherches de logement pendant deux ans,

* par l'effet du leurre mis en oeuvre, ils ont également subi une perte de chance d'acquérir à la même époque un autre fonds libéral d'expertise comptable.

Par déclaration en date du 18 août 2021, la SARL Alpes Audit Associés a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2022, la société Alpes Audit Associés demande à la cour de:

Vu les articles 1112, 1240 et 1304-4 du code civil,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il retient la caducité formelle de la convention au 28 août 2018 comme n'étant pas contestée par les parties et que toutes les négociations ont cessé à cette date,

- dire et juger qu'il n'y a aucune faute commise de la part de la société Alpes Audit Associés susceptible d'engager sa responsabilité,

- constater au vu des éléments de droit et de faits, l'absence de rupture abusive et brutale des pourparlers,

En conséquence,

- rejeter purement et simplement l'intégralité des demandes formulées par M. [M] [J] et M. [C] [L],

- condamner M. [M] [J] et M. [C] [L] au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M] [J] et M. [C] [L], suivant leurs dernières conclusions signifiées le 11 février 2022, demandent à la cour de:

Vu les articles 1104, 1112 et 1240 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner la société Alpes Audit Associés à payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Alpes Audit Associés aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Bellemanière Philippe son appel de frais.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 13 mai 2025.

MOTIFS

M. [M] [J] et M. [C] [L], au visa des articles 1104, 1112 et 1240 du code civil, recherchent la responsabilité délictuelle de la société Alpes Audit Associés lui reprochant une rupture abusive des négociations, rappelant que le fait de rompre brutalement et unilatéralement des négociations très engagées doit être considéré comme un manquement à l'obligation de bonne foi dans les relations entre les parties. Ils font valoir que les relations entre les parties ont débuté en 2016 et qu'un acte de cession sous conditions suspensives a été régularisé en septembre 2017 mais est devenue caduc en raison de la défaillance de M. [E] [U]. Ils soutiennent que les parties n'ont toutefois pas cessé leurs relations en ce qu'un projet d'un deuxième avenant a été convenu mais que M. [U] a rompu brutalement en octobre-novembre 2018 toute négociation, comportement qui est incontestablement constitutif d'une faute.

La SARL Alpes Audit Associés ne partage pas cette analyse, soulignant qu'il n'est pas contestable que la condition suspensive tenant à la réalisation définitive des opérations de restructuration de la société cédante n'ayant pas abouti le 28 février 2018, l'acte de cession de fonds libéral régularisé le 12 septembre 2019 est caduque et qu'aucune indemnité n'est due de part et d'autre à ce titre. Elle relève que les intimés fondent leurs demandes sur la période postérieure à la date à laquelle le compromis de vente est devenue caduc, au motif que les négociations entre les parties ont continué ce qu'elle conteste formellement et n'a d'ailleurs pas été retenu par le premier juge, qui en revanche, s'est interrogé à tort sur les causes ayant entraîné la non réalisation des conditions suspensives, alors qu'il s'agit de reproches contractuels non une faute délictuelle résultant de la rupture de pourparlers.

Selon l'article 1112 du code civil, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

Le principe fondamental est que les parties ont la liberté d'initier, de dérouler et de rompre les négociations pré-contractuelles. Ainsi, mettre fin aux pourparlers n'est pas en soi constitutif d'une faute.

Cependant la liberté de négociation ne doit pas dégénérer en abus de droit et la responsabilité de l'auteur de la rupture fautive des pourparlers est nécessairement de nature délictuelle puisque l'on se situe en période pré-contractuelle et qu'aucun contrat n'a pas pu être conclu du fait de la rupture des négociations.

Il ressort des pièces produites que le 12 juillet 2016, M. [M] [J] a confirmé son intérêt pour l'acquisition du fonds de commerce libéral d'expert comptable exploité par la société Alpes Audit Associés dans le cabinet de [Localité 7].

Le 4 novembre 2016, M. [M] [J] a adressé sa proposition de reprise et par acte sous seing privé en date du 12 septembre 2017, les parties ont régularisé une cession de fonds libéral d'expert-comptable exploité à [Localité 7] sous condition suspensive pour un prix de 1.000.000 €.

A l'article 7 intitulé ' conditions suspensives' , il a été convenu que ' A défaut de l'accomplissement des conditions suspensives à la date du 30 novembre 2017, les présentes seront considérées comme caduques. Chacune des parties sera déliée de ses obligations, sans indemnité de part et d'autre.'

Le 3 janvier 2018, un avenant à cet acte de cession a été signé aux fins de proroger le délai permettant la réalisation de la vente définitive, exposant que ' A ce jour, une des conditions suspensives n'est toujours pas réalisée en raison des difficultés rencontrées par le cédant dans le cadre de l'opération de restructuration envisagée et les parties sont convenues de reporter la date de réalisation des conditions suspensives et de la réitération de l'acte à une date ultérieure '.

Il a ainsi été stipulé que les dispositions de l'acte signé le 12 septembre 2017 sont modifiées comme suit:

'Article 7: conditions suspensives (...)

A défaut de l'accomplissement des conditions suspensives à la date du 28 février 2018, les présentes seront considérées comme caduques. Chacune des parties sera déliée de ses obligations, sans indemnité de part et d'autre.'

Il n'est pas contesté qu'à la date du 28 février 2018, les conditions suspensives n'étant pas réalisées, l'acte de cession du 12 septembre 2017 est devenu caduc. Par voie de conséquence, la phase précontractuelle qui s'est ouverte à compter du mois de septembre 2016 et a été formalisée par la signature de l'acte de cession du fonds libéral d'expertise comptable sous condition suspensive ne peut ouvrir droit à réparation sur le fondement délictuel de la rupture abusive des négociations dès lors qu'une convention a été régularisée entre les parties.

Par ailleurs, messieurs [J] et [L] ne peuvent solliciter l'indemnisation en réparation d'une vente qui n'a pu aboutir dans des conditions contractuellement définies et acceptées par les parties, ce qu'ils ne font d'ailleurs pas puisqu'ils fondent leur demande sur la responsabilité délictuelle du cédant qui aurait, postérieurement à la caducité contractuelle de l'acte de cession, accepté de reprendre de nouvelles négociations relativement à la même opération, que l'appelante aurait par la suite brutalement et abusivement rompues.

Le premier juge ne pouvait donc pas, en l'absence de faute contractuelle dans la non réalisation de l'acte de cession sous condition suspensive, qui n'est pas le fondement de la demande des intimés, retenir une faute délictuelle commise par le cédant en estimant que son gérant avait fait preuve de mauvaise foi dans la réalisation ou non des conditions suspensives prévues dans un contrat caduc.

Seule la période postérieure au 28 février 2018, date à laquelle l'acte de cession du 12 septembre 2017 est devenue caduc, doit être examinée pour déterminer l'existence ou non d'une rupture abusive des négociations de la part de la société Alpes Audit Associés.

Il appartient aux intimés de rapporter la preuve d'une faute délictuelle commise par la société cédante constitutive d'un abus de droit de nature à caractériser une rupture fautive des relations entre les parties.

Sur cette période, M. [J] et M. [L] communiquent quatre pièces:

- un mail du 8 octobre 2018 et courrier recommandé de M [M] [J] en date du 23 octobre 2018 lui reprochant de mettre unilatéralement un terme à des négociations très abouties dont il reprend la chronologie,

- un avenant à l'acte de cession rédigé exactement de la même manière que l'avenant du 3 janvier 2018, prévoyant toutefois une date d'accomplissement des conditions suspensives au 31 décembre 2018 et une réitération de l'acte définitif au plus tard le 15 janvier 2019, avenant qui n'est ni daté, ni signé et qui n'est qu'un 'copier-coller' du précédent,

- un mail en date du 22 novembre 2018 adressé par les intimés à M. [E] [U], indiquant leur volonté de reprendre l'opération, tout en listant les clauses à reprendre dans l'avenant et notamment:

* opérations juridiques de scissions et apports réalisées par Me Bellamanière ( obligation de transmission des documents nécessaires à ce dernier), qui est le conseil des acquéreurs,

* avenant allant jusqu'au 30 juin 2019 et une seule prolongation possible au 31.08.2019,

* indemnité de rupture définie à 150 K€ si une nouvelle rupture unilatérale est constatée.

La société appelante produit, en pièce 9, l'échange de mails entre les parties suite à ce courriel du 22 novembre 2018 avec un message de M. [J] en date du 12 décembre 2018 en ces termes ' Bonjour [E], pour faire suite à notre conversation du 11 décembre, il semble effectivement difficile pour toi de signer un nouvel avenant sur la base de nos propositions communes . Nous n'avons en effet aucune visibilité sur la suite des événements notamment en termes de planning (...) Nous ne pouvons que déplorer cette situation qui s'impose à nous aujourd'hui'.

Si ces quelques éléments dont la grande majorité est constituée par des écrits émanant des seuls acquéreurs, mettent en évidence que les parties sont demeurées en relations jusqu'à la fin de l'année 2018, il apparaît que contrairement à ce que prétendent messieurs [J] et [L], les discussions entre les parties ne se sont pas interrompues brutalement à compter du mois d'octobre 2018 en raison du silence qui leur a été opposé par M. [U] sans raison légitime dès lors que:

- courant novembre 2018, messieurs [J] et [L] ont précisé qu'ils souhaitaient la conclusion d'un nouvel avenant sous certaines conditions ( notamment réalisation des opérations juridiques de scissions par Me Bellamanière, conseil des acquéreurs et insertion d'une indemnité de rupture),

- ils ont reconnu, en décembre 2018, que le cédant pouvait difficilement signer un tel contrat sur la base de ces nouvelles conditions et que la situation était dans une impasse.

Il ressort en effet des pièces produites que la principale difficulté résidait dans la restructuration de la société par dissociation, à savoir la réalisation des opérations de restructuration de la société cédante aboutissant à la scission des différents cabinets, réalisation qui ne dépendait pas de la seule volonté de M. [U], lequel ne disposait que de 450 parts sur les 1.000 parts composant le capital social de la société Alpes Audit Associés et qui justifie par la production des attestations de ses associés que le processus de restructuration était compliqué et retardé par des procédures contentieuses en cours.

La chronologie des événements ci-dessus rappelée ne permet pas de caractériser l'existence d'un abus commis par la SARL Alpes Audit Associés dans l'échec de la signature d'un nouvel avenant, étant souligné qu'il n'est pas justifié du caractère abusif et sans motif légitime de la rupture, laquelle n'est pas intervenue après des pourparlers particulièrement longs et complexes dans le cadre de la période postérieure à la caducité de l'acte de cession et qu'il est établi que les acquéreurs ont émis l'intention de signer un nouvel avenant sur la base de nouvelles conditions qui ne convenaient au cédant, sans que cela soit pour autant constitutif d'une faute au sens de l'article 1112 du code civil.

Le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la responsabilité délictuelle de la SARL Alpes Audit Associés du fait de la mauvaise foi contractuelle de M. [E] [U], agissant en qualité de gérant associé lors de la cession du fonds libéral d'expert-comptable sur le site de [Localité 7], est manifestement engagée des chefs d'une rupture abusive de cette cession, à l'égard des cessionnaires et a alloué des dommages et intérêts à messieurs [J] et [L] à hauteur de 160.000 € doit être infirmé.

Aucune faute n'ayant été commise par la société Alpes Audit Services de nature à engager sa responsabilité délictuelle n'étant établie, les intimés ne peuvent qu'être déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Digne les Bains déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Alpes Audit Services n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle pour rupture abusive des négociations,

Déboute, en conséquence, M. [M] [J] et M. [C] [L] de l'intégralité de leurs demandes,

Condamne M. [M] [J] et M. [C] [L] à payer à la société Alpes Audit Services la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] [J] et M. [C] [L] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

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