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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 7 octobre 2025, n° 23/08819

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/08819

7 octobre 2025

N° RG 23/08819 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PKBY

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 09 novembre 2023

RG : 19/00495

ch n°9 cab 09 F

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 07 Octobre 2025

APPELANTE ET INTIMEE :

Mme [M] [Z]

née le 23 Août 1951 à [Localité 11] (42)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Yves HARTEMANN de la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, toque : 480

INTIMEE ET APPELANTE :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la compagnie AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Catherine TERESZKO de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 572

INTIMES :

M. [S] [G]

né le 07 Juillet 1949 à [Localité 12] (69)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON,avocat postulant toque : 1106

ayant pour avocat plaidant Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE représentée par Me [A] [V], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'ATELIER DES MOISSONNIERS

[Adresse 2]

[Localité 7]

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Juin 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Juin 2025

Date de mise à disposition : 07 Octobre 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] exerçait en son nom personnel, sous l'enseigne commerciale « Atelier des moissonniers » une activité de vente et de restauration de véhicules anciens.

M. [G] a acquis auprès d'elle un véhicule Mercedes Pagode 250 SL le 5 août 2013 et lui en a confié la restauration.

Le 14 février 2014, Mme [Z] a vendu son fonds de commerce à la société L'Atelier des moissonniers, [10] nouvellement créée et gérée par M. [P] (la société L'Atelier)

Tant Mme [Z] que la société L'Atelier étaient assurées pour leur activité civile professionnelle auprès de la SA Aviva assurances devenue la SA Abeille iard & santé (l'assureur).

Se plaignant de la longueur et du coût des travaux sur le véhicule, M. [G] l'a récupéré et a fait dresser un constat d'huissier de justice le 10 juin 2016.

Le même jour, un procès-verbal d'accord a été signé entre M. [G] et la société L'Atelier, celui-ci mentionnant « si vous avez décidé de ne pas ramener votre véhicule pour effectuer les travaux mentionnés, vous acceptez de fait de me dégager de toute responsabilité et de ma garantie d'obligation de résultat sur votre véhicule ».

Saisi par M. [G], le juge des référés, par ordonnance du 3 mai 2017, a ordonné une expertise du véhicule.

Le 4 octobre 2017, la société L'Atelier a été placée en liquidation judiciaire. M. [G] a déclaré sa créance au passif de la société.

Le 7 septembre 2018, M. [E], expert en automobile désigné en référé, a déposé son rapport définitif.

Par acte du 3 janvier 2019, M. [G] a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon la SELARL MJ synergie, prise en la personne de M. [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société L'Atelier, principalement aux fins de le voir solidairement tenu avec Mme [Z] à l'indemnisation des préjudices qu'il considère avoir subis.

Par acte distinct, M. [G] a assigné l'assureur devant le tribunal judiciaire de Lyon, principalement aux fins d'engager sa garantie afférente aux différents préjudices subis.

Par acte délivré le même jour, M. [G] a également fait assigner Mme [Z].

Le liquidateur n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation formée par Mme [Z],

- rejeté les demandes d'annulation du rapport d'expertise et d'organisation d'une contre-expertise formées par Mme [Z],

- condamné Mme [Z] à verser à M. [G] les sommes suivantes :

- 54.557,04 euros à titre de restitution pour les sommes versées en sus des devis,

- 83.762,71 euros, au titre des réparations nécessaires,

- 3.420,98 euros à titre de restitution pour les sommes objets de doubles facturations.

- 8.900 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance,

- 1.500 euros à titre de préjudice moral,

- dit que Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société L'Atelier, est solidairement tenu avec Mme [Z] au versement desdites sommes, et a ordonné en conséquence leur fixation au passif de la liquidation de la société L'Atelier,

- condamné la société Abeille à garantir Mme [Z] sur les postes de préjudices suivants:

- 83.762,71 euros, au titre des réparations nécessaires,

- 8.900 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance à compter du 10 juin 2016,

- 1.500 euros à titre de préjudice moral,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum Mme [Z] et la société Abeille à supporter les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné Mme [Z] à verser à M. [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Abeille à verser à M. [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 24 novembre 2023, Mme [Z] a interjeté appel. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG23/8819.

Par déclaration du 29 novembre 2023, la société Abeille a interjeté appel. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG23/8920.

Par ordonnance du 19 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N° RG 23/08920 et 23/08819 sous le numéro 23/08819.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 2 février 2024, Mme [Z] demande à la cour de :

- infirmer la décision du tribunal judiciaire de Lyon du 9 novembre 2023,

In limine litis,

- prononcer l'annulation de l'expertise,

- ordonner une contre-expertise, confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec la mission suivante :

1- Prendre connaissance des documents utiles remis par les parties,

2- Procéder à l'examen du véhicule Mercedes Pagode 250SL immatriculé [Immatriculation 5],

3- Déterminer la situation administrative du véhicule,

4- Donner tous les éléments sur la mission contractuelle confiée à l'entreprise individuelle L'Atelier des moissonniers et établir le rôle des différents intervenants,

5- Décrire les travaux réalisés par l'entreprise individuelle L'Atelier des moissonniers et par la société L'Atelier des moissonniers et dire s'ils ont été conformes aux règles de l'art,

6- Examiner les pièces mécaniques et de carrosserie facturées et les justificatifs y afférent et contrôler les pièces posées sur le véhicule,

7- Dire si le véhicule peut être mis en circulation,

8- Déterminer et préciser tous les désordres, non finitions et non conformités,

9- Détailler et chiffrer les travaux de remise en état,

10- Dresser un bilan comptable de l'opération,

11- Faire toutes les observations sur le coût final de l'opération, au regard notamment des données fondant le devis soumis à M. [G],

12- Examiner les factures établies par les deux entreprises L'Atelier des moissonniers et faire toutes les observations utiles sur leur réalité et sur leur opportunité,

13- Reconstituer le calendrier des opérations et donner son avis sur les délais d'exécution,

14- Faires toutes les observations utiles sur les manquements des deux entreprises successives L'Atelier des moissonniers,

15- Evaluer et chiffer tous les préjudices subis,

16- Faire toutes observations utiles.

A titre principal,

- rejeter toutes les demandes à son encontre comme étant irrecevables,

Subsidiairement,

- débouter M. [G] des demandes à son encontre,

Très subsidiairement,

- dire que toute condamnation éventuelle à son encontre sera garantie par la société Abeille,

- condamner M. [G] à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP Hartemann et Palazzolo avocat sur son affirmation de droit.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 27 mai 2025, la société Abeille demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par la 9ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon le 9 novembre 2023, en ce qu'il :

- l'a condamnée à garantir Mme [Z] des postes de préjudices suivants :

- 83.762,71 euros au titre des réparations nécessaires,

- 8.900 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance à compter du 10 juin 2016,

- 1.500 euros à titre de préjudice moral,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- l'a condamnée in solidum avec Mme [Z] à supporter les dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise,

- l'a condamnée à verser à M. [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- juger que les préjudices allégués par M. [G] n'entrent pas dans les garanties contractuelles de la concluante,

En conséquence,

- débouter M. [G] ainsi que Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de Mme [Z] et de la société L'Atelier,

- rejeter toute autre demande plus ample ou contraire qui serait formée à son encontre,

- condamner M. [G] ou qui mieux le devra à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même ou qui mieux le devra aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Catherine Tereszko, de la SELARL Ascalone avocats, sur son affirmation de droit et conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 13 mai 2025, M. [G] demande à la cour de :

- débouter Mme [Z] et la société Abeille de leurs appels principaux respectifs,

- déclarer bien-fondé son appel incident,

- réformer le jugement rendu le 9 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il:

- a limité la condamnation de Mme [Z] à lui verser les sommes de :

- 8.900 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance,

- 1.500 euros à titre de préjudice moral,

- a limité la condamnation de la société Abeille à garantir Mme [Z] sur les postes de préjudices suivants :

- 8.900 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance,

- 1.500 euros à titre de préjudice moral,

- l'a débouté du surplus de ses demandes :

- a condamné Mme [Z] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société Abeille à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs, et le confirmer pour le surplus, et y ajoutant:

- condamner Mme [Z] à lui verser les sommes suivantes :

- 54.557,04 euros à titre de restitution pour les sommes versées en sus des devis,

- 83.762,71 euros, montant des réparations nécessaires, à titre de dommages et intérêts,

- 3.420,98 euros à titre de restitution pour les sommes objets de doubles facturations,

- 20.500 euros à titre de dommages et intérêts pour les pertes de jouissance avant livraison,

- 66.000 euros à titre de dommages et intérêt au titre des pertes de jouissance postérieures à la livraison, sauf à parfaire,

- 5.000 à titre de préjudice moral,

- 8.009,42 euros au titre des frais induits par les opérations d'expertise,

- dire la SELARL MJ Synergie représentée par Me [A] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société L'Atelier solidairement tenu avec Mme [Z] au versement desdites sommes, et ordonner en conséquence leur fixation au passif de la société L'Atelier,

- dire que la société Abeille devra sa garantie sur les postes de préjudice suivants :

- 83.762,71 euros, montant des réparations nécessaires, à titre de dommages et intérêts,

- 78.000 euros à titre de dommages et intérêt au titre des pertes de jouissance postérieures à la livraison, sauf à parfaire,

- 6.000 euros à titre de préjudice moral,

- 8.009,42 euros au titre des frais induits par le litige et les opérations d'expertise,

- en tant que de besoin, condamner la société Abeille in solidum avec Mme [Z], au versement des sommes considérées au profit de M. [G],

- débouter la société Abeille et Mme [Z] de toutes leurs demandes contraires,

- condamner Mme [Z] et la société Abeille, in solidum, au versement à M. [G] de la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

- les condamner in solidum aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise (12.819,21 euros), ainsi que les dépens des procédures de référé ayant donné lieu aux ordonnances des 3 mai 2017 et 5 février 2018.

Le liquidateur, à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne par acte du 15 janvier 2024, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la nullité du rapport d'expertise et la demande de contre expertise

Mme [Z] fait notamment valoir que:

- l'expert n'a pas accompli sa mission avec objectivité et impartialité,

- alors que la facture mentionne un véhicule Mercedes à restaurer pour la somme de 42.000 euros, l'expert maintient contre son avis que la valeur du véhicule est de 12.000 euros et que la différence de 30.000 euros était une avance sur la restauration,

- l'expert indique de façon fallacieuse que la facture est un faux,

- l'expert affirme que les travaux de reprise s'élèvent à 83.762,71 euros alors que le véhicule était en parfait état, ce qui démontre sa partialité,

- l'expert donne un avis juridique, ce qu'il n'a pas droit de faire et donne une appréciation subjective de l'attitude de M. [G],

- il affirme sans justification qu'une somme de 30.000 euros correspond à des travaux de restauration non déclarés.

M. [G] fait notamment valoir qu'il n'y a pas de défaut d'impartialité mais une divergence d'appréciation entre l'expert et Mme [Z].

Réponse de la cour

Pour demander l'annulation de l'expertise et qu'il en soit ordonné une nouvelle, Mme [Z] soumet à la cour les mêmes moyens et prétentions que ceux soumis à l'appréciation des premiers juges qui y ont répondu par des motifs pertinents et détaillés que la cour fait siens.

Il est ajouté qu'ainsi qu'il est soutenu par M. [G], le défaut d'impartialité dont se prévaut Mme [Z] est en réalité une divergence d'appréciation entre elle et l'expert, qui n'a pas suivi son avis.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement de ce chef.

2. Sur la responsabilité de Mme [Z] et de la société l'Atelier des moissonniers

Mme [Z] fait notamment valoir que:

- il doit être démontré qu'entre le 5 août 2013, date de la vente du véhicule et le 14 février 2014, date de la cession de son fonds de commerce ayant entraîné la cession de la clientèle, elle a commis une faute contractuelle,

- M. [G] ayant acquitté les factures émises par la société L'Atelier et s'étant adressé au gérant de la société, il a donné son accord à la cession de son contrat,

- le seul contrat passé entre M [G] et elle concerne le devis de restauration du 5 août 2013, concernant la main d'oeuvre de 40.000 euros et les pièces détachées à hauteur de 25.000 euros, soit 65.000 euros HT et 78.000 euros TTC,

- sur ce devis, M. [G] a payé 48.298,04 euros,

- le contrat ne concerne donc pas l'intégralité des factures et notamment pas le montant supplémentaire de 54.557 euros par rapport au devis initial, ainsi que les travaux de reprise de 83.762 euros, ni la double facturation,

- les factures postérieures émanent de la société L'Atelier,

- entre le 5 août 2013 et le 14 février 2014, aucune inexécution ne peut lui être reprochée,

- M. [G] a signé un procès-verbal transactionnel aux termes duquel il renonce à engager la responsabilité de la société L'Atelier, raison pour laquelle il recherche sa responsabilité,

- elle peut se prévaloir de cette transaction,

- en tout état de cause, l'avance sur restauration de 30.000 euros retenue par l'expert n'existe pas, seule la somme de 23.920 euros ayant été perçue au titre de la main d'oeuvre, laquelle correspond à des travaux réalisés, seule le garniture isolante plancher de capote, qui a été facturée, n'a pas été réalisée,

- les autres travaux facturés à compter de février 2014 ne la concernent pas.

M. [G] fait notamment valoir que:

- le dépassement de devis doit être fixé à la somme de 54.557,04 euros et la double facturation à hauteur de 3.420,98 euros, ainsi que l'a constaté l'expert,

- les travaux de reprise s'élèvent à la somme de 83.762,71 euros,

- son préjudice de jouissance sur une durée de 6 années s'élève à la somme de 78.000 euros sur la base d'une indemnité mensuelle de 1.000 euros proposée par l'expert, outre la somme de 20.500 euros, correspondant au temps de livraison du véhicule,

- il a exposé des frais de 8.009,42 euros correspondant à des frais d'huissier de justice et des frais techniques,

- il a acquis le véhicule il y a 12 ans et doit faire face à des frais considérables, de sorte qu'il subit un préjudice moral qui doit être évalué à 6.000 euros,

- Mme [Z] est responsable de l'ensemble de ses préjudices, puisqu'il n'a contracté qu'avec elle, ainsi qu'il résulte des stipulations du devis,

- le contrat de cession de fonds de commerce ne visait pas son contrat,

- il n'a en outre jamais donné son consentement à cette cession, qu'il ne pouvait déceler,

- le fait que Mme [Z] ait fait exécuter le contrat par un tiers engage sa responsabilité contractuelle,

- le procès-verbal d'accord ne vaut pas validation d'une cession de contrat et Mme [Z], qui n'est pas mentionnée ne peut prétendre être dégagée de sa responsabilité,

- la responsabilité de la société L'Atelier n'est dégagée que pour des éléments ponctuels (géométrie, moteur, essais de vérification mécanique) alors que les désordres vont au-delà,

- ce document n'a pas valeur de transaction,

- la société L'Atelier, qui a exécuté les travaux, engage sa responsabilité, dans les mêmes termes que Mme [Z].

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, ont retenu que:

- si la cession du fonds de commerce de Mme [Z] à la société L'atelier des moissonniers entraîne la cession de la clientèle, elle n'entraîne pas pour autant la cession des contrats en cours en l'absence de stipulation expresse en ce sens,

- la cession du contrat de M. [G] n'est pas démontrée,

- le document daté du 10 juin 2016 aux termes duquel M. [G] a exonéré la responsabilité de la société L'atelier des moissonniers ne concerne pas Mme [Z] qui ne l'a en outre pas signé,

- Mme [Z] est dès lors responsable des préjudices invoqués par M. [G] consécutivement aux travaux et réparations réalisés sur le véhicule de ce dernier.

La cour ajoute que la SELARL MJ synergie, prise en la personne de M. [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société L'Atelier n'a pas constitué avocat dans le cadre de la présente instance, de sorte que la responsabilité la société, retenue dans le jugement, ne peut pas être remise en cause à l'occasion de la présente instance.

Au terme d'un examen approfondi du rapport d'expertise et des pièces justificatives versées aux débats, le premier juge a justement fixé l'indemnisation de M. [G] à hauteur des sommes de :

- 54.557,04 euros au titre des sommes versées en sus des devis,

- 83.762,71 euros au titre des réparations nécessaires,

- 3.420,98 euros au titre des sommes objets de doubles facturations,

- 8.900 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de jouissance,

- 1.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Z] à verser ces sommes à M. [G] et dit que la SELARL MJ synergie, prise en la personne de M. [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société L'Atelier, est solidairement tenu au versement de ces sommes et a ordonné en conséquence leur fixation au passif de la liquidation de la société.

3. Sur la garantie de l'assureur

L'assureur fait notamment valoir que:

- les contrats d'assurance responsabilité civile professionnelle souscrits ne garantissent pas les dommages causés par l'activité des professionnels aux biens confiés,

- il ne prend en charge que les conséquences d'un dommage causé aux véhicules confiés, mais pas la mauvaise exécution des prestations,

- il ne garantit que les conséquences d'un dommage causé au véhicule,

- le véhicule a été confié à Mme [Z] pour restauration à l'état d'épave,

- le véhicule n'a pas été détérioré mais amélioré par les travaux, de sorte qu'il n'existe pas de dommage matériel au sens du contrat,

- la clause garantissant les dommages matériels ne permet pas de couvrir le travail mal fait,

- il ne peut garantir la condamnation de Mme [Z] au titre de la restitution des sommes versées en sus des devis et les doubles facturations alors que cela ne concerne pas le dommage matériel garanti,

- M. [G] est venu récupérer son véhicule par choix personnel, avant que les réparations ne soient terminées, de sorte qu'il n'y a pas eu de livraison, ce qui exclut qu'il garantisse les dommages survenus avant et après livraison,

- les pertes de jouissance et préjudice moral ne peuvent pas donner lieu à garantie puisqu'ils supposent qu'ils résultent d'un dommage matériel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mme [Z] fait notamment valoir que:

- en application du contrat Vulcain qu'elle a signé, les dommages causés aux biens confiés, ainsi qu'une responsabilité civile de fonctionnement sont pris en charge,

- ce qu'il lui est reproché ne concerne pas la vente du véhicule mais sa restauration,

- l'exclusion de garantie dommages survenus après livraison ne s'applique pas car il s'agit de demandes de réparations sur les travaux qui ont été réalisés.

M. [G] fait notamment valoir que:

- la police d'assurance couvre Mme [Z] et la société L'Atelier pour les dommages causés par leur activité au titre des biens qui leur sont confiés, au titre de la garantie « Dommages causés par votre activité, dommages causés aux biens confiés »,

- les exclusions invoquées par l'assureur ne s'appliquent pas,

- l'activité de restauration est expressément garantie,

- l'existence de dommages subis par le véhicule n'est pas contestable.

Réponse de la cour

Selon les conditions générales et particulières de la police d'assurance de responsabilité civile souscrite entre les parties, paragraphe IV intitulé « Dommages causés par votre activité », partie A, « Dommages causés aux biens confiés » stipule:

« Nous garantissons les conséquences pécuniaires de votre responsabilité civile lorsqu'elle résulte:

de dommages matériels de toute nature subis par les véhicules qui vous sont confiés, y compris leur contenu, leurs accessoires, les aménagements et leurs équipements,

de dommages matériels subis par les pièces, le matériel et les organes qui vous sont confiés en raison de vos fonctions,

de dommages immatériels consécutifs à ces dommages matériels ».

Les dommages matériels sont définis dans le contrat comme « toute détérioration, destruction, altération, perte ou disparition d'une chose ou substance ».

En l'espèce, le véhicule a été confié à Mme [Z] pour restauration et il lui est reproché de ne pas avoir réalisé l'intégralité des travaux commandés ou de ne pas les avoir réalisés conformément aux règles de l'art, ce qui a été précédemment reconnu.

Néanmoins, il n'est pas démontré que le véhicule a été détérioré, détruit ou altéré au regard de son état antérieur.

Il est ajouté que le paragraphe IV, partie B, 5b) stipule que n'est pas garanti le coût de remboursement, de réparation, de remplacement ou de réfection des produits vendus ou des travaux (pièces et main d'oeuvre) à l'origine des dommages.

Or, en l'espèce, les demandes sont relatives au remboursement des travaux et à la réfection du véhicule vendu suite aux travaux commandés, ce qui est exclu de la garantie.

Dès lors, la garantie dommages matériels de l'assureur ne peut être mobilisée au titre des réparations nécessaires.

De même, la restitution des sommes versées en sus des devis et des sommes objet de double facturation n'entre pas dans la définition du dommage matériel.

Enfin, la garantie dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel est définie par le contrat comme « la conséquence de dommages corporels ou matériels garantis ou non garantis », ce qui suppose que le dommage immatériel garanti résulte d'un dommage matériel.

Le paragraphe IV-F f) du contrat d'assurance, relatif aux exclusions de responsabilité stipule que ne sont pas garantis « les dommages immatériels non consécutifs à un dommage corporel ou matériel (sauf en ce qui concerne l'activité du contrôle technique) ».

Or, ainsi qu'il a été précédemment retenu, les préjudices de perte de jouissance et moral subis par M. [G] ne résultent pas d'un préjudice matériel, de sorte que l'assureur ne peut être tenu à garantie de ces chefs. Il en est de même des frais d'huissier de justice et des frais d'expertise.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à garantir Mme [Z] au titre des réparations nécessaires, des pertes de jouissance et du préjudice moral, ainsi qu'aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise et de débouter M. [G] et Mme [Z] de l'ensemble des demandes formées à son encontre.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [G] et condamne Mme [Z] à lui payer la somme de 3.000 euros à ce titre.

De même la cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'assureur et condamne M. [G] à lui payer la somme de 1.500 euros à ce titre.

Les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise sont à la charge de Mme [Z].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il:

- condamne la société Abeille Iard et santé à garantir Mme [Z],

- condamne in solidum Mme [Z] et la société Abeille Iard et santé à supporter les dépens de l'instance,

- condamne la société Abeille Iard et santéà verser à M. [G] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [G] et Mme [Z] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la société Abeille Iard et santé,

Condamne Mme [Z] à payer à M. [G], la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M [G] à payer à la société Abeille Iard et santé, la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Mme [Z] aux dépens de première instance et d'appel, en ce y compris les frais d'expertise, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, La Présidente,

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