CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 24 septembre 2025, n° 24/02891
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2025
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02891 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI4YP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2023 - tribunal de commerce de Paris 6ème chambre - RG n° 2022012830
APPELANTES
S.A.S.U. PP FINANCES placée sous sauvegarde par jugement rendu le 3 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Paris
[Adresse 2]
[Localité 9]
N°SIREN : 814 330 320
agissant poursuites et diligences par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
S.E.L.A.R.L. [E] CHARPENTIER agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP FINANCES, prise en la personne de Me [Y] [E] domicilié audit siège en ladite qualité
[Adresse 5]
[Localité 8]
N°SIREN : [Numéro identifiant 10]
S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIES, prise en la personne de Me [F] [Z], domiciliée audit siège en ladite qualité, désignée en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société PP FINANCES
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentées par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELARLU BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : D1119
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis TARCZYLO, avocat au barreau de Paris, toque : R057
INTIMÉE
Société LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF)
[Adresse 3]
[Localité 6]
N°SIREN : 445 200 488
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alexis SOBIERAJ, avocat au barreau de Paris, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant Me Olivier BOHBOT, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : PC 342
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé parVincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société PP Finances se trouve au bénéfice d'une procédure de sauvegarde dans le cadre de laquelle ont été désignés comme mandataire judiciaire la Selarl BDR et associés prise en la personne de Me [F] [Z], et comme commissaire à l'exécution du plan la Selarl [E]-Charpentier prise en la personne de Me [Y] [E]. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er février 2024, elles ont ensemble interjeté appel du jugement rendu le 14 décembre 2023 en ce que le tribunal de commerce de Paris saisi par voie d'assignation en date du 25 février 2022 délivrée à la requête de la société PP Finances et de la Selarl [E] Charpentier à la société Caisse régionale de crédit agricole Centre France et à la Selarl BDR et associés, a statué ainsi :
'Dit, à l'égard de la BROUARD [Z] remplacée par la société SAS BDR et ASSOCIES, prise en la personne de Me [F] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société PP FINANCES, l'assignation régulière et l'action recevable ;
Déboute SASU PP FINANCES et la SELARL [E]-CHARPENTIER ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP FINANCES, de leurs demandes ;
Fixe à la somme de 1 377 187,30 euros, à titre chirographaire, la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU PP FINANCES aux dépens (...)
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 13 mai 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de leurs dernières conclusions d'appelant, communiquées par voie électronique le 14 octobre 2024, la société PP Finances et la société [E]- Charpentier
présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
'Il est demandé à la cour d'appel de PARIS de :
Vu les dispositions des articles 907 et 789 du code de procédure civile, en leur rédaction applicable à la date de la déclaration d'appel de la présente instance ;
- Déclarer la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE irrecevable en sa fin de non-recevoir soulevée dans ses conclusions signifiées le 15 juillet 2024 ;
Puis,
- Juger les sociétés PP FINANCES et [E] CHARPENTIER, ès-qualité de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, recevables et fondées en leur appel ;
Et, y faisant droit,
- Infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n°2022012830), en ce qu'il a :
- débouté les sociétés PP FINANCES et [E] CHARPENTIER, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, de leurs demandes ;
- fixé à la somme de 1 377 187,30 € à titre chirographaire la créance de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE ;
- condamné la société PP FINANCES aux dépens ;
Et, statuant à nouveau,
Vu les dispositions des articles 1353, 2314 et 2356 du Code civil ;
Vu les dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce ;
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins, conclusions et arguments de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE ;
- Rejeter la prétendue créance telle que formée le 30 juin 2020 devant le juge-commissaire chargé de la sauvegarde de la société PP FINANCES (tribunal de commerce de PARIS) ;
- Condamner la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE à régler la somme de 5 000 € à chacune des concluantes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE aux entiers dépens d'appel, dont ceux distraits au profit de Maître Belgin PELIT-JUMEL, Avocat à la Cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'
Au dispositif de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 juillet 2024 qui constituent ses uniques écritures, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Il est demandé à la Cour de :
Déclarer irrecevables les demandes des appelants sur le fondement de l'article 408 du CPC
Débouter la société PP FINANCES et la société [E] CHARPENTIER prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Vu la déclaration faite entre les mains du mandataire judiciaire par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, pour la somme de 1.377.187,30 euros :
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner solidairement la société PP FINANCES et la [E] CHARPENTIER prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan à régler à la CAISSE REGIONALE DE
CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure et Subsidiairement DIRE que ces sommes seront fixées au passif de la sauvegarde.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des écritures des parties et des pièces de la procédure les faits constants suivants.
1 - Le 22 janvier 2016, la société Montparnasse 106 a acquis un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1]. Cette acquisition ainsi que la réalisation de travaux ont été financées au moyen d'un prêt amortissable d'un montant de 1 557 000 euros, consenti par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, en date du 12 janvier 2016, qui était assorti notamment des garanties suivantes :
' un nantissement en premier rang sur le fonds de commerce ;
' le cautionnement solidaire de M. [H] [X] à hauteur de 1 012 050 euros ;
' le cautionnement solidaire de M. [K] [X] à hauteur de 130 000 euros ;
' le cautionnement solidaire de la société PP Finances, société-mère de la société à responsabilité limitée Montparnasse 106, à hauteur de 1 557 000 euros.
2 - Par jugement en date du 10 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Montparnasse 106. Le 22 octobre 2018, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société Montparnasse 106, pour une somme de 1 379 076,59 euros. Par ordonnance du juge commissaire en date du 17 juin 2019, la créance a été admise en sa totalité, à titre privilégié (au titre d'un nantissement de fonds de commerce).
Par jugement en date du 27 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Montparnasse 106, et arrêté son plan de cession au prix de 100 000 euros en faveur de M. [O] [I], avec faculté de substitution au profit de la société S5, à constituer, reprenant à son compte les contrats de prêt, dont le contrat en litige.
Le jugement de liquidation judiciaire a entraîné la déchéance du terme du prêt à l'égard des cautions, ce dont la banque, conformément aux stipulations du contrat de prêt signé par elles, les a informées, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, daté du 27 août 2020, sollicitant en conséquence de leur part paiement de la somme de 1 282 864,74 euros, se décomposant ainsi :
' Échéances impayées : 80 469,34 euros
' Intérêts contractuels : 14 032,13 euros
' Restant dû au 27 février 2019 : 1 187 536,23 euros
' Intérêts contractuels : 827,04 euros.
L'acte de cession à la société S5, de l'entreprise Montparnasse 106, a été enregistré le 15 mai 2019.
Par jugement en date du 5 août 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société S5. La déclaration de créance faite par la banque au passif de la procédure de sauvegarde de la société S5 à titre privilégié a fait l'objet d'une contestation. Par jugement du 7 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde de la société S5. La créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a été prise en compte à titre privilégié dans le cadre du plan, à titre conservatoire puisque contestée.
3 - Par ailleurs, par jugement en date du 3 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société PP Finances, caution du prêt litigieux.
- La créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a été admise à titre chirographaire au passif de la procédure collective de sauvegarde de la société PP Finances, par ordonnance du juge-commissaire en date du 30 juin 2020.
- Par jugement en date du 15 décembre 2020 le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde de la société PP Finances, prévoyant en ce qui concerne le Crédit Agricole un remboursement de sa créance par compensation avec les réglements effectuées par le débiteur principal, disposant : 'tout réglement effectué par la société S5 au titre du remboursement des échéances postérieures du prêt transféré conformément aux dispositions de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, viendra compenser les remboursements que la société PP Finaces aura à effectuer au profit du Crédit Agricole dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde' et 'en cas d'absence de réglement par la société S5, remboursement sur une durée de 10 ans, par annuités progressives'.
- Sur appel interjeté par la société PP Finances, par arrêt du 15 décembre 2021 la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du juge commissaire du 30 juin 2020 qui avait admis la créance de la banque au passif de la société PP Finances à titre chirographaire à hauteur de 1 377 187,30 euros, et a invité la société PP Finances à saisir le tribunal de commerce de Paris, afin de trancher la contestation de la créance déclarée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France.
- Par acte d'huissier de justice daté du 25 février 2022, la société PP Finances et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [E]-Charpentier en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde ont fait assigner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et la société par actions simplifiée BDR & associés en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société PP Finances.
- Le tribunal a rendu le jugement dont appel, le 14 décembre 2023.
4 - Dans le cadre de la procédure d'appel, par conclusions du 14 février 2025, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a saisi d'incident le magistrat chargé de la mise en état de, auquel il était demandé de :
- Déclarer irrecevables les demandes des appelants pour défaut d'intérêt à agir sur le fondement de l'article 408 du code de procédure civile ;
- Déclarer l'extinction de l'instance.
Subsidiairement,
- Déclarer irrecevables les demandes des appelants pour défaut d'intérêt à agir à hauteur de la somme de 81 000 euros sur le fondement de l'article 408 du code de procédure civile.
En toute hypothèse,
- Débouter la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner solidairement la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan à régler à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, prise en la personne de son représentant légal, une somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner solidairement la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, aux entiers dépens d'appel.
Subsidiairement,
- Dire que ces sommes seront fixées au passif de la sauvegarde.
Suivant conclusions d'incident notifiées le 4 mars 2025, la société par actions simplifiée unipersonnelle PP Finances et la société d'exercice libéral à responsabilité limitéeEl Baze Charpentier en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP Finances demandaient au magistrat chargé de la mise en état de :
Juger les sociétés PP Finances et El Baze Charpentier, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, recevables et fondées en leur conclusions et demandes reconventionnelles ;
Et, y faisant droit,
À titre principal,
Vu les dispositions des articles 789, in fine, 907 et 914, alinéa 1er, du code de procédure civile, toutes dans leur rédaction applicable à la date de la déclaration d'appel, soit au 1er février 2024 ;
- Déclarer la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France irrecevable en son incident ;
À titre subsidiaire,
Vu les dispositions de l'article L. 626-21, alinéa 1er, du code de commerce ;
- Rejeter l'incident de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
En toute hypothèse,
Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil ;
Vu les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Rejeter l'incident de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
- La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler la somme de 10 000 euros à chacune des concluantes, à titre de dommages-intérêts pour incident abusif, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de l'ordonnance à intervenir ;
- Condamner le cas échéant la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler une amende civile pour incident dilatoire et abusif, dont elle ou il fixera le montant qu'elle ou il lui plaira ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler la somme de 6 000 € à chacune des concluantes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France aux entiers dépens du présent incident, dont ceux distraits au profit de Maître Belgin Petit-Jumel, avocat à la cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le dispositif de l'ordonnance du conseiller en charge de la mise en état rendue le 25 mars 2015 est ainsi rédigé :
'DÉCLARE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France recevable en sa demande tendant à faire déclarer irrecevables les demandes des appelantes et à déclarer l'instance éteinte ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement à la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
DÉBOUTE la société PP Finances et la société [E] Charpentier ès qualités de leurs demandes de dommages et intérêts pour incident abusif et de condamnation à une amende civile ;
CONDAMNE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France aux dépens de l'incident, dont distraction au profit de maître Belgin Petit-Jumel, avocat à la cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'
Il en résulte qu'une partie des demandes contenues dans le dispositif, précité, des dernières conclusions de l'intimé en date du 15 juillet 2024 [celles au visa de l'article 408 du code de procédure civile] ont été définitivement tranchées par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mars 2025, qui n'a pas été déférée à la cour, et sont dès lors irrecevables.
****
Le tribunal, dans le jugement dont appel, a débouté la société PP Finances et les organes de la procédure de leurs prétentions. Devant la cour d'appel, sur le fond, restent débattues la question de la créance de la banque à admettre au passif de la procédure collective de la société PP Finances, et celle de l'application de l'article 2314 du code civil.
I) Sur la fixation de la créance
* Se référant aux dispositions de l'article 1353 du code civil, les appelants dans leurs écritures développent que les décomptes produits par le Crédit Agricole, afin de tenter de justifier du bien-fondé de sa prétendue créance détenue à l'encontre des concluants, ne sont manifestement pas probants. En effet, à l'inverse du tribunal, la cour ne pourra que constater que les montants qui y sont mentionnés ne correspondent aucunement à ce qui est
indiqué dans le tableau d'amortissement également produit par le Crédit Agricole. Ainsi, le Crédit Agricole mentionne dans son décompte que le capital et les intérêts contractuels restant dû s'élèveraient à la somme de 80 469 + 14 032,13 = 94 501,47 euros, ce qui correspondrait aux 'échéances impayées du 15/08/2018 au 27/02/2019'. Or, une analyse du tableau d'amortissement montre que de l'échéance du 15 août 2018 à celle du 15 janvier 2019 inclus, les sommes prétendument impayées s'élèveraient à la somme globale de : 13 500,21 x 6 = 81 001,26 euros, soit une somme nettement moindre. Il existe une différence de 13 500,21 euros, soit le montant exact d'une échéance, entre le montant allégué par le Crédit Agricole dans ses écritures et celui mentionné sur le tableau d'amortissement, qu'il verse lui-même aux présents débats. Cette incohérence ne peut que jeter le doute quant au prétendu bien-fondé de la créance alléguée par le Crédit Agricole dans le cadre de la présente instance, c'est-à-dire quant à son prétendu caractère certain, liquide et exigible. Si le montant-même du capital et des intérêts du prêt litigieux n'est déjà pas correct, comme cela vient d'être démontré, c'est toute la créance qui devient douteuse. Tant à l'occasion de ses conclusions régularisées en première instance qu'en cause d'appel, le Crédit Agricole a reconnu qu'il existe bien une différence de montants correspondant à une échéance, mais a tenté de faire croire au tribunal, comme il le fait désormais devant la cour, que l'erreur viendrait de la société PP Finances. Or la cour sera bien en peine de déceler dans les écritures de la banque la moindre explication précise et par quel raisonnement elle arrive au montant de la créance qu'elle prétend détenir à l'encontre de la société PP Finances.
Selon les appelants, le Crédit Agricole en outre refuse de procéder à un partage précis de sa prétendue créance entre la société PP Finances, caution de la société Montparnasse 106, d'une part, et la société S5 et M. [I], d'autre part, et d'appliquer en conséquence à la société PP Finances une règle de proportionnalité, afin de tenir compte de la date de transfert du fonds de commerce au profit de la société S5. Le Crédit Agricole affirme, dans ses conclusions, qu'aucune dichotomie entre les différents prétendus débiteurs ne devrait être effectuée, dans la mesure où la caution resterait de toute façon tenue pour le tout, c'est-à-dire pour le solde restant soi-disant dû à la banque, et produit un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens, dont elle ne justifie pas du caractère définitif.
Aussi les appelants reprochent-ils au tribunal d'avoir reconnu qu'il existait une erreur sans en tirer les conséquences qui s'imposaient, à savoir l'incertitude de la prétendue créance alléguée par le Crédit Agricole. Le Crédit Agricole est impuissant à rapporter la preuve du montant de la créance qu'il allègue, c'est-à-dire la preuve de sa réalité. La cour rejettera donc les demandes de la banque, à défaut d'être clairement et précisément établies, conformément aux dispositions des dispositions de l'article 1353 du code civil.
* La banque fait valoir en premier lieu, pour répondre à la société PP Finances prétendant que le décompte produit par la banque serait insincère, puisqu'aucune règle de proportionnalité n'aurait été appliquée, et qu'elle ne serait redevable que des échéances échues et impayées, jusqu'à la date de déchéance du terme, que le cessionnaire c'est-à-dire la société S5, n'est tenue d'exécuter le contrat qu'à compter de la date du transfert de propriété et n'est pas tenue du passif contractuel né avant cette date ; la société PP Finances et les deux autres cautions sont quant à elles tenues du passif contractuel né avant cette date comme après cette date, il y a en effet adjonction et non substitution d'un débiteur en la personne de la société S5, de sorte que la transmission n'a nullement libéré le débiteur principal la société Montparnasse 106 de son obligation pour la totalité de la dette, ni la société PP Finances ès-qualités de caution, et pour les deux, que ce soit avant ou après la déchéance du terme. La société PP Finances est caution des obligations de la société Montparnasse 106, débitrice principale, et à ce titre a vocation à honorer aux lieu et place de cette dernière ses obligations issues du contrat de prêt. L'adjonction d'un nouveau débiteur en la personne de la société S5 au profit de la banque ne porte que sur la seule fraction de la dette restant à échoir à compter du transfert de propriété, le transfert de l'obligation de remboursement pesant sur le repreneur n'entraînant aucune décharge corrélative de la caution de la société emprunteuse. Il n'y a pas lieu à procéder à un partage précis de la créance entre les cautions et le repreneur et appliquer une règle de proportionnalité, tel que la partie adverse le réclame à nouveau à hauteur de cour. Il est produit l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens le 24 septembre 2019, page 12/19 , mais aussi l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 1er décembre 2016, page 6/9 qui rappellent que le créancier dispose de deux débiteurs principaux, le débiteur en procédure collective, le cessionnaire, mais aussi d'un autre débiteur, à savoir la caution. Ainsi, l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession, les mensualités à échoir, ne valant pas, sauf accord express du prêteur, qui n'a jamais eu lieu, novation par substitution du débiteur, la caution solidaire, en l'espèce PP Finances, des engagements de l'emprunteur, en l'espèce la société Montaparnasse 106, demeure tenue de garantir l'exécution du prêt, tant pour les échéances échues antérieurement au plan de cession que postérieurement. Il n'existe aucune jurisprudence contraire.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France fait valoir ensuite, en ce qui concerne la prétendue discordance des montants entre le tableau d'amortissement et le décompte de créance, que le montant dû par la société débitrice principale entre le 15 août 2018 et le 27 février 2019, comprend sept échéances impayées comme l'indique d'ailleurs elle-même la partie adverse. Quant au tableau d'amortissement pour la période du 15 août 2018 au 15 janvier 2019, s'y référant les appelants retiennent six échéances, au lieu des sept impayées, omettant sans raison d'inclure l'échéance du 15 février 2019, ce qu'a relevé le tribunal. Par suite, il n'existe aucune différence de calcul et de résultat entre le montant des échéances impayées et celui figurant dans le tableau d'amortissement.
Sur ce
Contrairement à ce qu'écrivent les appelants, les explications de la banque sont cohérentes et pertinentes, et surtout, sont confirmées par l'examen comparé des pièces qu'elle produit, à savoir : le tableau d'amortissement (pièce 16 de la banque) et le décompte de créance établi à la date de la liquidation judiciaire de la société Montparnasse 106 prononcée le 27 février 2019 (pièce 10 de la banque), pièces dont il ressort, sans ambiguité aucune puisque contrairement à ce qu'avancent les appelants il n'existe aucune discordance entre elles, que sont restées impayées sept échéances du prêt consenti à la société Montparnasse 106, entre le 15 août 2018 et le 15 février 2019 inclus, pour un montant de 80 469 euros (en capital) + 14 032,13 euros (intérêts contractuels au taux de 1,95 %) soit un total de 94 501,47 euros.
Le premier juge ayant relevé à juste titre que la créance n'est pas autrement contestée, au vu de ce qui précède il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne la fixation du montant de la créance de la banque - laquelle inclut le montant de ces sept échéances.
II) Sur l'application de l'article 2314 du code civil
Comme résumé par la banque intimée la société PP Finances se plaint de ne pas pouvoir être subrogée au privilège constitué par un nantissement sur le fonds de commerce et ce par le fait du créancier. Elle prétend aussi que le Crédit Agricole n'a pas pris de nantissement ou un privilège de vendeur sur le fonds de commerce de la société S5 et que depuis, d'autres inscriptions sont intervenues obérant ses chances dans l'hypothèse d'une action récursoire. Ainsi, elle reproche à la banque : 1) la perte du nantissement du fonds de commerce, 2) de ne pas avoir agi avec célérité et enfin, 3) de n'avoir pris aucune mesure ou garantie à l'égard de la société débitrice, autant d'agissements qui selon l'appelante font tomber la Caisse régionale de crédit agricole Centre France sous le coup des dispositions de l'article 2314 du code civil. La société PP Finances également se prévaut de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce en ce qu'il prévoit que la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales, garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel porte ses sûretés, est transmise au cessionnaire.
La société PP Finances et la Selarl [E] Charpentier ès qualités développent, longuement, que le Crédit Agricole n'a effectué, depuis plus d'un an et demi, c'est-à-dire depuis la date de la cession de l'entreprise Montparnasse 106 à la société S5, aucune démarche pour le paiement du prêt par la société S5, cessionnaire, et en outre n'a pris aucune sûreté ou droit privilégiés à l'encontre de la société S5. Ainsi, cette négligence plus que blâmable et la volonté d'atermoiement du créancier constituent en soi une faute inexcusable qui décharge la caution (cf. Cass 1re Civ, 6 oct. 1971, Bull civ I, n° 253, D. 1973, p. 316). Le Crédit Agricole ne justifie pas avoir effectué la moindre démarche auprès de la société S5 en suite du plan de cession de la société Montparnasse 106. Aucune pièce n'a été produite en ce sens par l'intimée. La banque prétend qu'elle aurait 'tenté de parvenir sans succès à une résolution amiable du litige' en adressant des mises en demeure à la société PP Fiannces, dont le ton comminatoire habituel laisse tout sauf la moindre latitude à un rapprochement amiable entre les parties. Le Crédit Agricole a d'ailleurs une notion à géométrie variable de la tentative de résolution amiable d'un litige, dans la mesure où, à l'inverse, la banque a fait preuve d'un singulier laxisme à l'égard de la société S5, en attendant 18 mois après le transfert du prêt litigieux au profit de cette société pour lui réclamer enfin la reprise du remboursement dudit prêt. L'excuse invoquée par le prétendu créancier est la crise sanitaire liée à la propagation du Covid, survenue 12 mois après la cession, ce qui n'est pas sérieux. Cette même crise a touché toute la restauration et n'a pourtant pas empêché le Crédit Agricole de poursuivre la société PP Finances, ainsi que les autres cautions personnes physiques d'ailleurs, devant le tribunal de commerce de Paris, ainsi que dans une instance nouvelle devant ce même tribunal contre la société Mozart 109, société exploitant un restaurant et devant soutenir le plan de sauvegarde de la société holding PP Finances. Et ceci alors que le Crédit Agricole a approuvé le plan de sauvegarde de la société PP Finances devant le tribunal de commerce de Paris. Ainsi, le Crédit Agricole n'hésitait pas à agir en justice dans certains cas, y compris pendant la crise sanitaire, et ne le faisait pas dans d'autres notamment, en l'occurrence, quand il s'agissait de clients ayant des liens durables avec cette banque comme M. [I].
Or, la caution est déchargée si le créancier a laissé perdre un droit préférentiel de nature à accroitre ses chances de remboursement. C'est le cas d'un nantissement de fonds de commerce (cf. Cass. com., 3 nov 1975, Bull. civ. IV, n° 247). Un extrait Kbis et un état d'endettement de la société S5 en date du 7 février 2021 font apparaitre que le Crédit Agricole n'a pris ni nantissement ni privilège du vendeur sur le fonds de commerce de la société S5. Or, des créanciers ont pris de nouvelles inscriptions sur ce fonds de commerce.
Ainsi, outre le fait que le Crédit Agricole se désintéresse totalement du remboursement de son prêt depuis plusieurs années par la société S5, débiteur principal, il a laissé perdre un droit préférentiel, d'autres inscriptions étant intervenues entre-temps sur le fonds de la société S5, étant rappelé que l'exploitation des restaurants allait s'avérer de plus en plus difficile dans une période de crise sanitaire liée à la propagation du Covid 19. Aucune inscription n'a été prise par la banque créancière sur le fonds de commerce de la société S5, son débiteur. À tout le moins, devant la carence de la société S5, le Crédit Agricole ayant une créance apparemment fondée en son principe et faisant face à une menace de son recouvrement pouvait demander au tribunal de commerce de l'autoriser à prendre un nantissement judiciaire conservatoire sur le fonds du débiteur, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution (anciennement article 67 de la loi du 9.7.1991), s'il avait un doute quant à l'inscription d'un nantissement en vertu du prêt consenti à la société S5. Tel est le cas lorsque le recouvrement de la créance est menacé par l'inertie du débiteur (cf. Cass. 2e civ, 6 déc. 1989).
Par ailleurs, à l'inverse du tribunal, la cour rejettera en bloc l'affirmation péremptoire du Crédit Agricole selon laquelle les concluants ne rapporteraient pas la preuve de leur perte du bénéfice de la garantie à raison de l'attitude passive de la banque. L'état d'endettement de la société S5, qui contient la liste des privilèges et nantissements inscrits auprès du greffe du tribunal de céans, a été versé aux présents débats, et ce dès les premières conclusions des sociétés appelantes. Il ressort de façon claire et sans équivoque de cette pièce, que le Crédit Agricole n'a jamais cru bon devoir inscrire le nantissement du fonds de commerce cédé à la société S5 auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris. Partant, il s'agit bien d'une négligence blâmable et préjudiciable commise par le Crédit Agricole qui n'est dès lors pas sérieux à nier la réalité et à se contenter d'affirmer que le nantissement du fonds de commerce demeurerait dans le contrat de prêt en cause. Cette affirmation est vaine, puisqu'aucune inscription n'a été faite en ce sens concernant la société S5, privant ainsi la garantie de toute efficacité. Il était tout autant inexact d'affirmer, comme croit pouvoir le faire le Crédit Agricole dans ses écritures, que le nantissement demeurerait opposable aux propriétaires successifs du fonds grevé, alors qu'en l'absence de toute inscription afférente, ce qui est largement établi en l'espèce, l'opposabilité aux tiers de toute sorte est inexistante.
D'autre part, le Crédit Agricole ne craint pas non plus de se contredire dans ses propres conclusions, en développant, après avoir affirmé que le bénéfice du nantissement demeurait soi-disant dans le contrat de prêt en cause, l'hypothèse où les concluants auraient effectivement perdu le bénéfice de cette garantie, ce qui constitue une forme d'aveu de la part de la banque, qui ne conteste de toute façon aucunement dans ses conclusions ne pas avoir procédé à l'inscription du nantissement du fonds de commerce de la société S5, tout en se qualifiant de 'créancier inscrit', démontrant ainsi que la banque savait pertinemment qu'il lui appartenait de procéder à l'inscription du nantissement, afin de sauvegarder ses droits, puis ceux des cautions qui lui auraient été subrogées.
Le Crédit Agricole a également tenté de minimiser l'impact de sa négligence en rappelant avoir de toute façon déclaré sa créance à titre privilégié au passif de la société Montparnasse 106, confirmant davantage qu'aucune inscription n'a été prise sur le fonds de commerce de la société S5. Suite à recours, il n'existe à ce jour aucune certitude quant à l'admission de la créance du Crédit Agricole au passif de la société S5. Quand bien même cette créance aurait été admise en définitive au passif de cette société, la déclaration à ce passif ne constitue en rien un gage de sauvegarde du bénéfice du nantissement du fonds de commerce de la société S5, dans la mesure où l'inscription dudit nantissement est naturellement distincte de la procédure de déclaration de créance au passif d'une société en procédure collective. En l'absence d'inscription de la garantie sur l'état d'endettement du débiteur principal, tenu par le greffe du tribunal de commerce de Paris, les cautions subrogées perdent leurs droits sur le fonds de commerce, nonobstant la déclaration de créance qui aurait pu avoir été faite au passif dudit débiteur principal. Par conséquent, les justifications que tente d'apporter le Crédit Agricole sont de surcroît inopérantes. La cour relèvera également que la banque a également rappelé n'avoir jamais exprimé le moindre accord de façon expresse pour la perte du nantissement du fonds de commerce cédé à la société S5. Fort de ce rappel, le Crédit Agricole n'explique toutefois pas les raisons pour lesquelles il a cru pouvoir s'abstenir d'inscrire ce nantissement dès le transfert de propriété effectué, ce qui aurait permis de sauvegarder ses droits puis ceux des cautions éventuellement subrogées sur le fonds de commerce. La cour déplorera donc cette négligence blâmable de la part de la banque, au préjudice des droits des cautions.
(...) Il ressort donc des développements ci-dessus qu'il semble selon toute vraisemblance que M. [I], client banque privée du Crédit Agricole et dirigeant de la société S5, bénéficie d'un traitement de faveur. La banque Crédit Agricole ne conteste d'ailleurs pas vraiment cette réalité, dans la mesure où elle confirme avoir souhaité ne pas adopter une attitude trop brutale à l'égard de M. [I] et de la société S5 et avoir ainsi agi 'dans un souci de cohérence économique' soi-disant afin de laisser le temps à M. [I] de 'finaliser son entreprise' en l'occurrence 18 mois sans être remboursée de la moindre échéance du prêt. En réalité, l'explication que le Crédit Agricole tente de donner dans ses écritures témoigne de son malaise face à l'inertie flagrante dont il a fait preuve à l'égard de la société S5 et de son dirigeant, inertie qui ne saurait s'expliquer autrement que par un traitement de faveur exceptionnel de la banque à l'égard de ce dernier, client d'une caisse appartenant au groupe Crédit Agricole.
(...) Dans la mesure où il apparaît que la société S5 a tout mis en oeuvre afin d'évincer, notamment, la société Brouard-[Z], ès-qualités de liquidateur de la société Montparnasse 106, de la liste des créanciers admis à son passif, l'action récursoire dont la société PP Finances pouvait bénéficier si le Crédit Agricole avait correctement accompli les diligences en ce sens aurait dès lors permis d'assurer les concluants de se retourner contre la société S5 et d'espérer obtenir un recouvrement, notamment, par la mise en jeu du nantissement de fonds de commerce de cette société. Or, en ne procédant à aucune inscription de ce nantissement auprès du greffe du tribunal de commerce de céans, le Crédit Agricole s'est de toute évidence rendu coupable de négligence au préjudice des droits des concluants, privant ainsi ces derniers de tout espoir de recouvrer la moindre somme à l'encontre de la société S5, dans le cadre d'une action récursoire, cette société paraissant de surcroît animée par une singulière absence de bonne foi à l'égard de ses créanciers.
Le Crédit Agricole avance dans ses écritures l'argument selon lequel les concluants ne démontreraient pas que la valeur du fonds de commerce transmis à la société S5 aurait permis de recouvrer leur créance dans le cadre d'une action récursoire, affirmant que cette société serait soi-disant au bord de la liquidation judiciaire. Cependant, la société S5 est toujours sous sauvegarde et n'est aucunement au bord de la liquidation judiciaire comme le prétend à tort le Crédit Agricole. La question de déterminer si le fonds de commerce en cause est valorisé ou non à ce jour ne se pose même pas, dans la mesure où les concluants ne sauraient avoir des droits sur ce fonds puisque le Crédit Agricole n'a pas cru bon devoir sauvegarder ces droits en procédant à l'inscription du nantissement dudit fonds. L'argument avancé par la banque est inopérant et ne permet en aucune manière au Crédit Agricole d'échapper à sa responsabilité.
La banque intimée avance, en cause d'appel et dans ses conclusions signifiées le 15 juillet 2024, un nouvel argument, affirmant qu'en toute hypothèse et compte tenu du plan de sauvegarde de la société S5, l'appelante n'aurait de toute façon pas pu mettre en jeu le nantissement, quand bien même il aurait été inscrit sur le fonds de commerce de la société ce qui est inexact : contrairement à ce qu'elle allègue, le nantissement aurait pu prendre son plein effet, surtout si la société S5 se montrait défaillante dans le respect des termes de son plan de sauvegarde. Le Crédit Agricole indique d'ailleurs lui-même, dans ses propres écritures, qu'il 'n'a reçu aucun règlement de la société débitrice principale' c'est-à-dire de la part de la société S5, ce qui ne laisse présager rien de bon pour la suite. Par conséquent, non seulement la banque intimée reconnait devant la cour ne pas avoir procédé à l'inscription de son nantissement sur le fonds de commerce de la société S5, afin de préserver les droits des cautions tels que les concluantes, mais elle fait montre d'une désinvolture totale sur le sort de ce nantissement face à la défaillance de la société S5.
Le préjudice des concluantes est donc évident, puisque, par la faute ' non contestée au demeurant ' du Crédit Agricole, elles perdent le bénéfice de la garantie dont bénéficiait, pour sa part, la banque intimée. Le tribunal ne pouvait donc raisonnablement rejeter les prétentions des concluantes au regard de la jurisprudence ci-avant, en renversant la charge de la preuve de l'inefficacité de la subrogation et en dispensant la banque intimée de rapporter la preuve d'une prétendue limitation du préjudice subi par les concluantes.
La banque répond en premier lieu, que la société appelante ne démontre pas en quoi le Crédit agricole aurait perdu le bénéfice de la garantie, dès lors que le jugement de cession prévoit expressément la reprise des contrats de prêts consentis par le Crédit agricole conformément à l'article L 642-12 alinéa 4 du code du commerce. Dès lors, le nantissement de fonds de commerce demeure une garantie du contrat de prêt consenti à la société Montparnasse 106. Ainsi, le nantissement reste opposable aux propriétaires successifs du fonds grevé, de sorte que le privilège subsiste sur le gage nonobstant la transmission de cette sûreté qui figure dans le périmètre de la reprise arrêté au plan de cession. La société appelante ne démontre pas en conséquence la perte de sûreté dont elle se prévaut. Il semble que la société PP Finances n'ait pas saisi la portée des dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce, en ce que le Crédit agricole bénéficiait d'un nantissement garantissant le remboursement d'un crédit consenti à la société Montparnasse 106 pour lui permettre le financement de son fonds de commerce sur lequel portait précisément sa sûreté spéciale. Le tribunal de commerce de Paris ne s'y est nullement trompé puisqu'il juge exactement que 'Le nantissement de la société Montparnasse 106 figure toujours au profit de la Caisse à échéance du 22 juillet 2026, en ce qu'il a été inscrit le 22 juillet 2016, sur l'état relatif aux inscriptions des privilèges et publications de la société Montparnasse 106 ; Que l'absence de mention du nantissement au profit de la Caisse sur le fonds de commerce de la société S5 n'équivaut nullement à la disparition du nantissement dont entend se prévaloir la société PP Finances ; Qu'en outre, aucun texte n'exige d'un créancier qu'il procède à une inscription modificative du nantissement d'un fonds de commerce au registre des sûretés mobilières, suite à un plan de cession'.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France conclut, subsidiairement, qu'en tout état de cause, même à suivre le raisonnement totalement erroné de PP Finances, l'éventuelle perte de garantie ne résulterait pas du fait exclusif du créancier inscrit. En effet, d'une part, la déclaration de créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France au passif du débiteur principal cautionné est exclusive de toute faute ayant privé la caution de tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, découlant de l'absence de cette déclaration. La banque a régulièrement déclaré sa créance au passif du débiteur principal cautionné, et ce à titre privilégié et nanti pour un montant au surplus très supérieur aux engagements de caution de la société PP Finances. En effet, la caisse a produit sa créance pour un montant de 1 379 076,59 euros à titre privilégié et nanti tandis qu'il n'est réclamé qu'une somme de 1 282 864,74 euros à la société PP Finances tel que cela ressort de la mise en demeure notifiée le 27 août 2020. En outre, le grief de n'avoir pris aucune mesure à l'encontre de la société débitrice S5, à l'occasion de la cession, est totalement infondé puisque la perte éventuelle du nantissement du fonds de commerce ne serait alors pas imputable à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, créancière, mais procèderait au contraire exclusivement du jugement arrêtant le plan de cession. En effet, la cession du fonds a été conduite par le liquidateur judiciaire dûment autorisé par le juge commissaire dans le cadre d'un plan de cession et la perte du nantissement ne saurait nullement être imputée à la banque créancière qui n'a jamais exprimé un accord express pour la perte de ce nantissement. La société PP Finances est donc en toute hypothèse dans l'incapacité absolue de démontrer que le nantissement exclu du périmètre de la cession a été perdu de son fait exclusif. Une telle motivation est donc erronée et l'article 2314 du code civil inapplicable en l'espèce.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France poursuit en assurant qu'à aucun moment elle n'a manifesté un désintérêt à l'endroit de sa créance, puisqu'elle a produit sa créance qui a été admise, qu'elle a répondu au juge commissaire qui a admis sa créance à titre privilégié, qu'elle a notifié une mise en demeure à chacune des cautions d'avoir à régler le montant de sa créance, et qu'elle a fait assigner la société repreneur devant le tribunal de commerce de Paris.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France entend souligner que contrairement à ce que prétend la société PP Finances, elle n'a pas attendu 18 mois pour engager une procédure à l'encontre des cautions et de la société cessionnaire. En effet, postérieurement au jugement arrêtant le plan de cession, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a notifié les tableaux d'amortissement à la société cessionnaire qui a sollicité quelques mois de délai pour lui permettre de mettre en place la structure productive conforme à son offre de reprise et de lui laisser le temps de réaliser les travaux. Ainsi, dans un souci de cohérence économique, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a nécessairement laissé le temps à la société S5 de finaliser son entreprise, ce qui paraît parfaitement logique. Agir antérieurement lui aurait été reproché comme procédant d'une attitude trop brutale. Il n'y a eu aucun traitement privilégié, comme l'insinue de façon injurieuse la caution. Quoi qu'il en soit, et pour revenir au grief d'inertie, dès lors que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France s'est décidée à engager la procédure à la fin du mois de février 2020, une période protégée a été mise en place dont le terme n'a été fixé que le 23 juin 2020 à minuit. Compte-tenu des difficultés économiques notoires rencontrées par les restaurateurs, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a décidé de différer de trois mois l'engagement de la procédure, par respect et par solidarité. Il conviendra de rappeler tout de même à la société PP Finances qu'en matière de crédit à la consommation, la forclusion biennale a pour vocation à sanctionner un prêteur négligent. Le législateur estime donc que
ce n'est qu'au terme d'un délai de deux ans qu'il y a lieu de sanctionner le prêteur. En matière de prêt professionnel, la prescription est quinquennale. Le tribunal ne s'y est pas non plus trompé puisqu'il a parfaitement jugé que le créancier a donc agi en recouvrement de sa créance dans le délai de prescription, de sorte qu'il n'a pu commettre aucune faute et qu'aucun abus dans l'exercice de ce droit n'a été démontré ni même revendiqué. Le tribunal a d'ailleurs aussi également relevé que la société PP Finances ne procédait que par affirmations sans que ses propos ne soient étayés par la moindre pièce. En l'espèce, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a donc factuellement attendu douze mois (du mois de mars 2019 au mois de février 2020, date à laquelle elle a été empêchée) pour engager une procédure, ce qui, compte tenu des circonstances précitées, ne saurait nullement être considéré comme tardif. Il convient également d'ajouter que la déchéance du terme à l'encontre des cautions n'a été prononcée que le 27 août 2020, de sorte que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a engagé la procédure contentieuse à l'encontre des trois cautions et de la société cessionnaire moins d'un mois après cette notification, étant observé que ce n'est qu'à cette date que la banque pouvait exiger le paiement s'agissant d'une obligation à terme en ce que l'article 2233 du code civil dérogeant aux dispositions générales de l'article 2224 du code civil s'applique à un prêt professionnel.
Par ailleurs, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France fait valoir que le grief d'absence de constitution d'une garantie est sans objet dès lors qu'il est constant que le nantissement du fonds de commerce nonobstant son transfert, subsiste sur le gage qui est donc sauvegardé nonobstant sa transmission. En toute hypothèse, y compris celle d'une déperdition du privilège, l'article 2314 du code civil ne vise pour autant à aucun moment une quelconque obligation mise à la charge du prêteur de constituer un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société S5. En effet, la caution n'est libérée lorsque la subrogation ne peut plus s'opérer en sa faveur que si la garantie existait antérieurement au contrat de cautionnement ou si le créancier s'était engagé à les prendre. Tel n'est évidemment pas le cas de la constitution postérieure à un plan de cession d'un acte de nantissement.
En conclusion, la société PP Finances n'est pas parvenue à démontrer non seulement la perte du nantissement elle-même, mais encore la perte du nantissement du fait exclusif de la banque, ni encore que cette perte lui ouvrirait droit à décharge dans la mesure où elle ne justifie et ne prétend même pas avoir perdu une quelconque chance effective de succès dans l'hypothèse d'une action récursoire. Elle ne démontre pas que le fonds de commerce en question aurait conservé toute sa valeur, alors même que la société S5 affiche une perte de 571 000 euros en 2019 sur dix mois et qu'elle était proche en conséquence d'une liquidation. C'est à la société appelante d'administrer la preuve de son préjudice éventuel, ce qu'elle ne fait pas, ne produisant aucune pièce en ce sens. Bien plus, la société PP Finances administre elle-même la preuve de l'inexistence de son préjudice en page 21 de ses conclusions d'appelante, en ce qu'elle affirme que dans l'hypothèse d'une subrogation, il existe un très fort risque d'absence de règlement compte-tenu de ce que la société S5 a été placée en plan de sauvegarde. Ainsi, la société PP Finances affirme qu'il serait donc quasiment impossible pour la société S5 de la rembourser de façon spontanée. Dans une telle situation, le nantissement qui selon les dires de la société PP Finances ferait désormais défaut, ne lui serait donc d'aucune utilité, compte-tenu de la mesure de protection dont bénéficie la société S5. Dès lors, ce moyen sera considéré comme inopérant et rejeté en conséquence.
Sur ce
L'article 2314 du code civil, dispose :'La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.'
La décharge prévue par l'article 2314 du code civil est soumise à trois conditions qui doivent être cumulativement remplies (et uniquement celles-ci) : un droit susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation doit avoir été perdu, cette perte doit être intervenue par le fait du créancier, et la caution doit avoir éprouvé un préjudice.
Un droit préférentiel s'entend d'un droit susceptible de conférer à son titulaire une faculté plus grande dans la perception de sa créance, ajoutant un avantage à sa situation de chirographaire. Tel est le cas d'un nantissement du fonds de commerce.
Tout d'abord, la caution ne peut être déchargée que si les droits préférentiels existaient antérieurement ou concomitamment à son engagement (il suffira que les droits préférentiels soient entrés dans les prévisions de la caution).
En l'espèce, ce point ne fait pas débat : il est constant que le nantissement du fonds de commerce était envisagé comme garantie du contrat de prêt amortissable d'un montant de 1 557 000 euros, consenti par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à la société Montparnasse 106 pour le financement de l'acquisition le 22 janvier 2016, d'un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1]., et ce prêt était, en outre, assorti des garanties suivantes : le cautionnement solidaire de M. [H] [X] à hauteur de 1 012 050 euros, le cautionnement solidaire de M. [K] [X] à hauteur de 130 000 euros, et le cautionnement solidaire de la société PP Finances, société-mère de la société à responsabilité limitée Montparnasse 106, à hauteur de 1 557 000 euros.
Il est tout aussi constant que le nantissement portant sur le fonds de commerce acquis au moyen dudit prêt a été bel et bien inscrit au greffe du tribunal de commerce de Paris, le 26 juillet 2016, en suite de la cession du fonds de commerce intervenue le 13 juillet 2016 - Cf. Pièce 33 de la banque. La régularité de cette inscription et son efficience ne sont pas non plus contestées par la société PP Finances.
En l'occurence, il n'existe pas de perte d'un droit préférentiel, dans la mesure où le fonds de commerce nanti a été cédé dans le cadre de la procédure collective, que le contrat de prêt afférent a été repris par le cessionnaire, et que le nantissement a continué à produire ses effets et ainsi à grever le fonds de commerce cédé, sans qu'il ne soit besoin pour le créancier de procéder, à nouveau, à l'inscription de son privilège.
C'est d'ailleurs en ce sens que, dans une certaine mesure, le tribunal a jugé, statuant en ces termes :
' (...) la caution ne peut utilement invoquer le bénéfice de l'article 2314 du Code civil que si elle a subi un préjudice du fait de la perte des garanties qu'elle invoque, ce manquement de la part du créancier ne pouvant lui ouvrir droit à décharge que si elle a perdu une chance effective de succès de son action récursoire. Or, PP Finances, qui prétend bénéficier des dispositions de l'article 2314 susvisé, d'une part ne caractérise ni encore moins ne quantifie le préjudice qu'elle subirait du fait de l'abstention de CRCA qu'elle invoque, d'autre part n'explique pas le lien entre l'absence d'inscription modificative du nantissement de fonds de commerce et son préjudice, alors notamment que le nantissement est toujours inscrit sur le fonds de commerce cédé (souligné par nous-même) et que cette inscription est valable pendant encore deux ans et demi. En conséquence, le tribunal constatant qu'il ne lui est pas demandé par PP Finances de la décharger à concurrence d'un préjudice caractérisé et encore moins quantifié, ne pourra, au regard des dispositions de l'article 2314 du Code civil, que la débouter de sa demande qui se trouve être sans objet (...)'.
La société appelante entend critiquer cette décision en ce que le tribunal n'a aucunement tenu compte de son argumentation, et qu'il s'est mépris sur sa demande. De première part, il paraissait évident qu'il était sollicité la décharge de la caution la société PP Finances, de la totalité du montant de la créance dont la banque se prévaut. D'autre part, il revient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir que la subrogation n'aurait pas été efficace, et de prouver que le préjudice subi par la caution du fait de la perte des droits préférentiels est inférieur au montant de son engagement. Il n'en est rien en l'espèce et le tribunal n'a pas cru bon devoir le relever. Aussi, le tribunal n'a procédé à aucune vérification de la situation de la société PP Finances en l'absence d'inscription du nantissement de fonds de commerce, il ne pouvait se contenter de relever une prétendue absence de préjudice pour juger qu'il n'existait pas de motif à décharger la société PP Finances de sa caution à hauteur de la totalité du montant de la créance alléguée par la banque, ce alors que le préjudice est parfaitement démontré, puisqu'en cas de subrogation, il existe un très fort risque, la débitrice principale, la société S5, étant sous plan de sauvegarde : en cas d'impossibilité pour elle de rembourser de façon spontanée la caution, la société PP Finances, cette dernière ne pourrait aucunement se reposer sur le nantissement de fonds de créance, qui n'a pas été inscrit par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France.
Il est à relever que l'intégralité des développements de la société appelante repose sur le postulat que le nantissement inscrit initialement sur le fonds de commerce se serait évaporé faute d'avoir été renouvelé à l'égard de la société cessionnaire, inscription qui selon la société appelante était absolument nécessaire, ce qui est inexact puisque le nantissement a continué à produire ses effets et ainsi à grever le fonds de commerce cédé, sans qu'il ne soit besoin pour le créancier de procéder, à nouveau, à l'inscription de son privilège, en sorte qu'en réalité aucun droit préférentiel n'a été perdu, la société appelante soutenant, à tort, le contraire.
Par conséquent, cette condition de perte d'un droit préférentiel n'étant pas remplie et les trois conditions résultant de l'article 2314 du code civil étant cumulatives, ces dispositions ne peuvent recevoir application et la caution n'est pas fondée à demander à être déchargée de son engagement.
Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les appelantes, qui succombent, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
DÉCLARE irrecevable la demande de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, tendant à voir 'Déclarer irrecevables les demandes des appelants sur le fondement de l'article 408 du CPC' ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant :
FIXE à 2 000 euros la somme due par la société PP Finances en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les appelants de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;
DIT que la société PP Finances supportera les entiers dépens d'appel et que ce montant sera fixé au passif de la sauvegarde.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2025
(n° , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02891 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI4YP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2023 - tribunal de commerce de Paris 6ème chambre - RG n° 2022012830
APPELANTES
S.A.S.U. PP FINANCES placée sous sauvegarde par jugement rendu le 3 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Paris
[Adresse 2]
[Localité 9]
N°SIREN : 814 330 320
agissant poursuites et diligences par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
S.E.L.A.R.L. [E] CHARPENTIER agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP FINANCES, prise en la personne de Me [Y] [E] domicilié audit siège en ladite qualité
[Adresse 5]
[Localité 8]
N°SIREN : [Numéro identifiant 10]
S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIES, prise en la personne de Me [F] [Z], domiciliée audit siège en ladite qualité, désignée en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société PP FINANCES
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentées par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELARLU BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : D1119
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis TARCZYLO, avocat au barreau de Paris, toque : R057
INTIMÉE
Société LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE (CRCACF)
[Adresse 3]
[Localité 6]
N°SIREN : 445 200 488
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alexis SOBIERAJ, avocat au barreau de Paris, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant Me Olivier BOHBOT, avocat au barreau de Val-de-Marne, toque : PC 342
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé parVincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société PP Finances se trouve au bénéfice d'une procédure de sauvegarde dans le cadre de laquelle ont été désignés comme mandataire judiciaire la Selarl BDR et associés prise en la personne de Me [F] [Z], et comme commissaire à l'exécution du plan la Selarl [E]-Charpentier prise en la personne de Me [Y] [E]. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er février 2024, elles ont ensemble interjeté appel du jugement rendu le 14 décembre 2023 en ce que le tribunal de commerce de Paris saisi par voie d'assignation en date du 25 février 2022 délivrée à la requête de la société PP Finances et de la Selarl [E] Charpentier à la société Caisse régionale de crédit agricole Centre France et à la Selarl BDR et associés, a statué ainsi :
'Dit, à l'égard de la BROUARD [Z] remplacée par la société SAS BDR et ASSOCIES, prise en la personne de Me [F] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société PP FINANCES, l'assignation régulière et l'action recevable ;
Déboute SASU PP FINANCES et la SELARL [E]-CHARPENTIER ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP FINANCES, de leurs demandes ;
Fixe à la somme de 1 377 187,30 euros, à titre chirographaire, la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU PP FINANCES aux dépens (...)
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 13 mai 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de leurs dernières conclusions d'appelant, communiquées par voie électronique le 14 octobre 2024, la société PP Finances et la société [E]- Charpentier
présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
'Il est demandé à la cour d'appel de PARIS de :
Vu les dispositions des articles 907 et 789 du code de procédure civile, en leur rédaction applicable à la date de la déclaration d'appel de la présente instance ;
- Déclarer la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE irrecevable en sa fin de non-recevoir soulevée dans ses conclusions signifiées le 15 juillet 2024 ;
Puis,
- Juger les sociétés PP FINANCES et [E] CHARPENTIER, ès-qualité de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, recevables et fondées en leur appel ;
Et, y faisant droit,
- Infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2023 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n°2022012830), en ce qu'il a :
- débouté les sociétés PP FINANCES et [E] CHARPENTIER, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, de leurs demandes ;
- fixé à la somme de 1 377 187,30 € à titre chirographaire la créance de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE ;
- condamné la société PP FINANCES aux dépens ;
Et, statuant à nouveau,
Vu les dispositions des articles 1353, 2314 et 2356 du Code civil ;
Vu les dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce ;
- Rejeter l'intégralité des demandes, fins, conclusions et arguments de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE ;
- Rejeter la prétendue créance telle que formée le 30 juin 2020 devant le juge-commissaire chargé de la sauvegarde de la société PP FINANCES (tribunal de commerce de PARIS) ;
- Condamner la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE à régler la somme de 5 000 € à chacune des concluantes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE aux entiers dépens d'appel, dont ceux distraits au profit de Maître Belgin PELIT-JUMEL, Avocat à la Cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'
Au dispositif de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 juillet 2024 qui constituent ses uniques écritures, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Il est demandé à la Cour de :
Déclarer irrecevables les demandes des appelants sur le fondement de l'article 408 du CPC
Débouter la société PP FINANCES et la société [E] CHARPENTIER prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Vu la déclaration faite entre les mains du mandataire judiciaire par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, pour la somme de 1.377.187,30 euros :
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner solidairement la société PP FINANCES et la [E] CHARPENTIER prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan à régler à la CAISSE REGIONALE DE
CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure et Subsidiairement DIRE que ces sommes seront fixées au passif de la sauvegarde.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des écritures des parties et des pièces de la procédure les faits constants suivants.
1 - Le 22 janvier 2016, la société Montparnasse 106 a acquis un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1]. Cette acquisition ainsi que la réalisation de travaux ont été financées au moyen d'un prêt amortissable d'un montant de 1 557 000 euros, consenti par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, en date du 12 janvier 2016, qui était assorti notamment des garanties suivantes :
' un nantissement en premier rang sur le fonds de commerce ;
' le cautionnement solidaire de M. [H] [X] à hauteur de 1 012 050 euros ;
' le cautionnement solidaire de M. [K] [X] à hauteur de 130 000 euros ;
' le cautionnement solidaire de la société PP Finances, société-mère de la société à responsabilité limitée Montparnasse 106, à hauteur de 1 557 000 euros.
2 - Par jugement en date du 10 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Montparnasse 106. Le 22 octobre 2018, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société Montparnasse 106, pour une somme de 1 379 076,59 euros. Par ordonnance du juge commissaire en date du 17 juin 2019, la créance a été admise en sa totalité, à titre privilégié (au titre d'un nantissement de fonds de commerce).
Par jugement en date du 27 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Montparnasse 106, et arrêté son plan de cession au prix de 100 000 euros en faveur de M. [O] [I], avec faculté de substitution au profit de la société S5, à constituer, reprenant à son compte les contrats de prêt, dont le contrat en litige.
Le jugement de liquidation judiciaire a entraîné la déchéance du terme du prêt à l'égard des cautions, ce dont la banque, conformément aux stipulations du contrat de prêt signé par elles, les a informées, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, daté du 27 août 2020, sollicitant en conséquence de leur part paiement de la somme de 1 282 864,74 euros, se décomposant ainsi :
' Échéances impayées : 80 469,34 euros
' Intérêts contractuels : 14 032,13 euros
' Restant dû au 27 février 2019 : 1 187 536,23 euros
' Intérêts contractuels : 827,04 euros.
L'acte de cession à la société S5, de l'entreprise Montparnasse 106, a été enregistré le 15 mai 2019.
Par jugement en date du 5 août 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société S5. La déclaration de créance faite par la banque au passif de la procédure de sauvegarde de la société S5 à titre privilégié a fait l'objet d'une contestation. Par jugement du 7 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde de la société S5. La créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a été prise en compte à titre privilégié dans le cadre du plan, à titre conservatoire puisque contestée.
3 - Par ailleurs, par jugement en date du 3 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société PP Finances, caution du prêt litigieux.
- La créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a été admise à titre chirographaire au passif de la procédure collective de sauvegarde de la société PP Finances, par ordonnance du juge-commissaire en date du 30 juin 2020.
- Par jugement en date du 15 décembre 2020 le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de sauvegarde de la société PP Finances, prévoyant en ce qui concerne le Crédit Agricole un remboursement de sa créance par compensation avec les réglements effectuées par le débiteur principal, disposant : 'tout réglement effectué par la société S5 au titre du remboursement des échéances postérieures du prêt transféré conformément aux dispositions de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce, viendra compenser les remboursements que la société PP Finaces aura à effectuer au profit du Crédit Agricole dans le cadre de l'exécution du plan de sauvegarde' et 'en cas d'absence de réglement par la société S5, remboursement sur une durée de 10 ans, par annuités progressives'.
- Sur appel interjeté par la société PP Finances, par arrêt du 15 décembre 2021 la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du juge commissaire du 30 juin 2020 qui avait admis la créance de la banque au passif de la société PP Finances à titre chirographaire à hauteur de 1 377 187,30 euros, et a invité la société PP Finances à saisir le tribunal de commerce de Paris, afin de trancher la contestation de la créance déclarée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France.
- Par acte d'huissier de justice daté du 25 février 2022, la société PP Finances et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [E]-Charpentier en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde ont fait assigner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France et la société par actions simplifiée BDR & associés en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société PP Finances.
- Le tribunal a rendu le jugement dont appel, le 14 décembre 2023.
4 - Dans le cadre de la procédure d'appel, par conclusions du 14 février 2025, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a saisi d'incident le magistrat chargé de la mise en état de, auquel il était demandé de :
- Déclarer irrecevables les demandes des appelants pour défaut d'intérêt à agir sur le fondement de l'article 408 du code de procédure civile ;
- Déclarer l'extinction de l'instance.
Subsidiairement,
- Déclarer irrecevables les demandes des appelants pour défaut d'intérêt à agir à hauteur de la somme de 81 000 euros sur le fondement de l'article 408 du code de procédure civile.
En toute hypothèse,
- Débouter la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner solidairement la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan à régler à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, prise en la personne de son représentant légal, une somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner solidairement la société PP Finances et la société [E] - Charpentier prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, aux entiers dépens d'appel.
Subsidiairement,
- Dire que ces sommes seront fixées au passif de la sauvegarde.
Suivant conclusions d'incident notifiées le 4 mars 2025, la société par actions simplifiée unipersonnelle PP Finances et la société d'exercice libéral à responsabilité limitéeEl Baze Charpentier en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société PP Finances demandaient au magistrat chargé de la mise en état de :
Juger les sociétés PP Finances et El Baze Charpentier, ès-qualités de commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde, recevables et fondées en leur conclusions et demandes reconventionnelles ;
Et, y faisant droit,
À titre principal,
Vu les dispositions des articles 789, in fine, 907 et 914, alinéa 1er, du code de procédure civile, toutes dans leur rédaction applicable à la date de la déclaration d'appel, soit au 1er février 2024 ;
- Déclarer la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France irrecevable en son incident ;
À titre subsidiaire,
Vu les dispositions de l'article L. 626-21, alinéa 1er, du code de commerce ;
- Rejeter l'incident de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
En toute hypothèse,
Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil ;
Vu les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- Rejeter l'incident de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
- La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler la somme de 10 000 euros à chacune des concluantes, à titre de dommages-intérêts pour incident abusif, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de l'ordonnance à intervenir ;
- Condamner le cas échéant la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler une amende civile pour incident dilatoire et abusif, dont elle ou il fixera le montant qu'elle ou il lui plaira ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à régler la somme de 6 000 € à chacune des concluantes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France aux entiers dépens du présent incident, dont ceux distraits au profit de Maître Belgin Petit-Jumel, avocat à la cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le dispositif de l'ordonnance du conseiller en charge de la mise en état rendue le 25 mars 2015 est ainsi rédigé :
'DÉCLARE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France recevable en sa demande tendant à faire déclarer irrecevables les demandes des appelantes et à déclarer l'instance éteinte ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'acquiescement à la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
DÉBOUTE la société PP Finances et la société [E] Charpentier ès qualités de leurs demandes de dommages et intérêts pour incident abusif et de condamnation à une amende civile ;
CONDAMNE la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France aux dépens de l'incident, dont distraction au profit de maître Belgin Petit-Jumel, avocat à la cour, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'
Il en résulte qu'une partie des demandes contenues dans le dispositif, précité, des dernières conclusions de l'intimé en date du 15 juillet 2024 [celles au visa de l'article 408 du code de procédure civile] ont été définitivement tranchées par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mars 2025, qui n'a pas été déférée à la cour, et sont dès lors irrecevables.
****
Le tribunal, dans le jugement dont appel, a débouté la société PP Finances et les organes de la procédure de leurs prétentions. Devant la cour d'appel, sur le fond, restent débattues la question de la créance de la banque à admettre au passif de la procédure collective de la société PP Finances, et celle de l'application de l'article 2314 du code civil.
I) Sur la fixation de la créance
* Se référant aux dispositions de l'article 1353 du code civil, les appelants dans leurs écritures développent que les décomptes produits par le Crédit Agricole, afin de tenter de justifier du bien-fondé de sa prétendue créance détenue à l'encontre des concluants, ne sont manifestement pas probants. En effet, à l'inverse du tribunal, la cour ne pourra que constater que les montants qui y sont mentionnés ne correspondent aucunement à ce qui est
indiqué dans le tableau d'amortissement également produit par le Crédit Agricole. Ainsi, le Crédit Agricole mentionne dans son décompte que le capital et les intérêts contractuels restant dû s'élèveraient à la somme de 80 469 + 14 032,13 = 94 501,47 euros, ce qui correspondrait aux 'échéances impayées du 15/08/2018 au 27/02/2019'. Or, une analyse du tableau d'amortissement montre que de l'échéance du 15 août 2018 à celle du 15 janvier 2019 inclus, les sommes prétendument impayées s'élèveraient à la somme globale de : 13 500,21 x 6 = 81 001,26 euros, soit une somme nettement moindre. Il existe une différence de 13 500,21 euros, soit le montant exact d'une échéance, entre le montant allégué par le Crédit Agricole dans ses écritures et celui mentionné sur le tableau d'amortissement, qu'il verse lui-même aux présents débats. Cette incohérence ne peut que jeter le doute quant au prétendu bien-fondé de la créance alléguée par le Crédit Agricole dans le cadre de la présente instance, c'est-à-dire quant à son prétendu caractère certain, liquide et exigible. Si le montant-même du capital et des intérêts du prêt litigieux n'est déjà pas correct, comme cela vient d'être démontré, c'est toute la créance qui devient douteuse. Tant à l'occasion de ses conclusions régularisées en première instance qu'en cause d'appel, le Crédit Agricole a reconnu qu'il existe bien une différence de montants correspondant à une échéance, mais a tenté de faire croire au tribunal, comme il le fait désormais devant la cour, que l'erreur viendrait de la société PP Finances. Or la cour sera bien en peine de déceler dans les écritures de la banque la moindre explication précise et par quel raisonnement elle arrive au montant de la créance qu'elle prétend détenir à l'encontre de la société PP Finances.
Selon les appelants, le Crédit Agricole en outre refuse de procéder à un partage précis de sa prétendue créance entre la société PP Finances, caution de la société Montparnasse 106, d'une part, et la société S5 et M. [I], d'autre part, et d'appliquer en conséquence à la société PP Finances une règle de proportionnalité, afin de tenir compte de la date de transfert du fonds de commerce au profit de la société S5. Le Crédit Agricole affirme, dans ses conclusions, qu'aucune dichotomie entre les différents prétendus débiteurs ne devrait être effectuée, dans la mesure où la caution resterait de toute façon tenue pour le tout, c'est-à-dire pour le solde restant soi-disant dû à la banque, et produit un arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens, dont elle ne justifie pas du caractère définitif.
Aussi les appelants reprochent-ils au tribunal d'avoir reconnu qu'il existait une erreur sans en tirer les conséquences qui s'imposaient, à savoir l'incertitude de la prétendue créance alléguée par le Crédit Agricole. Le Crédit Agricole est impuissant à rapporter la preuve du montant de la créance qu'il allègue, c'est-à-dire la preuve de sa réalité. La cour rejettera donc les demandes de la banque, à défaut d'être clairement et précisément établies, conformément aux dispositions des dispositions de l'article 1353 du code civil.
* La banque fait valoir en premier lieu, pour répondre à la société PP Finances prétendant que le décompte produit par la banque serait insincère, puisqu'aucune règle de proportionnalité n'aurait été appliquée, et qu'elle ne serait redevable que des échéances échues et impayées, jusqu'à la date de déchéance du terme, que le cessionnaire c'est-à-dire la société S5, n'est tenue d'exécuter le contrat qu'à compter de la date du transfert de propriété et n'est pas tenue du passif contractuel né avant cette date ; la société PP Finances et les deux autres cautions sont quant à elles tenues du passif contractuel né avant cette date comme après cette date, il y a en effet adjonction et non substitution d'un débiteur en la personne de la société S5, de sorte que la transmission n'a nullement libéré le débiteur principal la société Montparnasse 106 de son obligation pour la totalité de la dette, ni la société PP Finances ès-qualités de caution, et pour les deux, que ce soit avant ou après la déchéance du terme. La société PP Finances est caution des obligations de la société Montparnasse 106, débitrice principale, et à ce titre a vocation à honorer aux lieu et place de cette dernière ses obligations issues du contrat de prêt. L'adjonction d'un nouveau débiteur en la personne de la société S5 au profit de la banque ne porte que sur la seule fraction de la dette restant à échoir à compter du transfert de propriété, le transfert de l'obligation de remboursement pesant sur le repreneur n'entraînant aucune décharge corrélative de la caution de la société emprunteuse. Il n'y a pas lieu à procéder à un partage précis de la créance entre les cautions et le repreneur et appliquer une règle de proportionnalité, tel que la partie adverse le réclame à nouveau à hauteur de cour. Il est produit l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens le 24 septembre 2019, page 12/19 , mais aussi l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 1er décembre 2016, page 6/9 qui rappellent que le créancier dispose de deux débiteurs principaux, le débiteur en procédure collective, le cessionnaire, mais aussi d'un autre débiteur, à savoir la caution. Ainsi, l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession, les mensualités à échoir, ne valant pas, sauf accord express du prêteur, qui n'a jamais eu lieu, novation par substitution du débiteur, la caution solidaire, en l'espèce PP Finances, des engagements de l'emprunteur, en l'espèce la société Montaparnasse 106, demeure tenue de garantir l'exécution du prêt, tant pour les échéances échues antérieurement au plan de cession que postérieurement. Il n'existe aucune jurisprudence contraire.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France fait valoir ensuite, en ce qui concerne la prétendue discordance des montants entre le tableau d'amortissement et le décompte de créance, que le montant dû par la société débitrice principale entre le 15 août 2018 et le 27 février 2019, comprend sept échéances impayées comme l'indique d'ailleurs elle-même la partie adverse. Quant au tableau d'amortissement pour la période du 15 août 2018 au 15 janvier 2019, s'y référant les appelants retiennent six échéances, au lieu des sept impayées, omettant sans raison d'inclure l'échéance du 15 février 2019, ce qu'a relevé le tribunal. Par suite, il n'existe aucune différence de calcul et de résultat entre le montant des échéances impayées et celui figurant dans le tableau d'amortissement.
Sur ce
Contrairement à ce qu'écrivent les appelants, les explications de la banque sont cohérentes et pertinentes, et surtout, sont confirmées par l'examen comparé des pièces qu'elle produit, à savoir : le tableau d'amortissement (pièce 16 de la banque) et le décompte de créance établi à la date de la liquidation judiciaire de la société Montparnasse 106 prononcée le 27 février 2019 (pièce 10 de la banque), pièces dont il ressort, sans ambiguité aucune puisque contrairement à ce qu'avancent les appelants il n'existe aucune discordance entre elles, que sont restées impayées sept échéances du prêt consenti à la société Montparnasse 106, entre le 15 août 2018 et le 15 février 2019 inclus, pour un montant de 80 469 euros (en capital) + 14 032,13 euros (intérêts contractuels au taux de 1,95 %) soit un total de 94 501,47 euros.
Le premier juge ayant relevé à juste titre que la créance n'est pas autrement contestée, au vu de ce qui précède il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne la fixation du montant de la créance de la banque - laquelle inclut le montant de ces sept échéances.
II) Sur l'application de l'article 2314 du code civil
Comme résumé par la banque intimée la société PP Finances se plaint de ne pas pouvoir être subrogée au privilège constitué par un nantissement sur le fonds de commerce et ce par le fait du créancier. Elle prétend aussi que le Crédit Agricole n'a pas pris de nantissement ou un privilège de vendeur sur le fonds de commerce de la société S5 et que depuis, d'autres inscriptions sont intervenues obérant ses chances dans l'hypothèse d'une action récursoire. Ainsi, elle reproche à la banque : 1) la perte du nantissement du fonds de commerce, 2) de ne pas avoir agi avec célérité et enfin, 3) de n'avoir pris aucune mesure ou garantie à l'égard de la société débitrice, autant d'agissements qui selon l'appelante font tomber la Caisse régionale de crédit agricole Centre France sous le coup des dispositions de l'article 2314 du code civil. La société PP Finances également se prévaut de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de commerce en ce qu'il prévoit que la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales, garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel porte ses sûretés, est transmise au cessionnaire.
La société PP Finances et la Selarl [E] Charpentier ès qualités développent, longuement, que le Crédit Agricole n'a effectué, depuis plus d'un an et demi, c'est-à-dire depuis la date de la cession de l'entreprise Montparnasse 106 à la société S5, aucune démarche pour le paiement du prêt par la société S5, cessionnaire, et en outre n'a pris aucune sûreté ou droit privilégiés à l'encontre de la société S5. Ainsi, cette négligence plus que blâmable et la volonté d'atermoiement du créancier constituent en soi une faute inexcusable qui décharge la caution (cf. Cass 1re Civ, 6 oct. 1971, Bull civ I, n° 253, D. 1973, p. 316). Le Crédit Agricole ne justifie pas avoir effectué la moindre démarche auprès de la société S5 en suite du plan de cession de la société Montparnasse 106. Aucune pièce n'a été produite en ce sens par l'intimée. La banque prétend qu'elle aurait 'tenté de parvenir sans succès à une résolution amiable du litige' en adressant des mises en demeure à la société PP Fiannces, dont le ton comminatoire habituel laisse tout sauf la moindre latitude à un rapprochement amiable entre les parties. Le Crédit Agricole a d'ailleurs une notion à géométrie variable de la tentative de résolution amiable d'un litige, dans la mesure où, à l'inverse, la banque a fait preuve d'un singulier laxisme à l'égard de la société S5, en attendant 18 mois après le transfert du prêt litigieux au profit de cette société pour lui réclamer enfin la reprise du remboursement dudit prêt. L'excuse invoquée par le prétendu créancier est la crise sanitaire liée à la propagation du Covid, survenue 12 mois après la cession, ce qui n'est pas sérieux. Cette même crise a touché toute la restauration et n'a pourtant pas empêché le Crédit Agricole de poursuivre la société PP Finances, ainsi que les autres cautions personnes physiques d'ailleurs, devant le tribunal de commerce de Paris, ainsi que dans une instance nouvelle devant ce même tribunal contre la société Mozart 109, société exploitant un restaurant et devant soutenir le plan de sauvegarde de la société holding PP Finances. Et ceci alors que le Crédit Agricole a approuvé le plan de sauvegarde de la société PP Finances devant le tribunal de commerce de Paris. Ainsi, le Crédit Agricole n'hésitait pas à agir en justice dans certains cas, y compris pendant la crise sanitaire, et ne le faisait pas dans d'autres notamment, en l'occurrence, quand il s'agissait de clients ayant des liens durables avec cette banque comme M. [I].
Or, la caution est déchargée si le créancier a laissé perdre un droit préférentiel de nature à accroitre ses chances de remboursement. C'est le cas d'un nantissement de fonds de commerce (cf. Cass. com., 3 nov 1975, Bull. civ. IV, n° 247). Un extrait Kbis et un état d'endettement de la société S5 en date du 7 février 2021 font apparaitre que le Crédit Agricole n'a pris ni nantissement ni privilège du vendeur sur le fonds de commerce de la société S5. Or, des créanciers ont pris de nouvelles inscriptions sur ce fonds de commerce.
Ainsi, outre le fait que le Crédit Agricole se désintéresse totalement du remboursement de son prêt depuis plusieurs années par la société S5, débiteur principal, il a laissé perdre un droit préférentiel, d'autres inscriptions étant intervenues entre-temps sur le fonds de la société S5, étant rappelé que l'exploitation des restaurants allait s'avérer de plus en plus difficile dans une période de crise sanitaire liée à la propagation du Covid 19. Aucune inscription n'a été prise par la banque créancière sur le fonds de commerce de la société S5, son débiteur. À tout le moins, devant la carence de la société S5, le Crédit Agricole ayant une créance apparemment fondée en son principe et faisant face à une menace de son recouvrement pouvait demander au tribunal de commerce de l'autoriser à prendre un nantissement judiciaire conservatoire sur le fonds du débiteur, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution (anciennement article 67 de la loi du 9.7.1991), s'il avait un doute quant à l'inscription d'un nantissement en vertu du prêt consenti à la société S5. Tel est le cas lorsque le recouvrement de la créance est menacé par l'inertie du débiteur (cf. Cass. 2e civ, 6 déc. 1989).
Par ailleurs, à l'inverse du tribunal, la cour rejettera en bloc l'affirmation péremptoire du Crédit Agricole selon laquelle les concluants ne rapporteraient pas la preuve de leur perte du bénéfice de la garantie à raison de l'attitude passive de la banque. L'état d'endettement de la société S5, qui contient la liste des privilèges et nantissements inscrits auprès du greffe du tribunal de céans, a été versé aux présents débats, et ce dès les premières conclusions des sociétés appelantes. Il ressort de façon claire et sans équivoque de cette pièce, que le Crédit Agricole n'a jamais cru bon devoir inscrire le nantissement du fonds de commerce cédé à la société S5 auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris. Partant, il s'agit bien d'une négligence blâmable et préjudiciable commise par le Crédit Agricole qui n'est dès lors pas sérieux à nier la réalité et à se contenter d'affirmer que le nantissement du fonds de commerce demeurerait dans le contrat de prêt en cause. Cette affirmation est vaine, puisqu'aucune inscription n'a été faite en ce sens concernant la société S5, privant ainsi la garantie de toute efficacité. Il était tout autant inexact d'affirmer, comme croit pouvoir le faire le Crédit Agricole dans ses écritures, que le nantissement demeurerait opposable aux propriétaires successifs du fonds grevé, alors qu'en l'absence de toute inscription afférente, ce qui est largement établi en l'espèce, l'opposabilité aux tiers de toute sorte est inexistante.
D'autre part, le Crédit Agricole ne craint pas non plus de se contredire dans ses propres conclusions, en développant, après avoir affirmé que le bénéfice du nantissement demeurait soi-disant dans le contrat de prêt en cause, l'hypothèse où les concluants auraient effectivement perdu le bénéfice de cette garantie, ce qui constitue une forme d'aveu de la part de la banque, qui ne conteste de toute façon aucunement dans ses conclusions ne pas avoir procédé à l'inscription du nantissement du fonds de commerce de la société S5, tout en se qualifiant de 'créancier inscrit', démontrant ainsi que la banque savait pertinemment qu'il lui appartenait de procéder à l'inscription du nantissement, afin de sauvegarder ses droits, puis ceux des cautions qui lui auraient été subrogées.
Le Crédit Agricole a également tenté de minimiser l'impact de sa négligence en rappelant avoir de toute façon déclaré sa créance à titre privilégié au passif de la société Montparnasse 106, confirmant davantage qu'aucune inscription n'a été prise sur le fonds de commerce de la société S5. Suite à recours, il n'existe à ce jour aucune certitude quant à l'admission de la créance du Crédit Agricole au passif de la société S5. Quand bien même cette créance aurait été admise en définitive au passif de cette société, la déclaration à ce passif ne constitue en rien un gage de sauvegarde du bénéfice du nantissement du fonds de commerce de la société S5, dans la mesure où l'inscription dudit nantissement est naturellement distincte de la procédure de déclaration de créance au passif d'une société en procédure collective. En l'absence d'inscription de la garantie sur l'état d'endettement du débiteur principal, tenu par le greffe du tribunal de commerce de Paris, les cautions subrogées perdent leurs droits sur le fonds de commerce, nonobstant la déclaration de créance qui aurait pu avoir été faite au passif dudit débiteur principal. Par conséquent, les justifications que tente d'apporter le Crédit Agricole sont de surcroît inopérantes. La cour relèvera également que la banque a également rappelé n'avoir jamais exprimé le moindre accord de façon expresse pour la perte du nantissement du fonds de commerce cédé à la société S5. Fort de ce rappel, le Crédit Agricole n'explique toutefois pas les raisons pour lesquelles il a cru pouvoir s'abstenir d'inscrire ce nantissement dès le transfert de propriété effectué, ce qui aurait permis de sauvegarder ses droits puis ceux des cautions éventuellement subrogées sur le fonds de commerce. La cour déplorera donc cette négligence blâmable de la part de la banque, au préjudice des droits des cautions.
(...) Il ressort donc des développements ci-dessus qu'il semble selon toute vraisemblance que M. [I], client banque privée du Crédit Agricole et dirigeant de la société S5, bénéficie d'un traitement de faveur. La banque Crédit Agricole ne conteste d'ailleurs pas vraiment cette réalité, dans la mesure où elle confirme avoir souhaité ne pas adopter une attitude trop brutale à l'égard de M. [I] et de la société S5 et avoir ainsi agi 'dans un souci de cohérence économique' soi-disant afin de laisser le temps à M. [I] de 'finaliser son entreprise' en l'occurrence 18 mois sans être remboursée de la moindre échéance du prêt. En réalité, l'explication que le Crédit Agricole tente de donner dans ses écritures témoigne de son malaise face à l'inertie flagrante dont il a fait preuve à l'égard de la société S5 et de son dirigeant, inertie qui ne saurait s'expliquer autrement que par un traitement de faveur exceptionnel de la banque à l'égard de ce dernier, client d'une caisse appartenant au groupe Crédit Agricole.
(...) Dans la mesure où il apparaît que la société S5 a tout mis en oeuvre afin d'évincer, notamment, la société Brouard-[Z], ès-qualités de liquidateur de la société Montparnasse 106, de la liste des créanciers admis à son passif, l'action récursoire dont la société PP Finances pouvait bénéficier si le Crédit Agricole avait correctement accompli les diligences en ce sens aurait dès lors permis d'assurer les concluants de se retourner contre la société S5 et d'espérer obtenir un recouvrement, notamment, par la mise en jeu du nantissement de fonds de commerce de cette société. Or, en ne procédant à aucune inscription de ce nantissement auprès du greffe du tribunal de commerce de céans, le Crédit Agricole s'est de toute évidence rendu coupable de négligence au préjudice des droits des concluants, privant ainsi ces derniers de tout espoir de recouvrer la moindre somme à l'encontre de la société S5, dans le cadre d'une action récursoire, cette société paraissant de surcroît animée par une singulière absence de bonne foi à l'égard de ses créanciers.
Le Crédit Agricole avance dans ses écritures l'argument selon lequel les concluants ne démontreraient pas que la valeur du fonds de commerce transmis à la société S5 aurait permis de recouvrer leur créance dans le cadre d'une action récursoire, affirmant que cette société serait soi-disant au bord de la liquidation judiciaire. Cependant, la société S5 est toujours sous sauvegarde et n'est aucunement au bord de la liquidation judiciaire comme le prétend à tort le Crédit Agricole. La question de déterminer si le fonds de commerce en cause est valorisé ou non à ce jour ne se pose même pas, dans la mesure où les concluants ne sauraient avoir des droits sur ce fonds puisque le Crédit Agricole n'a pas cru bon devoir sauvegarder ces droits en procédant à l'inscription du nantissement dudit fonds. L'argument avancé par la banque est inopérant et ne permet en aucune manière au Crédit Agricole d'échapper à sa responsabilité.
La banque intimée avance, en cause d'appel et dans ses conclusions signifiées le 15 juillet 2024, un nouvel argument, affirmant qu'en toute hypothèse et compte tenu du plan de sauvegarde de la société S5, l'appelante n'aurait de toute façon pas pu mettre en jeu le nantissement, quand bien même il aurait été inscrit sur le fonds de commerce de la société ce qui est inexact : contrairement à ce qu'elle allègue, le nantissement aurait pu prendre son plein effet, surtout si la société S5 se montrait défaillante dans le respect des termes de son plan de sauvegarde. Le Crédit Agricole indique d'ailleurs lui-même, dans ses propres écritures, qu'il 'n'a reçu aucun règlement de la société débitrice principale' c'est-à-dire de la part de la société S5, ce qui ne laisse présager rien de bon pour la suite. Par conséquent, non seulement la banque intimée reconnait devant la cour ne pas avoir procédé à l'inscription de son nantissement sur le fonds de commerce de la société S5, afin de préserver les droits des cautions tels que les concluantes, mais elle fait montre d'une désinvolture totale sur le sort de ce nantissement face à la défaillance de la société S5.
Le préjudice des concluantes est donc évident, puisque, par la faute ' non contestée au demeurant ' du Crédit Agricole, elles perdent le bénéfice de la garantie dont bénéficiait, pour sa part, la banque intimée. Le tribunal ne pouvait donc raisonnablement rejeter les prétentions des concluantes au regard de la jurisprudence ci-avant, en renversant la charge de la preuve de l'inefficacité de la subrogation et en dispensant la banque intimée de rapporter la preuve d'une prétendue limitation du préjudice subi par les concluantes.
La banque répond en premier lieu, que la société appelante ne démontre pas en quoi le Crédit agricole aurait perdu le bénéfice de la garantie, dès lors que le jugement de cession prévoit expressément la reprise des contrats de prêts consentis par le Crédit agricole conformément à l'article L 642-12 alinéa 4 du code du commerce. Dès lors, le nantissement de fonds de commerce demeure une garantie du contrat de prêt consenti à la société Montparnasse 106. Ainsi, le nantissement reste opposable aux propriétaires successifs du fonds grevé, de sorte que le privilège subsiste sur le gage nonobstant la transmission de cette sûreté qui figure dans le périmètre de la reprise arrêté au plan de cession. La société appelante ne démontre pas en conséquence la perte de sûreté dont elle se prévaut. Il semble que la société PP Finances n'ait pas saisi la portée des dispositions de l'article L. 642-12 du code de commerce, en ce que le Crédit agricole bénéficiait d'un nantissement garantissant le remboursement d'un crédit consenti à la société Montparnasse 106 pour lui permettre le financement de son fonds de commerce sur lequel portait précisément sa sûreté spéciale. Le tribunal de commerce de Paris ne s'y est nullement trompé puisqu'il juge exactement que 'Le nantissement de la société Montparnasse 106 figure toujours au profit de la Caisse à échéance du 22 juillet 2026, en ce qu'il a été inscrit le 22 juillet 2016, sur l'état relatif aux inscriptions des privilèges et publications de la société Montparnasse 106 ; Que l'absence de mention du nantissement au profit de la Caisse sur le fonds de commerce de la société S5 n'équivaut nullement à la disparition du nantissement dont entend se prévaloir la société PP Finances ; Qu'en outre, aucun texte n'exige d'un créancier qu'il procède à une inscription modificative du nantissement d'un fonds de commerce au registre des sûretés mobilières, suite à un plan de cession'.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France conclut, subsidiairement, qu'en tout état de cause, même à suivre le raisonnement totalement erroné de PP Finances, l'éventuelle perte de garantie ne résulterait pas du fait exclusif du créancier inscrit. En effet, d'une part, la déclaration de créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France au passif du débiteur principal cautionné est exclusive de toute faute ayant privé la caution de tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, découlant de l'absence de cette déclaration. La banque a régulièrement déclaré sa créance au passif du débiteur principal cautionné, et ce à titre privilégié et nanti pour un montant au surplus très supérieur aux engagements de caution de la société PP Finances. En effet, la caisse a produit sa créance pour un montant de 1 379 076,59 euros à titre privilégié et nanti tandis qu'il n'est réclamé qu'une somme de 1 282 864,74 euros à la société PP Finances tel que cela ressort de la mise en demeure notifiée le 27 août 2020. En outre, le grief de n'avoir pris aucune mesure à l'encontre de la société débitrice S5, à l'occasion de la cession, est totalement infondé puisque la perte éventuelle du nantissement du fonds de commerce ne serait alors pas imputable à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, créancière, mais procèderait au contraire exclusivement du jugement arrêtant le plan de cession. En effet, la cession du fonds a été conduite par le liquidateur judiciaire dûment autorisé par le juge commissaire dans le cadre d'un plan de cession et la perte du nantissement ne saurait nullement être imputée à la banque créancière qui n'a jamais exprimé un accord express pour la perte de ce nantissement. La société PP Finances est donc en toute hypothèse dans l'incapacité absolue de démontrer que le nantissement exclu du périmètre de la cession a été perdu de son fait exclusif. Une telle motivation est donc erronée et l'article 2314 du code civil inapplicable en l'espèce.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France poursuit en assurant qu'à aucun moment elle n'a manifesté un désintérêt à l'endroit de sa créance, puisqu'elle a produit sa créance qui a été admise, qu'elle a répondu au juge commissaire qui a admis sa créance à titre privilégié, qu'elle a notifié une mise en demeure à chacune des cautions d'avoir à régler le montant de sa créance, et qu'elle a fait assigner la société repreneur devant le tribunal de commerce de Paris.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France entend souligner que contrairement à ce que prétend la société PP Finances, elle n'a pas attendu 18 mois pour engager une procédure à l'encontre des cautions et de la société cessionnaire. En effet, postérieurement au jugement arrêtant le plan de cession, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a notifié les tableaux d'amortissement à la société cessionnaire qui a sollicité quelques mois de délai pour lui permettre de mettre en place la structure productive conforme à son offre de reprise et de lui laisser le temps de réaliser les travaux. Ainsi, dans un souci de cohérence économique, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a nécessairement laissé le temps à la société S5 de finaliser son entreprise, ce qui paraît parfaitement logique. Agir antérieurement lui aurait été reproché comme procédant d'une attitude trop brutale. Il n'y a eu aucun traitement privilégié, comme l'insinue de façon injurieuse la caution. Quoi qu'il en soit, et pour revenir au grief d'inertie, dès lors que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France s'est décidée à engager la procédure à la fin du mois de février 2020, une période protégée a été mise en place dont le terme n'a été fixé que le 23 juin 2020 à minuit. Compte-tenu des difficultés économiques notoires rencontrées par les restaurateurs, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a décidé de différer de trois mois l'engagement de la procédure, par respect et par solidarité. Il conviendra de rappeler tout de même à la société PP Finances qu'en matière de crédit à la consommation, la forclusion biennale a pour vocation à sanctionner un prêteur négligent. Le législateur estime donc que
ce n'est qu'au terme d'un délai de deux ans qu'il y a lieu de sanctionner le prêteur. En matière de prêt professionnel, la prescription est quinquennale. Le tribunal ne s'y est pas non plus trompé puisqu'il a parfaitement jugé que le créancier a donc agi en recouvrement de sa créance dans le délai de prescription, de sorte qu'il n'a pu commettre aucune faute et qu'aucun abus dans l'exercice de ce droit n'a été démontré ni même revendiqué. Le tribunal a d'ailleurs aussi également relevé que la société PP Finances ne procédait que par affirmations sans que ses propos ne soient étayés par la moindre pièce. En l'espèce, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a donc factuellement attendu douze mois (du mois de mars 2019 au mois de février 2020, date à laquelle elle a été empêchée) pour engager une procédure, ce qui, compte tenu des circonstances précitées, ne saurait nullement être considéré comme tardif. Il convient également d'ajouter que la déchéance du terme à l'encontre des cautions n'a été prononcée que le 27 août 2020, de sorte que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a engagé la procédure contentieuse à l'encontre des trois cautions et de la société cessionnaire moins d'un mois après cette notification, étant observé que ce n'est qu'à cette date que la banque pouvait exiger le paiement s'agissant d'une obligation à terme en ce que l'article 2233 du code civil dérogeant aux dispositions générales de l'article 2224 du code civil s'applique à un prêt professionnel.
Par ailleurs, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France fait valoir que le grief d'absence de constitution d'une garantie est sans objet dès lors qu'il est constant que le nantissement du fonds de commerce nonobstant son transfert, subsiste sur le gage qui est donc sauvegardé nonobstant sa transmission. En toute hypothèse, y compris celle d'une déperdition du privilège, l'article 2314 du code civil ne vise pour autant à aucun moment une quelconque obligation mise à la charge du prêteur de constituer un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société S5. En effet, la caution n'est libérée lorsque la subrogation ne peut plus s'opérer en sa faveur que si la garantie existait antérieurement au contrat de cautionnement ou si le créancier s'était engagé à les prendre. Tel n'est évidemment pas le cas de la constitution postérieure à un plan de cession d'un acte de nantissement.
En conclusion, la société PP Finances n'est pas parvenue à démontrer non seulement la perte du nantissement elle-même, mais encore la perte du nantissement du fait exclusif de la banque, ni encore que cette perte lui ouvrirait droit à décharge dans la mesure où elle ne justifie et ne prétend même pas avoir perdu une quelconque chance effective de succès dans l'hypothèse d'une action récursoire. Elle ne démontre pas que le fonds de commerce en question aurait conservé toute sa valeur, alors même que la société S5 affiche une perte de 571 000 euros en 2019 sur dix mois et qu'elle était proche en conséquence d'une liquidation. C'est à la société appelante d'administrer la preuve de son préjudice éventuel, ce qu'elle ne fait pas, ne produisant aucune pièce en ce sens. Bien plus, la société PP Finances administre elle-même la preuve de l'inexistence de son préjudice en page 21 de ses conclusions d'appelante, en ce qu'elle affirme que dans l'hypothèse d'une subrogation, il existe un très fort risque d'absence de règlement compte-tenu de ce que la société S5 a été placée en plan de sauvegarde. Ainsi, la société PP Finances affirme qu'il serait donc quasiment impossible pour la société S5 de la rembourser de façon spontanée. Dans une telle situation, le nantissement qui selon les dires de la société PP Finances ferait désormais défaut, ne lui serait donc d'aucune utilité, compte-tenu de la mesure de protection dont bénéficie la société S5. Dès lors, ce moyen sera considéré comme inopérant et rejeté en conséquence.
Sur ce
L'article 2314 du code civil, dispose :'La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.'
La décharge prévue par l'article 2314 du code civil est soumise à trois conditions qui doivent être cumulativement remplies (et uniquement celles-ci) : un droit susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation doit avoir été perdu, cette perte doit être intervenue par le fait du créancier, et la caution doit avoir éprouvé un préjudice.
Un droit préférentiel s'entend d'un droit susceptible de conférer à son titulaire une faculté plus grande dans la perception de sa créance, ajoutant un avantage à sa situation de chirographaire. Tel est le cas d'un nantissement du fonds de commerce.
Tout d'abord, la caution ne peut être déchargée que si les droits préférentiels existaient antérieurement ou concomitamment à son engagement (il suffira que les droits préférentiels soient entrés dans les prévisions de la caution).
En l'espèce, ce point ne fait pas débat : il est constant que le nantissement du fonds de commerce était envisagé comme garantie du contrat de prêt amortissable d'un montant de 1 557 000 euros, consenti par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France à la société Montparnasse 106 pour le financement de l'acquisition le 22 janvier 2016, d'un fonds de commerce de restaurant sis [Adresse 1]., et ce prêt était, en outre, assorti des garanties suivantes : le cautionnement solidaire de M. [H] [X] à hauteur de 1 012 050 euros, le cautionnement solidaire de M. [K] [X] à hauteur de 130 000 euros, et le cautionnement solidaire de la société PP Finances, société-mère de la société à responsabilité limitée Montparnasse 106, à hauteur de 1 557 000 euros.
Il est tout aussi constant que le nantissement portant sur le fonds de commerce acquis au moyen dudit prêt a été bel et bien inscrit au greffe du tribunal de commerce de Paris, le 26 juillet 2016, en suite de la cession du fonds de commerce intervenue le 13 juillet 2016 - Cf. Pièce 33 de la banque. La régularité de cette inscription et son efficience ne sont pas non plus contestées par la société PP Finances.
En l'occurence, il n'existe pas de perte d'un droit préférentiel, dans la mesure où le fonds de commerce nanti a été cédé dans le cadre de la procédure collective, que le contrat de prêt afférent a été repris par le cessionnaire, et que le nantissement a continué à produire ses effets et ainsi à grever le fonds de commerce cédé, sans qu'il ne soit besoin pour le créancier de procéder, à nouveau, à l'inscription de son privilège.
C'est d'ailleurs en ce sens que, dans une certaine mesure, le tribunal a jugé, statuant en ces termes :
' (...) la caution ne peut utilement invoquer le bénéfice de l'article 2314 du Code civil que si elle a subi un préjudice du fait de la perte des garanties qu'elle invoque, ce manquement de la part du créancier ne pouvant lui ouvrir droit à décharge que si elle a perdu une chance effective de succès de son action récursoire. Or, PP Finances, qui prétend bénéficier des dispositions de l'article 2314 susvisé, d'une part ne caractérise ni encore moins ne quantifie le préjudice qu'elle subirait du fait de l'abstention de CRCA qu'elle invoque, d'autre part n'explique pas le lien entre l'absence d'inscription modificative du nantissement de fonds de commerce et son préjudice, alors notamment que le nantissement est toujours inscrit sur le fonds de commerce cédé (souligné par nous-même) et que cette inscription est valable pendant encore deux ans et demi. En conséquence, le tribunal constatant qu'il ne lui est pas demandé par PP Finances de la décharger à concurrence d'un préjudice caractérisé et encore moins quantifié, ne pourra, au regard des dispositions de l'article 2314 du Code civil, que la débouter de sa demande qui se trouve être sans objet (...)'.
La société appelante entend critiquer cette décision en ce que le tribunal n'a aucunement tenu compte de son argumentation, et qu'il s'est mépris sur sa demande. De première part, il paraissait évident qu'il était sollicité la décharge de la caution la société PP Finances, de la totalité du montant de la créance dont la banque se prévaut. D'autre part, il revient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir que la subrogation n'aurait pas été efficace, et de prouver que le préjudice subi par la caution du fait de la perte des droits préférentiels est inférieur au montant de son engagement. Il n'en est rien en l'espèce et le tribunal n'a pas cru bon devoir le relever. Aussi, le tribunal n'a procédé à aucune vérification de la situation de la société PP Finances en l'absence d'inscription du nantissement de fonds de commerce, il ne pouvait se contenter de relever une prétendue absence de préjudice pour juger qu'il n'existait pas de motif à décharger la société PP Finances de sa caution à hauteur de la totalité du montant de la créance alléguée par la banque, ce alors que le préjudice est parfaitement démontré, puisqu'en cas de subrogation, il existe un très fort risque, la débitrice principale, la société S5, étant sous plan de sauvegarde : en cas d'impossibilité pour elle de rembourser de façon spontanée la caution, la société PP Finances, cette dernière ne pourrait aucunement se reposer sur le nantissement de fonds de créance, qui n'a pas été inscrit par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France.
Il est à relever que l'intégralité des développements de la société appelante repose sur le postulat que le nantissement inscrit initialement sur le fonds de commerce se serait évaporé faute d'avoir été renouvelé à l'égard de la société cessionnaire, inscription qui selon la société appelante était absolument nécessaire, ce qui est inexact puisque le nantissement a continué à produire ses effets et ainsi à grever le fonds de commerce cédé, sans qu'il ne soit besoin pour le créancier de procéder, à nouveau, à l'inscription de son privilège, en sorte qu'en réalité aucun droit préférentiel n'a été perdu, la société appelante soutenant, à tort, le contraire.
Par conséquent, cette condition de perte d'un droit préférentiel n'étant pas remplie et les trois conditions résultant de l'article 2314 du code civil étant cumulatives, ces dispositions ne peuvent recevoir application et la caution n'est pas fondée à demander à être déchargée de son engagement.
Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les appelantes, qui succombent, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
DÉCLARE irrecevable la demande de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, tendant à voir 'Déclarer irrecevables les demandes des appelants sur le fondement de l'article 408 du CPC' ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant :
FIXE à 2 000 euros la somme due par la société PP Finances en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les appelants de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;
DIT que la société PP Finances supportera les entiers dépens d'appel et que ce montant sera fixé au passif de la sauvegarde.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT