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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 2 octobre 2025, n° 24/04078

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/04078

2 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/04078 -

N° Portalis DBVH-V-B7I-JN2S

MPF

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

12 octobre 2017

RG : 15/01142

[M]

LUXURY HOME SOLUTIONS INC

C/

[F]

[F] née [T]

Copie exécutoire délivrée

le 02 octobre 2025.

à :

Me Jean-Michel Divisia

Me Emmanuelle Vajou

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 12 octobre 2017, N°15/01142

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

Mme Marie-Pierre Fournier, magistrate à titre honoraire,

GREFFIER :

Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 juillet 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 septembre 2025 et prorogé au 02 octobre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

M. [L] [M]

né le 29 septembre 1958 aux USA

[Adresse 1],

[Localité 7] (Etats-Unis)

La société de droit américain LUXURY HOME SOLUTIONS INC

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 6] (Etats-Unis)

Représentés par Me Jean-Michel Divisia de la Scp Coulomb Divisia Chiarini, postulant, avocat au barreau de Nîmes

Représentés par Me Antoine Mary de l'Aarpi Gide Loyrette Nouel Aarpi, plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS :

M. [J] [F]

né le 29 mars 1970 à [Localité 5] (Pays-Bas)

[Adresse 8],

[Localité 2] (Pays-Bas)

Mme [D] [T] épouse [F]

née le 05 septembre 1970 à [Localité 5] (Pays-Bas)

[Adresse 8],

[Localité 2] (Pays-Bas)

Représentés par Me Emmanuelle Vajou de la Selarl LX Nîmes, postulante, avocate au barreau de Nîmes

Représentés par Me Julien Arpaillange de la Selarl AIG Conseil, plaidant, avocat au barreau des Pyrenees-Orientales

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 02 octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé du 30 janvier 2011, M. [J] [F] et son épouse [D] née [T] se sont engagés à vendre à la société de droit américain Luxury Home Solutions Inc. un ensemble immobilier comprenant neuf appartements à [Localité 4] (66) au prix de 1 234 548 euros. Quatre conditions suspensives ont été prévues, savoir :

- la justification de l'origine de propriété du bien,

- l'absence d'exercice d'un droit de préemption,

- l'absence de révélation de servitudes par les actes antérieurs

- et l'absence d'inscriptions hypothécaires d'un montant supérieur au prix.

L'acte mentionne le versement par l'acquéreur d'un dépôt de garantie de 185 182 euros et prévoit la réitération de la vente en la forme authentique 'au plus tard fin 2011".

L'acquéreur s'était intéressé à ce bien immobilier après avoir visionné l'annonce de sa mise en vente publiée sur la chaîne Youtube de M. [S] [U], consultant en immobilier, avec lequel elle avait échangé plusieurs courriels.

L'acte authentique n'a jamais été signé et par lettre du 15 juin 2012, la société Luxury Home Solutions Inc. s'est prévalue de la caducité de la promesse synallagmatique de vente et a réclamé la restitution du dépôt de garantie à laquelle les vendeurs se sont opposés le 12 juillet 2012.

Par acte du 20 septembre 2013, la société Luxury Home Solutions Inc et M.[L] [M], qui avait payé le dépôt de garantie pour son compte, ont assigné les vendeurs pour constater le défaut de levée des conditions suspensives et la caducité de la promesse de vente et les faire condamner au remboursement de la somme versée devant le tribunal judiciaire de Perpignan qui par jugement du 12 octobre 2017, confirmé par arrêt du 15 septembre 2022 de la cour d'appel de Montpellier, les a déboutés de leur demande de restitution de la somme de 185 182 euros.

La société Luxury Home Solutions Inc et M. [L] [M] se sont pourvus en cassation par déclaration du 11 juillet 202 et par arrêt du 5 décembre 2024, la troisième chambre civile de la cour de cassation a cassé l'arrêt du 15 septembre 2022 en toutes ses dispositions et renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Nîmes.

La société Luxury Home Solutions Inc et M. [L] [M] ont saisi la présente cour par déclaration de saisine du 23 décembre 2024.

Par ordonnance du 7 janvier 2025, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er juillet 2025 et la procédure clôturée avec effet différé au 24 juin 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement signifiées le 31 mars 2025, la société Luxury Home Solutions Inc et M. [L] [M], appelants, demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 12 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Perpignan,

et, statuant à nouveau

- de prononcer la caducité du compromis aux torts exclusifs des vendeurs,

- de condamner ceux-ci à leur payer la somme de 185 182 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juin 2012,

- de les condamner aux dépens et à leur payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent avoir légitimement cru que M. [U] était le mandataire des vendeurs ; que ce dernier leur ayant indiqué à plusieurs reprises que les vendeurs s'engageaient à achever les travaux de réhabilitation du bien immobilier avant le 1er juin 2011 et à obtenir le certificat de conformité, ces deux conditions suspensives étaient entrées dans le champ contractuel ; que la liste des conditions suspensives figurant à la promesse de vente n'était pas limitative la vente n'a pas pu être réitérée parce que les vendeurs n'ont pas réalisé ces deux conditions suspensives.

Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement signifiées le 20 mai 2025, M. [J] [F] et son épouse [D] née [T] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement,

- de débouter les appelants de toues leurs demandes,

- de les condamner aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la société américaine qui voulait revendre rapidement l'immeuble à la découpe a échoué à trouver des acquéreurs potentiels pour les appartements ; que si elle n'a pas réitéré la vente, c'est seulement parce qu'elle ne disposait pas des fonds pour s'acquitter du prix et que les appelants se prévalent pour obtenir restitution du dépôt de garantie de deux conditions suspensives non mentionnées dans la promesse de vente.

Ils allèguent qu'aucun mandat écrit ne les lie à M. [S] [U] contrairement aux prescriptions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, pour en conclure que celui-ci n'a pas pu prendre d'engagements en leur nom concernant l'achèvement des travaux de réhabilitation de l'immeuble et l'obtention d'un certificat de conformité.

Il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La société américaine Luxury Home Solutions Inc. a été contactée par M. [S] [U] qui proposait à la vente via sa chaîne Youtube un bien situé en France à [Localité 4] composé de neuf appartements, propriété de M. et Mme [F].

Par courriels des 15 et 28 décembre 2010, du 14 janvier et du 1er mars 2011, celui-ci l'a informée que des travaux de réhabilitation de l'immeuble que les vendeurs s'engageaient à terminer au 1er juin 2011 étaient en cours et qu'elle ne s'acquitterait du solde du prix de vente qu'après leur achèvement. Par courriels des 13 octobre et 24 décembre 2011, il l'a informée de l'état d'avancement des travaux qui devaient être achevés le 31 décembre 2011.

Puis par courriels des 26 décembre 2011 et 22 février 2012, il l'a informée que l'immeuble était terminé et que le certificat de conformité avait été délivré.

La promesse de vente du 30 janvier 2011 soumettait la vente à la réalisation de quatre conditions suspensives dites « de droit commun»': justification de l'origine de propriété du bien, absence d'exercice du droit de préemption, de révélation de servitudes par les actes antérieurs et d'inscriptions hypothécaires d'un montant supérieur au prix.

Elle ne mentionnait l'obligation des vendeurs ni d'achever des travaux de réhabilitation de l'immeuble ni d'obtenir le certificat de conformité avant la date de réitération de la vente fixée fin 2011.

A l'appui de leur demande de remboursement du dépôt de garantie, la société Luxury Home Solutions Inc et M. [L] [M] se sont prévalus de la caducité de la promesse découlant de l'inexécution par les vendeurs de l'engagement pris en leur nom par leur mandataire d'achever ces travaux et d'obtenir ce certificat avant la date de la réitération de la vente par acte authentique.

Ceux-ci ont contesté avoir pris un tel engagement et soutenu que la vente n'ayant pas été réitérée en la forme authentique alors que les quatre conditions suspensives prévues avaient été toutes réalisées, le dépôt de garantie leur était définitivement acquis.

Par arrêt du 15 septembre 2022, la première cour a relevé que l'obligation des vendeurs d'achever les travaux de réhabilitation de l'immeuble et d'obtenir le certificat de conformité avant la date de la réitération de la vente ne figurait pas à la promesse, d'une part, et qu'ils contestaient avoir donné mandat à M. [S][U], consultant immobilier indépendant, de les représenter, d'autre part, pour en déduire que l'obligation alléguée n'était pas entrée dans le champ contractuel et ne pouvait constituer une condition suspensive.

Par arrêt du 5 décembre 2024, la Cour de cassation, 1ère chambre civile, a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions et renvoyé l'affaire et les parties devant la présente cour.

Au visa des articles 1984 et 1998 du code civil, elle a rappelé que le mandant pouvait être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Elle a fait grief à la juridiction d'appel de ne pas avoir recherché, dès lors qu'elle ne retenait pas que les activités de M. [U] étaient régies par la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, si les messages électroniques adressés par celui-ci à la bénéficiaire qui s'en prévalait et dans lesquels il se présentait comme le mandataire des vendeurs et prenait des engagements en leur nom ne caractérisaient pas les circonstances d'où pouvait résulter l'apparence d'un mandat.

La société Luxury Home Solutions Inc et M. [L] [M] soutiennent que les vendeurs ont été engagés par M.[S] [U], mandataire apparent, à achever les travaux de réhabilitation de l'immeuble et à obtenir le certificat de conformité avant fin 2011, date de réitération de la vente en la forme authentique prévue par la promesse'; que cette condition suspensive n'ayant pas été réalisée, la promesse est devenue caduque et qu'ils sont fondés à obtenir la restitution du dépôt de garantie.

Les vendeurs soutiennent que l'acquéreur n'a pas voulu donner suite à la promesse alors que les quatre conditions suspensives prévues avaient toutes été réalisées ainsi que l'a constaté Me [Z], notaire, dans son courrier du 13 juillet 2012'; que s'ils n'ont plus voulu poursuivre leur projet d'acquisition c'est que leur projet de revente de l'immeuble à la découpe s'est révélé décevant'; qu'autorisés par eux à commercialiser les appartements avant la date de la signature de l'acte authentique, ils n'ont trouvé aucun acheteur potentiel et, dans l'incapacité de régler le prix de vente, se sont alors prévalus d'une condition suspensive inexistante pour se rétracter et obtenir le remboursement du dépôt de garantie.

* application des dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet

Les vendeurs soutiennent que M. [S] [U] s'est désigné improprement comme leur représentant et réfutent lui avoir donné mandat de vendre leur bien.

Ils soutiennent avoir été liés à ce dernier non pas par un contrat de mandat mais par un contrat de conseil et de publicité immobilière et qu'en tout état de cause, le mandat confié à un agent immobilier doit obligatoirement être écrit selon la règle d'ordre public de l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, de sorte que l'application de la théorie du mandat apparent est mise en échec.

Aux termes de l'article 1er de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet

« les dispositions de la présente loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à :

1° L'achat, la vente, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

2° L'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;

3° La cession d'un cheptel mort ou vif ;

4° La souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;

5° L'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

6° La gestion immobilière ;

7° A l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

8° La conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation.'

Aux termes de l'article 6 de la même loi :

« I.- Les conventions conclues avec les personnes visées à l'article premier ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1° et 6°, doivent être rédigées par écrit.

II. - Entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er'et son client, une convention est établie par écri t».

Il en résulte que le formalisme du mandat écrit ne s'applique qu'aux personnes qui se livrent à des opérations d'entremise de manière habituelle.

Les vendeurs intimés qui soutiennent que le mandat apparent allégué ne peut tenir en échec le formalisme imposé par la loi Hoguet ne rapportent pas la preuve que l'activité d'entremise de M. [S] [U] était régie par les dispositions de cette loi.

En effet, n'est produit aucun élément probant de nature à établir que celui-ci se livrait à une telle activité de manière habituelle et pour le compte de divers mandants.

La seule pièce versée aux débats montre au contraire que sur sa chaîne Youtube, dénommée « South of France condos on the méditerranean Sea in [Localité 4] Hot real Estate», M. [S] [U] proposait à la vente depuis le 15 octobre 2009 le seul bien immobilier objet du présent litige, et se présentait comme membre du groupe d'investisseurs « Stroomwell Investment Group» soit aux dires des appelants la société d'investissement des vendeurs, ce que ces derniers n'ont pas démenti.

Il se déduit du caractère occasionnel de l'activité d'intermédiaire de M. [S] [U] qu'elle n'est pas régie par les dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet.

Même s'ils ne lui avaient pas donné mandat de les représenter dans le cadre de la vente de leur bien, les vendeurs pouvaient néanmoins être engagés sur le fondement d'un mandat apparent à l'égard des tiers ayant légitimement cru qu'il les représentait.

* existence d'un mandat apparent

Les appelants allèguent n'avoir eu durant toute la négociation, aucun contact direct avec les vendeurs mais seulement avec M. [S] [U].

Ce dernier se présentant comme « [S] [U], consultant immobilier indépendant, représentant des propriétaires » dans ses courriels dont certains adressés en copie à M. [J] [F], ils soutiennent avoir pu en déduire qu'il était le mandataire de ceux-ci, agissait en leur nom et pour leur compte dans le cadre de la vente de leur bien immobilier et se prévalent donc de l'apparence ainsi créée pour considérer que les vendeurs étaient tenus par les engagements pris en leur nom et pour leur compte par celui-ci.

Ils font observer que les engagements de terminer les travaux et d'obtenir le certificat de conformité ont été pris avant la signature de la promesse et été réitérés ensuite à plusieurs reprises de sorte qu'ils reflétaient la volonté claire et sans équivoque des contractants de soumettre la réitération de la vente à l'achèvement des travaux et à l'obtention du certificat de conformité qui doit donc s'analyser en une condition suspensive.

Prétendant rapporter la preuve que cette condition à la charge des vendeurs n'était pas remplie à la date de la réitération de la vente, ils soutiennent avoir droit au remboursement du dépôt de garantie versé lors de la signature de la promesse.

Les intimés soutiennent que les appelants ne rapportent pas la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat apparent allégué alors que la loi Hoguet dispose que toute opération excédant le simple cadre de l'entremise nécessite l'autorisation expresse du mandant.

Pour établir que l'acquéreur n'a pu croire légitimement que M. [S] [U] les représentait, ils soulignent que la société Luxury Home Solutions Inc. est une professionnelle de l'immobilier et devait à ce titre s'interroger sur l'existence et l'étendue du mandat qu'ils auraient donné à celui-ci alors qu'il n'était pas présent lors de la signature de la promesse qui ne prévoyait d'ailleurs aucune rémunération de sa prestation.

Ils allèguent aussi que les engagements prétendument pris en leur nom lors d'échanges informels entre M. [S] [U] et cette société n'ont pas été repris dans la promesse de vente et que celui-ci n'a pas été son seul interlocuteur à laquelle ils se sont eux-mêmes directement adressés par courriel du 30 décembre 2011.

Les dispositions de la loi Hoguet ne sont pas applicables à l'intervention de M. [S] [U] dans la vente du bien immobilier des intimés.

De plus, l'apparence est un fait juridique qui peut se prouver par tous moyens : la preuve de l'existence comme de l'étendue du mandat apparent est donc libre.

Même s'ils contestent avoir donné mandat à M. [S] [U] de vendre leur bien, les vendeurs intimés peuvent néanmoins avoir été engagés à l'égard de l'acquéreur si ce dernier a pu légitimement croire que celui-ci les représentait et avait le pouvoir de prendre des engagements en leur nom.

Cette croyance n'est légitime qu'à la condition que les circonstances aient autorisé l'acquéreur à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire apparent.

Entre le 15 décembre 2010 et le 26 décembre 2011, la société Luxury Home Solutions Inc. n'a eu aucun contact direct avec les vendeurs et son seul interlocuteur a été M. [S] [U], qui avait publié sur sa chaîne Youtube l'annonce de la mise en vente du bien situé à [Localité 4].

Ce dernier s'est présenté comme « [S] [U], consultant immobilier indépendant, représentant des propriétaires » dans plusieurs messages électroniques dont celui du 26 décembre 2010 a été adressé en copie à M. [J] [F], vendeur, qui par son absence de réaction, a donc toléré que celui-ci apparaisse comme son mandataire aux yeux de l'acquéreur.

Par ailleurs, la société Luxury Home Solutions Inc. n'a pas présenté son offre d'achat aux vendeurs mais à M. [S] [U] qui l'a communiquée à ceux-ci par courriel du 15 décembre 2010 dont le titre est : « [Localité 4] offer accepted!! » et a le 28 décembre 2010 envoyé un message à l'acquéreur pour lui transmettre le projet de contrat de vente reçu des vendeurs.

Dans un tel contexte, la société Luxury Home Solutions Inc., même si elle est une professionnelle de l'immobilier, ne pouvait que se méprendre sur la réalité des pouvoirs confiés par les vendeurs à M. [S] [U] : elle a donc pu légitimement croire que celui-ci les représentait et cette croyance légitime l'a autorisée à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs.

Son absence lors de la signature de la promesse de vente et le fait que celle-ci ne prévoyait pas la rémunération de sa prestation de mandataire ne constituent pas des indices susceptibles d'avoir pu alerter sa vigilance à cet égard et lui faire douter de son pouvoir de représentation des propriétaires

Le mandataire apparent lui a adressé entre le 15 décembre 2010 et le 1er mars 2011 quatre courriels dans lesquels il l'a informée que des travaux de réhabilitation de l'immeuble étaient en cours, que les vendeurs s'engageaient à terminer au 1er juin 2011 et qu'elle n'aurait à s'acquitter du solde du prix de vente qu'après leur achèvement. Par courriels des 13 octobre et 24 décembre 2011, il l'a tenu informée de l'état d'avancement de ces travaux devant être achevés le 31 décembre 2011.

La société Luxury Home Solutions Inc. était donc fondée à croire à la lecture de courriels adressés par celui qui à ses yeux représentait les vendeurs qu'il avait le pouvoir d'engager ses mandants à achever les travaux de réhabilitation en cours selon lui à la date de l'offre d'achat du 15 décembre 2010 et à obtenir le certificat de conformité correspondant avant la date de réitération de la vente prévue pour la fin de l'année 2011.

Les vendeurs ont donc été engagés sur le fondement du mandat apparent à achever ces travaux de réhabilitation et à obtenir le certificat de conformité correspondant avant cette date. En effet, à plusieurs reprises le mandataire apparent a rappelé à la société Luxury Home Solutions Inc. que son obligation d'acquitter le solde du prix de vente était subordonnée à l'achèvement de ces travaux et à l'obtention du certificat de conformité correspondant.

Les appelants analysent donc à juste titre cet engagement des vendeurs comme une condition suspensive dès lors que leur obligation principale résultant de la promesse de vente, à savoir le règlement du prix, a été subordonnée d'un commun accord lors de l'échange des courriels entre le mandataire apparent et eux à l'achèvement des travaux et à l'obtention du certificat de conformité avant fin 2011.

Outre les quatre conditions suspensives prévues à la promesse de vente, les vendeurs avaient donc l'obligation d'accomplir cette condition, tous les effets de l'engagement pris par le mandataire apparent en leur nom devant être exécutés, peu important que cette condition suspensive n'ait pas été mentionnée expressément dans la promesse.

* défaillance des conditions suspensives d'achèvement des travaux et d'obtention du certificat de conformité

Pour démontrer l'absence de défaillance de ces conditions suspensives d'achèvement des travaux et d'obtention du certificat de conformité correspondant, les vendeurs intimés soutiennent que l'immeuble était achevé depuis 2007 et qu'il n'y avait pas de travaux à réaliser.

Ils soutiennent que la promesse ne mentionnait aucune condition suspensive d'achèvement de travaux et d'obtention de certificat de conformité mais prévoyait au contraire : « l'acquéreur prendra le bien dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance », une telle clause impliquant que l'acquéreur avait consenti à achever lui-même les travaux s'ils n'étaient pas terminés.

Lorsqu'il a communiqué aux vendeurs le 15 décembre 2010 l'offre d'achat de la société américaine, M. [S] [U] a indiqué : «'.Mon contact...veut signer un contrat de vente de 1 234 548 euros'.Pour ce montant, le bâtiment sera terminé mais non meublé...Voilà ce qu'il faut faire : établir un contrat 'qui respecterait les conditions demandées : 15% d'acompte non remboursable utilisable seulement à la fin des travaux, le solde devant être réglé dès réception du certificat de fin de travaux'.avoir une personne de confiance supervisant les ouvriers...commencer les travaux le plus vite possible...».

Dans un courriel à l'acquéreur du 28 décembre 2010, il l'a informé que des travaux étaient sur le point d'être réalisés par les vendeurs en ces termes : « le propriétaire a passé quelques jours là-bas avec l'architecte qui supervisera l'achèvement des travaux et ils ont compris qu'aucun travail réel ne pourra commencer avant mi-février en raison des conditions climatiques. Ils commenceront les travaux à l'intérieur mais la plupart doit s'effectuer dehors...».

Dans un courriel du 14 janvier 2011, il a donné à l'acquéreur les détails suivants : « Les 9 appartements vont bientôt être terminés. Restent l'extérieur, le parking, la piscine et le paysage à achever le 1er juin 2011. Les vidéos vous donneront une bonne idée de l'endroit mais n'oubliez pas qu'à ce stade, les travaux ne sont pas encore finis'.». Il a ajouté que l'acompte de 15% devait servir aux travaux d'achèvement de l'immeuble.

Contrairement à ce que soutiennent les vendeurs intimés, le contenu de ces courriels démontre que les travaux de réhabilitation de l'immeuble n'étaient pas terminés le 15 décembre 2010 lorsque l'offre d'achat de l'acquéreur leur a été communiquée et que des travaux d'importance devaient être entrepris par eux pour achever sa réhabilitation.

La clause invoquée selon laquelle l'acquéreur prendra le bien dans l'état dans lequel il se trouvera lors de l'entrée en jouissance est par ailleurs hors sujet ; il s'agit d'une clause usuelle en matière immobilière stipulant l'exclusion de la garantie des vices cachés pesant sur le vendeur.

Les vendeurs intimés objectent aussi qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir respecté leur engagement dès lors que la nature exacte des travaux qu'ils auraient dû réaliser pour achever la réhabilitation n'est pas connue, les courriels échangés entre l'acquéreur et M. [S] [U] n'apportant aucune précision sur ce point.

Ce faisant, ils renversent la charge de la preuve de l'exécution de leur obligation d'achèvement des travaux de réhabilitation dont il leur incombe en tant que débiteurs de prouver qu'elle a été exécutée.

En effet, en application de l'ancien article 1315 du code civil applicable au présent litige, c'est au débiteur d'une obligation qui se prétend libéré de prouver qu'il l'a exécutée.

Les intimés ne versent aux débats aucune pièce justificative démontrant qu'ils ont achevé avant le 31 décembre 2011 les travaux de réhabilitation de l'immeuble entrepris avant d'accepter l'offre d'achat de l'acquéreur.

Ils ne justifient pas davantage avoir obtenu le certificat de conformité correspondant à ces travaux de réhabilitation.

Les appelants à l'inverse produisent un courriel du 22 juillet 2013 (pièce n°22), dans lequel un proche des vendeurs rappelle qu'il reste encore à cette date - soit deux ans et demi après l'expiration du délai de réalisation de la condition - de nombreux travaux à réaliser dans l'immeuble.

* restitution du dépôt de garantie

M. et Mme [F] soutiennent que la somme de 185 182 euros n'est pas un dépôt de garantie mais un acompte sur le prix de vente non restituable puisque la vente est parfaite, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées.

La défaillance des conditions suspensives susvisées à la date fixée pour leur réalisation ayant entraîné la caducité du contrat de vente, qui est réputé ne jamais avoir existé, ils sont au contraire condamnés à restituer la somme de 185 182 euros à la société Luxury Home Solutions Inc. et M.[L] [M].

Cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012, date à laquelle par lettre recommandée avec avis de réception, les conseils de la société Luxury Home Solutions Inc. les ont mis en demeure de rembourser le dépôt de garantie sous quinze jours à compter de la réception de la lettre (pièce n°24 des appelants) qui vaut donc mise en demeure au sens de l'ancien article 1153 du code civil ici applicable.

* application de la clause pénale

M. et Mme [F] font grief à la société Luxury Home Solutions Inc. d'avoir refusé de poursuivre la vente en invoquant sa caducité. Ils soutiennent qu'elle a commis une faute contractuelle sanctionnée par l'application de la clause pénale figurant à la promesse de vente.

La promesse synallagmatique de vente du 30 janvier 2011 prévoit : «Clause pénale : au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique'.elle devra verser à l'autre partie la somme de 185 182 euros à titre de clause pénale...».

Les conditions suspensives d'achèvement par les vendeurs des travaux de réhabilitation de l'immeuble et d'obtention du certificat de conformité avant fin 2011 n'ayant pas été réalisées, le refus de l'acquéreur de régulariser l'acte authentique n'est pas fautif.

La clause pénale destinée à sanctionner le refus d'une des parties de régulariser la vente en dépit de la réalisation de toutes les conditions convenues n'est donc pas applicable.

* dépens et article 700 du code de procédure civile

Il est équitable de condamner les intimés, qui succombent et doivent supporter les dépens, à payer à la société Luxury Home Solutions Inc. et à M. [L] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [J] [F] et Mme [D] [T] épouse [F] à payer à la société Luxury Home Solutions Inc. et M. [L] [M] la somme de 185 182 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2012,

Les déboute de toutes leurs demandes,

Y ajoutant

Les condamne aux dépens,

Les condamne à payer à la société Luxury Home Solutions Inc. et M.[L] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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