CA Rennes, 3e ch. com., 7 octobre 2025, n° 24/06380
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°282
N° RG 24/06380 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VM4H
(Réf 1ère instance : 2024001131)
S.A.S. DECOREM
C/
S.A.S. GROUPE A2EXPERTS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me [Localité 5]
Me CHAUDET
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :
TC [Localité 6]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, rapporteur,
Assesseur : Monsieur Sébastien PLANTADE, désigné par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes en date du 19 juin 2025 ,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Juin 2025 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteur, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. DECOREM, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 351 427 7862, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Louis-Georges BARRET de la SELARL LIGERA 1, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.S. GROUPE A2EXPERTS, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 851 714 972, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Sandrine VIVIER, avocat au barreau de Rennes
Représentée par Me Sophie CAUSERET, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Groupe A2 Experts a une activité déclarée de conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle exploite son activité sous deux noms commerciaux : Alerte Informatique et Info Pro.
La société Decorem (n°351 427 786) avait une activité déclarée de commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques périphériques et de logiciels dont les titres étaient détenus par la société Gaj invest. Courant 2016, elle a acquis la branche d'activité de vente au détail de tous articles pour marquage, étiquetage, affichage de prix et leurs accessoires, activité exercée sous l'enseigne « Decorem étiquetage ». Il est d'ores et déjà précisé que par acte de cession du 8 janvier 2025, le fonds de commerce concernant cette seule branche a été cédé à la société Decorem (anciennement Elpy office) (n°921 319 091). La société Decorem (n°351 427 786) a pris la dénomination sociale Gaj déco et son activité a été mise en sommeil à compter du 8 janvier 2025.
Le 22 mai 2000, la société Decorem (n°351 427 786) a embauché Mme [X] née [M], en qualité d'assistante administrative et commerciale pour la branche Decorem étiquetage. Elle était en charge de la relation clients et fournisseurs.
En avril 2022, la société Decorem a fait appel à la société Groupe A2 Experts afin de renouveler son logiciel de gestion.
Aux dires de la société Decorem, selon deux de ses collègues, Mme [X] aurait indiqué qu'elle comptait démissionner au 31 mai 2023 et qu'elle avait déjà pris les fichiers clients et commerciaux de la société Decorem pour lancer une activité concurrente au sein de la société Groupe A2 Experts.
Soutenant avoir découvert qu'une sauvegarde de la base de données de la société avait été effectuée manuellement le 23 mars 2023 et que le fichier de sauvegarde avait été enregistré puis supprimé du système, la société Decorem a saisi le président du tribunal judiciaire de Nantes afin qu'il désigne un commissaire de justice pour se rendre au domicile de Mme [X] et au siège social de la société Groupe A2 Experts pour, notamment, retrouver ledit fichier.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la mesure a été autorisée.
Le 25 mai 2023, les opérations ont eu lieu au domicile de Mme [X] et au sein de la société Groupe A2 Experts. Il est apparu que Mme [X] était en cours de recrutement par la société Groupe A2 Experts, qu'elle avait transmis un fichier dénommé « article.xlsx » à cette dernière le 27 mars 2023 depuis son adresse personnelle.
Le 25 mai 2023, Mme [X] a démissionné de la société Decorem et a été embauchée par le 21 août 2023 par la société Groupe A2Experts, avec prise d'effet au 4 septembre 2023.
Le 5 juin 2023, la société Decorem a sollicité la résiliation du contrat d'assistance logiciel conclu avec la société Groupe A2 Experts.
Par courrier recommandé du 20 juin 2023, la société Decorem a mis en demeure la société Groupe A2 Experts d'avoir à détruire le fichier en cause et d'en rapporter la preuve.
Par courrier recommandé du 27 juin 2023, la société Groupe A2 Experts a répondu que ce fichier lui avait été transmis dans le cadre de l'exécution de sa mission et qu'il avait été supprimé depuis.
Par courrier recommandé du 18 juillet 2023, la société Groupe A2 Experts a réclamé le paiement de factures impayées.
Le 6 février 2024, la société Decorem a assigné à bref délai la société Groupe A2 Experts devant le tribunal de commerce de Nantes afin de faire cesser les actes de concurrence déloyale, d'obtenir la réparation de son préjudice et la destruction du fichier.
Par jugement du 4 novembre 2024, le tribunal de commerce de Nantes a :
- Condamné la société Groupe A2 Experts à détruire tout fichier propriété de la société Decorem encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
- Rappelé que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem entraînera une condamnation automatique de la société Groupe A2 Experts à payer à la société Decorem la somme de 10.000 euros,
- Débouté la société Decorem de sa demande de faire condamner la société Groupe A2 Experts pour concurrence déloyale,
- Débouté la société Decorem de sa demande de dommage et intérêts,
- Ordonné le paiement par la société Decorem à la société Groupe A2 Experts des factures n°28255 et n°28263 pour les sommes respectives de 54 euros toutes taxes comprises et 488,80 euros toutes taxes comprises assortis des intérêts en vigueur depuis la date d'exigibilité,
- Débouté la société Groupe A2Experts de sa demande de faire payer à Decorem les factures 'Codial et EBP',
- Débouté la société Groupe A2Experts de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné la société Groupe A2Experts à payer la somme de 2.000 euros à la société Decorem au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné la société Groupe A2Experts aux entiers dépens de l'instance.
La société Decorem a interjeté appel le 28 novembre 2024 de cette décision.
Parallèlement, un litige prud'homal a été engagé par la société Decorem à l'encontre de Mme [X] pour violation de son obligation de loyauté et de la société Groupe A2Experts sur le fondement de l'article L.1237-3 du code du travail pour « complicité dans le débauchage de la salariée et, le cas échéant, dans les actes de violation de son obligation de loyauté ». Un jugement a été rendu le 22 avril 2025 dont il a été formé appel le 6 juin 2025 par la société Décorem désignée sous la dénomination Gaj déco.
Le conseil des prud'hommes a notamment débouté la société Decorem « concernant sa demande des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté et mise en oeuvre d'une concurrence déloyale » formée contre Mme [X] et la société Groupe A2Experts.
Dans la présente instance, les dernières conclusions de la société Decorem désignée sous la dénomination Gaj déco ont été déposées le 28 mai 2025.
Les dernières conclusions de la société Groupe A2 Experts ont été déposées le 2 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2025.
Après la clôture des débats, la cour a demandé aux parties leurs observations en ces termes :
« L'extrait Kbis de la société Gaj déco (pièce 27) qui porte le même numéro d'immatriculation que la société Decorem (351 427 786) n'a plus le même objet social qu'antérieurement et notamment l'activité vente de commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques comme annoncée dans vos écritures respectives.
L'extrait Kbis mentionne une cession d'une activité de « vente au détail de tous articles pour marquage étiquetage affichage de prix et leurs accessoires » au profit d'une nouvelle société Decorem immatriculée 921 319 091.
Il est indiqué dans les écritures des parties que Mme [X], salariée de la société Decorem depuis 2000, 'uvrait plus spécialement pour la « branche » Decorem étiquetage.
Il se comprend de l'ensemble que l'ancienne société Decorem devenue Gaj déco aurait cédé ses activités (vente de commerce de gros d'ordinateurs et/ou vente au détail d'articles pour marquage étiquetage) à une ou plusieurs sociétés tierces et/ou aurait modifié en conséquence son objet social.
Pour la société Gaj déco : vous êtes invités, pour le 4 juillet 2025 au plus tard :
-à justifier des conditions de la cession de l'activité concernée par les actes de concurrence déloyale dénoncés,
-à justifier des conditions de la prise en charge des litiges déjà engagés lors de la ou des cessions,
-à former toutes observations sur les conséquences de cette ou ces cessions sur les demandes formées (cessation des actes de concurrence déloyale et indemnisation des préjudices) lesquelles sont susceptibles de ne concerner que la ou les sociétés bénéficiant désormais de l'ancienne activité de Decorem, laquelle ou lesquelles ne sont pas à la cause.
Pour la société Groupe A2 experts en réponse, pour le 11 juillet 2025 au plus tard :
-à former toutes observations sur les conséquences de cette ou ces cessions sur les demandes formées (cessation des actes de concurrence déloyale et indemnisation des préjudices) lesquelles sont susceptibles de ne concerner que la ou les sociétés bénéficiant désormais de l'ancienne activité de Decorem, laquelle ou lesquelles ne sont pas à la cause. »
La société Gaj déco a déposé une note en délibéré le 1er juillet 2025 accompagnée de deux pièces.
La société Groupe A2 Experts a déposé une note en délibéré le 10 juillet 2025.
Par message du 26 septembre 2025, il a été demandé aux parties leurs observations en ces termes :
« Maîtres,
Il apparait que le conseil des prud'hommes a été saisi de faits de violation de l'obligation de loyauté de Mme [X] et de « mise en 'uvre » d'une concurrence déloyale.
Les faits dont a eu à connaître le conseil des prud'hommes sont, pour ceux antérieurs à la fin du contrat de travail, le détournement d'un fichier client et son envoi à son futur employeur avant le terme de son contrat.
Ces faits sont ceux dont se serait principalement rendue complice la société Groupe A2 Experts aux termes des écritures prises pour la société Gaj déco dans la présente instance.
Le conseil de prud'hommes, lorsqu'il est saisi, est, sauf erreur, seul compétent pour juger les actes de concurrence déloyale commis par le salarié en violation des obligations du contrat de travail.
Si la juridiction commerciale est compétente pour statuer sur le litige entre deux sociétés commerciales, elle doit en principe surseoir à statuer lorsque la juridiction des prud'hommes a été saisie de la question de la violation de ses obligations par le salarié avant de pouvoir apprécier la complicité de son nouvel employeur.
Dès lors que la société Gaj déco avait annoncé qu'elle formerait appel de la décision prud'homale et que les deux chambres de la cour d'appel sont saisies simultanément, je vous invite à formuler toutes observations sur la question d'un éventuel sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la chambre sociale, et ce, avant, au plus tard, 1er octobre 2025 ».
La société Gaj déco a déposé une note en délibéré le 30 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
La société Gaj déco demande à la cour de :
- juger la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM), recevable et bien fondée en la présente procédure,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 04 novembre 2024 en ce qu'il :
déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 04 novembre 2024 en ce qu'il :
Condamne la société Groupe A2EXPERTS à détruire tout fichier propriété de la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
Rappelle que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) entrainera une condamnation automatique de Groupe A2Experts à payer à la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) la somme de 10.000 €,
Déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
Déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de dommage et intérêts,
Déboute la société Groupe A2Experts de sa demande de faire payer à GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) les factures « Codial et EBP »,
Déboute la société Groupe A2Experts de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Groupe A2Experts à payer la somme de 2.000 € à la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rappelle que l'exécution provisoire est de droit,
Condamne la société Groupe A2Experts aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à 60,22 €,
en conséquence, statuant à nouveau,
- débouter la société Groupe A2 Experts de l'intégralité de ses demandes.
- ordonner à la société Groupe A2 Experts de cesser ses actes de concurrence déloyale sans délai,
- condamner la société Groupe A2 Experts à payer à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem) la somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ses agissements constitutifs de concurrence déloyale,
- ordonner à la société Groupe A2 Experts d'apporter la preuve de la destruction du ou des fichiers clients appartenant à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem),
- condamner la société Groupe A2 Experts à payer la somme de 15.000,00 € à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision à intervenir.
- condamner la société Groupe A2 Experts aux entiers dépens
La société Groupe A2 Experts demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Débouté la société Decorem de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
- Débouté la société Decorem de sa demande de dommage et intérêts,
- Ordonné le paiement par la société Decorem à la société Groupe A2 Experts des factures n°28255 et n°28263 pour les sommes respectives de 54 euros toutes taxes comprises et 488,80 euros toutes taxes comprises assortis des intérêts en vigueur depuis la date d'exigibilité,
faisant appel incident :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Groupe A2 Experts à détruire tout fichier propriété de la société Decorem encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
- Rappelé que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem entraînera une condamnation automatique de la société Groupe A2 Experts à payer à la société Decorem la somme de 10.000 euros,
- Débouté la société Groupe A2 Experts de sa demande de faire payer à Decorem les factures 'Codial et EBP',
- Débouté la société Groupe A2 Experts de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné la société Groupe A2 Experts à payer la somme de 2.000 euros à la société Decorem au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Groupe A2 Experts aux entiers dépens de l'instance,
Par conséquent, accueillant l'appel :
- débouter la société Decorem de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Decorem au paiement des factures FA00028203 et FA00028443 pour un montant total de 1.576,80 euros, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 13 septembre 2023,
- Condamner la société Decorem au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamner la société Decorem au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,
Au surplus :
- Condamner la société Decorem au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de sa note en délibéré, elle demande de déclarer la société Gaj déco irrecevable à agir pour défaut d'intérêt et de qualité pour les demandes relatives à la destruction de tout fichier propriété de la société Decorem en sa possession et de condamnation automatique de la société Gaj déco au paiement d'une somme de 10 000 € en cas d'utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions et notes en délibéré visées supra.
DISCUSSION
Sur le sursis à statuer
Dans sa note en délibéré, la société Gaj deco fait valoir que l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la société Groupe A2 experts sur le fondement de l'article L.1237-3 du code du travail est distincte de l'action en responsabilité pour concurrence déloyale de la société Groupe A2 experts devant la juridiction commerciale. Elle relève également que la juridiction prud'homale n'était pas saisie de la question de la validité d'une clause de non-concurrence dès lors que le contrat de travail de Mme [X] n'en comportait pas.
Le fondement des demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Groupe A2 experts devant la juridiction prud'homale était l'article L.1237-3 du code de travail.
L'action en responsabilité délictuelle portée à son encontre devant la juridiction commerciale est distincte et ne procède pas des mêmes conditions de mise en oeuvre.
La juridiction commerciale est compétente pour apprécier des actes de concurrence déloyale dénoncés entre deux sociétés commerciales.
Pour autant, la faute reprochée devant la juridiction commerciale à l'encontre de la société Groupe A2 experts correspond à des faits de complicité des actes principaux commis par Mme [X].
Ces actes principaux reprochés sont, notamment, les manquements de Mme [X] à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, à savoir le fait qu'elle ait copié un fichier appartenant à la société Decorem pour le transmettre à son futur employeur.
Il a été interjeté appel de la décision prud'homale qui a considéré ces faits comme non établis de sorte que la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes sera amenée à statuer à nouveau sur la violation ou non par Mme [X] de ses obligations à l'égard de son employeur, violation de nature à fonder une complicité de la société Groupe A2 experts, constitutive d'une faute délictuelle de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la présente instance.
Il existe dès lors un risque sérieux de contradiction entre les décisions des deux chambres de la cour quant à l'analyse de ces actes accomplis avant la rupture du contrat de travail de Mme [X].
En conséquence, il est de bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue dans le litige prud'homal actuellement pendant devant la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes (RG : 25/03085) opposant Mme [X] née [M] et la société Groupe A2 experts à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem).
Les demandes des parties sont réservées.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Avant-dire-droit,
Sursoit à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue dans le litige prud'homal actuellement pendant devant la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes (RG : 25/03085) opposant Mme [X] née [M] et la société Groupe A2 experts à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem),
Réserve toutes les demandes des parties,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°282
N° RG 24/06380 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VM4H
(Réf 1ère instance : 2024001131)
S.A.S. DECOREM
C/
S.A.S. GROUPE A2EXPERTS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me [Localité 5]
Me CHAUDET
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :
TC [Localité 6]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, rapporteur,
Assesseur : Monsieur Sébastien PLANTADE, désigné par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes en date du 19 juin 2025 ,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Juin 2025 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteur, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. DECOREM, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 351 427 7862, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Louis-Georges BARRET de la SELARL LIGERA 1, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.S. GROUPE A2EXPERTS, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° 851 714 972, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Sandrine VIVIER, avocat au barreau de Rennes
Représentée par Me Sophie CAUSERET, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Groupe A2 Experts a une activité déclarée de conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle exploite son activité sous deux noms commerciaux : Alerte Informatique et Info Pro.
La société Decorem (n°351 427 786) avait une activité déclarée de commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques périphériques et de logiciels dont les titres étaient détenus par la société Gaj invest. Courant 2016, elle a acquis la branche d'activité de vente au détail de tous articles pour marquage, étiquetage, affichage de prix et leurs accessoires, activité exercée sous l'enseigne « Decorem étiquetage ». Il est d'ores et déjà précisé que par acte de cession du 8 janvier 2025, le fonds de commerce concernant cette seule branche a été cédé à la société Decorem (anciennement Elpy office) (n°921 319 091). La société Decorem (n°351 427 786) a pris la dénomination sociale Gaj déco et son activité a été mise en sommeil à compter du 8 janvier 2025.
Le 22 mai 2000, la société Decorem (n°351 427 786) a embauché Mme [X] née [M], en qualité d'assistante administrative et commerciale pour la branche Decorem étiquetage. Elle était en charge de la relation clients et fournisseurs.
En avril 2022, la société Decorem a fait appel à la société Groupe A2 Experts afin de renouveler son logiciel de gestion.
Aux dires de la société Decorem, selon deux de ses collègues, Mme [X] aurait indiqué qu'elle comptait démissionner au 31 mai 2023 et qu'elle avait déjà pris les fichiers clients et commerciaux de la société Decorem pour lancer une activité concurrente au sein de la société Groupe A2 Experts.
Soutenant avoir découvert qu'une sauvegarde de la base de données de la société avait été effectuée manuellement le 23 mars 2023 et que le fichier de sauvegarde avait été enregistré puis supprimé du système, la société Decorem a saisi le président du tribunal judiciaire de Nantes afin qu'il désigne un commissaire de justice pour se rendre au domicile de Mme [X] et au siège social de la société Groupe A2 Experts pour, notamment, retrouver ledit fichier.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la mesure a été autorisée.
Le 25 mai 2023, les opérations ont eu lieu au domicile de Mme [X] et au sein de la société Groupe A2 Experts. Il est apparu que Mme [X] était en cours de recrutement par la société Groupe A2 Experts, qu'elle avait transmis un fichier dénommé « article.xlsx » à cette dernière le 27 mars 2023 depuis son adresse personnelle.
Le 25 mai 2023, Mme [X] a démissionné de la société Decorem et a été embauchée par le 21 août 2023 par la société Groupe A2Experts, avec prise d'effet au 4 septembre 2023.
Le 5 juin 2023, la société Decorem a sollicité la résiliation du contrat d'assistance logiciel conclu avec la société Groupe A2 Experts.
Par courrier recommandé du 20 juin 2023, la société Decorem a mis en demeure la société Groupe A2 Experts d'avoir à détruire le fichier en cause et d'en rapporter la preuve.
Par courrier recommandé du 27 juin 2023, la société Groupe A2 Experts a répondu que ce fichier lui avait été transmis dans le cadre de l'exécution de sa mission et qu'il avait été supprimé depuis.
Par courrier recommandé du 18 juillet 2023, la société Groupe A2 Experts a réclamé le paiement de factures impayées.
Le 6 février 2024, la société Decorem a assigné à bref délai la société Groupe A2 Experts devant le tribunal de commerce de Nantes afin de faire cesser les actes de concurrence déloyale, d'obtenir la réparation de son préjudice et la destruction du fichier.
Par jugement du 4 novembre 2024, le tribunal de commerce de Nantes a :
- Condamné la société Groupe A2 Experts à détruire tout fichier propriété de la société Decorem encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
- Rappelé que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem entraînera une condamnation automatique de la société Groupe A2 Experts à payer à la société Decorem la somme de 10.000 euros,
- Débouté la société Decorem de sa demande de faire condamner la société Groupe A2 Experts pour concurrence déloyale,
- Débouté la société Decorem de sa demande de dommage et intérêts,
- Ordonné le paiement par la société Decorem à la société Groupe A2 Experts des factures n°28255 et n°28263 pour les sommes respectives de 54 euros toutes taxes comprises et 488,80 euros toutes taxes comprises assortis des intérêts en vigueur depuis la date d'exigibilité,
- Débouté la société Groupe A2Experts de sa demande de faire payer à Decorem les factures 'Codial et EBP',
- Débouté la société Groupe A2Experts de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné la société Groupe A2Experts à payer la somme de 2.000 euros à la société Decorem au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné la société Groupe A2Experts aux entiers dépens de l'instance.
La société Decorem a interjeté appel le 28 novembre 2024 de cette décision.
Parallèlement, un litige prud'homal a été engagé par la société Decorem à l'encontre de Mme [X] pour violation de son obligation de loyauté et de la société Groupe A2Experts sur le fondement de l'article L.1237-3 du code du travail pour « complicité dans le débauchage de la salariée et, le cas échéant, dans les actes de violation de son obligation de loyauté ». Un jugement a été rendu le 22 avril 2025 dont il a été formé appel le 6 juin 2025 par la société Décorem désignée sous la dénomination Gaj déco.
Le conseil des prud'hommes a notamment débouté la société Decorem « concernant sa demande des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté et mise en oeuvre d'une concurrence déloyale » formée contre Mme [X] et la société Groupe A2Experts.
Dans la présente instance, les dernières conclusions de la société Decorem désignée sous la dénomination Gaj déco ont été déposées le 28 mai 2025.
Les dernières conclusions de la société Groupe A2 Experts ont été déposées le 2 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2025.
Après la clôture des débats, la cour a demandé aux parties leurs observations en ces termes :
« L'extrait Kbis de la société Gaj déco (pièce 27) qui porte le même numéro d'immatriculation que la société Decorem (351 427 786) n'a plus le même objet social qu'antérieurement et notamment l'activité vente de commerce de gros d'ordinateurs, d'équipements informatiques comme annoncée dans vos écritures respectives.
L'extrait Kbis mentionne une cession d'une activité de « vente au détail de tous articles pour marquage étiquetage affichage de prix et leurs accessoires » au profit d'une nouvelle société Decorem immatriculée 921 319 091.
Il est indiqué dans les écritures des parties que Mme [X], salariée de la société Decorem depuis 2000, 'uvrait plus spécialement pour la « branche » Decorem étiquetage.
Il se comprend de l'ensemble que l'ancienne société Decorem devenue Gaj déco aurait cédé ses activités (vente de commerce de gros d'ordinateurs et/ou vente au détail d'articles pour marquage étiquetage) à une ou plusieurs sociétés tierces et/ou aurait modifié en conséquence son objet social.
Pour la société Gaj déco : vous êtes invités, pour le 4 juillet 2025 au plus tard :
-à justifier des conditions de la cession de l'activité concernée par les actes de concurrence déloyale dénoncés,
-à justifier des conditions de la prise en charge des litiges déjà engagés lors de la ou des cessions,
-à former toutes observations sur les conséquences de cette ou ces cessions sur les demandes formées (cessation des actes de concurrence déloyale et indemnisation des préjudices) lesquelles sont susceptibles de ne concerner que la ou les sociétés bénéficiant désormais de l'ancienne activité de Decorem, laquelle ou lesquelles ne sont pas à la cause.
Pour la société Groupe A2 experts en réponse, pour le 11 juillet 2025 au plus tard :
-à former toutes observations sur les conséquences de cette ou ces cessions sur les demandes formées (cessation des actes de concurrence déloyale et indemnisation des préjudices) lesquelles sont susceptibles de ne concerner que la ou les sociétés bénéficiant désormais de l'ancienne activité de Decorem, laquelle ou lesquelles ne sont pas à la cause. »
La société Gaj déco a déposé une note en délibéré le 1er juillet 2025 accompagnée de deux pièces.
La société Groupe A2 Experts a déposé une note en délibéré le 10 juillet 2025.
Par message du 26 septembre 2025, il a été demandé aux parties leurs observations en ces termes :
« Maîtres,
Il apparait que le conseil des prud'hommes a été saisi de faits de violation de l'obligation de loyauté de Mme [X] et de « mise en 'uvre » d'une concurrence déloyale.
Les faits dont a eu à connaître le conseil des prud'hommes sont, pour ceux antérieurs à la fin du contrat de travail, le détournement d'un fichier client et son envoi à son futur employeur avant le terme de son contrat.
Ces faits sont ceux dont se serait principalement rendue complice la société Groupe A2 Experts aux termes des écritures prises pour la société Gaj déco dans la présente instance.
Le conseil de prud'hommes, lorsqu'il est saisi, est, sauf erreur, seul compétent pour juger les actes de concurrence déloyale commis par le salarié en violation des obligations du contrat de travail.
Si la juridiction commerciale est compétente pour statuer sur le litige entre deux sociétés commerciales, elle doit en principe surseoir à statuer lorsque la juridiction des prud'hommes a été saisie de la question de la violation de ses obligations par le salarié avant de pouvoir apprécier la complicité de son nouvel employeur.
Dès lors que la société Gaj déco avait annoncé qu'elle formerait appel de la décision prud'homale et que les deux chambres de la cour d'appel sont saisies simultanément, je vous invite à formuler toutes observations sur la question d'un éventuel sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la chambre sociale, et ce, avant, au plus tard, 1er octobre 2025 ».
La société Gaj déco a déposé une note en délibéré le 30 septembre 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
La société Gaj déco demande à la cour de :
- juger la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM), recevable et bien fondée en la présente procédure,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 04 novembre 2024 en ce qu'il :
déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 04 novembre 2024 en ce qu'il :
Condamne la société Groupe A2EXPERTS à détruire tout fichier propriété de la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
Rappelle que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) entrainera une condamnation automatique de Groupe A2Experts à payer à la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) la somme de 10.000 €,
Déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
Déboute la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) de sa demande de dommage et intérêts,
Déboute la société Groupe A2Experts de sa demande de faire payer à GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) les factures « Codial et EBP »,
Déboute la société Groupe A2Experts de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Groupe A2Experts à payer la somme de 2.000 € à la société GAJ DECO (anciennement dénommée DECOREM) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rappelle que l'exécution provisoire est de droit,
Condamne la société Groupe A2Experts aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à 60,22 €,
en conséquence, statuant à nouveau,
- débouter la société Groupe A2 Experts de l'intégralité de ses demandes.
- ordonner à la société Groupe A2 Experts de cesser ses actes de concurrence déloyale sans délai,
- condamner la société Groupe A2 Experts à payer à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem) la somme de 50.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ses agissements constitutifs de concurrence déloyale,
- ordonner à la société Groupe A2 Experts d'apporter la preuve de la destruction du ou des fichiers clients appartenant à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem),
- condamner la société Groupe A2 Experts à payer la somme de 15.000,00 € à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision à intervenir.
- condamner la société Groupe A2 Experts aux entiers dépens
La société Groupe A2 Experts demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Débouté la société Decorem de sa demande de faire condamner la société Groupe A2Experts pour concurrence déloyale,
- Débouté la société Decorem de sa demande de dommage et intérêts,
- Ordonné le paiement par la société Decorem à la société Groupe A2 Experts des factures n°28255 et n°28263 pour les sommes respectives de 54 euros toutes taxes comprises et 488,80 euros toutes taxes comprises assortis des intérêts en vigueur depuis la date d'exigibilité,
faisant appel incident :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Groupe A2 Experts à détruire tout fichier propriété de la société Decorem encore en sa possession, et d'apporter la preuve de cette destruction sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir,
- Rappelé que toute utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem entraînera une condamnation automatique de la société Groupe A2 Experts à payer à la société Decorem la somme de 10.000 euros,
- Débouté la société Groupe A2 Experts de sa demande de faire payer à Decorem les factures 'Codial et EBP',
- Débouté la société Groupe A2 Experts de sa demande de dommages et intérêts,
- Condamné la société Groupe A2 Experts à payer la somme de 2.000 euros à la société Decorem au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Groupe A2 Experts aux entiers dépens de l'instance,
Par conséquent, accueillant l'appel :
- débouter la société Decorem de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Decorem au paiement des factures FA00028203 et FA00028443 pour un montant total de 1.576,80 euros, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 13 septembre 2023,
- Condamner la société Decorem au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamner la société Decorem au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,
Au surplus :
- Condamner la société Decorem au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de sa note en délibéré, elle demande de déclarer la société Gaj déco irrecevable à agir pour défaut d'intérêt et de qualité pour les demandes relatives à la destruction de tout fichier propriété de la société Decorem en sa possession et de condamnation automatique de la société Gaj déco au paiement d'une somme de 10 000 € en cas d'utilisation démontrée d'un fichier propriété de la société Decorem.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions et notes en délibéré visées supra.
DISCUSSION
Sur le sursis à statuer
Dans sa note en délibéré, la société Gaj deco fait valoir que l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la société Groupe A2 experts sur le fondement de l'article L.1237-3 du code du travail est distincte de l'action en responsabilité pour concurrence déloyale de la société Groupe A2 experts devant la juridiction commerciale. Elle relève également que la juridiction prud'homale n'était pas saisie de la question de la validité d'une clause de non-concurrence dès lors que le contrat de travail de Mme [X] n'en comportait pas.
Le fondement des demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Groupe A2 experts devant la juridiction prud'homale était l'article L.1237-3 du code de travail.
L'action en responsabilité délictuelle portée à son encontre devant la juridiction commerciale est distincte et ne procède pas des mêmes conditions de mise en oeuvre.
La juridiction commerciale est compétente pour apprécier des actes de concurrence déloyale dénoncés entre deux sociétés commerciales.
Pour autant, la faute reprochée devant la juridiction commerciale à l'encontre de la société Groupe A2 experts correspond à des faits de complicité des actes principaux commis par Mme [X].
Ces actes principaux reprochés sont, notamment, les manquements de Mme [X] à son obligation de loyauté à l'égard de son employeur dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, à savoir le fait qu'elle ait copié un fichier appartenant à la société Decorem pour le transmettre à son futur employeur.
Il a été interjeté appel de la décision prud'homale qui a considéré ces faits comme non établis de sorte que la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes sera amenée à statuer à nouveau sur la violation ou non par Mme [X] de ses obligations à l'égard de son employeur, violation de nature à fonder une complicité de la société Groupe A2 experts, constitutive d'une faute délictuelle de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la présente instance.
Il existe dès lors un risque sérieux de contradiction entre les décisions des deux chambres de la cour quant à l'analyse de ces actes accomplis avant la rupture du contrat de travail de Mme [X].
En conséquence, il est de bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue dans le litige prud'homal actuellement pendant devant la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes (RG : 25/03085) opposant Mme [X] née [M] et la société Groupe A2 experts à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem).
Les demandes des parties sont réservées.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Avant-dire-droit,
Sursoit à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue dans le litige prud'homal actuellement pendant devant la chambre prud'homale de la cour d'appel de Rennes (RG : 25/03085) opposant Mme [X] née [M] et la société Groupe A2 experts à la société Gaj déco (anciennement dénommée Decorem),
Réserve toutes les demandes des parties,
LE GREFFIER LE PRESIDENT