CA Bordeaux, 4e ch. com., 8 octobre 2025, n° 25/00444
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 08 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00444 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-ODY6
Monsieur [J] [O]
c/
S.E.L.A.R.L. [9]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 décembre 2024 (R.G. 2023L00252) par le Tribunal de Commerce de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 24 janvier 2025
APPELANT :
Monsieur [J] [O], né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Maître Dominique ASSIER de la SCP MONEGER-ASSIER-BELAUD, avocat au barreau de BERGERAC
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [9], es-qualité de mandataire judiciaire de M. [J] [O],
domiciliée en cette qualité [Adresse 2]
Représentée par Maître Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Monsieur [J] [O] exerce, en qualité d'entrepreneur individuel, une activité de travaux de maçonnerie et gros oeuvre du bâtiment immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac depuis 2018.
Par jugement du 18 octobre 2023, le tribunal de commerce de Bergerac a, sur assignation de l'Urssaf, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et a désigné la société [9] en qualité de mandataire judiciaire.
2. Par acte du 16 septembre 2024, la société [9] es qualités a fait assigner M. [O] devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins de réunion de son patrimoine personnel à son patrimoine professionnel.
Par jugement prononcé le 11 décembre 2024, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :
- prononce la réunion du patrimoine personnel de Monsieur [J] [O] à son patrimoine professionnel ;
- maintient M. [P] en qualité de juge commissaire ;
- maintient la société [9] prise en la personne de Me [I] [K] en qualité de mandataire judiciaire ;
- confirme au 1er mai 2022 la date de cessation des paiements initialement fixée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de Monsieur [J] [O] ;
- dit que s'il y a lieu la société [9] déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme du délai de déclaration des créances ;
- désigne la société [10], commissaire de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée des biens personnels de Monsieur [J] [O] conformément aux dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce ;
- dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant voie de recours ;
- rappelle le caractère exécutoire de plein droit du présent jugement ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
M. [O] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 janvier 2025.
Il a signifié sa déclaration d'appel à la société [9] es qualités le 19 février 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières conclusions signifiées le 19 février 2025 à la société [9] es qualités et communiquées le 3 mars suivant par RPVA, Monsieur [J] [O] demande à la cour, au visa des articles L.516-13 et L.621-2 du code de commerce, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bergerac du 11 décembre 2024 en ce qu'il :
- prononce la réunion du patrimoine de Monsieur [O] à son patrimoine professionnel,
- maintient Monsieur [P] en qualité de juge commissaire,
- maintient la société [9] prise en la personne de Me [I] [K] en qualité de mandataire judiciaire,
- confirme au 1er mai 2022 la date de cessation des paiements initialement fixée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de Monsieur [J] [O],
- dit que s'il y avait lieu la société [9] déposerait au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme du délai de déclaration des créances,
- désigne la société [10], commissaire de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée des biens personnels de Monsieur [J] [O] conformément aux dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce,
- dit que la publicité du jugement serait effectuée sans délai nonobstant voie de recours ;
Statuant à nouveau,
- débouter la société [9] es qualités de sa demande tendant à la réunion du patrimoine privé au patrimoine professionnel de M. [O] et de toutes les demandes qui en sont la conséquence ;
- condamner la société [9] es qualités à payer à M. [O] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'instance.
4. Par avis communiqué le 20 mai 2025, le procureur général a indiqué qu'il n'avait pas été destinataire des éléments comptables et qu'il s'en rapportait. Il a ajouté que rien à la lecture du seul jugement ne permettait de dire qu'il y aurait eu des mouvements financiers mixtes des comptes bancaires personnels vers ceux de l'entrepreneur individuel et réciproquement, qui ne seraient pas repris dans la comptabilité de l'entreprise pour en restituer l'exacte nature ; que la confusion des patrimoines, s'agissant d'une entreprise individuelle, ne peut s'apprécier qu'à la lecture de la comptabilité autonome exigée par l'article L 526-11 du code de commerce et non par le seul constat de mouvements financiers mixtes comme indiqué dans le jugement.
5. La société [9], en qualité de mandataire judiciaire de M. [O], s'est constituée le 21 mars 2025 mais n'a pas conclu.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
6. Au visa des articles L.526-11 et L.526-13 du code de commerce, Monsieur [J] [O] fait grief au jugement déféré d'avoir prononcé la réunion de son patrimoine personnel et de son patrimoine professionnel.
L'appelant soutient que, en sa qualité d'entrepreneur individuel, dont le statut est défini par la loi n°2022-172 du 14 février 2022, il ne relève pas de l'application des dispositions de l'article L.621-2 du code de commerce, qui ne concernent que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisque ces dispositions renvoient expressément à l'article L.526-13 du code de commerce, lequel est inséré dans une section relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
M. [O] ajoute que le premier juge n'a pas caractérisé la confusion des patrimoines ou l'existence de relations financières anormales, dont il est de principe qu'elles résultent de l'absence de contrepartie ou de la volonté de tirer profit du patrimoine professionnel, d'une part, et de la volonté réitérée et systématique de procurer à l'entrepreneur un avantage contraire à l'entreprise.
L'appelant observe qu'il ne lui est reproché que l'encaissement de deux chèques sur son compte personnel en juillet et septembre 2023 alors qu'il a, de son côté, entre mai et septembre 2023, procédé à 18 virements depuis son compte personnel vers son compte professionnel pour un total de 33.480 euros.
Sur ce,
7. La loi du 15 juin 2010, qui a créé l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (ci-après EIRL) a donné à celui-ci la possibilité d'être titulaire de plusieurs patrimoine dont l'un est spécialement affecté à l'exploitation de son entreprise et constitue l'assiette de ses créanciers professionnels dans l'hypothèse du prononcé de l'ouverture d'une procédure collective.
La création de ce patrimoine d'affectation est conditionnée par le respect de plusieurs conditions énoncées à l'article L.526-13 du code de commerce.
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante (dite loi API), a organisé l'extinction de l'EIRL pour l'avenir et créé un nouveau statut pour l'entrepreneur individuel à la tête désormais de deux patrimoines, l'un professionnel gage de ses créanciers professionnels et l'autre personnel à l'abri des poursuites de ceux-ci.
L'article R.526-26 du code de commerce précise la nature du patrimoine ainsi affecté au gage des créanciers professionnels.
Cette loi a été complétée en particulier par le décret n° 2022-890 du 14 juin 2022 relatif au traitement des difficultés de l'entrepreneur individuel, lequel a modifié ainsi l'article L. 526-22, alinéa 4, du code de commerce :
« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25.»
Il doit cependant être rappelé que, en vertu de l'article L.526-24 du code de commerce, l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale bénéficient d'un droit de gage sur les deux patrimoines de l'entrepreneur individuel, sous certaines conditions.
8. M. [O] est fondé à rappeler que le manquement grave aux obligations de l'article L526-13 du code de commerce n'est applicable qu'à l'EIRL. Ces manquement sont en effet relatifs à des obligations spécifiquement imposées à l'EIRL.
9. Toutefois, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 a expressément étendu à l'entrepreneur individuel la procédure en réunion des patrimoines créée par la loi du 15 juin 2010 et organisée par les articles L.621-1 et suivants du code de commerce.
Ainsi, l'article L.621-2 du code de commerce dispose :
« Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas.
A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure (...)»
Egalement, l'article R.621-8-1, relatif aux formalités exigées dans le cadre de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, également applicable par renvoi aux procédure de redressement et de liquidation judiciaire, vise ainsi expressément à l'alinéa 3 l'entrepreneur individuel :
« L'identification du destinataire de l'assignation et de la signification prévues aux deux alinéas précédents ainsi que de la convocation mentionnée à l'article R. 631-4 est complétée, le cas échéant, par la dénomination de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ainsi que l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine a été affecté ou la dénomination de l'entrepreneur dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ainsi que l'objet de son ou ses activités professionnelles indépendantes.» (souligné par la cour).
10. Il résulte de ces éléments que la procédure en réunion des patrimoines est également applicable à l'entrepreneur individuel mais qu'il ne peut, dans ce cadre, être expressément excipé des obligations imposées à l'EIRL par l'article L526-13 du code de commerce, les autres critères de l'action en réunion des patrimoines, qui sont les mêmes que ceux de l'action en confusion des patrimoines en présence d'une personne morale, étant donc susceptibles d'être appliqués à l'entrepreneur individuel.
11. En l'espèce, il est établi que M. [O] a été immatriculé au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac le 11 décembre 2018 pour une activité de travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment.
Cette activité a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 18 octobre 2023.
Par jugement du 2 avril 2025, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de l'activité de M. [O] pour une durée de huit années et a nommé la société [9] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
12. L'examen des éléments produits aux débats met en évidence le fait que M. [O] est titulaire d'un compte ouvert dans les livres du [8] sous le numéro (...)197 et sous la dénomination '[O] [J] Autoentrepreneur' ainsi que d'un compte courant personnel sous le numéro (...)703.
Les relations entre ces deux comptes bancaires sont poreuses, le premier accueillant les prélèvements fiscaux propres à M. [O], ainsi que des virements effectués par celui-ci au bénéfice de son compte professionnel ou encore supporte des paiements au bénéfice de sociétés telles que [7], [4] ou [5] dont l'intérêt pour l'activité professionnelle de M. [O] n'est pas établi. Egalement, il n'est pas discuté par M. [O] que deux chèques émis par des clients ont été encaissés sur son compte personnel pour une somme totale de 14.200 euros.
Dès lors, dans la mesure où des versements sont effectués indifféremment sur le compte personnel ou le compte professionnel de M. [O] et où des paiements sont également effectués indifféremment par débit de l'un ou l'autre compte, il est établi une imbrication des masses actives et passives des patrimoines du débiteur qui rend impossible la détermination du patrimoine d'affectation de M. [O] à l'exercice de son activité.
13. Il convient donc, par substitution de motifs, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la réunion du patrimoine personnel de M. [O] à son patrimoine professionnel et dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure collective.
14. Y ajoutant, la cour déboutera M. [O] de sa demande en indemnité de procédure et le condamnera à payer les dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 11 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Bergerac.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [J] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [J] [O] à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 08 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00444 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-ODY6
Monsieur [J] [O]
c/
S.E.L.A.R.L. [9]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 décembre 2024 (R.G. 2023L00252) par le Tribunal de Commerce de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 24 janvier 2025
APPELANT :
Monsieur [J] [O], né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Maître Dominique ASSIER de la SCP MONEGER-ASSIER-BELAUD, avocat au barreau de BERGERAC
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [9], es-qualité de mandataire judiciaire de M. [J] [O],
domiciliée en cette qualité [Adresse 2]
Représentée par Maître Benjamin BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Monsieur [J] [O] exerce, en qualité d'entrepreneur individuel, une activité de travaux de maçonnerie et gros oeuvre du bâtiment immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac depuis 2018.
Par jugement du 18 octobre 2023, le tribunal de commerce de Bergerac a, sur assignation de l'Urssaf, prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et a désigné la société [9] en qualité de mandataire judiciaire.
2. Par acte du 16 septembre 2024, la société [9] es qualités a fait assigner M. [O] devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins de réunion de son patrimoine personnel à son patrimoine professionnel.
Par jugement prononcé le 11 décembre 2024, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :
- prononce la réunion du patrimoine personnel de Monsieur [J] [O] à son patrimoine professionnel ;
- maintient M. [P] en qualité de juge commissaire ;
- maintient la société [9] prise en la personne de Me [I] [K] en qualité de mandataire judiciaire ;
- confirme au 1er mai 2022 la date de cessation des paiements initialement fixée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de Monsieur [J] [O] ;
- dit que s'il y a lieu la société [9] déposera au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme du délai de déclaration des créances ;
- désigne la société [10], commissaire de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée des biens personnels de Monsieur [J] [O] conformément aux dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce ;
- dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant voie de recours ;
- rappelle le caractère exécutoire de plein droit du présent jugement ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
M. [O] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 janvier 2025.
Il a signifié sa déclaration d'appel à la société [9] es qualités le 19 février 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières conclusions signifiées le 19 février 2025 à la société [9] es qualités et communiquées le 3 mars suivant par RPVA, Monsieur [J] [O] demande à la cour, au visa des articles L.516-13 et L.621-2 du code de commerce, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bergerac du 11 décembre 2024 en ce qu'il :
- prononce la réunion du patrimoine de Monsieur [O] à son patrimoine professionnel,
- maintient Monsieur [P] en qualité de juge commissaire,
- maintient la société [9] prise en la personne de Me [I] [K] en qualité de mandataire judiciaire,
- confirme au 1er mai 2022 la date de cessation des paiements initialement fixée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de Monsieur [J] [O],
- dit que s'il y avait lieu la société [9] déposerait au greffe la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme du délai de déclaration des créances,
- désigne la société [10], commissaire de justice, pour réaliser l'inventaire et la prisée des biens personnels de Monsieur [J] [O] conformément aux dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce,
- dit que la publicité du jugement serait effectuée sans délai nonobstant voie de recours ;
Statuant à nouveau,
- débouter la société [9] es qualités de sa demande tendant à la réunion du patrimoine privé au patrimoine professionnel de M. [O] et de toutes les demandes qui en sont la conséquence ;
- condamner la société [9] es qualités à payer à M. [O] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'instance.
4. Par avis communiqué le 20 mai 2025, le procureur général a indiqué qu'il n'avait pas été destinataire des éléments comptables et qu'il s'en rapportait. Il a ajouté que rien à la lecture du seul jugement ne permettait de dire qu'il y aurait eu des mouvements financiers mixtes des comptes bancaires personnels vers ceux de l'entrepreneur individuel et réciproquement, qui ne seraient pas repris dans la comptabilité de l'entreprise pour en restituer l'exacte nature ; que la confusion des patrimoines, s'agissant d'une entreprise individuelle, ne peut s'apprécier qu'à la lecture de la comptabilité autonome exigée par l'article L 526-11 du code de commerce et non par le seul constat de mouvements financiers mixtes comme indiqué dans le jugement.
5. La société [9], en qualité de mandataire judiciaire de M. [O], s'est constituée le 21 mars 2025 mais n'a pas conclu.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
6. Au visa des articles L.526-11 et L.526-13 du code de commerce, Monsieur [J] [O] fait grief au jugement déféré d'avoir prononcé la réunion de son patrimoine personnel et de son patrimoine professionnel.
L'appelant soutient que, en sa qualité d'entrepreneur individuel, dont le statut est défini par la loi n°2022-172 du 14 février 2022, il ne relève pas de l'application des dispositions de l'article L.621-2 du code de commerce, qui ne concernent que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée puisque ces dispositions renvoient expressément à l'article L.526-13 du code de commerce, lequel est inséré dans une section relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
M. [O] ajoute que le premier juge n'a pas caractérisé la confusion des patrimoines ou l'existence de relations financières anormales, dont il est de principe qu'elles résultent de l'absence de contrepartie ou de la volonté de tirer profit du patrimoine professionnel, d'une part, et de la volonté réitérée et systématique de procurer à l'entrepreneur un avantage contraire à l'entreprise.
L'appelant observe qu'il ne lui est reproché que l'encaissement de deux chèques sur son compte personnel en juillet et septembre 2023 alors qu'il a, de son côté, entre mai et septembre 2023, procédé à 18 virements depuis son compte personnel vers son compte professionnel pour un total de 33.480 euros.
Sur ce,
7. La loi du 15 juin 2010, qui a créé l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (ci-après EIRL) a donné à celui-ci la possibilité d'être titulaire de plusieurs patrimoine dont l'un est spécialement affecté à l'exploitation de son entreprise et constitue l'assiette de ses créanciers professionnels dans l'hypothèse du prononcé de l'ouverture d'une procédure collective.
La création de ce patrimoine d'affectation est conditionnée par le respect de plusieurs conditions énoncées à l'article L.526-13 du code de commerce.
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante (dite loi API), a organisé l'extinction de l'EIRL pour l'avenir et créé un nouveau statut pour l'entrepreneur individuel à la tête désormais de deux patrimoines, l'un professionnel gage de ses créanciers professionnels et l'autre personnel à l'abri des poursuites de ceux-ci.
L'article R.526-26 du code de commerce précise la nature du patrimoine ainsi affecté au gage des créanciers professionnels.
Cette loi a été complétée en particulier par le décret n° 2022-890 du 14 juin 2022 relatif au traitement des difficultés de l'entrepreneur individuel, lequel a modifié ainsi l'article L. 526-22, alinéa 4, du code de commerce :
« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25.»
Il doit cependant être rappelé que, en vertu de l'article L.526-24 du code de commerce, l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale bénéficient d'un droit de gage sur les deux patrimoines de l'entrepreneur individuel, sous certaines conditions.
8. M. [O] est fondé à rappeler que le manquement grave aux obligations de l'article L526-13 du code de commerce n'est applicable qu'à l'EIRL. Ces manquement sont en effet relatifs à des obligations spécifiquement imposées à l'EIRL.
9. Toutefois, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 a expressément étendu à l'entrepreneur individuel la procédure en réunion des patrimoines créée par la loi du 15 juin 2010 et organisée par les articles L.621-1 et suivants du code de commerce.
Ainsi, l'article L.621-2 du code de commerce dispose :
« Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale. Le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas.
A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure (...)»
Egalement, l'article R.621-8-1, relatif aux formalités exigées dans le cadre de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, également applicable par renvoi aux procédure de redressement et de liquidation judiciaire, vise ainsi expressément à l'alinéa 3 l'entrepreneur individuel :
« L'identification du destinataire de l'assignation et de la signification prévues aux deux alinéas précédents ainsi que de la convocation mentionnée à l'article R. 631-4 est complétée, le cas échéant, par la dénomination de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ainsi que l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine a été affecté ou la dénomination de l'entrepreneur dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ainsi que l'objet de son ou ses activités professionnelles indépendantes.» (souligné par la cour).
10. Il résulte de ces éléments que la procédure en réunion des patrimoines est également applicable à l'entrepreneur individuel mais qu'il ne peut, dans ce cadre, être expressément excipé des obligations imposées à l'EIRL par l'article L526-13 du code de commerce, les autres critères de l'action en réunion des patrimoines, qui sont les mêmes que ceux de l'action en confusion des patrimoines en présence d'une personne morale, étant donc susceptibles d'être appliqués à l'entrepreneur individuel.
11. En l'espèce, il est établi que M. [O] a été immatriculé au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac le 11 décembre 2018 pour une activité de travaux de maçonnerie générale et gros 'uvre de bâtiment.
Cette activité a fait l'objet d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 18 octobre 2023.
Par jugement du 2 avril 2025, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de l'activité de M. [O] pour une durée de huit années et a nommé la société [9] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
12. L'examen des éléments produits aux débats met en évidence le fait que M. [O] est titulaire d'un compte ouvert dans les livres du [8] sous le numéro (...)197 et sous la dénomination '[O] [J] Autoentrepreneur' ainsi que d'un compte courant personnel sous le numéro (...)703.
Les relations entre ces deux comptes bancaires sont poreuses, le premier accueillant les prélèvements fiscaux propres à M. [O], ainsi que des virements effectués par celui-ci au bénéfice de son compte professionnel ou encore supporte des paiements au bénéfice de sociétés telles que [7], [4] ou [5] dont l'intérêt pour l'activité professionnelle de M. [O] n'est pas établi. Egalement, il n'est pas discuté par M. [O] que deux chèques émis par des clients ont été encaissés sur son compte personnel pour une somme totale de 14.200 euros.
Dès lors, dans la mesure où des versements sont effectués indifféremment sur le compte personnel ou le compte professionnel de M. [O] et où des paiements sont également effectués indifféremment par débit de l'un ou l'autre compte, il est établi une imbrication des masses actives et passives des patrimoines du débiteur qui rend impossible la détermination du patrimoine d'affectation de M. [O] à l'exercice de son activité.
13. Il convient donc, par substitution de motifs, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la réunion du patrimoine personnel de M. [O] à son patrimoine professionnel et dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure collective.
14. Y ajoutant, la cour déboutera M. [O] de sa demande en indemnité de procédure et le condamnera à payer les dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 11 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Bergerac.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [J] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [J] [O] à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président