CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 17 septembre 2025, n° 21/14682
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° 2025/ , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14682 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGKW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020043425
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 542 110 291
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Matthieu PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, toque : P133
INTIMÉE
S.A.R.L. LE MARECHAL, placée en liquidation judiciaire en cours d'instance
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 592 242 778
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L46
PARTIE INTERVENANTE
Maître [F] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. LE MARECHAL, suite au jugement du Tribunal de commerce de NANTERRE du 28 février 2023 ouvrant une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à son égard
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L46
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur SENEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame CHANUT
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame THEVARANJAN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*********
EXPOSÉ DU LITIGE
La société LE MARECHAL exploite un fonds de commerce, dénommé CAFE LE PELLEPORT, situé à [Localité 9], exerçant l'activité de restauration / brasserie.
Pour l'exercice de son activité professionnelle, elle a souscrit, par l'intermédaire du courtier GEA, un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la SA ALLIANZ IARD (ALLIANZ), composé de :
- conditions particulières n° 60088796 (énoncées dans un intercalaire spécifique au courtier GEA nommé Multirisque professionnelle des restaurateurs) ;
- dispositions générales « Allianz Profilpro Hôtel, Assurance multirisque des biens et des responsabilités » n° COM16327.
Dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus de la Covid-19, le gouvernement français a pris une série de mesures réglementaires dont l'interdiction, pour les restaurants, de recevoir du public à compter du 15 mars 2020, jusqu'au 15 mai 2020, interdiction prorogée jusqu'au 15 juin 2020 et renouvelée du 29 octobre 2020 jusqu'au 19 mai 2021.
La compagnie ALLIANZ a été saisie par l'assurée, par l'intermédiaire du courtier, qui lui adressait une déclaration de sinistre accompagnée d'une demande de désignation d'un expert et d'une demande d'acompte.
ALLIANZ ne donnait aucune suite à ces demandes mais résiliait peu après toutes les polices d'assurance distribuées par le courtier GEA comportant l'intercalaire, objet du présent litige.
C'est dans ces circonstances que, par acte extrajudiciaire du 6 octobre 2020, la société LE MARECHAL a assigné ALLIANZ devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- jugé qu'ALLIANZ doit garantir LE MARECHAL de ses pertes d'exploitation et autres subies pendant la période de fermeture de l'établissement sur ordre des autorités, du 15 mars au 15 juin 2020, moins un jour de franchise ;
- condamné en conséquence ALLIANZ IARD à verser à la SARL LE MARECHAL la somme de 32 573 euros au titre du préjudice subi pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020, la déboutant pour le surplus de sa demande ;
- enjoint la SA ALLIANZ IARD à procéder contradictoirement et de bonne foi, avec la SARL LE MARECHAL, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subie par LE MARECHAL pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022, le cas échéant ;
- condamné la SA ALLIANZ IARD à payer 10 000 euros à la SARL LE MARECHAL au titre de l'article 700 CPC, déboutant pour le surplus ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SA ALLIANZ I.A.R.D. aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration électronique du 27 juillet 2021, enregistrée au greffe le 18 août 2021, ALLIANZ a interjeté appel, intimant la société LE MARECHAL, et précisant qu'il tendait à la réformation ou à l'annulation des chefs du dispositif qui étaient visés dans la déclaration.
L'appelante a notifié par voie électronique le 27 octobre 2021 des conclusions tendant à l'infirmation du jugement.
La société LE MARECHAL a notifié par voie électronique le 19 novembre 2021 des conclusions tendant à confirmer partiellement le jugement et à le réformer pour le surplus.
Par jugement du 28 février 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL LE MARECHAL.
Par acte extrajudiciaire du 13 septembre 2023, la société ALLIANZ a assigné en intervention forcée et en reprise d'instance Me [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL.
Me [I] ès qualités a constitué avocat le 21 décembre 2023.
Par conclusions d'appelante n°3 notifiées par voie électronique le 10 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société ALLIANZ demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a d'une part retenu la réunion des conditions de mobilisation de la garantie d'ALLIANZ IARD et d'autre part écarté les exclusions de garantie invoquées, et en ce qu'il a jugé qu'ALLIANZ IARD doit garantir la société LE MARECHAL de ses pertes d'exploitation et autres subies pendant la période de fermeture de l'établissement sur ordre des autorités, du 15 mars au 15 juin 2020, moins un jour de franchise, l'a condamnée en conséquence à verser à la société LE MARECHAL la somme de 32 573 euros au titre du préjudice subi pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020, a dit que le sinistre se prolonge et ce dans la limite de 24 mois et a enjoint ALLIANZ IARD de procéder contradictoirement et de bonne foi, avec la société LE MARECHAL, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subies par la société LE MARECHAL pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022 le cas échéant, l'a condamnée à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens avec exécution provisoire.
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- JUGER qu'à défaut de conclusions signifiées par Me [F] [I] ès qualités de liquidateur de la société LE MARECHAL dans le délai de trois mois de l'assignation en reprise d'instance, la cour n'est saisie d'aucun moyen de l'intimée visant à contester les arguments et clauses opposés par l'appelante, et d'aucun appel incident ;
A tout le moins,
- REJETER la demande de la société LE MARECHAL, tendant à faire admettre l'existence d'une fermeture administrative couverte par la police d'assurance ;
- REJETER la demande de la société LE MARECHAL, tendant à faire admettre l'existence d'un événement couvert ayant atteint les biens assurés au titre de la garantie « tous risques sauf » ;
- DEBOUTER en conséquence la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- JUGER qu'à supposer, par impossible, les conditions de garantie réunies, les exclusions contractuelles de garantie invoquées ont vocation à s'appliquer au cas présent ;
- DEBOUTER de plus fort la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
- REJETER toutes les demandes d'indemnités principales ou accessoires de la partie adverse en ce qu'elles ne sont pas justifiées en leur principe ou leur quantum ;
- DEBOUTER la partie adverse de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre infiniment subsidiaire,
- ORDONNER une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'établir le quantum des pertes d'exploitation prétendument subies par la requérante, sur la seule période du 15 mars au 2 voire 15 juin 2020, et ce conformément aux termes de la police et aux dispositions du code des assurances, avec application d'une tendance négative liée au contexte de la crise sanitaire et déduction de l'intégralité des économies de charges et aides obtenues par la société assurée ;
- APPLIQUER les plafonds de garantie et la franchise contractuels ;
En tout état de cause, CONDAMNER Me [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL aux entiers dépens d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros au profit de la société ALLIANZ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [F] [I] ès qualités de liquidateur de la société LE MARECHAL a constitué avocat mais n'a pas conclu dans le délai de trois mois de l'assignation en reprise d'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur les conséquences de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de l'intimée
Vu, notamment, les articles 369 et 374 du code de procédure civile,
L'interruption de l'instance emporte celle du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d'instance.
Par jugement du 28 février 2023, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de l'intimée et Me [F] [I] a été désigné par le tribunal de commerce de Paris comme mandataire liquidateur de la société LE MARECHAL.
L'instance d'appel a de ce fait été interrompue de plein droit.
Afin de régulariser la procédure, ALLIANZ a fait délivrer au liquidateur judiciaire de la société LE MARCEHAL une assignation en intervention forcée et en reprise d'instance par acte du 13 septembre 2023.
Le liquidateur, Me [F] [I] a ainsi été attrait à la procédure qui a repris, mais n'a pas conclu dans le délai imparti en reprise d'instance.
A défaut de conclusions du liquidateur, l'appel incident, formulé dans les conclusions notifiées avant l'interruption de l'instance, n'est plus soutenu et la cour n'est plus saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par la société LE MARECHAL.
Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables étant elles-mêmes irrecevables, il ne peut être tenu compte des pièces remises à l'audience de plaidoiries au soutien des conclusions de la société LE MARECHAL.
En application des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile, dans leur version applicable au litige, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Le tribunal ayant accueilli les prétentions de la société LE MARECHAL, en faisant application de l'extension de garantie « fermeture administrative », et en déclarant non opposable l'exclusion de garantie la concernant, il appartient à la cour d'examiner les motifs du jugement sur ce point.
2. Sur la mobilisation de la garantie PERTES D'EXPLOITATION
Vu les articles 1103, 1104 et 1353 du code civil dans leur rédaction ici applicable, issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 112-2 du code des assurances,
En matière d'assurance, il appartient à l'assuré qui sollicite l'application de la garantie d'établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie.
A) Les conditions de mise en jeu de la garantie
Le tribunal a dit la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative mobilisable.
Il n'est pas contesté que la société LE MARECHAL a souscrit une police multirisque professionnelle des restaurateurs avec la société ALLIANZ IARD par l'intermédiaire de la société de conseil et de courtage en assurances GEA, d'une durée d'un an, renouvelable tacitement annuellement.
Selon le préambule de la police, le contrat est composé des documents suivants :
- des dispositions générales du contrat ALLIANZ ProfilPro Hôtel regroupant l'ensemble des règles communes à tous les contrats, définissant la nature et l'étendue des garanties, ainsi que les montants de garanties et de franchises, dispositions référencées COM16327 ;
- des dispositions particulières, qui adaptent le contrat à la situation personnelle de l'assuré, et qui précisent en particulier les garanties, extensions, options et franchises choisies, et qui prévalent sur les dispositions générales en cas de contradiction entre elles, contenues ici dans la police GEA Assurances (Groupe Européen d'Assurances) n° 60088796 'Multirisque Professionnelle des Restaurateurs' comportant notamment un tableau des garanties présentant en page 5 la prise en charge des pertes d'exploitation dans le cadre de la garantie pertes financières, et détaillant en pages 19 à 22, les 'pertes d'exploitation', stipulées après la valeur vénale du fonds de commerce, dans le cadre de la garantie pertes financières ;
- éventuellement, des annexes dont mention est faite aux dispositions particulières définissant des garanties spécifiques.
La police souscrite contient au début des conditions particulières émises sous la forme d'un intercalaire par la société GEA, un tableau des garanties mentionnant les pertes financières, parmi lesquelles figure la 'fermeture de l'établissement sur ordre des autorités' dont la société LE MARECHAL s'est prévalue devant le tribunal à titre principal.
Devant le tribunal, elle a sollicité le bénéfice de la garantie perte d'exploitation couvrant le montant réel de la perte de marge brute et des frais supplémentaires pendant 24 mois, après « fermeture de l'établissement sur ordre des autorités » mentionnée dans le tableau des garanties, en page 5 des conditions particulières, définie en page 20 de ces mêmes conditions (pertes subies « par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés due à un évènement garanti ») et étendue en page 22 à la « fermeture administrative imposée par les services, de police ou d'hygiène ou de sécurité ».
Comme le fait valoir l'assureur et comme l'a retenu le tribunal, il ne s'agit pas de deux garanties autonomes.
La garantie 'fermeture administrative imposée par les services, de police ou d'hygiène ou de sécurité' est en fait l'extension de la garantie 'fermeture de l'établissement sur ordre des autorités', qui elle-même n'est que la déclinaison de la garantie 'protection financière' en cas de pertes d'exploitation consécutives à une fermeture temporaire de l'établissement.
La définition donnée des événements garantis en page 20 des conditions particulières du contrat n'exige par ailleurs pas une fermeture totale de l'établissement. En effet, il y est stipulé que 'l'assureur garantit à l'assuré les pertes d'exploitation qu'il pourrait subir par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés due à un évènement garanti', en l'espèce les pertes financières.
Il s'en déduit que, contrairement à ce que soutient l'assureur, une interruption partielle de l'activité exercée suffit, sans qu'il soit exigé que cette interruption soit spécifique à l'établissement ou que l'établissement soit totalement fermé.
Le tribunal a jugé qu'il n'était pas discutable qu'en ce qui concerne l'événement garanti, la société LE MARCHAL a bien dû faire face à une fermeture de son établissement imposée par les autorités administratives, en l'occurrence les autorités sanitaires, entraînant une interruption au moins partielle de son activité de restaurateur, parce qu'elle ne pouvait plus recevoir de public dans ses locaux et que le cas d'espèce rentrait bien dans le champ des événements garantis, donnant droit à la prise en charge par l'assureur des pertes d'exploitation de l'assuré aux conditions de la police.
C'est vainement que l'assureur sollicite l'infirmation du jugement sur ce point.
En effet, le tribunal a accueilli par d'exacts motifs la demande de la société LE MARCHAL sur ce point, les conditions de mise en oeuvre de l'extension de garantie « fermeture administrative » étant réunies.
En l'espèce, l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 édicte notamment des mesures concernant les établissements recevant du public parmi lesquels figurent les restaurants et débits de boissons, qui ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020.
Si cet arrêté autorise les établissements de cette catégorie à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison, il ressort de la motivation de cet arrêté que le respect des règles de distance dans les rapports interpersonnels étant l'une des mesures les plus efficaces pour limiter la propagation du virus, afin de favoriser leur observation, il y avait lieu de 'fermer les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation, tels que les cinémas, bars ou discothèques'et 'qu'il en va de même des commerces à l'exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse'.
Ces établissements étant ainsi énumérés de manière non exhaustive, il y a lieu d'y inclure les restaurants et débits de boisson, objets des mesures concernant les établissements recevant du public édictées par l'arrêté en question, reprenant en cela les catégories mentionnées à l'article GN1 de l'arrêté du 25 juin 1980.
Contrairement à ce que maintient ALLIANZ en cause d'appel, le fait que l'autorité préfectorale puisse fermer un établissement ne respectant pas la réglementation édictée pour lutter contre la propagation de la Covid-19 ne démontre pas pour autant que les établissements n'étaient pas fermés. Il s'agissait simplement de laisser au préfet le pouvoir de sanctionner un établissement faisant usage de la possibilité de faire de la vente à emporter, qui n'aurait pas respecté les règles notamment de distanciation destinées à lutter contre la propagation du virus Covid-19.
La fermeture de l'établissement, résultant d'un ordre des autorités, et plus précisément d'une autorité publique compétente au sens du contrat, à savoir le ministre de la santé, qui peut être assimilé a minima à un service de 'police ou d'hygiène ou de sécurité' au sens du contrat, au regard des prérogatives exercées par ce ministre, a ainsi vocation à s'appliquer à la société LE MARECHAL dès lors qu'elle entre dans la catégorie d'établissement accueillant du public visée par la mesure en question, et ceci sans qu'il soit exigé par la police d'assurance que l'établissement assuré soit spécifiquement et individuellement visé.
Sous réserve de l'examen des exclusions de garantie invoquées par l'assureur, la société LE MARECHAL était ainsi fondée en sa demande de mise en jeu de la garantie au titre de la perte d'exploitation.
B) Sur les exclusions de garantie
Pour accueillir la demande de mobilisation de la garantie formulée par la société LE MARECHAL, le tribunal a jugé que les deux clauses d'exclusion que l'assureur lui opposait n'étaient pas applicables, faute pour la première, stipulée dans l'intercalaire, et bien que non dépourvue d'ambiguïté à première lecture, d'être rédigée en caractères très apparents, et parce qu'elle se rattache à une toute autre garantie (fermeture administrative résultant d'une maladie infectieuse survenue dans les locaux professionnels) pour la seconde, stipulée dans les conditions générales, lesquelles ne sauraient prévaloir sur les dispositions particulières (l'intercalaire).
Devant le tribunal, la société LE MARECHAL a fait valoir que les exclusions invoquées par l'assureur ne lui étaient pas opposables, ne figurant pas en caractères très apparents et n'étant ni claires, ni précises ni dépourvues d'ambiguïté, et que la fermeture de son établissement n'était pas consécutive à une fermeture collective au sens de la clause d'exclusion stipulée dans l'intercalaire.
a) Sur la clause d'exclusion figurant dans les conditions particulières
La clause, stipulée en page 22 des conditions particulières, est rédigée comme suit (en gras dans le texte) :
« Demeure toutefois exclue :
- la fermeture consécutive à une fermeture collective d'établissement dans une même région ou sur le plan national,
- lorsque la fermeture est la conséquence d'une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».
Sur le caractère apparent de la clause
Aux termes de l'article L. 112-4 du code des assurances, une exclusion, pour pouvoir être valable, doit être « mentionnée en caractères très apparents ».
Une clause d'exclusion figure en caractères très apparents dès lors qu'elle est présentée de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré.
Comme l'assureur le fait observer, cette clause, figurant dans les conditions particulières rédigées par le courtier mandataire de l'assuré, respecte les exigences en matière d'apparence, découlant de l'article L. 112-4 du code des assurances en ce qu'elle se détache du corps de la stipulation définissant l'extension de garantie, elle figure immédiatement à la suite de la clause d'extension de la garantie, elle est rédigée en caractères gras dans un paragraphe dédié, et elle comporte en son préambule la mention claire 'Demeure toutefois exclue', de sorte qu'elle se détache du reste de la police, d'autant plus que le champ de l'extension de garantie qui est défini juste en amont de l'exclusion est rédigé avec les caractères simples habituels de la police, sans caractères gras, ce contraste permettant d'attirer encore davantage l'attention de l'assuré sur l'existence de la clause.
Si d'autres exclusions du contrat (notamment en pages 12, 13, 15, 16, 17 et 18 des conditions particulières) sont précédées de la mention ' Exclusion(s)' rédigée en plus gros caractères, cela ne prive pas pour autant la clause litigieuse du caractère très apparent dont elle bénéficie du fait de l'usage du caractère gras et de la présentation exposée ci-dessus, dans un paragraphe dédié à l'exclusion de l'extension de garantie.
Sur le caractère formel de la clause
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
Contrairement à ce que soutient l'assureur, la clause litigieuse ne présente pas de caractère formel conforme aux exigences de ces dispositions.
En effet, la clause d'exclusion précitée, rendue ambiguë par l'usage de la conjonction de subordination « lorsque », nécessite interprétation, de sorte qu'elle n'est pas formelle.
Cette clause étant de ce fait réputée non écrite, la société ALLIANZ n'est pas fondée à refuser sa garantie sur ce fondement.
Le jugement, qui a retenu « l'inopposabilité » de cette clause, doit en conséquence être confirmé sur ce point, par motifs substitués.
b) Sur la clause figurant dans les conditions générales
Cette clause est stipulée en page 32 des dispositions générales comme suit : « Nous garantissons également :
- la perte de marge brute que vous subissez du fait de l'interruption ou de la réduction de votre activité résultant :
(...)
. de la fermeture administrative temporaire de votre établissement par les autorités publiques compétentes, consécutive à l'un des événements suivants survenu dans vos locaux professionnels : maladie infectieuse hors contexte épidémique ou pandémique, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide. »
Le tribunal, jugeant qu'ALLIANZ n'était pas fondée à opposer cette clause d'exclusion, a ensuite partiellement accueilli la demande d'indemnité d'assurance.
La validité de cette clause n'est pas contestée devant la cour. Elle est parfaitement compréhensible par toute personne, a fortiori un professionnel l'ayant comme en l'espèce acceptée.
La propagation du virus Covid-19 a été qualifiée d'épidémie et/ou de pandémie par les autorités civiles et médicales aussi bien au plan national qu'international (communiqué de presse du ministère de la santé du 5 mars 2020 et position de l'[Localité 8], Organisation Mondiale de la Santé).
Les décisions prises par le gouvernement français ont clairement été édictées dans un contexte épidémique et/ou pandémique ainsi que le rappelle leurs titres et préambules.
Si les conditions particulières dérogent aux dispositions générales, les exclusions comprises dans ces dernières ont toutefois vocation à recevoir application, sauf contrariété entre les deux documents contractuels.
Les conditions particulières indiquent d'ailleurs clairement à cet égard (page 1) que font partie intégrante du contrat l'intercalaire joint composé de 33 pages et les Dispositions Générales ALLIANZ PROFIL PRO HOTEL COM16327, et que (page 6) les garanties de la police « ont pour but (...) de déroger aux Dispositions Générales du contrat, étant précisé que les exclusions qui ne figurent pas dans les événements garantis, ci-joint, sont applicables conformément à celles des Dispositions générales ALLIANZ PROFIL PRO HOTELIER COM 16327 ». (en gras dans le texte)
Au cas particulier, comme le fait valoir la compagnie ALLIANZ, il existe une totale cohérence entre la clause d'exclusion des Dispositions Générales et les termes des Conditions Particulières.
Les conditions d'exclusion telles que prévues aux conditions particulières et aux Dispositions Générales ne sont pas antinomiques mais complémentaires.
En conséquence, le contexte pandémique dans lequel la fermeture est survenue caractérise une exclusion de garantie et empêche toute indemnisation des pertes d'exploitation.
La société LE MARECHAL ne pouvait en conséquence qu'être déboutée de sa demande de mobilisation de la garantie et de ses demandes subséquentes.
Le jugement est infirmé sur ce point et en conséquence, en ce qu'il a condamné l'assureur au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020 et enjoint l'assureur à procéder contradictoirement et de bonne foi, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subies pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022, le cas échéant, l'intimée étant déboutée de toutes ses demandes subséquentes à sa demande de mobilisation de la garantie de l'assureur.
4. Sur la garantie « tous autres dommages sauf »
Cette demande, évoquée pour la première fois en cause d'appel, n'étant plus soutenue devant la cour, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens développés par l'assureur.
5. Sur les autres demandes
L'examen des demandes subsidiaires relatives aux pertes d'exploitation subies par l'assuré, aux honoraires de l'expert d'assuré, au préjudice d'immobilisation du dirigeant de la société aux fins de réaliser le dossier, ainsi qu'au préjudice du fait des pourboires, vestiaires et services, à l'expertise judiciaire est sans objet au vu de la solution retenue par la cour, ainsi que celui de la demande concernant les plafonds de garantie opposables pour la garantie perte d'exploitation causées par le sinistre fermeture et pour la garantie « tous dommages sauf », et la franchise contractuelle de la garantie pertes d'exploitation.
6. Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le tribunal a condamné la société ALLIANZ aux dépens et à payer à la société LE MARECHAL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société ALLIANZ de sa demande au titre de ces mêmes dispositions.
La société ALLIANZ demande l'infirmation du jugement sur les frais irrépétibles et sollicite à ce titre la condamnation du liquidateur, ès qualités, au paiement des entiers dépens et de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Compte tenu de la solution retenue par la cour, ces chefs de jugement sont infirmés et la société LE MARECHAL, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En équité, la société ALLIANZ sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a jugé que les conditions de mise en oeuvre de l'extension de garantie PERTES D'EXPLOITATION pour fermeture administrative étaient réunies et, par motifs substitués, en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion de garantie, stipulée en page 22 de l'intercalaire GEA, n'était pas « opposable » à la société LE MARECHAL ;
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la clause d'exclusion de garantie stipulée en page 32 des Dispositions Générales est opposable à l'assuré ;
Déboute la société LE MARECHAL de ses demandes d'indemnité d'assurance et indemnitaires ;
Condamne Me [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute la société ALLIANZ IARD de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2025
(n° 2025/ , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14682 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGKW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2021 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020043425
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 542 110 291
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L34, ayant pour avocat plaidant Me Matthieu PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, toque : P133
INTIMÉE
S.A.R.L. LE MARECHAL, placée en liquidation judiciaire en cours d'instance
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 592 242 778
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L46
PARTIE INTERVENANTE
Maître [F] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. LE MARECHAL, suite au jugement du Tribunal de commerce de NANTERRE du 28 février 2023 ouvrant une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à son égard
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L46
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur SENEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Madame FAIVRE, Présidente de chambre
Monsieur SENEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame CHANUT
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Madame THEVARANJAN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*********
EXPOSÉ DU LITIGE
La société LE MARECHAL exploite un fonds de commerce, dénommé CAFE LE PELLEPORT, situé à [Localité 9], exerçant l'activité de restauration / brasserie.
Pour l'exercice de son activité professionnelle, elle a souscrit, par l'intermédaire du courtier GEA, un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la SA ALLIANZ IARD (ALLIANZ), composé de :
- conditions particulières n° 60088796 (énoncées dans un intercalaire spécifique au courtier GEA nommé Multirisque professionnelle des restaurateurs) ;
- dispositions générales « Allianz Profilpro Hôtel, Assurance multirisque des biens et des responsabilités » n° COM16327.
Dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus de la Covid-19, le gouvernement français a pris une série de mesures réglementaires dont l'interdiction, pour les restaurants, de recevoir du public à compter du 15 mars 2020, jusqu'au 15 mai 2020, interdiction prorogée jusqu'au 15 juin 2020 et renouvelée du 29 octobre 2020 jusqu'au 19 mai 2021.
La compagnie ALLIANZ a été saisie par l'assurée, par l'intermédiaire du courtier, qui lui adressait une déclaration de sinistre accompagnée d'une demande de désignation d'un expert et d'une demande d'acompte.
ALLIANZ ne donnait aucune suite à ces demandes mais résiliait peu après toutes les polices d'assurance distribuées par le courtier GEA comportant l'intercalaire, objet du présent litige.
C'est dans ces circonstances que, par acte extrajudiciaire du 6 octobre 2020, la société LE MARECHAL a assigné ALLIANZ devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- jugé qu'ALLIANZ doit garantir LE MARECHAL de ses pertes d'exploitation et autres subies pendant la période de fermeture de l'établissement sur ordre des autorités, du 15 mars au 15 juin 2020, moins un jour de franchise ;
- condamné en conséquence ALLIANZ IARD à verser à la SARL LE MARECHAL la somme de 32 573 euros au titre du préjudice subi pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020, la déboutant pour le surplus de sa demande ;
- enjoint la SA ALLIANZ IARD à procéder contradictoirement et de bonne foi, avec la SARL LE MARECHAL, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subie par LE MARECHAL pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022, le cas échéant ;
- condamné la SA ALLIANZ IARD à payer 10 000 euros à la SARL LE MARECHAL au titre de l'article 700 CPC, déboutant pour le surplus ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SA ALLIANZ I.A.R.D. aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration électronique du 27 juillet 2021, enregistrée au greffe le 18 août 2021, ALLIANZ a interjeté appel, intimant la société LE MARECHAL, et précisant qu'il tendait à la réformation ou à l'annulation des chefs du dispositif qui étaient visés dans la déclaration.
L'appelante a notifié par voie électronique le 27 octobre 2021 des conclusions tendant à l'infirmation du jugement.
La société LE MARECHAL a notifié par voie électronique le 19 novembre 2021 des conclusions tendant à confirmer partiellement le jugement et à le réformer pour le surplus.
Par jugement du 28 février 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL LE MARECHAL.
Par acte extrajudiciaire du 13 septembre 2023, la société ALLIANZ a assigné en intervention forcée et en reprise d'instance Me [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL.
Me [I] ès qualités a constitué avocat le 21 décembre 2023.
Par conclusions d'appelante n°3 notifiées par voie électronique le 10 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société ALLIANZ demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a d'une part retenu la réunion des conditions de mobilisation de la garantie d'ALLIANZ IARD et d'autre part écarté les exclusions de garantie invoquées, et en ce qu'il a jugé qu'ALLIANZ IARD doit garantir la société LE MARECHAL de ses pertes d'exploitation et autres subies pendant la période de fermeture de l'établissement sur ordre des autorités, du 15 mars au 15 juin 2020, moins un jour de franchise, l'a condamnée en conséquence à verser à la société LE MARECHAL la somme de 32 573 euros au titre du préjudice subi pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020, a dit que le sinistre se prolonge et ce dans la limite de 24 mois et a enjoint ALLIANZ IARD de procéder contradictoirement et de bonne foi, avec la société LE MARECHAL, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subies par la société LE MARECHAL pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022 le cas échéant, l'a condamnée à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 et aux dépens avec exécution provisoire.
Et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- JUGER qu'à défaut de conclusions signifiées par Me [F] [I] ès qualités de liquidateur de la société LE MARECHAL dans le délai de trois mois de l'assignation en reprise d'instance, la cour n'est saisie d'aucun moyen de l'intimée visant à contester les arguments et clauses opposés par l'appelante, et d'aucun appel incident ;
A tout le moins,
- REJETER la demande de la société LE MARECHAL, tendant à faire admettre l'existence d'une fermeture administrative couverte par la police d'assurance ;
- REJETER la demande de la société LE MARECHAL, tendant à faire admettre l'existence d'un événement couvert ayant atteint les biens assurés au titre de la garantie « tous risques sauf » ;
- DEBOUTER en conséquence la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- JUGER qu'à supposer, par impossible, les conditions de garantie réunies, les exclusions contractuelles de garantie invoquées ont vocation à s'appliquer au cas présent ;
- DEBOUTER de plus fort la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
- REJETER toutes les demandes d'indemnités principales ou accessoires de la partie adverse en ce qu'elles ne sont pas justifiées en leur principe ou leur quantum ;
- DEBOUTER la partie adverse de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre infiniment subsidiaire,
- ORDONNER une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'établir le quantum des pertes d'exploitation prétendument subies par la requérante, sur la seule période du 15 mars au 2 voire 15 juin 2020, et ce conformément aux termes de la police et aux dispositions du code des assurances, avec application d'une tendance négative liée au contexte de la crise sanitaire et déduction de l'intégralité des économies de charges et aides obtenues par la société assurée ;
- APPLIQUER les plafonds de garantie et la franchise contractuels ;
En tout état de cause, CONDAMNER Me [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL aux entiers dépens d'instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros au profit de la société ALLIANZ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [F] [I] ès qualités de liquidateur de la société LE MARECHAL a constitué avocat mais n'a pas conclu dans le délai de trois mois de l'assignation en reprise d'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur les conséquences de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de l'intimée
Vu, notamment, les articles 369 et 374 du code de procédure civile,
L'interruption de l'instance emporte celle du délai imparti pour conclure et fait courir un nouveau délai à compter de la reprise d'instance.
Par jugement du 28 février 2023, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de l'intimée et Me [F] [I] a été désigné par le tribunal de commerce de Paris comme mandataire liquidateur de la société LE MARECHAL.
L'instance d'appel a de ce fait été interrompue de plein droit.
Afin de régulariser la procédure, ALLIANZ a fait délivrer au liquidateur judiciaire de la société LE MARCEHAL une assignation en intervention forcée et en reprise d'instance par acte du 13 septembre 2023.
Le liquidateur, Me [F] [I] a ainsi été attrait à la procédure qui a repris, mais n'a pas conclu dans le délai imparti en reprise d'instance.
A défaut de conclusions du liquidateur, l'appel incident, formulé dans les conclusions notifiées avant l'interruption de l'instance, n'est plus soutenu et la cour n'est plus saisie d'aucun moyen régulièrement dirigé contre les chefs du jugement initialement critiqués par la société LE MARECHAL.
Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables étant elles-mêmes irrecevables, il ne peut être tenu compte des pièces remises à l'audience de plaidoiries au soutien des conclusions de la société LE MARECHAL.
En application des articles 909 et 911-1 du code de procédure civile, dans leur version applicable au litige, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Le tribunal ayant accueilli les prétentions de la société LE MARECHAL, en faisant application de l'extension de garantie « fermeture administrative », et en déclarant non opposable l'exclusion de garantie la concernant, il appartient à la cour d'examiner les motifs du jugement sur ce point.
2. Sur la mobilisation de la garantie PERTES D'EXPLOITATION
Vu les articles 1103, 1104 et 1353 du code civil dans leur rédaction ici applicable, issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 112-2 du code des assurances,
En matière d'assurance, il appartient à l'assuré qui sollicite l'application de la garantie d'établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie.
A) Les conditions de mise en jeu de la garantie
Le tribunal a dit la garantie perte d'exploitation suite à la fermeture administrative mobilisable.
Il n'est pas contesté que la société LE MARECHAL a souscrit une police multirisque professionnelle des restaurateurs avec la société ALLIANZ IARD par l'intermédiaire de la société de conseil et de courtage en assurances GEA, d'une durée d'un an, renouvelable tacitement annuellement.
Selon le préambule de la police, le contrat est composé des documents suivants :
- des dispositions générales du contrat ALLIANZ ProfilPro Hôtel regroupant l'ensemble des règles communes à tous les contrats, définissant la nature et l'étendue des garanties, ainsi que les montants de garanties et de franchises, dispositions référencées COM16327 ;
- des dispositions particulières, qui adaptent le contrat à la situation personnelle de l'assuré, et qui précisent en particulier les garanties, extensions, options et franchises choisies, et qui prévalent sur les dispositions générales en cas de contradiction entre elles, contenues ici dans la police GEA Assurances (Groupe Européen d'Assurances) n° 60088796 'Multirisque Professionnelle des Restaurateurs' comportant notamment un tableau des garanties présentant en page 5 la prise en charge des pertes d'exploitation dans le cadre de la garantie pertes financières, et détaillant en pages 19 à 22, les 'pertes d'exploitation', stipulées après la valeur vénale du fonds de commerce, dans le cadre de la garantie pertes financières ;
- éventuellement, des annexes dont mention est faite aux dispositions particulières définissant des garanties spécifiques.
La police souscrite contient au début des conditions particulières émises sous la forme d'un intercalaire par la société GEA, un tableau des garanties mentionnant les pertes financières, parmi lesquelles figure la 'fermeture de l'établissement sur ordre des autorités' dont la société LE MARECHAL s'est prévalue devant le tribunal à titre principal.
Devant le tribunal, elle a sollicité le bénéfice de la garantie perte d'exploitation couvrant le montant réel de la perte de marge brute et des frais supplémentaires pendant 24 mois, après « fermeture de l'établissement sur ordre des autorités » mentionnée dans le tableau des garanties, en page 5 des conditions particulières, définie en page 20 de ces mêmes conditions (pertes subies « par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés due à un évènement garanti ») et étendue en page 22 à la « fermeture administrative imposée par les services, de police ou d'hygiène ou de sécurité ».
Comme le fait valoir l'assureur et comme l'a retenu le tribunal, il ne s'agit pas de deux garanties autonomes.
La garantie 'fermeture administrative imposée par les services, de police ou d'hygiène ou de sécurité' est en fait l'extension de la garantie 'fermeture de l'établissement sur ordre des autorités', qui elle-même n'est que la déclinaison de la garantie 'protection financière' en cas de pertes d'exploitation consécutives à une fermeture temporaire de l'établissement.
La définition donnée des événements garantis en page 20 des conditions particulières du contrat n'exige par ailleurs pas une fermeture totale de l'établissement. En effet, il y est stipulé que 'l'assureur garantit à l'assuré les pertes d'exploitation qu'il pourrait subir par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés due à un évènement garanti', en l'espèce les pertes financières.
Il s'en déduit que, contrairement à ce que soutient l'assureur, une interruption partielle de l'activité exercée suffit, sans qu'il soit exigé que cette interruption soit spécifique à l'établissement ou que l'établissement soit totalement fermé.
Le tribunal a jugé qu'il n'était pas discutable qu'en ce qui concerne l'événement garanti, la société LE MARCHAL a bien dû faire face à une fermeture de son établissement imposée par les autorités administratives, en l'occurrence les autorités sanitaires, entraînant une interruption au moins partielle de son activité de restaurateur, parce qu'elle ne pouvait plus recevoir de public dans ses locaux et que le cas d'espèce rentrait bien dans le champ des événements garantis, donnant droit à la prise en charge par l'assureur des pertes d'exploitation de l'assuré aux conditions de la police.
C'est vainement que l'assureur sollicite l'infirmation du jugement sur ce point.
En effet, le tribunal a accueilli par d'exacts motifs la demande de la société LE MARCHAL sur ce point, les conditions de mise en oeuvre de l'extension de garantie « fermeture administrative » étant réunies.
En l'espèce, l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 édicte notamment des mesures concernant les établissements recevant du public parmi lesquels figurent les restaurants et débits de boissons, qui ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020.
Si cet arrêté autorise les établissements de cette catégorie à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison, il ressort de la motivation de cet arrêté que le respect des règles de distance dans les rapports interpersonnels étant l'une des mesures les plus efficaces pour limiter la propagation du virus, afin de favoriser leur observation, il y avait lieu de 'fermer les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation, tels que les cinémas, bars ou discothèques'et 'qu'il en va de même des commerces à l'exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse'.
Ces établissements étant ainsi énumérés de manière non exhaustive, il y a lieu d'y inclure les restaurants et débits de boisson, objets des mesures concernant les établissements recevant du public édictées par l'arrêté en question, reprenant en cela les catégories mentionnées à l'article GN1 de l'arrêté du 25 juin 1980.
Contrairement à ce que maintient ALLIANZ en cause d'appel, le fait que l'autorité préfectorale puisse fermer un établissement ne respectant pas la réglementation édictée pour lutter contre la propagation de la Covid-19 ne démontre pas pour autant que les établissements n'étaient pas fermés. Il s'agissait simplement de laisser au préfet le pouvoir de sanctionner un établissement faisant usage de la possibilité de faire de la vente à emporter, qui n'aurait pas respecté les règles notamment de distanciation destinées à lutter contre la propagation du virus Covid-19.
La fermeture de l'établissement, résultant d'un ordre des autorités, et plus précisément d'une autorité publique compétente au sens du contrat, à savoir le ministre de la santé, qui peut être assimilé a minima à un service de 'police ou d'hygiène ou de sécurité' au sens du contrat, au regard des prérogatives exercées par ce ministre, a ainsi vocation à s'appliquer à la société LE MARECHAL dès lors qu'elle entre dans la catégorie d'établissement accueillant du public visée par la mesure en question, et ceci sans qu'il soit exigé par la police d'assurance que l'établissement assuré soit spécifiquement et individuellement visé.
Sous réserve de l'examen des exclusions de garantie invoquées par l'assureur, la société LE MARECHAL était ainsi fondée en sa demande de mise en jeu de la garantie au titre de la perte d'exploitation.
B) Sur les exclusions de garantie
Pour accueillir la demande de mobilisation de la garantie formulée par la société LE MARECHAL, le tribunal a jugé que les deux clauses d'exclusion que l'assureur lui opposait n'étaient pas applicables, faute pour la première, stipulée dans l'intercalaire, et bien que non dépourvue d'ambiguïté à première lecture, d'être rédigée en caractères très apparents, et parce qu'elle se rattache à une toute autre garantie (fermeture administrative résultant d'une maladie infectieuse survenue dans les locaux professionnels) pour la seconde, stipulée dans les conditions générales, lesquelles ne sauraient prévaloir sur les dispositions particulières (l'intercalaire).
Devant le tribunal, la société LE MARECHAL a fait valoir que les exclusions invoquées par l'assureur ne lui étaient pas opposables, ne figurant pas en caractères très apparents et n'étant ni claires, ni précises ni dépourvues d'ambiguïté, et que la fermeture de son établissement n'était pas consécutive à une fermeture collective au sens de la clause d'exclusion stipulée dans l'intercalaire.
a) Sur la clause d'exclusion figurant dans les conditions particulières
La clause, stipulée en page 22 des conditions particulières, est rédigée comme suit (en gras dans le texte) :
« Demeure toutefois exclue :
- la fermeture consécutive à une fermeture collective d'établissement dans une même région ou sur le plan national,
- lorsque la fermeture est la conséquence d'une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».
Sur le caractère apparent de la clause
Aux termes de l'article L. 112-4 du code des assurances, une exclusion, pour pouvoir être valable, doit être « mentionnée en caractères très apparents ».
Une clause d'exclusion figure en caractères très apparents dès lors qu'elle est présentée de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré.
Comme l'assureur le fait observer, cette clause, figurant dans les conditions particulières rédigées par le courtier mandataire de l'assuré, respecte les exigences en matière d'apparence, découlant de l'article L. 112-4 du code des assurances en ce qu'elle se détache du corps de la stipulation définissant l'extension de garantie, elle figure immédiatement à la suite de la clause d'extension de la garantie, elle est rédigée en caractères gras dans un paragraphe dédié, et elle comporte en son préambule la mention claire 'Demeure toutefois exclue', de sorte qu'elle se détache du reste de la police, d'autant plus que le champ de l'extension de garantie qui est défini juste en amont de l'exclusion est rédigé avec les caractères simples habituels de la police, sans caractères gras, ce contraste permettant d'attirer encore davantage l'attention de l'assuré sur l'existence de la clause.
Si d'autres exclusions du contrat (notamment en pages 12, 13, 15, 16, 17 et 18 des conditions particulières) sont précédées de la mention ' Exclusion(s)' rédigée en plus gros caractères, cela ne prive pas pour autant la clause litigieuse du caractère très apparent dont elle bénéficie du fait de l'usage du caractère gras et de la présentation exposée ci-dessus, dans un paragraphe dédié à l'exclusion de l'extension de garantie.
Sur le caractère formel de la clause
Une clause d'exclusion n'est pas formelle au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
Contrairement à ce que soutient l'assureur, la clause litigieuse ne présente pas de caractère formel conforme aux exigences de ces dispositions.
En effet, la clause d'exclusion précitée, rendue ambiguë par l'usage de la conjonction de subordination « lorsque », nécessite interprétation, de sorte qu'elle n'est pas formelle.
Cette clause étant de ce fait réputée non écrite, la société ALLIANZ n'est pas fondée à refuser sa garantie sur ce fondement.
Le jugement, qui a retenu « l'inopposabilité » de cette clause, doit en conséquence être confirmé sur ce point, par motifs substitués.
b) Sur la clause figurant dans les conditions générales
Cette clause est stipulée en page 32 des dispositions générales comme suit : « Nous garantissons également :
- la perte de marge brute que vous subissez du fait de l'interruption ou de la réduction de votre activité résultant :
(...)
. de la fermeture administrative temporaire de votre établissement par les autorités publiques compétentes, consécutive à l'un des événements suivants survenu dans vos locaux professionnels : maladie infectieuse hors contexte épidémique ou pandémique, intoxication alimentaire ou empoisonnement, meurtre, assassinat ou suicide. »
Le tribunal, jugeant qu'ALLIANZ n'était pas fondée à opposer cette clause d'exclusion, a ensuite partiellement accueilli la demande d'indemnité d'assurance.
La validité de cette clause n'est pas contestée devant la cour. Elle est parfaitement compréhensible par toute personne, a fortiori un professionnel l'ayant comme en l'espèce acceptée.
La propagation du virus Covid-19 a été qualifiée d'épidémie et/ou de pandémie par les autorités civiles et médicales aussi bien au plan national qu'international (communiqué de presse du ministère de la santé du 5 mars 2020 et position de l'[Localité 8], Organisation Mondiale de la Santé).
Les décisions prises par le gouvernement français ont clairement été édictées dans un contexte épidémique et/ou pandémique ainsi que le rappelle leurs titres et préambules.
Si les conditions particulières dérogent aux dispositions générales, les exclusions comprises dans ces dernières ont toutefois vocation à recevoir application, sauf contrariété entre les deux documents contractuels.
Les conditions particulières indiquent d'ailleurs clairement à cet égard (page 1) que font partie intégrante du contrat l'intercalaire joint composé de 33 pages et les Dispositions Générales ALLIANZ PROFIL PRO HOTEL COM16327, et que (page 6) les garanties de la police « ont pour but (...) de déroger aux Dispositions Générales du contrat, étant précisé que les exclusions qui ne figurent pas dans les événements garantis, ci-joint, sont applicables conformément à celles des Dispositions générales ALLIANZ PROFIL PRO HOTELIER COM 16327 ». (en gras dans le texte)
Au cas particulier, comme le fait valoir la compagnie ALLIANZ, il existe une totale cohérence entre la clause d'exclusion des Dispositions Générales et les termes des Conditions Particulières.
Les conditions d'exclusion telles que prévues aux conditions particulières et aux Dispositions Générales ne sont pas antinomiques mais complémentaires.
En conséquence, le contexte pandémique dans lequel la fermeture est survenue caractérise une exclusion de garantie et empêche toute indemnisation des pertes d'exploitation.
La société LE MARECHAL ne pouvait en conséquence qu'être déboutée de sa demande de mobilisation de la garantie et de ses demandes subséquentes.
Le jugement est infirmé sur ce point et en conséquence, en ce qu'il a condamné l'assureur au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice pendant la période du 15 mars au 14 juin 2020 et enjoint l'assureur à procéder contradictoirement et de bonne foi, au chiffrage et au versement des pertes d'exploitation subies pour la période allant du 16 juin 2020 au 15 mars 2022, le cas échéant, l'intimée étant déboutée de toutes ses demandes subséquentes à sa demande de mobilisation de la garantie de l'assureur.
4. Sur la garantie « tous autres dommages sauf »
Cette demande, évoquée pour la première fois en cause d'appel, n'étant plus soutenue devant la cour, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens développés par l'assureur.
5. Sur les autres demandes
L'examen des demandes subsidiaires relatives aux pertes d'exploitation subies par l'assuré, aux honoraires de l'expert d'assuré, au préjudice d'immobilisation du dirigeant de la société aux fins de réaliser le dossier, ainsi qu'au préjudice du fait des pourboires, vestiaires et services, à l'expertise judiciaire est sans objet au vu de la solution retenue par la cour, ainsi que celui de la demande concernant les plafonds de garantie opposables pour la garantie perte d'exploitation causées par le sinistre fermeture et pour la garantie « tous dommages sauf », et la franchise contractuelle de la garantie pertes d'exploitation.
6. Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le tribunal a condamné la société ALLIANZ aux dépens et à payer à la société LE MARECHAL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société ALLIANZ de sa demande au titre de ces mêmes dispositions.
La société ALLIANZ demande l'infirmation du jugement sur les frais irrépétibles et sollicite à ce titre la condamnation du liquidateur, ès qualités, au paiement des entiers dépens et de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Compte tenu de la solution retenue par la cour, ces chefs de jugement sont infirmés et la société LE MARECHAL, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En équité, la société ALLIANZ sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement en ce qu'il a jugé que les conditions de mise en oeuvre de l'extension de garantie PERTES D'EXPLOITATION pour fermeture administrative étaient réunies et, par motifs substitués, en ce qu'il a jugé que la clause d'exclusion de garantie, stipulée en page 22 de l'intercalaire GEA, n'était pas « opposable » à la société LE MARECHAL ;
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la clause d'exclusion de garantie stipulée en page 32 des Dispositions Générales est opposable à l'assuré ;
Déboute la société LE MARECHAL de ses demandes d'indemnité d'assurance et indemnitaires ;
Condamne Me [F] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LE MARECHAL aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute la société ALLIANZ IARD de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE