CA Limoges, ch. soc., 2 octobre 2025, n° 24/00724
LIMOGES
Arrêt
Autre
ARRET N° .
N° RG 24/00724 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BITTF
AFFAIRE :
S.A.S. ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
C/
S.E.L.A.R.L. [X] ASSOCIES assignée en intervention forcée le 10-03-25., S.A.R.L. PHARMACIE [K] la Société PHARMACIE [K], SARL au capital de 80.000 €, dont le siège est situé [Adresse 3], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIMOGES sous le numéro 525 322 798, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
OJLG
Demande en nullité du nantissement et de l'inscription du nantissement du fonds de commerce
Grosse délivrée à , Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, le 02-10-25
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
---==oOo==---
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025
---==oOo==---
Le deux Octobre deux mille vingt cinq la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A.S. ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 26 JUILLET 2024 par le PRESIDENT DU TC DE [Localité 5]
ET :
S.E.L.A.R.L. [X] ASSOCIES assignée en intervention forcée le 10-03-25., demeurant [Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
S.A.R.L. PHARMACIE [K] la Société PHARMACIE [K], SARL au capital de 80.000 €, dont le siège est situé [Adresse 3], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIMOGES sous le numéro 525 322 798, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES
---==oO§Oo==---
Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 01 Juillet 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
---==oO§Oo==---
LA COUR
---==oO§Oo==---
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Pharmacie [K], inscrite au RCS de [Localité 5], exploite une pharmacie à [Localité 4], en Haute [Localité 7]. Elle est gérée par Mme [C] [K].
La société Alliance Healthcare Repartition, inscrite au RCS de [Localité 6], exerce une activité de répartition de médicaments, produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques.
Les sociétés Pharmacie [K] et Alliance Healthcare Repartition entretenaient des relations commerciales, la première s'approvisionnant auprès de la seconde.
Par jugement du tribunal de commerce de Limoges du 28 mai 2014, la société Pharmacie [K] a été placée en procédure de sauvegarde judiciaire.
La société Alliance Healthcare Repartition (ci-après AHR) a déclaré une créance à titre chirographaire de 58.725,40 € au passif de la procédure, par courrier du 08 juillet 2014.
Un plan de sauvegarde a été adopté le 22 juillet 2015, pour une durée de dix ans, et modifié le 10 mars 2021.
Suite à des arriérés de paiement postérieurs, les sociétés Pharmacie [K] et AHR ont convenu, par acte sous seings privés du 11 mars 2019, d'un plan de remboursement n° 2019020037 aux termes duquel :
la société AHR a consenti à la société Pharmacie [K] un échéancier de paiement sur vingt-quatre mois pour apurer une dette de 25.183,47 €, assorti d'un taux d'intérêt annuel de 1 % HT,
la société Pharmacie [K] s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaires mensuel hors taxe d'au moins 15.000 €
Le même jour, par un acte séparé, la société Pharmacie [K] a consenti à la société AHR un nantissement sur son fonds de commerce, pour un montant maximal de 41.000 €, en garantie d'une créance de 40.683,47 € (correspondant à 15.500 € au titre d'un encours moyen d'achats, et à 25.183,47 € au titre des factures impayées ayant fait l'objet de l'échéancier susvisé).
Mme [K] s'est portée caution solidaire de la société Pharmacie [K] à hauteur de ce même montant.
Ce nantissement a été inscrit au greffe du tribunal de commerce le 05 avril 2019.
Le 03 juillet 2020, les sociétés Pharmacie [K] et AHR ont convenu d'un nouveau plan de remboursement n° 2020070010 aux termes duquel :
la société AHR a consenti à la société Pharmacie [K] un échéancier de paiement sur dix-huit mois pour apurer une dette de 19.500 €, assorti d'un taux d'intérêt annuel augmenté à 4 % HT,
la société Pharmacie [K] s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaires mensuel hors taxe d'au moins 18.000 €.
La société Pharmacie [K] a effectué les paiements prévus et apuré sa dette en totalité.
En conséquence, par courrier recommandé du 02 mai 2024, reçu le 06 mai, la société Pharmacie [K] a sollicité auprès de la société AHR la main-levée de son inscription de nantissement.
La société AHR n'a pas procédé à la main-levée requise.
Par exploit du 04 juillet 2024, la société Pharmacie [K] a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Limoges aux fins d'obtenir la main-levée de l'inscription sur son fonds de commerce, et la condamnation de la société Alliance Healthcare Repartition au paiement d'une provision de 10.000 € à valoir sur son préjudice.
Par courriel du même jour, la société AHR a envoyé les actes de main-levée du nantissement à la société Pharmacie [K].
Elle a justifié de sa rétention du nantissement jusqu'alors par un 'risque financier potentiel', qui serait caractérisé par l'absence de dividendes versé au titre du plan de redressement, et par les difficultés financières rencontrées par la pharmacie.
Le 08 juillet 2024, l'inscription en nantissement sur le fonds de commerce de la société Pharmacie [K] a été radiée.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 26 juillet 2024, le président du tribunal de commerce de Limoges a :
Condamné la société Alliance Healthcare Repartition à payer à la SARL Pharmacie [K] la somme de 5 000 euros à titre de provision en réparation du préjudice subi à raison de la position prise par son cocontractant,
Condamné la société Alliance Healthcare Repartition à verser à la SARL Pharmacie [K] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 38,65 euros dont 6,44 euros de TVA.
Cette ordonnance a été signifiée par exploit du 20 septembre 2024 à la société AHR, qui en a relevé appel par déclaration du 04 octobre 2024.
Par jugement du 08 janvier 2025, le tribunal des activités économique de Limoges a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société Pharmacie [K], et l'ouverture d'une procédure de redressement à son égard.
La société [X] Associés a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée du 22 février 2025, la société AHR a déclaré au mandataire judiciaire une créance de 21.203,04 € au titre du solde des annuités du plan résolu, et de 7.030,37 € au titre de l'annulation de la saisie-attribution opérée par la société Pharmacie [K] le 31 octobre 2024 en exécution du jugement entrepris.
Par ordonnance du 05 mars 2025, le conseiller de la mise en état a interrompu l'instance, en invitant les parties à appeler en la cause le mandataire judiciaire.
Par exploit du 10 mars 2025, la société Alliance Healthcare Repartition a appelé en cause la SELARL [X] Associés, es qualités.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures du 12 mars 2025, la société Alliance Healthcare Repartition demande à la cour de :
Annuler purement et simplement l'ordonnance de référé rendue le 26 juillet 2024.
Subsidiairement l'INFIRMER en ce qu'elle :
CONDAMNE la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la SARL PHARMACIE [K] la somme de 5 000 euros à titre de provision en réparation du préjudice subi à raison de la position prise par son cocontractant,
CONDAMNE la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à verser à la SARL PHARMACIE [K] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 38,65 euros dont 6,44 euros de TVA,
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire.
Statuant à nouveau :
Débouter la PHARMACIE [K] de chacune ses demandes
Débouter la SARL PHARMACIE [K] de sa demande de dommages et intérêts et d'amende civile,
La condamner solidairement avec Me [X], es qualité, à la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE outre les dépens de première instance et d'appel.
La société Alliance Healthcare Repartition soutient à titre liminaire que le juge des référés était incompétent pour se prononcer sur la demande de provision de la société Pharmacie [K], cette demande s'analysant en une demande de dommages et intérêts, par ailleurs sérieusement contestable.
En effet, la société Pharmacie [K] ne justifiait et ne justifie toujours d'aucun élément de preuve à l'appui du préjudice allégué.
La société AHR conteste avoir été de mauvaise foi dans le maintien du nantissement litigieux, ou à l'occasion de la présente procédure d'appel.
Aux termes de leurs dernières écritures du 18 mars 2025, la société Pharmacie [K] et la société [X] ASSOCIES es qualité, demandent à la cour de :
Débouter la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION, de son appel DECLARE mal fondé.
Constater l'intervention de la Société [X] ASSOCIES, ès qualités, qui s'associe en totalité aux demandes présentées par la Société PHARMACIE [K].
Confirmer intégralement l'ordonnance entreprise.
Condamner la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la Société PHARMACIE [K] une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamner la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la Société PHARMACIE [K] une indemnité supplémentaire de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la même aux dépens d'appel, en accordant à Maître Philippe CHABAUD, Avocat, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08/03/2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société Pharmacie [K], ainsi que son mandataire judiciaire, soutiennent que c'est abusivement que la société AHR a maintenu son inscription en nantissement postérieurement à mai 2024, et qu'elle en a subi un préjudice puisque ce maintien a rendu plus difficile sa collaboration avec des concurrents de cette société.
Par ailleurs, ce maintien injustifié couplé avec l'appel abusif de la société AHR a accentué ses difficultés financières, et entrainé une nouvelle procédure de redressement.
Selon la société Pharmacie [K], l'existence de son préjudice suite à la résistance injustifiée de la société AHR n'est pas sérieusement contestable.
En effet, l'appelante elle-même a reconnu sa faute à l'occasion du jugement entrepris.
Ainsi, le juge des référés était en droit d'ordonner une provision à faire valoir sur ledit préjudice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION:
Aucun motif de nature à entraîner l'annulation de l'ordonnance déférée n'est invoqué par l'appelante.
La demande est rejetée.
En vertu des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En vertu des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile,
Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La société PHARMACIE [K] ne précise pas sur quel fondement juridique repose sa demande indemnitaire.
L'examen du dossier démontre que le conseil de la société PHARMACIE [K] a demandé la mainlevée du nantissement pour la première fois par courrier recommandé du 05 mai 2023, alors que la société avait payé ses dettes échues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en respectant les échéanciers signés en 2019 et 2020.
Le nantissement n'a été levé qu'au mois de juillet 2024, après délivrance de l'assignation devant le juge des référés.
Pour autant, faire droit à la demande indemnitaire de la société PHARMACIE [K] suppose:
- de reconnaître le comportement fautif d'un créancier qui est son fournisseur depuis plus d'une dizaine d'années, bien qu'elle ait fait l'objet d'une procédure collective et ait accumulé des dettes postérieures, qui ont fait l'objet de réaménagements plutôt que de demandes de résolution du plan,
- d'apprécier le préjudice causé par le retard pris dans la mainlevée du nantissement, alors que la poursuite du plan de redressement et la publicité en découlant était en soi des éléments suffisants pour dissuader de potentiels fournisseurs de conclure des contrats.
Or, les dispositions de l'article 873 susvisées ne permettent d'allouer une provision que pour autant que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable, ce qui n'est donc pas le cas en l'espèce, le fondement de la responsabilité recherché étant délictuel et non contractuel.
Dès lors, elle excède les pouvoirs du juge des référés et l'ordonnance déférée est infirmée en ce que des dommages et intérêts ont été alloués à la société PHARMACIE [K].
Il n'y a pas lieu à référés sur cette demande, et les parties sont renvoyées à se pourvoir.
Compte tenu de cette infirmation, le recours de la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION ne peut être qualifié d'abusif et la demande indemnitaire formée à ce titre est rejetée.
La société PHARMACIE [K], qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
---==oO§Oo==---
PAR CES MOTIFS
---==oO§Oo==---
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l'ordonnance déférée.
Statuant à nouveau:
Dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de provision de la société PHARMACIE [K].
Renvoie les parties à se pourvoir sur ce point.
Déboute la société PHARMACIE [K] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamne la société PHARMACIE [K] représentée par son mandataire judiciaire, la société [X] ASSOCIES, aux dépens de première instance et d'appel.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.
N° RG 24/00724 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BITTF
AFFAIRE :
S.A.S. ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
C/
S.E.L.A.R.L. [X] ASSOCIES assignée en intervention forcée le 10-03-25., S.A.R.L. PHARMACIE [K] la Société PHARMACIE [K], SARL au capital de 80.000 €, dont le siège est situé [Adresse 3], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIMOGES sous le numéro 525 322 798, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
OJLG
Demande en nullité du nantissement et de l'inscription du nantissement du fonds de commerce
Grosse délivrée à , Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, le 02-10-25
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
---==oOo==---
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025
---==oOo==---
Le deux Octobre deux mille vingt cinq la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A.S. ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION Prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 26 JUILLET 2024 par le PRESIDENT DU TC DE [Localité 5]
ET :
S.E.L.A.R.L. [X] ASSOCIES assignée en intervention forcée le 10-03-25., demeurant [Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
S.A.R.L. PHARMACIE [K] la Société PHARMACIE [K], SARL au capital de 80.000 €, dont le siège est situé [Adresse 3], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIMOGES sous le numéro 525 322 798, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES
---==oO§Oo==---
Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 01 Juillet 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
---==oO§Oo==---
LA COUR
---==oO§Oo==---
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Pharmacie [K], inscrite au RCS de [Localité 5], exploite une pharmacie à [Localité 4], en Haute [Localité 7]. Elle est gérée par Mme [C] [K].
La société Alliance Healthcare Repartition, inscrite au RCS de [Localité 6], exerce une activité de répartition de médicaments, produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques.
Les sociétés Pharmacie [K] et Alliance Healthcare Repartition entretenaient des relations commerciales, la première s'approvisionnant auprès de la seconde.
Par jugement du tribunal de commerce de Limoges du 28 mai 2014, la société Pharmacie [K] a été placée en procédure de sauvegarde judiciaire.
La société Alliance Healthcare Repartition (ci-après AHR) a déclaré une créance à titre chirographaire de 58.725,40 € au passif de la procédure, par courrier du 08 juillet 2014.
Un plan de sauvegarde a été adopté le 22 juillet 2015, pour une durée de dix ans, et modifié le 10 mars 2021.
Suite à des arriérés de paiement postérieurs, les sociétés Pharmacie [K] et AHR ont convenu, par acte sous seings privés du 11 mars 2019, d'un plan de remboursement n° 2019020037 aux termes duquel :
la société AHR a consenti à la société Pharmacie [K] un échéancier de paiement sur vingt-quatre mois pour apurer une dette de 25.183,47 €, assorti d'un taux d'intérêt annuel de 1 % HT,
la société Pharmacie [K] s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaires mensuel hors taxe d'au moins 15.000 €
Le même jour, par un acte séparé, la société Pharmacie [K] a consenti à la société AHR un nantissement sur son fonds de commerce, pour un montant maximal de 41.000 €, en garantie d'une créance de 40.683,47 € (correspondant à 15.500 € au titre d'un encours moyen d'achats, et à 25.183,47 € au titre des factures impayées ayant fait l'objet de l'échéancier susvisé).
Mme [K] s'est portée caution solidaire de la société Pharmacie [K] à hauteur de ce même montant.
Ce nantissement a été inscrit au greffe du tribunal de commerce le 05 avril 2019.
Le 03 juillet 2020, les sociétés Pharmacie [K] et AHR ont convenu d'un nouveau plan de remboursement n° 2020070010 aux termes duquel :
la société AHR a consenti à la société Pharmacie [K] un échéancier de paiement sur dix-huit mois pour apurer une dette de 19.500 €, assorti d'un taux d'intérêt annuel augmenté à 4 % HT,
la société Pharmacie [K] s'est engagée à confier à la société AHR un chiffre d'affaires mensuel hors taxe d'au moins 18.000 €.
La société Pharmacie [K] a effectué les paiements prévus et apuré sa dette en totalité.
En conséquence, par courrier recommandé du 02 mai 2024, reçu le 06 mai, la société Pharmacie [K] a sollicité auprès de la société AHR la main-levée de son inscription de nantissement.
La société AHR n'a pas procédé à la main-levée requise.
Par exploit du 04 juillet 2024, la société Pharmacie [K] a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Limoges aux fins d'obtenir la main-levée de l'inscription sur son fonds de commerce, et la condamnation de la société Alliance Healthcare Repartition au paiement d'une provision de 10.000 € à valoir sur son préjudice.
Par courriel du même jour, la société AHR a envoyé les actes de main-levée du nantissement à la société Pharmacie [K].
Elle a justifié de sa rétention du nantissement jusqu'alors par un 'risque financier potentiel', qui serait caractérisé par l'absence de dividendes versé au titre du plan de redressement, et par les difficultés financières rencontrées par la pharmacie.
Le 08 juillet 2024, l'inscription en nantissement sur le fonds de commerce de la société Pharmacie [K] a été radiée.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 26 juillet 2024, le président du tribunal de commerce de Limoges a :
Condamné la société Alliance Healthcare Repartition à payer à la SARL Pharmacie [K] la somme de 5 000 euros à titre de provision en réparation du préjudice subi à raison de la position prise par son cocontractant,
Condamné la société Alliance Healthcare Repartition à verser à la SARL Pharmacie [K] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 38,65 euros dont 6,44 euros de TVA.
Cette ordonnance a été signifiée par exploit du 20 septembre 2024 à la société AHR, qui en a relevé appel par déclaration du 04 octobre 2024.
Par jugement du 08 janvier 2025, le tribunal des activités économique de Limoges a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société Pharmacie [K], et l'ouverture d'une procédure de redressement à son égard.
La société [X] Associés a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée du 22 février 2025, la société AHR a déclaré au mandataire judiciaire une créance de 21.203,04 € au titre du solde des annuités du plan résolu, et de 7.030,37 € au titre de l'annulation de la saisie-attribution opérée par la société Pharmacie [K] le 31 octobre 2024 en exécution du jugement entrepris.
Par ordonnance du 05 mars 2025, le conseiller de la mise en état a interrompu l'instance, en invitant les parties à appeler en la cause le mandataire judiciaire.
Par exploit du 10 mars 2025, la société Alliance Healthcare Repartition a appelé en cause la SELARL [X] Associés, es qualités.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures du 12 mars 2025, la société Alliance Healthcare Repartition demande à la cour de :
Annuler purement et simplement l'ordonnance de référé rendue le 26 juillet 2024.
Subsidiairement l'INFIRMER en ce qu'elle :
CONDAMNE la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la SARL PHARMACIE [K] la somme de 5 000 euros à titre de provision en réparation du préjudice subi à raison de la position prise par son cocontractant,
CONDAMNE la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à verser à la SARL PHARMACIE [K] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 38,65 euros dont 6,44 euros de TVA,
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire.
Statuant à nouveau :
Débouter la PHARMACIE [K] de chacune ses demandes
Débouter la SARL PHARMACIE [K] de sa demande de dommages et intérêts et d'amende civile,
La condamner solidairement avec Me [X], es qualité, à la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE outre les dépens de première instance et d'appel.
La société Alliance Healthcare Repartition soutient à titre liminaire que le juge des référés était incompétent pour se prononcer sur la demande de provision de la société Pharmacie [K], cette demande s'analysant en une demande de dommages et intérêts, par ailleurs sérieusement contestable.
En effet, la société Pharmacie [K] ne justifiait et ne justifie toujours d'aucun élément de preuve à l'appui du préjudice allégué.
La société AHR conteste avoir été de mauvaise foi dans le maintien du nantissement litigieux, ou à l'occasion de la présente procédure d'appel.
Aux termes de leurs dernières écritures du 18 mars 2025, la société Pharmacie [K] et la société [X] ASSOCIES es qualité, demandent à la cour de :
Débouter la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION, de son appel DECLARE mal fondé.
Constater l'intervention de la Société [X] ASSOCIES, ès qualités, qui s'associe en totalité aux demandes présentées par la Société PHARMACIE [K].
Confirmer intégralement l'ordonnance entreprise.
Condamner la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la Société PHARMACIE [K] une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamner la Société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION à payer à la Société PHARMACIE [K] une indemnité supplémentaire de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la même aux dépens d'appel, en accordant à Maître Philippe CHABAUD, Avocat, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08/03/2001 devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société Pharmacie [K], ainsi que son mandataire judiciaire, soutiennent que c'est abusivement que la société AHR a maintenu son inscription en nantissement postérieurement à mai 2024, et qu'elle en a subi un préjudice puisque ce maintien a rendu plus difficile sa collaboration avec des concurrents de cette société.
Par ailleurs, ce maintien injustifié couplé avec l'appel abusif de la société AHR a accentué ses difficultés financières, et entrainé une nouvelle procédure de redressement.
Selon la société Pharmacie [K], l'existence de son préjudice suite à la résistance injustifiée de la société AHR n'est pas sérieusement contestable.
En effet, l'appelante elle-même a reconnu sa faute à l'occasion du jugement entrepris.
Ainsi, le juge des référés était en droit d'ordonner une provision à faire valoir sur ledit préjudice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION:
Aucun motif de nature à entraîner l'annulation de l'ordonnance déférée n'est invoqué par l'appelante.
La demande est rejetée.
En vertu des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En vertu des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile,
Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La société PHARMACIE [K] ne précise pas sur quel fondement juridique repose sa demande indemnitaire.
L'examen du dossier démontre que le conseil de la société PHARMACIE [K] a demandé la mainlevée du nantissement pour la première fois par courrier recommandé du 05 mai 2023, alors que la société avait payé ses dettes échues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en respectant les échéanciers signés en 2019 et 2020.
Le nantissement n'a été levé qu'au mois de juillet 2024, après délivrance de l'assignation devant le juge des référés.
Pour autant, faire droit à la demande indemnitaire de la société PHARMACIE [K] suppose:
- de reconnaître le comportement fautif d'un créancier qui est son fournisseur depuis plus d'une dizaine d'années, bien qu'elle ait fait l'objet d'une procédure collective et ait accumulé des dettes postérieures, qui ont fait l'objet de réaménagements plutôt que de demandes de résolution du plan,
- d'apprécier le préjudice causé par le retard pris dans la mainlevée du nantissement, alors que la poursuite du plan de redressement et la publicité en découlant était en soi des éléments suffisants pour dissuader de potentiels fournisseurs de conclure des contrats.
Or, les dispositions de l'article 873 susvisées ne permettent d'allouer une provision que pour autant que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable, ce qui n'est donc pas le cas en l'espèce, le fondement de la responsabilité recherché étant délictuel et non contractuel.
Dès lors, elle excède les pouvoirs du juge des référés et l'ordonnance déférée est infirmée en ce que des dommages et intérêts ont été alloués à la société PHARMACIE [K].
Il n'y a pas lieu à référés sur cette demande, et les parties sont renvoyées à se pourvoir.
Compte tenu de cette infirmation, le recours de la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION ne peut être qualifié d'abusif et la demande indemnitaire formée à ce titre est rejetée.
La société PHARMACIE [K], qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
---==oO§Oo==---
PAR CES MOTIFS
---==oO§Oo==---
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l'ordonnance déférée.
Statuant à nouveau:
Dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de provision de la société PHARMACIE [K].
Renvoie les parties à se pourvoir sur ce point.
Déboute la société PHARMACIE [K] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamne la société PHARMACIE [K] représentée par son mandataire judiciaire, la société [X] ASSOCIES, aux dépens de première instance et d'appel.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.