CA Nîmes, 4e ch. com., 26 septembre 2025, n° 23/02422
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°215
N° RG 23/02422 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4Q2
AV
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
13 juin 2023 RG :20/02452
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT - [L] [K]
C/
S.C.I. LE MAJORQUE
Copie exécutoire délivrée
le 26/09/2025
à :
Me Lionel FOUQUET
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 13 Juin 2023, N°20/02452
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et Mme Isabelle DELOR, lors du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT - [L] [K], représentée par Maître [L] [K] Société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 10 000 €, ayant son siège à [Adresse 10], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nîmes sous le numéro 824 797 286,
Agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SAS HADER, nommé à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON du 08/09/2021, domicilié en son établissement secondaire sis
[Adresse 4]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Lionel FOUQUET de la SELARL PYXIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
S.C.I. LE MAJORQUE, Société civile immobilière, immatriculée au RCS d'[Localité 7] sous le n° 378 356 224, poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sonia GHERZOULI de la SELARL SG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Juin 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 26 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 13 juillet 2023 par la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [K], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Hader, à l'encontre du jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n° RG 20/02452 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 juin 2024 par la SELARL Etude Balincourt, ès qualités, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 mai 2025 par la SCI Le Majorque, intimée à titre principal, appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les conclusions du ministère public du 23 mai 2025;
Vu l'ordonnance du 14 février 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 12 juin 2025.
Par acte sous seing privé du 30 décembre 2014, la société Le Majorque a donné à bail commercial à la société Hôtel Cardabella des locaux destinés exclusivement à l'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtel, situés au [Adresse 2] à [Localité 7], moyennant un loyer annuel de 21.000 euros HT et pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2015.
Par acte sous seing privé du 13 janvier 2017, la société Hôtel Cardabella a cédé à la société Hader son fonds de commerce d'hôtel comprenant le droit au bail commercial au prix de 150.000 euros.
La société Hader a pris possession des locaux le 1er février 2017 et a été confrontée le 6 février 2018 à une fermeture administrative prononcée par arrêté municipal numéro 18-51 pour non-conformité des locaux, lors du passage de la commission de sécurité.
Par ordonnance du 17 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon a ordonné une mesure d'expertise des locaux, à la demande de la société Hader.
Le rapport d'expertise a été déposé le 3 décembre 2018.
Par ordonnance du 3 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon a notamment :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;
- dit que la société Hader occupe sans droit ni titre le local commercial depuis le 12 juillet 2018 ;
- ordonné l'expulsion de la société Hader ;
- condamné la société Hader au paiement des loyers échus jusqu'au deuxième trimestre 2018 inclus, soit une somme de 12.862, 44 euros.
Par jugement du 14 décembre 2018, le tribunal de commerce d'Avignon a notamment jugé non fondée la demande de la société Hader en annulation de la vente du fonds de commerce de la société Hôtel Cardabella.
Par arrêt du 7 avril 2021, la cour d'appel de Nîmes a notamment :
- infirmé le jugement du 14 décembre 2018 ;
- annulé la cession du fonds de commerce du 13 janvier 2017 ;
- dit, en conséquence, que le fonds de commerce revient à la société Hôtel Cardabella ;
- dit que la société Hôtel Cardabella doit rembourser à la société Hader la somme de 150.000 euros.
Par jugement du 12 juillet 2019, confirmé par arrêt du 19 décembre 2019 de la cour d'appel de Nîmes, le juge de l'exécution a accordé à la société Hader un délai de 24 mois pour quitter les locaux.
Par acte du 13 février 2019, la société Hader a attrait la société Le Majorque devant le tribunal de grande instance d'Avignon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer une indemnité au titre des travaux de réfection des locaux, outre des indemnités en réparation de son préjudice économique lié à la perte de son fonds de commerce et à la perte de chance d'exploiter pour l'avenir le fonds, ainsi qu'au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Avignon a :
- ordonné la réouverture des débats ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 27 janvier 2020 en raison de la relative complexité de l'affaire, de la nature et du montant des sommes sollicitées ne permettant pas au tribunal de juger sans débat.
Par ordonnance du 27 janvier 2020, le juge de la mise en état a radié l'affaire pour défaut de diligence des parties.
Le 7 octobre 2020, la société Hader a notifié ses conclusions de remise au rôle.
Par ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état :
- s'est déclaré incompétent pour connaitre de la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir soulevé par la société Le Majorque ;
- a enjoint à la société Hader de verser aux débats les actes de signification de l'arrêt rendu le 07 avril 2021 par la 4ème chambre commerciale de la cour d'appel de Nîmes dans l'affaire opposant la société Hôtel Cardabella (n° RG 19 / 00497) et ce dans un délai de deux mois à compter du prononcé de la présente ordonnance ;
- a débouté la société Hader de sa demande de sursis à statuer et de sa demande d'expertise.
Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- Déclaré irrecevables les demandes de la société Hader en raison de la liquidation judiciaire prononcée le 8 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon entraînant le dessaisissement de la société Hader de ses droits;
- Constaté l'interruption de l'instance sur la demande reconventionnelle de la société Majorque ;
- Constaté l'interruption de l'instance sur les demandes accessoires de la société Majorque.
La société Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Hader, a relevé appel le 13 juillet 2023 de ce jugement pour le voir annuler et /ou infirmer en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de cette dernière.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la société Hader, représentée par la société Etude Balincourt, ès qualités, appelante à titre principal, intimée à titre incident, demande à la cour de :
« Déclarer recevable l'appel de la concluante, le dire juste et bien fondé,
Réformer la décision entreprise en statuant à nouveau,
Vu l'article 1240 du code civil
Vu la jurisprudence
Condamner la SCI Le Majorque payer à la SAS Hader la somme de 145.000 euros avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ; au titre de son préjudice économique lié à la perte de son fonds de commerce
Condamner la SCI Le Majorque à payer à la SAS Hader la somme de 140.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice financier constitué par la perte de chance d'exploiter pour l'avenir le fonds de commerce avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ;
Condamner la SCI Le Majorque à payer à la SAS Hader la somme de 30.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral subséquent à l'annulation de la cession du fonds de commerce avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ;
Débouter la défenderesse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Condamner la société SCI Le Majorque à payer à la société Hader la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Hader, représentée par la société Etude Balincourt, ès qualités, appelante, expose qu'elle a régularisé la procédure en cours d'appel par l'intervention de son mandataire liquidateur. En l'absence de clause précise dans le contrat de bail mettant clairement à la charge du locataire les travaux de mise en sécurité prescrits par l'autorité administrative, la société bailleresse qui n'a pas réalisé les travaux qui s'imposaient, prescrits par la Mairie, pour assurer la délivrance conforme du bien loué, a manqué à ses obligations. Ses manquements sont à l'origine d'un délabrement avancé de l'immeuble donné à bail dans lequel la société Cardabella exploitait le fonds de commerce. Cet état factuel de délabrement a permis la réalisation d'une réticence dolosive et l'annulation de l'acte de cession ne serait jamais survenue si les locaux avaient permis une exploitation décente du fonds de commerce hôtellerie en leur sein ; le bailleur demeure responsable des préjudices subis par le cessionnaire en vertu de sa propre responsabilité délictuelle.
S'agissant des préjudices financiers, l'appelante précise que, d'une part, il est à craindre qu'elle ne parvienne pas à recouvrer le prix déboursé pour l'acquisition du fonds de commerce, en état de la cessation de l'activité de la société Cardabella ; d'autre part, il résulte de cette annulation de cession du fonds de commerce une perte de chance d'exploiter le fonds acquis qui devait constituer sa source de revenus. Le préjudice moral est constitué du fait que la société appelante a été créée spécialement dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce auprès de la société Cardabella. L'exploitation de ce fonds était le seul projet et la seule perspective de la société qui s'est concentrée dessus, y a investi toute son énergie, son temps et son argent.
En réponse à la demande reconventionnelle de la société intimée, l'appelante rétorque qu'elle ne justifie pas d'une quelconque déclaration de créance. L'ouverture de procédure collective ne peut pas être cachée puisque c'est une procédure officielle qui fait l'objet d'une publication au Bodacc et la bailleresse a manqué de vigilance.
Dans ses dernières conclusions, la société Le Majorque, intimée à titre principal, appelante à titre incident, demande à la cour, au visa des articles 31, 32, 123 du code de procédure civile, et de l'article 146 du code de procédure civile, de :
« Statuant sur l'appel formé par la SAS Hader représentée par son liquidateur, la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à l'encontre du jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon,
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de la SAS Hader
déclarant recevable et bien fondé l'appel incident de la concluante,
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
constaté l'interruption de l'instance sur la demande reconventionnelle de la société Le Majorque
constaté l'interruption de l'instance sur les demandes accessoires de la société Le Majorque
Statuer à nouveau :
Juger que la SAS Hader occupant sans droit ni titre de l'immeuble sis situé [Adresse 1] depuis le 12 juillet 2018, n'a ni qualité, ni intérêt à prétendre à la condamnation de la SCI Le Majorque,
En conséquence :
Juger irrecevable l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions de la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], en raison de la fin de non-recevoir tirée de son défaut de droit d'agir,
Reconventionnellement :
Condamner la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à verser à la SCI Le Majorque la somme de 64 312,22 euros à titre de dommages et intérêts et réparation de son préjudice,
En tout état de cause :
Débouter la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
Condamner la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à payer à la SCI Le Majorque, la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel. ».
L'intimée réplique que la SAS Hader a perdu sa qualité de locataire depuis le 12 juillet 2018. Elle n'avait plus la qualité ni d'intérêt à agir à l'encontre de son ancien bailleur au jour de la demande introductive d'instance du 13 février 2019.
L'intimée souligne qu'elle n'était pas partie au procès opposant la SAS Hader et la société hôtel Cardabella de sorte qu'elle n'a pas pu se défendre des accusations portées à son encontre. A défaut d'avoir été informée par son locataire, elle ne pouvait connaître la réalité de l'état de son immeuble qu'elle n'a découvert qu'au terme des opérations d'expertise. Les désordres résultent principalement d'un défaut d'entretien du précédent locataire, la société hôtel Cardabella. Le lien d'imputabilité avec une prétendue faute du bailleur au titre de ses obligations n'est absolument pas établi. L'intervention de la commission communale de sécurité contre l'incendie et la panique dans les ERP est en rapport avec la nature de l'activité du fonds. Le bailleur limité à la propriété des murs y est étranger. Ainsi, les mises en demeure et les arrêtés de fermeture administrative visent l'exploitant et non le propriétaire de l'immeuble. La SAS Hader ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. L'impossibilité d'exploiter son fonds de commerce résulte de son propre fait. Elle n'a pas réglé les différents points constatés au niveau des différentes visites de la commission communale de sécurité. Elle n'a jamais cessé d'exploiter son établissement mis à disposition d'un réseau de prostitution.
L'intimée reproche à l'appelante de lui avoir délibérément dissimulé la procédure collective dont elle faisait l'objet, dans l'unique dessein de faire échec à son droit de déclarer sa créance au passif de la procédure collective. En tout état de cause, le liquidateur n'a pas non plus invité la bailleresse à déclarer sa créance. Elle subit un préjudice dont elle demande réparation.
Dans ses dernières conclusions, le ministère public s'en rapporte.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
Il résulte de l'extrait kbis versé au débat que la liquidation judiciaire simplifiée de la SAS Hader a donné lieu à un jugement de clôture pour insuffisance d'actif rendu le 25 septembre 2023 par le tribunal de commerce d'Avignon.
La SAS Hader n'ayant plus de dirigeant susceptible de la représenter et le mandataire liquidateur ayant cessé sa mission, il convient de l'inviter à régulariser la procédure en faisant désigner par la juridiction compétente un mandataire ad hoc pour poursuivre l'instance en cours.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Invite la SAS Hader, appelante, à se faire désigner un mandataire ad hoc, pour poursuivre la procédure d'appel en cours,
Dit que l'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 4 décembre 2025 à 9 heures 30 pour justification des diligences accomplies par l'appelante, sous peine de radiation,
Réserve les demandes des parties et les dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°215
N° RG 23/02422 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4Q2
AV
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
13 juin 2023 RG :20/02452
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT - [L] [K]
C/
S.C.I. LE MAJORQUE
Copie exécutoire délivrée
le 26/09/2025
à :
Me Lionel FOUQUET
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON en date du 13 Juin 2023, N°20/02452
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Christine CODOL, Présidente de Chambre
Agnès VAREILLES, Conseillère
Yan MAITRAL, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et Mme Isabelle DELOR, lors du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT - [L] [K], représentée par Maître [L] [K] Société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 10 000 €, ayant son siège à [Adresse 10], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nîmes sous le numéro 824 797 286,
Agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SAS HADER, nommé à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON du 08/09/2021, domicilié en son établissement secondaire sis
[Adresse 4]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Lionel FOUQUET de la SELARL PYXIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
S.C.I. LE MAJORQUE, Société civile immobilière, immatriculée au RCS d'[Localité 7] sous le n° 378 356 224, poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sonia GHERZOULI de la SELARL SG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Juin 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 26 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 13 juillet 2023 par la SELARL Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [K], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Hader, à l'encontre du jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n° RG 20/02452 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 juin 2024 par la SELARL Etude Balincourt, ès qualités, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 mai 2025 par la SCI Le Majorque, intimée à titre principal, appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les conclusions du ministère public du 23 mai 2025;
Vu l'ordonnance du 14 février 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 12 juin 2025.
Par acte sous seing privé du 30 décembre 2014, la société Le Majorque a donné à bail commercial à la société Hôtel Cardabella des locaux destinés exclusivement à l'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtel, situés au [Adresse 2] à [Localité 7], moyennant un loyer annuel de 21.000 euros HT et pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2015.
Par acte sous seing privé du 13 janvier 2017, la société Hôtel Cardabella a cédé à la société Hader son fonds de commerce d'hôtel comprenant le droit au bail commercial au prix de 150.000 euros.
La société Hader a pris possession des locaux le 1er février 2017 et a été confrontée le 6 février 2018 à une fermeture administrative prononcée par arrêté municipal numéro 18-51 pour non-conformité des locaux, lors du passage de la commission de sécurité.
Par ordonnance du 17 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon a ordonné une mesure d'expertise des locaux, à la demande de la société Hader.
Le rapport d'expertise a été déposé le 3 décembre 2018.
Par ordonnance du 3 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon a notamment :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;
- dit que la société Hader occupe sans droit ni titre le local commercial depuis le 12 juillet 2018 ;
- ordonné l'expulsion de la société Hader ;
- condamné la société Hader au paiement des loyers échus jusqu'au deuxième trimestre 2018 inclus, soit une somme de 12.862, 44 euros.
Par jugement du 14 décembre 2018, le tribunal de commerce d'Avignon a notamment jugé non fondée la demande de la société Hader en annulation de la vente du fonds de commerce de la société Hôtel Cardabella.
Par arrêt du 7 avril 2021, la cour d'appel de Nîmes a notamment :
- infirmé le jugement du 14 décembre 2018 ;
- annulé la cession du fonds de commerce du 13 janvier 2017 ;
- dit, en conséquence, que le fonds de commerce revient à la société Hôtel Cardabella ;
- dit que la société Hôtel Cardabella doit rembourser à la société Hader la somme de 150.000 euros.
Par jugement du 12 juillet 2019, confirmé par arrêt du 19 décembre 2019 de la cour d'appel de Nîmes, le juge de l'exécution a accordé à la société Hader un délai de 24 mois pour quitter les locaux.
Par acte du 13 février 2019, la société Hader a attrait la société Le Majorque devant le tribunal de grande instance d'Avignon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer une indemnité au titre des travaux de réfection des locaux, outre des indemnités en réparation de son préjudice économique lié à la perte de son fonds de commerce et à la perte de chance d'exploiter pour l'avenir le fonds, ainsi qu'au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Avignon a :
- ordonné la réouverture des débats ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 27 janvier 2020 en raison de la relative complexité de l'affaire, de la nature et du montant des sommes sollicitées ne permettant pas au tribunal de juger sans débat.
Par ordonnance du 27 janvier 2020, le juge de la mise en état a radié l'affaire pour défaut de diligence des parties.
Le 7 octobre 2020, la société Hader a notifié ses conclusions de remise au rôle.
Par ordonnance du 8 mars 2022, le juge de la mise en état :
- s'est déclaré incompétent pour connaitre de la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir soulevé par la société Le Majorque ;
- a enjoint à la société Hader de verser aux débats les actes de signification de l'arrêt rendu le 07 avril 2021 par la 4ème chambre commerciale de la cour d'appel de Nîmes dans l'affaire opposant la société Hôtel Cardabella (n° RG 19 / 00497) et ce dans un délai de deux mois à compter du prononcé de la présente ordonnance ;
- a débouté la société Hader de sa demande de sursis à statuer et de sa demande d'expertise.
Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- Déclaré irrecevables les demandes de la société Hader en raison de la liquidation judiciaire prononcée le 8 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon entraînant le dessaisissement de la société Hader de ses droits;
- Constaté l'interruption de l'instance sur la demande reconventionnelle de la société Majorque ;
- Constaté l'interruption de l'instance sur les demandes accessoires de la société Majorque.
La société Etude Balincourt, représentée par Maître [L] [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Hader, a relevé appel le 13 juillet 2023 de ce jugement pour le voir annuler et /ou infirmer en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de cette dernière.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la société Hader, représentée par la société Etude Balincourt, ès qualités, appelante à titre principal, intimée à titre incident, demande à la cour de :
« Déclarer recevable l'appel de la concluante, le dire juste et bien fondé,
Réformer la décision entreprise en statuant à nouveau,
Vu l'article 1240 du code civil
Vu la jurisprudence
Condamner la SCI Le Majorque payer à la SAS Hader la somme de 145.000 euros avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ; au titre de son préjudice économique lié à la perte de son fonds de commerce
Condamner la SCI Le Majorque à payer à la SAS Hader la somme de 140.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice financier constitué par la perte de chance d'exploiter pour l'avenir le fonds de commerce avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ;
Condamner la SCI Le Majorque à payer à la SAS Hader la somme de 30.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral subséquent à l'annulation de la cession du fonds de commerce avec capitalisation des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction d'instance soit le 13 février 2019 ;
Débouter la défenderesse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Condamner la société SCI Le Majorque à payer à la société Hader la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Hader, représentée par la société Etude Balincourt, ès qualités, appelante, expose qu'elle a régularisé la procédure en cours d'appel par l'intervention de son mandataire liquidateur. En l'absence de clause précise dans le contrat de bail mettant clairement à la charge du locataire les travaux de mise en sécurité prescrits par l'autorité administrative, la société bailleresse qui n'a pas réalisé les travaux qui s'imposaient, prescrits par la Mairie, pour assurer la délivrance conforme du bien loué, a manqué à ses obligations. Ses manquements sont à l'origine d'un délabrement avancé de l'immeuble donné à bail dans lequel la société Cardabella exploitait le fonds de commerce. Cet état factuel de délabrement a permis la réalisation d'une réticence dolosive et l'annulation de l'acte de cession ne serait jamais survenue si les locaux avaient permis une exploitation décente du fonds de commerce hôtellerie en leur sein ; le bailleur demeure responsable des préjudices subis par le cessionnaire en vertu de sa propre responsabilité délictuelle.
S'agissant des préjudices financiers, l'appelante précise que, d'une part, il est à craindre qu'elle ne parvienne pas à recouvrer le prix déboursé pour l'acquisition du fonds de commerce, en état de la cessation de l'activité de la société Cardabella ; d'autre part, il résulte de cette annulation de cession du fonds de commerce une perte de chance d'exploiter le fonds acquis qui devait constituer sa source de revenus. Le préjudice moral est constitué du fait que la société appelante a été créée spécialement dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce auprès de la société Cardabella. L'exploitation de ce fonds était le seul projet et la seule perspective de la société qui s'est concentrée dessus, y a investi toute son énergie, son temps et son argent.
En réponse à la demande reconventionnelle de la société intimée, l'appelante rétorque qu'elle ne justifie pas d'une quelconque déclaration de créance. L'ouverture de procédure collective ne peut pas être cachée puisque c'est une procédure officielle qui fait l'objet d'une publication au Bodacc et la bailleresse a manqué de vigilance.
Dans ses dernières conclusions, la société Le Majorque, intimée à titre principal, appelante à titre incident, demande à la cour, au visa des articles 31, 32, 123 du code de procédure civile, et de l'article 146 du code de procédure civile, de :
« Statuant sur l'appel formé par la SAS Hader représentée par son liquidateur, la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à l'encontre du jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon,
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de la SAS Hader
déclarant recevable et bien fondé l'appel incident de la concluante,
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
constaté l'interruption de l'instance sur la demande reconventionnelle de la société Le Majorque
constaté l'interruption de l'instance sur les demandes accessoires de la société Le Majorque
Statuer à nouveau :
Juger que la SAS Hader occupant sans droit ni titre de l'immeuble sis situé [Adresse 1] depuis le 12 juillet 2018, n'a ni qualité, ni intérêt à prétendre à la condamnation de la SCI Le Majorque,
En conséquence :
Juger irrecevable l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions de la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], en raison de la fin de non-recevoir tirée de son défaut de droit d'agir,
Reconventionnellement :
Condamner la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à verser à la SCI Le Majorque la somme de 64 312,22 euros à titre de dommages et intérêts et réparation de son préjudice,
En tout état de cause :
Débouter la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
Condamner la SAS Hader représentée par son liquidateur la SELARL Etude Balincourt prise en la personne de Maître [L] [K], à payer à la SCI Le Majorque, la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel. ».
L'intimée réplique que la SAS Hader a perdu sa qualité de locataire depuis le 12 juillet 2018. Elle n'avait plus la qualité ni d'intérêt à agir à l'encontre de son ancien bailleur au jour de la demande introductive d'instance du 13 février 2019.
L'intimée souligne qu'elle n'était pas partie au procès opposant la SAS Hader et la société hôtel Cardabella de sorte qu'elle n'a pas pu se défendre des accusations portées à son encontre. A défaut d'avoir été informée par son locataire, elle ne pouvait connaître la réalité de l'état de son immeuble qu'elle n'a découvert qu'au terme des opérations d'expertise. Les désordres résultent principalement d'un défaut d'entretien du précédent locataire, la société hôtel Cardabella. Le lien d'imputabilité avec une prétendue faute du bailleur au titre de ses obligations n'est absolument pas établi. L'intervention de la commission communale de sécurité contre l'incendie et la panique dans les ERP est en rapport avec la nature de l'activité du fonds. Le bailleur limité à la propriété des murs y est étranger. Ainsi, les mises en demeure et les arrêtés de fermeture administrative visent l'exploitant et non le propriétaire de l'immeuble. La SAS Hader ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. L'impossibilité d'exploiter son fonds de commerce résulte de son propre fait. Elle n'a pas réglé les différents points constatés au niveau des différentes visites de la commission communale de sécurité. Elle n'a jamais cessé d'exploiter son établissement mis à disposition d'un réseau de prostitution.
L'intimée reproche à l'appelante de lui avoir délibérément dissimulé la procédure collective dont elle faisait l'objet, dans l'unique dessein de faire échec à son droit de déclarer sa créance au passif de la procédure collective. En tout état de cause, le liquidateur n'a pas non plus invité la bailleresse à déclarer sa créance. Elle subit un préjudice dont elle demande réparation.
Dans ses dernières conclusions, le ministère public s'en rapporte.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
Il résulte de l'extrait kbis versé au débat que la liquidation judiciaire simplifiée de la SAS Hader a donné lieu à un jugement de clôture pour insuffisance d'actif rendu le 25 septembre 2023 par le tribunal de commerce d'Avignon.
La SAS Hader n'ayant plus de dirigeant susceptible de la représenter et le mandataire liquidateur ayant cessé sa mission, il convient de l'inviter à régulariser la procédure en faisant désigner par la juridiction compétente un mandataire ad hoc pour poursuivre l'instance en cours.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Invite la SAS Hader, appelante, à se faire désigner un mandataire ad hoc, pour poursuivre la procédure d'appel en cours,
Dit que l'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 4 décembre 2025 à 9 heures 30 pour justification des diligences accomplies par l'appelante, sous peine de radiation,
Réserve les demandes des parties et les dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,