CA Caen, 1re ch. soc., 2 octobre 2025, n° 22/02510
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 22/02510
N° Portalis DBVC-V-B7G-HCLD
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 19 Septembre 2022 RG n° 21/00433
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025
APPELANTE :
Madame [I] [R]
[Adresse 2]
Représentée par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
E.U.R.L. CARROSSERIE BGA
[Adresse 1]
Représentée par Me Elodie ROBERT, avocat au barreau de LYON
INTERVENANTS :
Maître Me [Y], es qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Carrosserie BGA
[Adresse 4],
A.G.S CENTRE OUEST - C.G.E.A. DE [Localité 7]
[Adresse 3]
Non représentés
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller, rédacteur
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 12 juin 2025
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT réputé contradictoire prononcé publiquement le 02 octobre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [I] [O] épouse [R] a été embauchée à compter du 19 février 1996 par M. [N] aux droits duquel se trouve la SARL Carrosserie BGA. Elle y exerçait, en dernier lieu, les fonctions de secrétaire dans l'établissement situé à [Localité 5].
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 7 août 2020 suite à un malaise survenu sur le lieu de travail, reconnu comme accident du travail par un jugement du 6 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Caen.
Le 30 novembre 2020, elle a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur.
Le 20 septembre 2021, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour obtenir des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité, pour voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.
Par jugement du 19 septembre 2022, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, débouté Mme [R] de ses demandes et la SARL Carrosserie BGA de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis, sursis, dans l'attente d'une issue définitive à la procédure engagée par Mme [R] devant le tribunal judiciaire, à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant à obtenir le remboursement d'un trop-perçu versé au titre de l'accident du travail.
Mme [R] a interjeté appel du jugement.
Le 30 août 2023, la SARL Carrosserie BGA a été placée en liquidation judiciaire.
Vu le jugement rendu le 19 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Caen
Vu les dernières conclusions de Mme [R], appelante, communiquées et déposées le 11 décembre 2024, tendant à voir le jugement réformé, à voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir fixer, au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Carrosserie BGA : 3 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté, 3 000€ de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, 4 538,68€ (outre les congés payés afférents) d'indemnité compensatrice de préavis, 12 536,54€ d'indemnité de licenciement, 55 000€ de dommages et intérêts pour 'perte de l'emploi', 'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement', et licenciement 'nécessairement abusif', 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts à compter du 10 septembre 2021 sauf pour les sommes à caractère indemnitaire qui produiront intérêts à compter de la notification de l'arrêt, tendant à voir ordonner, sous astreinte, à Me [Y], ès qualités, de lui remettre des documents de fin de contrat régularisés et des bulletins de paie modifiés et à voir déclarer l'arrêt 'commun et opposable' à l'AGS-CGEA de [Localité 7]
Vu l'absence de constitution de la SARL Carrosserie BGA représentée par Me [Y], sa mandataire liquidatrice et de l'AGS-CGEA de [Localité 7] auxquels les conclusions de Mme [R] ont été signifiées
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 mai 2025
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur l'exécution du contrat de travail
1-1) Sur l'obligation de loyauté
Mme [R] reproche à son employeur de l'avoir sous-classée, laissée dans l'incertitude sur son sort et laissée assumer toutes les responsabilités de l'établissement de [Localité 5].
' Mme [R] soutient que les tâches confiées excédaient la qualification de secrétaire administrative qui lui était attribuée.
Elle ne précise toutefois pas quelle qualification aurait dû lui être reconnue, ne justifie ni même ne prétend avoir, de ce fait, été payée en-dessous du salaire correspondant aux tâches accomplies.
En l'absence de toute explication et justification, ce grief n'est pas établi.
' Le vendredi 6 décembre 2019, indique Mme [R], elle a été informée que l'établissement de [Localité 5] allait être vendu le 17 janvier suivant. Son employeur lui a demandé de prendre position au cours du week-end sur une mutation dans l'établissement d'[Localité 6]. Elle a demandé, notamment par courrier du 11 décembre, plus de précisions. Cette demande écrite lui a été reprochée par son employeur qui lui a indiqué ne pas vouloir finalement d'elle à [Localité 6] et elle n'a pas reçu le 8 janvier 2020 les informations que l'employeur lui avait annoncées dans son courrier du 17 décembre.
Mme [R] produit un courriel qu'elle a adressé, le lundi 9 décembre 2019, à Mme [V] (responsable administrative et financière) pour lui demander, suite à leur conversation du vendredi précédent, des précisions sur la cessation d'activité de l'établissement de [Localité 5] et la poursuite de son contrat sur l'établissement d'[Localité 6]. Le 11 décembre, elle a adressé un courrier dans ce même sens à la société. Le 17 décembre, dans un courrier co-signé par le gérant, M. [V], et son épouse, il lui a été répondu qu'était maintenant envisagée la cession de l'activité à un repreneur qui devait, en principe, se positionner pour le 31 décembre. Ce courrier précisait qu'elle serait informée de l'avancement des négociations dès le 8 janvier.
Le 26 février 2020, le gérant lui a officiellement proposé l'achat de ses parts sociales.
Le dossier de médecine du travail fait état d'un rendez-vous le 23 décembre 2019 où Mme [R] a fait part de son anxiété sur sa situation.
Ces éléments n'établissent pas que la SARL Carrosserie BGA aurait pressé Mme [R] de donner une réponse sur un reclassement à [Localité 6] dès le 9 janvier, ni que la SARL Carrosserie BGA aurait indiqué ne pas vouloir d'elle à [Localité 6]. En revanche, il établit qu'entre le 8 janvier et le 26 février 2020, Mme [R] n'a pas reçu d'informations, du moins écrites, sur l'évolution de la situation. Elle ne justifie toutefois pas avoir relancé son employeur à ce propos et les échanges de SMS ou mails qu'elle produit aux débats (notamment du 20 décembre 2019, 10 janvier, 21 janvier, 4 février, 23 mars, 20 avril, 4 mai, 4 juin 2020) ne font pas état d'interrogations de sa part à ce propos.
Dès lors, les élément produits sont insuffisants pour considérer que la SARL Carrosserie BGA aurait omis de communiquer à Mme [R] des informations qu'il aurait eues sur l'évolution de la situation ni pour estimer que Mme [R] aurait vécu dans l'inquiétude, du moins au-delà de janvier ou février 2020.
L'existence de ce grief n'est pas établie.
' Mme [R] produit l'attestation de M. [B], salarié de l'entreprise du 6 mars 2017 au 4 mars 2021 employé comme carrossier notamment dans l'établissement de [Localité 5] qui écrit que n'ayant réussi à faire démissionner ni lui ni Mme [R], 'ils ont délaissé le garage nous laissant gérer seuls le garage'.
Mme [R] produit toutefois également des mails et échanges postérieurs à janvier 2020, date à partir de laquelle elle aurait, selon elle, dû gérer seule le garage qui attestent de contacts réguliers avec les dirigeants. Aucun d'entre eux ne fait état de doléances de Mme [R] à ce propos.
L'existence de ce grief n'est donc pas non plus établie.
Les manquements allégués n'étant pas établis, Mme [R] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
1-2) Sur l'obligation de sécurité
La salariée indique avoir subi un entretien éprouvant le 22 juillet 2020 au cours duquel elle a été, d'une part, accusée notamment d'avoir transmis des documents confidentiels au potentiel repreneur ce qui a fait échouer la vente du fonds de commerce et de ne pas avoir facturé certains travaux, d'autre part, menacée d'une procédure pénale. Elle indique avoir été bouleversée par cet entretien au cours duquel 'son employeur a fait preuve d'une violence qu'elle n'avait jamais connue'.
Du 22 juillet au 6 août, Mme [V] est venue régulièrement dans son bureau procéder à des vérifications et 'lui faire des difficultés de tous ordres'.
Dans ce contexte, elle a été victime d'un malaise le 7 août.
La matérialité de ces faits est établie. Suite à la plainte déposée par Mme [R], M. et Mme [V] ont été entendus et ont reconnu l'existence de l'entretien du 22 juillet. Ils ont indiqué que le potentiel repreneur, qui avait passé quelques jours dans l'établissement, n'était finalement pas venu le jour de la signature. Ils ont appris, ont-ils dit, qu'il détenait des documents confidentiels de la société que, selon eux, seule Mme [R], hors du cercle familial, détenait. Ils ont ajouté avoir vu sur la caméra de surveillance, la veille de la signature, Mme [R] recevoir un appel et sortir pour y répondre afin de ne pas être enregistrée et avoir également vu, à plusieurs reprises, pendant que le potentiel repreneur était sur site, lui et Mme [R] sortir pour discuter afin, selon eux, de ne pas être enregistrés.
Ils ont également indiqué qu'une pièce peinte pour laquelle aucune facture n'existait se trouvait dans le bureau, ce qui a éveillé leurs soupçons.
L'entretien a été enregistré par Mme [R] et remis aux services de police. Il en ressort qu'à une reprise l'un des deux dirigeants a crié, lui a dit que cela allait mal se terminer, que ca allait 'finir au pénal'.
Le malaise dont Mme [R] a été victime le 7 août 2020 a finalement été reconnu comme un accident du travail.
Le fait pour des dirigeants, soupçonnant leur salariée de manquements, d'avoir une conversation avec elle pour lui faire des reproches et l'interroger ne constitue pas en soi un manquement à l'obligation de sécurité. Il n'est pas établi que cet entretien aurait été excessivement long, que Mme [R] aurait été retenue contre son gré ou aurait été victime de violences comme soutenu, le seul fait, qu'une fois, l'un des dirigeants ait crié et fait état d'une plainte pénale possible ne suffisant pas à établir l'existence de violences à son égard.
Si M. [B] écrit qu'ils 'ont tellement harcelé [I] [R] à la fin qu'elle a fini par s'effondrer inconsciente dans son bureau', elle-même n'indique pas, dans son audition par les services de police, avoir fait l'objet de faits particuliers le 7 août ou entre le 22 juillet et le 7 août.
Dès lors, si l'entretien du 22 juillet a manifestement généré une anxiété importante pour Mme [R], qu'elle a ensuite été victime d'un malaise sur son lieu de travail puis a été placée en arrêt de travail, les élément produits ne caractérisent pas un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Mme [R] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
2) Sur la prise d'acte
Les manquements allégués par Mme [R] à l'obligation de loyauté et à l'obligation de sécurité n'étant pas établis, sa prise d'acte produira les effets d'une démission.
3) Sur les points annexes
Aucun appel incident n'ayant été relevé, la disposition du jugement déboutant la SARL Carrosserie BGA de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis est définitive.
Le jugement sera réformé en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant à obtenir un remboursement du prétendu trop perçu versé au titre de l'accident du travail puisque le tribunal judiciaire a reconnu l'existence d'un accident du travail et qu'il n'est pas établi qu'il aurait été interjeté appel de cette décision. La SARL Carrosserie BGA sera déboutée de cette demande.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
- Statuant dans les limites de l'appel
- Réforme le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant au remboursement d'un trop perçu
- Déboute la SARL Carrosserie BGA de cette demande
- Confirme le jugement pour le surplus
- Déboute Mme [R] de sa demande faite en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Mme [R] aux dépens de l'instance d'appel
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. [G] L. DELAHAYE
N° Portalis DBVC-V-B7G-HCLD
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 19 Septembre 2022 RG n° 21/00433
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025
APPELANTE :
Madame [I] [R]
[Adresse 2]
Représentée par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
E.U.R.L. CARROSSERIE BGA
[Adresse 1]
Représentée par Me Elodie ROBERT, avocat au barreau de LYON
INTERVENANTS :
Maître Me [Y], es qualités de mandataire liquidateur de l'EURL Carrosserie BGA
[Adresse 4],
A.G.S CENTRE OUEST - C.G.E.A. DE [Localité 7]
[Adresse 3]
Non représentés
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller, rédacteur
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 12 juin 2025
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT réputé contradictoire prononcé publiquement le 02 octobre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [I] [O] épouse [R] a été embauchée à compter du 19 février 1996 par M. [N] aux droits duquel se trouve la SARL Carrosserie BGA. Elle y exerçait, en dernier lieu, les fonctions de secrétaire dans l'établissement situé à [Localité 5].
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 7 août 2020 suite à un malaise survenu sur le lieu de travail, reconnu comme accident du travail par un jugement du 6 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Caen.
Le 30 novembre 2020, elle a pris acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur.
Le 20 septembre 2021, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour obtenir des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité, pour voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.
Par jugement du 19 septembre 2022, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, débouté Mme [R] de ses demandes et la SARL Carrosserie BGA de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis, sursis, dans l'attente d'une issue définitive à la procédure engagée par Mme [R] devant le tribunal judiciaire, à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant à obtenir le remboursement d'un trop-perçu versé au titre de l'accident du travail.
Mme [R] a interjeté appel du jugement.
Le 30 août 2023, la SARL Carrosserie BGA a été placée en liquidation judiciaire.
Vu le jugement rendu le 19 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Caen
Vu les dernières conclusions de Mme [R], appelante, communiquées et déposées le 11 décembre 2024, tendant à voir le jugement réformé, à voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir fixer, au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Carrosserie BGA : 3 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté, 3 000€ de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, 4 538,68€ (outre les congés payés afférents) d'indemnité compensatrice de préavis, 12 536,54€ d'indemnité de licenciement, 55 000€ de dommages et intérêts pour 'perte de l'emploi', 'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement', et licenciement 'nécessairement abusif', 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts à compter du 10 septembre 2021 sauf pour les sommes à caractère indemnitaire qui produiront intérêts à compter de la notification de l'arrêt, tendant à voir ordonner, sous astreinte, à Me [Y], ès qualités, de lui remettre des documents de fin de contrat régularisés et des bulletins de paie modifiés et à voir déclarer l'arrêt 'commun et opposable' à l'AGS-CGEA de [Localité 7]
Vu l'absence de constitution de la SARL Carrosserie BGA représentée par Me [Y], sa mandataire liquidatrice et de l'AGS-CGEA de [Localité 7] auxquels les conclusions de Mme [R] ont été signifiées
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 mai 2025
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur l'exécution du contrat de travail
1-1) Sur l'obligation de loyauté
Mme [R] reproche à son employeur de l'avoir sous-classée, laissée dans l'incertitude sur son sort et laissée assumer toutes les responsabilités de l'établissement de [Localité 5].
' Mme [R] soutient que les tâches confiées excédaient la qualification de secrétaire administrative qui lui était attribuée.
Elle ne précise toutefois pas quelle qualification aurait dû lui être reconnue, ne justifie ni même ne prétend avoir, de ce fait, été payée en-dessous du salaire correspondant aux tâches accomplies.
En l'absence de toute explication et justification, ce grief n'est pas établi.
' Le vendredi 6 décembre 2019, indique Mme [R], elle a été informée que l'établissement de [Localité 5] allait être vendu le 17 janvier suivant. Son employeur lui a demandé de prendre position au cours du week-end sur une mutation dans l'établissement d'[Localité 6]. Elle a demandé, notamment par courrier du 11 décembre, plus de précisions. Cette demande écrite lui a été reprochée par son employeur qui lui a indiqué ne pas vouloir finalement d'elle à [Localité 6] et elle n'a pas reçu le 8 janvier 2020 les informations que l'employeur lui avait annoncées dans son courrier du 17 décembre.
Mme [R] produit un courriel qu'elle a adressé, le lundi 9 décembre 2019, à Mme [V] (responsable administrative et financière) pour lui demander, suite à leur conversation du vendredi précédent, des précisions sur la cessation d'activité de l'établissement de [Localité 5] et la poursuite de son contrat sur l'établissement d'[Localité 6]. Le 11 décembre, elle a adressé un courrier dans ce même sens à la société. Le 17 décembre, dans un courrier co-signé par le gérant, M. [V], et son épouse, il lui a été répondu qu'était maintenant envisagée la cession de l'activité à un repreneur qui devait, en principe, se positionner pour le 31 décembre. Ce courrier précisait qu'elle serait informée de l'avancement des négociations dès le 8 janvier.
Le 26 février 2020, le gérant lui a officiellement proposé l'achat de ses parts sociales.
Le dossier de médecine du travail fait état d'un rendez-vous le 23 décembre 2019 où Mme [R] a fait part de son anxiété sur sa situation.
Ces éléments n'établissent pas que la SARL Carrosserie BGA aurait pressé Mme [R] de donner une réponse sur un reclassement à [Localité 6] dès le 9 janvier, ni que la SARL Carrosserie BGA aurait indiqué ne pas vouloir d'elle à [Localité 6]. En revanche, il établit qu'entre le 8 janvier et le 26 février 2020, Mme [R] n'a pas reçu d'informations, du moins écrites, sur l'évolution de la situation. Elle ne justifie toutefois pas avoir relancé son employeur à ce propos et les échanges de SMS ou mails qu'elle produit aux débats (notamment du 20 décembre 2019, 10 janvier, 21 janvier, 4 février, 23 mars, 20 avril, 4 mai, 4 juin 2020) ne font pas état d'interrogations de sa part à ce propos.
Dès lors, les élément produits sont insuffisants pour considérer que la SARL Carrosserie BGA aurait omis de communiquer à Mme [R] des informations qu'il aurait eues sur l'évolution de la situation ni pour estimer que Mme [R] aurait vécu dans l'inquiétude, du moins au-delà de janvier ou février 2020.
L'existence de ce grief n'est pas établie.
' Mme [R] produit l'attestation de M. [B], salarié de l'entreprise du 6 mars 2017 au 4 mars 2021 employé comme carrossier notamment dans l'établissement de [Localité 5] qui écrit que n'ayant réussi à faire démissionner ni lui ni Mme [R], 'ils ont délaissé le garage nous laissant gérer seuls le garage'.
Mme [R] produit toutefois également des mails et échanges postérieurs à janvier 2020, date à partir de laquelle elle aurait, selon elle, dû gérer seule le garage qui attestent de contacts réguliers avec les dirigeants. Aucun d'entre eux ne fait état de doléances de Mme [R] à ce propos.
L'existence de ce grief n'est donc pas non plus établie.
Les manquements allégués n'étant pas établis, Mme [R] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
1-2) Sur l'obligation de sécurité
La salariée indique avoir subi un entretien éprouvant le 22 juillet 2020 au cours duquel elle a été, d'une part, accusée notamment d'avoir transmis des documents confidentiels au potentiel repreneur ce qui a fait échouer la vente du fonds de commerce et de ne pas avoir facturé certains travaux, d'autre part, menacée d'une procédure pénale. Elle indique avoir été bouleversée par cet entretien au cours duquel 'son employeur a fait preuve d'une violence qu'elle n'avait jamais connue'.
Du 22 juillet au 6 août, Mme [V] est venue régulièrement dans son bureau procéder à des vérifications et 'lui faire des difficultés de tous ordres'.
Dans ce contexte, elle a été victime d'un malaise le 7 août.
La matérialité de ces faits est établie. Suite à la plainte déposée par Mme [R], M. et Mme [V] ont été entendus et ont reconnu l'existence de l'entretien du 22 juillet. Ils ont indiqué que le potentiel repreneur, qui avait passé quelques jours dans l'établissement, n'était finalement pas venu le jour de la signature. Ils ont appris, ont-ils dit, qu'il détenait des documents confidentiels de la société que, selon eux, seule Mme [R], hors du cercle familial, détenait. Ils ont ajouté avoir vu sur la caméra de surveillance, la veille de la signature, Mme [R] recevoir un appel et sortir pour y répondre afin de ne pas être enregistrée et avoir également vu, à plusieurs reprises, pendant que le potentiel repreneur était sur site, lui et Mme [R] sortir pour discuter afin, selon eux, de ne pas être enregistrés.
Ils ont également indiqué qu'une pièce peinte pour laquelle aucune facture n'existait se trouvait dans le bureau, ce qui a éveillé leurs soupçons.
L'entretien a été enregistré par Mme [R] et remis aux services de police. Il en ressort qu'à une reprise l'un des deux dirigeants a crié, lui a dit que cela allait mal se terminer, que ca allait 'finir au pénal'.
Le malaise dont Mme [R] a été victime le 7 août 2020 a finalement été reconnu comme un accident du travail.
Le fait pour des dirigeants, soupçonnant leur salariée de manquements, d'avoir une conversation avec elle pour lui faire des reproches et l'interroger ne constitue pas en soi un manquement à l'obligation de sécurité. Il n'est pas établi que cet entretien aurait été excessivement long, que Mme [R] aurait été retenue contre son gré ou aurait été victime de violences comme soutenu, le seul fait, qu'une fois, l'un des dirigeants ait crié et fait état d'une plainte pénale possible ne suffisant pas à établir l'existence de violences à son égard.
Si M. [B] écrit qu'ils 'ont tellement harcelé [I] [R] à la fin qu'elle a fini par s'effondrer inconsciente dans son bureau', elle-même n'indique pas, dans son audition par les services de police, avoir fait l'objet de faits particuliers le 7 août ou entre le 22 juillet et le 7 août.
Dès lors, si l'entretien du 22 juillet a manifestement généré une anxiété importante pour Mme [R], qu'elle a ensuite été victime d'un malaise sur son lieu de travail puis a été placée en arrêt de travail, les élément produits ne caractérisent pas un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Mme [R] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
2) Sur la prise d'acte
Les manquements allégués par Mme [R] à l'obligation de loyauté et à l'obligation de sécurité n'étant pas établis, sa prise d'acte produira les effets d'une démission.
3) Sur les points annexes
Aucun appel incident n'ayant été relevé, la disposition du jugement déboutant la SARL Carrosserie BGA de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis est définitive.
Le jugement sera réformé en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant à obtenir un remboursement du prétendu trop perçu versé au titre de l'accident du travail puisque le tribunal judiciaire a reconnu l'existence d'un accident du travail et qu'il n'est pas établi qu'il aurait été interjeté appel de cette décision. La SARL Carrosserie BGA sera déboutée de cette demande.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
- Statuant dans les limites de l'appel
- Réforme le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL Carrosserie BGA tendant au remboursement d'un trop perçu
- Déboute la SARL Carrosserie BGA de cette demande
- Confirme le jugement pour le surplus
- Déboute Mme [R] de sa demande faite en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne Mme [R] aux dépens de l'instance d'appel
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. [G] L. DELAHAYE