CA Paris, Pôle 5 - ch. 5, 2 octobre 2025, n° 23/08480
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 02 OCTOBRE 2025
(n° 184, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/08480 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHS6I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2023 - Tribunal de Commerce de Paris, 13ème chambre - RG n° 2022/15367
APPELANTE
S.A.S. DEGERMAT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. d'[Localité 5] sous le numéro 832 111 637
Chez Monsieur [I] [N]
[Adresse 2]
[Localité 3] - FRANCE
Représentée et assistée de Me Bruno Turbé, substitué par Me Nathan Maskharachvili, tous deux avocats au barreau de Paris, toque : B0237
INTIMEE
S.A.S. INITIAL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de [Localité 6] sous le numéro 343 234 142
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivia Lahaye-Migaud de la Selarl ABM Droit et Conseil Avocats E.Boccalini & Migaud, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : 129
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Christine Soudry, conseiller
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Initial a une activité de blanchisserie industrielle.
La société Degermat exploite un fonds de commerce de restauration.
Le 14 novembre 2017, la société Degermat a conclu avec la société Initial un contrat multiservices pour la location et l'entretien de vêtements, d'articles textiles et d'hygiène à effet du 1er décembre 2017, moyennant un abonnement mensuel de 502,96 euros HT, soit 603,55 euros TTC.
Par courrier du 12 septembre 2020, la société Degermat informait la société Initial qu'elle résiliait le contrat.
Par courrier du 15 septembre 2020, la société Initial répondait que, selon ses conditions générales de vente (CGV), le contrat avait été conclu pour une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes égales sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception 6 mois avant son terme. Elle fixait sa date d'échéance au 4 décembre 2023.
Par courrier du 22 septembre 2020, la société Degermat informait la société Initial que ces CGV ne lui étaient pas opposables, et confirmait la résiliation du contrat à compter du 3 décembre 2020.
La société Initial maintenait l'exécution de ses prestation jusqu'au 1er juin 2021, date à laquelle la société Degermat refusait la livraison du linge.
Le 9 juillet 2021, la société Initial mettait en demeure la société Degermat de lui payer la somme de 10 336,08 euros au titre de l'indemnité de rupture, outre 166,87 euros au titre de l'indemnité de valeur résiduelle.
Le 17 août 2021, elle mettait en demeure la société Degermat de lui payer les sommes de 11 372 euros en principal, 253,45 euros d'intérêts, 1705,91 euros au titre de la clause pénale, outre 160 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.
Ces mises en demeures sont restées vaines.
Par acte du 9 mars 2022, la société Initial a assigné la société Degermat devant le tribunal de commerce de Paris en paiement.
Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit les conditions générales de la société Initial pleinement opposables à la société Degermat ;
- Débouté la société Degermat de sa demande visant à la résolution judiciaire du contrat de location entretien aux torts de la société Initial ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 836,42 euros TTC au titre des loyers impayés de juin et juillet 2021, augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chaque facture, avec anatocisme ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 200,24 euros TTC au titre de la valeur résiduelle du stock ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 8 782,45 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chaque facture pour leur montant respectif, avec anatocisme ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 981,91 euros au titre de la clause pénale ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 200 euros au titre de l'indemnité pour frais de recouvrement ;
- Débouté la société Degermat de sa demande reconventionnelle tendant au paiement par la société Initial de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 10 000 euros ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Condamné la société Degermat aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.
Par déclaration du 8 mai 2023, la société Degermat a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2025, la société Degermat demande, au visa des articles 1184, 1103, 1217, 1228 du code civil, de :
- Recevoir la société Degermat en ses conclusions ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement du 11 avril 2023 dans son intégralité ;
Statuant à nouveau,
- Juger inopposables les conditions générales de vente de la société Initial ;
En conséquence,
- Prononcer la résolution du contrat souscrit auprès de la société Initial aux torts exclusifs de cette dernière ;
- Condamner la société Initial à payer à la société Degermat une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la société Initial à payer à la société Degermat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;
- Condamner la société Initial aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 28 décembre 2023, la société Initial demande, au visa des articles 1103, 1104 et 1343-2 du code civil, de :
- Juger la société Initial recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 avril 2023 en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Degermat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
- Condamner la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Degermat aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 avril 2025.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la résolution judiciaire du contrat
La société Degermat soutient que la résiliation judiciaire du contrat doit être prononcée aux torts exclusifs de la société Initial qui a manqué à ses obligations contractuelles en lui opposant des clauses inapplicables et en saisissant le juge de manière abusive.
La société Initial réplique qu'elle n'a commis aucun manquement qui justifierait la résolution judiciaire du contrat.
L'article 1228 du code civil dispose que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
En l'espèce, la société Degermat ne produit aucune pièce démontrant que la société Initial ait manqué à ses obligations contractuelles, le seul fait de contester la résiliation du contrat, et de l'avoir assignée en justice ne constituant pas une cause de résolution judiciaire du contrat.
C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de la société Degermat de résolution judiciaire du contrat. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la résiliation du contrat et les factures de la société Initial :
La société Initial soutient que :
- Les CGV sont opposables à la société Degermat qui a apposé sa signature par-dessus la mention suivante : « vu les conditions générales attachées aux présentes conditions particulières ». Elle a pris connaissance des CGV car elle a modifié la durée contractuelle y figurant, la portant de 4 à 3 ans.
- Le contrat a été résilié par la société Degermat par courrier du 12 septembre 2020 sans respecter le préavis de 6 mois, et sans que celle-ci ne fasse état de manquements dans l'exécution de la prestation. La société Degermat est donc redevable des indemnités au titre de la résiliation anticipée, de la clause pénale ainsi que des indemnités forfaitaires pour les 4 factures en retard de paiement.
La société Degermat réplique que :
- Le contrat ne comporte aucune CGV à l'exception d'une clause de style lapidaire et illisible. Il ne comporte pas en verso les CGV et la société Initial ne les lui a jamais remises. Le fait que la durée du contrat ait été modifiée dans les CGV n'est pas le résultat d'une négociation et elle n'est pas l'auteur de cette modification. Ces CGV lui sont inopposables.
- Le contrat ne comportait pas la mention d'une durée. Il n'a pas été renouvelé puisque la société Degermat a notifié son souhait de le résilier par un courrier adressé par recommandé avec avis de réception en date du 12 septembre 2020. Le préavis de fin de contrat laissé à la société Initial était raisonnable.
- Elle a toujours été à jour du paiement des prestations fournies.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1119 du même code dispose que les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières.
En l'espèce, dans son courrier du 22 septembre 2020, la société Degermat a informé sa co-contractante que la résiliation prendrait effet au 3 décembre 2020. Il est constant que la société Degermat a refusé la livraison du linge à compter du 1er juin 2021.
La société Initial verse aux débats 4 factures :
date
désignation
montant
30 juin 2021
Abonnement du 1er au 30 juin 2021
418,21 euros
31 juillet 2021
Abonnement du 1er juillet au 31 juillet 2021
418,21 euros
22 juillet 2021
Valeur résiduelle
200,24 euros
22 juillet 2021
Indemnité rupture anticipée (28 mois et 4 jours)
10 336,08 euros
Les conditions générales de vente invoquées par la société Initial stipulent sous la clause « prise d'effet - durée du contrat - prolongation » : « le contrat est conclu pour une durée de 36 mois à compter de la date de dépôt chez le client du stock initial d'articles. Sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties 6 mois au moins avant l'échéance, il est prolongé par périodes de durée égale à la période initiale. »
La société Initiale verse aux débats la copie du contrat dont les CGV ne figurent pas au verso. Ces CGV ne contiennent pas le paraphe ou la signature de la société Degermat, ni son cachet.
La société Degermat, en la personne de son gérant, a signé le contrat sans faire précéder sa signature d'aucune mention manuscrite, alors que le contrat stipule que la signature est « précédée de la mention lu et approuvé ; vu les conditions générales attachées aux présentes conditions particulières ».
Cette mention est en outre rendue peu visible par la taille de sa police, très réduite, et la typographie plus claire que celle utilisée pour le reste du document.
Le fait que les CGV produites par la société Initial comportent une modification de la durée contractuelle, les mots « quatre ans » étant barrés et remplacés par « 36 mois », avec à gauche une signature illisible, ne démontrent pas leur connaissance par société Degermat.
Il n'est donc pas établi que la société Degermat ait eu connaissance des CGV, ni qu'elle les ait acceptées. Elles ne lui sont dès lors pas opposables.
Le contrat signé par les parties ne mentionne aucune durée. Il en résulte que le contrat de prestation de service était donc un contrat à durée indéterminée, résiliable à tout moment à la condition de respecter un délai de préavis raisonnable.
La société Degermat a informé la société Initial de la résiliation du contrat le 12 septembre 2020, annoncée pour le 27 novembre 2020 et effective au 1er juin 2021. Un préavis raisonnable a été respecté. Les sommes réclamées au titre des loyers de juin et juillet 2021, ainsi que de l'indemnité de résiliation ne sont donc pas justifiées et il convient de rejeter les demandes formées par la société Initial à ce titre.
Par ailleurs, la facture « valeur résiduelle du stock » n'est pas détaillée. La société Initial produit à l'appui de sa demande en paiement un document qu'elle dénomme « variation de stock », comportant 6 lignes mentionnant « PTN PC [Localité 7] » suivis des chiffres 38,548 et 25,2024 qui qui ne sont pas explicités. Cette créance n'est donc également pas justifiée.
Il en résulte que la société Initial ne justifie aucune de ses créances. Ses demandes en paiement seront, par voie d'infirmation, rejetées.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Degermat pour préjudice moral
La société Degermat soutient que l'attitude de la société Initial, qui n'a pas accepté sa résiliation du contrat, est fautive et qu'elle lui a nécessairement causé un préjudice moral. Elle a engagé des frais pour se défendre.
Cependant, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral, se contentant de ses seules allégations.
L'existence d'un abus procédural de la part de la société Initial ne ressort pas des éléments du dossier.
Le jugement, qui a rejeté les demandes indemnitaires de la société Degermat, sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Degermat aux dépens et à payer à la société Initial la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Initial qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande qu'elle soit condamnée à payer à la société Degermat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ses demandes au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 sauf en ce qu'il a débouté la société Degermat de sa demande de résolution judiciaire du contrat et de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette les demandes en paiement de la société Initial ;
Condamne la société Initial aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Initial à payer à la société Degermat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Initial au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 02 OCTOBRE 2025
(n° 184, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 23/08480 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHS6I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2023 - Tribunal de Commerce de Paris, 13ème chambre - RG n° 2022/15367
APPELANTE
S.A.S. DEGERMAT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. d'[Localité 5] sous le numéro 832 111 637
Chez Monsieur [I] [N]
[Adresse 2]
[Localité 3] - FRANCE
Représentée et assistée de Me Bruno Turbé, substitué par Me Nathan Maskharachvili, tous deux avocats au barreau de Paris, toque : B0237
INTIMEE
S.A.S. INITIAL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au R.C.S. de [Localité 6] sous le numéro 343 234 142
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivia Lahaye-Migaud de la Selarl ABM Droit et Conseil Avocats E.Boccalini & Migaud, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : 129
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Mme Christine Soudry, conseiller
Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Initial a une activité de blanchisserie industrielle.
La société Degermat exploite un fonds de commerce de restauration.
Le 14 novembre 2017, la société Degermat a conclu avec la société Initial un contrat multiservices pour la location et l'entretien de vêtements, d'articles textiles et d'hygiène à effet du 1er décembre 2017, moyennant un abonnement mensuel de 502,96 euros HT, soit 603,55 euros TTC.
Par courrier du 12 septembre 2020, la société Degermat informait la société Initial qu'elle résiliait le contrat.
Par courrier du 15 septembre 2020, la société Initial répondait que, selon ses conditions générales de vente (CGV), le contrat avait été conclu pour une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes égales sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception 6 mois avant son terme. Elle fixait sa date d'échéance au 4 décembre 2023.
Par courrier du 22 septembre 2020, la société Degermat informait la société Initial que ces CGV ne lui étaient pas opposables, et confirmait la résiliation du contrat à compter du 3 décembre 2020.
La société Initial maintenait l'exécution de ses prestation jusqu'au 1er juin 2021, date à laquelle la société Degermat refusait la livraison du linge.
Le 9 juillet 2021, la société Initial mettait en demeure la société Degermat de lui payer la somme de 10 336,08 euros au titre de l'indemnité de rupture, outre 166,87 euros au titre de l'indemnité de valeur résiduelle.
Le 17 août 2021, elle mettait en demeure la société Degermat de lui payer les sommes de 11 372 euros en principal, 253,45 euros d'intérêts, 1705,91 euros au titre de la clause pénale, outre 160 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.
Ces mises en demeures sont restées vaines.
Par acte du 9 mars 2022, la société Initial a assigné la société Degermat devant le tribunal de commerce de Paris en paiement.
Par jugement du 11 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a :
- Dit les conditions générales de la société Initial pleinement opposables à la société Degermat ;
- Débouté la société Degermat de sa demande visant à la résolution judiciaire du contrat de location entretien aux torts de la société Initial ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 836,42 euros TTC au titre des loyers impayés de juin et juillet 2021, augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chaque facture, avec anatocisme ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 200,24 euros TTC au titre de la valeur résiduelle du stock ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 8 782,45 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chaque facture pour leur montant respectif, avec anatocisme ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 981,91 euros au titre de la clause pénale ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 200 euros au titre de l'indemnité pour frais de recouvrement ;
- Débouté la société Degermat de sa demande reconventionnelle tendant au paiement par la société Initial de dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 10 000 euros ;
- Condamné la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Condamné la société Degermat aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.
Par déclaration du 8 mai 2023, la société Degermat a interjeté appel du jugement en visant tous les chefs du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2025, la société Degermat demande, au visa des articles 1184, 1103, 1217, 1228 du code civil, de :
- Recevoir la société Degermat en ses conclusions ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement du 11 avril 2023 dans son intégralité ;
Statuant à nouveau,
- Juger inopposables les conditions générales de vente de la société Initial ;
En conséquence,
- Prononcer la résolution du contrat souscrit auprès de la société Initial aux torts exclusifs de cette dernière ;
- Condamner la société Initial à payer à la société Degermat une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la société Initial à payer à la société Degermat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;
- Condamner la société Initial aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 28 décembre 2023, la société Initial demande, au visa des articles 1103, 1104 et 1343-2 du code civil, de :
- Juger la société Initial recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 avril 2023 en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Degermat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause,
- Condamner la société Degermat à payer à la société Initial la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Degermat aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 avril 2025.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la résolution judiciaire du contrat
La société Degermat soutient que la résiliation judiciaire du contrat doit être prononcée aux torts exclusifs de la société Initial qui a manqué à ses obligations contractuelles en lui opposant des clauses inapplicables et en saisissant le juge de manière abusive.
La société Initial réplique qu'elle n'a commis aucun manquement qui justifierait la résolution judiciaire du contrat.
L'article 1228 du code civil dispose que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
En l'espèce, la société Degermat ne produit aucune pièce démontrant que la société Initial ait manqué à ses obligations contractuelles, le seul fait de contester la résiliation du contrat, et de l'avoir assignée en justice ne constituant pas une cause de résolution judiciaire du contrat.
C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de la société Degermat de résolution judiciaire du contrat. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la résiliation du contrat et les factures de la société Initial :
La société Initial soutient que :
- Les CGV sont opposables à la société Degermat qui a apposé sa signature par-dessus la mention suivante : « vu les conditions générales attachées aux présentes conditions particulières ». Elle a pris connaissance des CGV car elle a modifié la durée contractuelle y figurant, la portant de 4 à 3 ans.
- Le contrat a été résilié par la société Degermat par courrier du 12 septembre 2020 sans respecter le préavis de 6 mois, et sans que celle-ci ne fasse état de manquements dans l'exécution de la prestation. La société Degermat est donc redevable des indemnités au titre de la résiliation anticipée, de la clause pénale ainsi que des indemnités forfaitaires pour les 4 factures en retard de paiement.
La société Degermat réplique que :
- Le contrat ne comporte aucune CGV à l'exception d'une clause de style lapidaire et illisible. Il ne comporte pas en verso les CGV et la société Initial ne les lui a jamais remises. Le fait que la durée du contrat ait été modifiée dans les CGV n'est pas le résultat d'une négociation et elle n'est pas l'auteur de cette modification. Ces CGV lui sont inopposables.
- Le contrat ne comportait pas la mention d'une durée. Il n'a pas été renouvelé puisque la société Degermat a notifié son souhait de le résilier par un courrier adressé par recommandé avec avis de réception en date du 12 septembre 2020. Le préavis de fin de contrat laissé à la société Initial était raisonnable.
- Elle a toujours été à jour du paiement des prestations fournies.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1119 du même code dispose que les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières.
En l'espèce, dans son courrier du 22 septembre 2020, la société Degermat a informé sa co-contractante que la résiliation prendrait effet au 3 décembre 2020. Il est constant que la société Degermat a refusé la livraison du linge à compter du 1er juin 2021.
La société Initial verse aux débats 4 factures :
date
désignation
montant
30 juin 2021
Abonnement du 1er au 30 juin 2021
418,21 euros
31 juillet 2021
Abonnement du 1er juillet au 31 juillet 2021
418,21 euros
22 juillet 2021
Valeur résiduelle
200,24 euros
22 juillet 2021
Indemnité rupture anticipée (28 mois et 4 jours)
10 336,08 euros
Les conditions générales de vente invoquées par la société Initial stipulent sous la clause « prise d'effet - durée du contrat - prolongation » : « le contrat est conclu pour une durée de 36 mois à compter de la date de dépôt chez le client du stock initial d'articles. Sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties 6 mois au moins avant l'échéance, il est prolongé par périodes de durée égale à la période initiale. »
La société Initiale verse aux débats la copie du contrat dont les CGV ne figurent pas au verso. Ces CGV ne contiennent pas le paraphe ou la signature de la société Degermat, ni son cachet.
La société Degermat, en la personne de son gérant, a signé le contrat sans faire précéder sa signature d'aucune mention manuscrite, alors que le contrat stipule que la signature est « précédée de la mention lu et approuvé ; vu les conditions générales attachées aux présentes conditions particulières ».
Cette mention est en outre rendue peu visible par la taille de sa police, très réduite, et la typographie plus claire que celle utilisée pour le reste du document.
Le fait que les CGV produites par la société Initial comportent une modification de la durée contractuelle, les mots « quatre ans » étant barrés et remplacés par « 36 mois », avec à gauche une signature illisible, ne démontrent pas leur connaissance par société Degermat.
Il n'est donc pas établi que la société Degermat ait eu connaissance des CGV, ni qu'elle les ait acceptées. Elles ne lui sont dès lors pas opposables.
Le contrat signé par les parties ne mentionne aucune durée. Il en résulte que le contrat de prestation de service était donc un contrat à durée indéterminée, résiliable à tout moment à la condition de respecter un délai de préavis raisonnable.
La société Degermat a informé la société Initial de la résiliation du contrat le 12 septembre 2020, annoncée pour le 27 novembre 2020 et effective au 1er juin 2021. Un préavis raisonnable a été respecté. Les sommes réclamées au titre des loyers de juin et juillet 2021, ainsi que de l'indemnité de résiliation ne sont donc pas justifiées et il convient de rejeter les demandes formées par la société Initial à ce titre.
Par ailleurs, la facture « valeur résiduelle du stock » n'est pas détaillée. La société Initial produit à l'appui de sa demande en paiement un document qu'elle dénomme « variation de stock », comportant 6 lignes mentionnant « PTN PC [Localité 7] » suivis des chiffres 38,548 et 25,2024 qui qui ne sont pas explicités. Cette créance n'est donc également pas justifiée.
Il en résulte que la société Initial ne justifie aucune de ses créances. Ses demandes en paiement seront, par voie d'infirmation, rejetées.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Degermat pour préjudice moral
La société Degermat soutient que l'attitude de la société Initial, qui n'a pas accepté sa résiliation du contrat, est fautive et qu'elle lui a nécessairement causé un préjudice moral. Elle a engagé des frais pour se défendre.
Cependant, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral, se contentant de ses seules allégations.
L'existence d'un abus procédural de la part de la société Initial ne ressort pas des éléments du dossier.
Le jugement, qui a rejeté les demandes indemnitaires de la société Degermat, sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Degermat aux dépens et à payer à la société Initial la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Initial qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande qu'elle soit condamnée à payer à la société Degermat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ses demandes au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 avril 2023 sauf en ce qu'il a débouté la société Degermat de sa demande de résolution judiciaire du contrat et de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette les demandes en paiement de la société Initial ;
Condamne la société Initial aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Initial à payer à la société Degermat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Initial au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE