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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 7, 18 septembre 2025, n° 22/02140

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/02140

18 septembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGFF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F21/01281

APPELANTE

Madame [V] [X] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

INTIMÉES

S.A.S. ETANE

[Adresse 1]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat

S.A.R.L. NADA PRESTIGE

[Adresse 3]

[Localité 5]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mr Laurent ROULAUD, conseiller , chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Stéphanie ALA, présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame Estelle KOFFI

ARRÊT :

- PAR DEFAUT

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon l'extrait K-Bis versé aux débats, la société par actions simplifiée Etane, présidée par M. [Z] [D], avait pour activité la vente au détail d'articles d'alimentation générale, ainsi que de tous articles en vente dans les magasins populaires. Son siège est situé au [Adresse 1]. Elle a fait l'objet d'une radiation d'office du registre du commerce et des sociétés le 16 juin 2022 en raison d'une cessation d'activité le 14 mars 2022. Il n'est nullement fait état d'une liquidation de cette société.

Selon l'extrait K-Bis produit, la société à responsabilité limitée Nada Prestige, ayant pour gérant M. [Z] [D], a pour activité le commerce de gros alimentaire dans le cadre de supermarchés, d'intermarchés ou de supérettes. Son siège est situé au [Adresse 1]. Elle a fait l'objet d'une radiation d'office du registre du commerce et des sociétés le 19 mai 2022 en raison d'une cessation d'activité le 14 février 2022. Il n'est nullement fait état d'une liquidation de cette société.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 6 juin 2012, Mme [V] [X] épouse [M] a été engagée par la société Etane en qualité d'employée de service.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

La société Etane a, par courrier du 27 mai 2019, informé Mme [M] qu'elle bénéficiait d'un congé parental du 4 juin 2019 au 3 juin 2020.

Mme [M] expose qu'elle n'a plus été destinataire de ses bulletins de paye à compter du mois d'avril 2020. Elle soutient que le fonds de commerce de la société Etane a été cédé à la société Nada Prestige le 1er avril 2020 sans qu'elle en soit informée.

Par courrier du 13 mai 2020, Mme [M] a informé la société Etane qu'elle souhaitait reprendre son poste le lendemain du terme de son congé parental, soit le 4 juin 2020.

N'obtenant pas de réponse de l'employeur, la salariée a réitéré sa demande par courrier à plusieurs reprises.

Soutenant que le silence gardé par la société Etane s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 12 février 2021 afin que les sociétés Etane et Nada Prestige soient condamnées in solidum à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement réputé contradictoire du 21 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- Condamné in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à verser à Mme [M] les sommes suivantes :

* 7.498,57 euros de rappel de salaire pour la période du 4 juin au 23 octobre 2020,

* 749,85 euros de congés payés afférents,

* 4.818,54 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.212,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 312,23 euros de congés payés afférents,

* 3.421,53 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.606,18 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné aux sociétés Etane et Nada Prestige de remettre à Mme [M] les documents sociaux et les bulletins de paye d'avril 2020 à octobre 2020 conformes au jugement,

- Rappelé l'exécution provisoire de droit en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois, établie en l'espèce à la somme de 1.606,18 euros,

- Ordonné aux sociétés Etane et Nada Prestige en application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [M] dans la limite d'un mois,

- Débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,

- Condamné in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane aux entiers dépens.

Par lettres recommandées du 29 décembre 2021, le jugement a été notifié aux parties.

S'agissant des sociétés Nada Prestige et Etane, cette lettre est revenue avec la mention 'non distribution, destinataire inconnu à cette adresse', bien qu'elle ait été expédiée à l'adresse de leur siège social.

S'agissant de la salariée, celle-ci a accusé réception de la lettre le 13 janvier 2022.

Le 10 février 2022, Mme [M] a partiellement interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions transmises par la voie électronique le 31 mars 2022, Mme [M] demande à la cour de :

- Ordonner la jonction des deux appels formés par elle sous les numéros RG 22/02141 et RG 22/02141),

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappels de 'salaire maintien maladie', de ses demandes pécuniaires pour paiement tardif du salaire et dissimulation d'emploi salarié et de sa demande d'intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

Et, statuant à nouveau,

- Condamner in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à lui verser les sommes suivantes :

* 'maintien de salaires maladie' : 2.330,46 euros,

* congés payés afférents : 230,04 euros,

* dommages-intérêts pour paiement tardif du salaire : 500 euros,

* dommages-intérêts pour dissimulation d'emploi salarié : 9.637 euros,

avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter des citations par huissier de justice du 1er juin 2021,

- Réformer le jugement sur le quantum du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau,

- Condamner in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à lui verser la somme de 9.637 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Lui allouer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,

- Condamner les sociétés Etane et Nada Prestige aux dépens.

Les sociétés Etane et Nada Prestige, auxquelles ont été signifiées le 5 avril 2022 les conclusions du 31 mars 2022 précitées et la déclaration d'appel selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas constitué avocat et n'ont pas conclu.

Par ordonnance du 12 février 2024, le conseiller de la mise en état a joint les procédures inscrites au rôle sous les numéros RG 22/02140 et RG 22/02141 et dit qu'elles se poursuivront sous le numéro 22/02140.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 24 mars 2025, Mme [M] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappels de 'salaire maintien maladie', de ses demandes pécuniaires pour paiement tardif du salaire et dissimulation d'emploi salarié et de sa demande d'intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

Et, statuant à nouveau,

- Condamner in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à lui verser les sommes suivantes :

* 'maintien de salaires maladie' : 2.330,46 euros,

* congés payés afférents : 230,04 euros,

* dommages-intérêts pour paiement tardif du salaire : 500 euros,

* dommages-intérêts pour dissimulation d'emploi salarié : 9.637 euros,

avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter des citations par huissier de justice du 1er juin 2021,

- Réformer le jugement sur le quantum du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau,

- Condamner in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à lui verser la somme de 16.187 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Lui allouer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,

- Condamner les sociétés Etane et Nada Prestige aux dépens.

Pour un exposé des moyens, faits et prétentions de la salariée, la cour se réfère expressément à ses conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 26 mars 2025.

MOTIFS :

Sur l'étendue du litige :

Au préalable, il est rappelé qu'aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

La salariée ne réclame pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

- Condamné in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane à lui verser les sommes suivantes :

* 7.498,57 euros de rappel de salaire pour la période du 4 juin au 23 octobre 2020,

* 749,85 euros de congés payés afférents,

* 3.212,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 312,23 euros de congés payés afférents,

* 3.421,53 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.606,18 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné aux sociétés Etane et Nada Prestige de lui remettre les documents sociaux et les bulletins de paye d'avril 2020 à octobre 2020 conformes au jugement,

- Rappelé l'exécution provisoire de droit en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois, établie en l'espèce à la somme de 1.606,18 euros,

- Ordonné aux sociétés Etane et Nada Prestige en application de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par elle dans la limite d'un mois,

- Condamné in solidum les sociétés Nada Prestige et Etane aux entiers dépens.

Le jugement est donc définitif de ces chefs.

La cour constate que la salariée réclame l'infirmation du jugement :

- sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes pécuniaires au titre du paiement tardif du salaire, du complément de salaire durant l'arrêt maladie et de la dissimulation d'emploi salarié,

- en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de l'intérêt légal et de la capitalisation des intérêts.

Par suite, le jugement est définitif en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Etane et Nada Prestige à verser à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Seule la détermination du quantum de cette indemnité entre dans le débat d'appel.

Sur la demande indemnitaire pour paiement tardif du salaire :

Il est rappelé que l'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans la partie discussion de ses dernières écritures, la salariée réclame que les sociétés Nada Prestige et Etane soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 500 euros de dommages-intérêts pour paiement tardif du salaire.

La cour constate que la salariée ne produit aucun argumentaire à cette fin dans la partie discussion de ses écritures.

Par suite, elle sera déboutée de sa demande pécuniaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la demande indemnitaire pour travail dissimulé :

Mme [M] réclame que les sociétés Nada Prestige et Etane soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 9.637 euros de dommages-intérêts aux motifs que l'employeur ne lui a pas délivré ses bulletins de paye pour la période de juin à octobre 2020.

Le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de cette demande au motif que l'élément intentionnel n'était pas établi.

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il mentionne sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que l'employeur a délivré à la salariée ses bulletins de paye pour les mois de juin à octobre 2020. Toutefois, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, ce seul fait ne peut suffire à établir l'élément intentionnel requis par les textes précités.

Par suite, la salariée sera déboutée de sa demande pécuniaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le complément de salaire durant l'arrêt maladie :

* Sur la créance :

Mme [M] expose que :

- elle a été engagée le 6 juin 2012

- elle a été en arrêt maladie du 22 novembre au 31 décembre 2017, du 1er au 31 janvier 2018, du 8 mars au 2 avril 2018 et du 13 mai au 19 décembre 2018,

- elle avait atteint cinq ans d'ancienneté au cours de ces périodes d'arrêt maladie et qu'elle devait donc bénéficier en application de l'article 6.1 de la convention collective d'un maintien de salaire à hauteur de 90 % pendant les cinquante premiers jours d'arrêt maladie et de 66,66 % pendant les quarante jours suivants.

Elle expose avoir bénéficié de la somme de 2.278,80 d'indemnités journalières de la part de l'Assurance maladie du Val d'Oise alors qu'elle aurait dû percevoir la somme totale de 4.609,26 euros au titre de ses jours d'arrêt maladie, de sorte que l'employeur reste lui devoir la somme de 2.330,46 euros (4.609,26-2.278,80) sur la base d'un salaire de référence brut de 1.536,42 euros.

Elle produit à cette fin l'attestation des indemnités journalières qui lui ont été versées par l'Assurance maladie au cours des périodes d'arrêt maladie dont elle fait état.

Le conseil de prud'hommes a débouté la salariée de cette demande selon la motivation suivante : 'Mme [V] [X] épouse [M] verse aux débats les relevés des versements de l'Assurance maladie, qui montrent que tous les jours en arrêt maladie n'avaient pas à être indemnisés en raison de la carence et que d'autres sont soumis au régime de l'arrêt longue durée. De plus, Mme [V] [X] ne verse pas aux débats d'autres éléments, comme un relevé de compte bancaire, qui pourrait démontrer qu'elle n'a pas reçu la totalité de la somme due. Mme [V] [X] épouse [M], échouant ainsi dans la démonstration du bien-fondé de ces demandes, en sera déboutée'.

L'article 6.1 de la convention collective dispose que tout salarié ayant une année d'ancienneté auprès d'un employeur relevant de la présente convention bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constatés par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnisation complémentaire à l'indemnité journalière de la sécurité sociale dans les conditions prévues dans le tableau ci-dessous, à condition :

' d'avoir justifié dans les 2 jours ouvrables de cette incapacité ;

' d'être pris en charge par la sécurité sociale ;

' d'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres États membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres États partie à l'accord sur l'espace économique européen.

L'article 6.1 de la convention collective précise que pour une ancienneté de cinq ans, l'indemnisation est égale à 90 % du salaire brut moyen des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail à l'exclusion des primes présentant un caractère exceptionnel et des gratifications, et sous déduction des indemnités journalières brutes versées par la sécurité sociale.

Ainsi, alors qu'elle disposait d'une ancienneté de cinq ans acquise le 6 juin 2017, la salariée peut prétendre à un maintien de son salaire à hauteur de :

- 90 % à compter du 22 novembre 2017 et pour une période de 50 jours s'achevant le 11 janvier 2018,

- 66,66% à compter du 12 janvier et pour une période de 40 jours s'achevant fin mars 2018.

Au vu des bulletins de salaire produits et des indemnités journalières versées, l'employeur devait verser à la salariée la somme de 2.330,46 euros bruts à titre de complément de salaire.

Selon l'article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Selon l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire notamment par la production de pièces comptables.

Il n'est nullement justifié que l'employeur a versé à la salariée le complément de salaire susmentionné.

Par suite, Mme [M] peut utilement réclamer la somme de 2.330,46 euros bruts à ce dernier outre, comme elle le sollicite la somme de 230,04 euros bruts de congés payés afférents.

* Sur la condamnation in solidum des sociétés Nada Prestige et Etane :

Il ressort des éléments contractuels versés aux débats que l'employeur de Mme [M] est la société Etane.

Mme [M] soutient que la société Nada Prestige doit être condamnée in solidum avec la société Etane à lui verser le complément de salaire susmentionné au motif qu'il y a eu 'modification dans la situation juridique de l'employeur à partir du 1er avril 2020" dans la mesure où le fonds de commerce de la société Etane aurait été cédé à la société Nada Prestige.

Afin de justifier de cette cession de fonds de commerce et du transfert de son contrat de travail à la société Nada Prestige, Mme [M] se réfère exclusivement à la situation de son collègue M. [N] recruté comme elle en 2012 par la société Etane.

Elle expose ainsi que la société Nada Prestige s'était substituée à la société Etane comme émetteur des bulletins de paye de M. [N] à compter du mois d'avril 2020 et que les documents de fin de contrat de ce dernier avaient été signés par la société Nada Prestige et non par la société Etane.

Cependant ces éléments ne peuvent suffire à établir la cession de fonds de commerce alléguée et ce, d'autant que :

- d'une part, le conseil de prud'hommes ne retient pas la réalité de cette cession et l'existence d'un transfert du contrat de travail,

- d'autre part, les extraits K bis des deux sociétés concernées versés aux débats n'en font pas état.

De même, il ne peut se déduire des seules mentions apposées sur les documents sociaux concernant M. [N] que le contrat de travail de Mme [M] a été transféré à la société Nada Prestige.

Enfin, s'il est vrai que le conseil de prud'hommes a condamné in solidum les sociétés Etane et Nada Prestige à verser des indemnités de rupture et des rappels de salaire à la salariée, c'est au seul motif que sur les 'extraits K bis des entreprises, le gérant et le président sont la même personne et que donc en aucun cas celui-ci ne pouvait ignorer la présence de Mme [V] [X] dans les effectifs'.

Or, s'il est vrai que les sociétés Etane et Nada Prestige ont un même dirigeant, ce seul fait ne peut suffire à condamner in solidum ces personnes morales distinctes au titre d'une dette salariale qui incombe au seul employeur désigné par les éléments contractuels produits concernant la salariée, à savoir la société Etane.

Il se déduit de ce qui précède que seule la société Etane sera condamnée à verser à Mme [M] la somme de 2.330,46 euros bruts à titre de complément de salaire, outre la somme de 230,04 euros bruts de congés payés afférents.

La salariée sera donc déboutée de sa demande pécuniaire à l'égard de la société Nada Prestige.

Le jugement sera infirmé en conséquence sur ce point.

Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En premier lieu, Mme [M] soutient dans ses écritures que les sociétés Etane et Nada Prestige employaient à titre habituel plus de dix salariés, ce qui n'est contredit par aucun élément versé aux débats. Par suite, il sera considéré que l'effectif de ces deux entreprises dépassait ce seuil de dix salariés.

En deuxième lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que le conseil de prud'hommes a considéré que la rupture survenue le 23 octobre 2020 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En troisième lieu, la cour rappelle que Mme [M] demande à la cour de reformer le jugement sur le quantum de la somme allouée au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes ayant accordé une indemnité d'un montant de 4.818,54 euros et la salariée réclamant à ce titre une indemnité d'un montant de 16.187 euros.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

En application de ces dispositions, la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.

La salariée bénéficiant d'une ancienneté de huit années au moment de la rupture, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être comprise entre trois et huit mois de salaire.

Comme le soutient la salariée (conclusions p.7), son salaire mensuel moyen brut doit être fixé à la somme de 1.536,42 euros eu égard aux bulletins de paye versés aux débats.

Eu égard à son âge, à son ancienneté, à son salaire et en l'absence d'éléments produits concernant sa situation personnelle postérieure à la rupture, il lui sera alloué la somme de 6.000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des développements précédents, les sociétés Etane et Nada Prestige seront condamnées à verser in solidum cette somme à la salariée.

Le jugement sera infirmé en conséquence sur le quantum.

Sur les demandes accessoires :

La société Etane qui succombe partiellement est seule condamnée aux dépens d'appel et à verser à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il ressort des développements précédents que la cour a alloué à la salariée une créance de nature salariale, à savoir le complément de salaire. Il est rappelé que les créances de nature salariale portent intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes. Il ressort des mentions du jugement attaqué que cette convocation a été signifiée le 1er juin 2021 à la société Etane par remise à étude d'huissier de justice. Par suite, la salariée peut utilement réclamer que sa créance salariale porte intérêts légaux à compter de cette date.

En revanche, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, cette créance de nature indemnitaire porte intérêt à compter de la décision qui la prononce.

Il sera fait droit à la demande d'anatocisme de la salariée. Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt par défaut en dernier ressort et dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Mme [V] [X] épouse [M] de sa demande de paiement d'un complément de salaire formée à l'encontre de la société Etane,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Etane à verser à Mme [V] [X] épouse [M] les sommes suivantes :

- 2.330,46 euros bruts à titre de complément de salaire,

- 230,04 euros bruts de congés payés afférents,

- 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

DIT que la créance de complément de salaire portera intérêts à compter du 1er juin 2021,

CONDAMNE in solidum la société Etane et la société Nada Prestige à verser à Mme [V] [X] épouse [M] la somme de 6.000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que cette créance de nature indemnitaire portera intérêt à compter de la décision qui la prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Etane aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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